I
Heather
La chambre de ma tante est un mélange de chaleur et de mystère, les murs ornés de livres anciens et de souvenirs d'un temps révolu. L'odeur du bois poli et des herbes séchées flotte dans l'air, créant une atmosphère à la fois réconfortante et inquiétante. Le cœur battant, j'aide ma tante à soulever le jeune inconnu, dont le corps est lourd et inerte. Nous le déposons délicatement sur le lit, un vieux meuble en chêne, usé par le temps mais toujours solide.
« Qu'est-ce que c'est, les sang-nés ? » je demande, la voix tremblante trahissant mon inquiétude.
J'observe ma tante, cherchant une réponse dans ses yeux, mais Sophie détourne le regard, son expression grave. Je me tourne ensuite vers ma cousine Savannah, qui se tient là, silencieuse, le visage blême.
Les regards qu'elles échangent sont chargés de mystère et d'une compréhension silencieuse, et cela me fait frémir. Quelque chose se trame, quelque chose que je ne comprends pas.
« Savannah, va chercher un récipient avec de l'eau et des compresses pour nettoyer sa blessure » ordonné Sophie d'un ton autoritaire, comme si cette simple tâche pouvait atténuer l'angoisse ambiante.
Savannah acquiesçe, ses yeux noisette trahissant une fatigue que je ne peux ignorer. Je regarde ma cousine s'éclipser, se demandant ce qui peut bien se passer entre elles. Pourquoi n'expliquent-elles rien ? Pourquoi ce silence pesant ?
Quand Savannah disparaît, je tourne mon attention vers le jeune inconnu. Je m'approche lentement, scrutant son visage, marqué par la douleur et l'effort. Qu'est-ce qui avait bien pu lui arriver pour qu'il se retrouve dans cet état ? Et pourquoi n'était-il pas allé à l'hôpital ? Une vague d'inquiétude m'envahit. Qui est-il vraiment, et quel lien a-t-il avec ma tante ?
« Je peux aider » je propose timidement, brisant le silence pesant.
Sophie se redresse lentement, ses yeux pleins de fermeté. « Non, Heather. Va te reposer. Je vais m'occuper de tout. »
Le refus de ma tante me blesse. Je veux être utile, mais elle semble déterminée à m'éloigner.
« Mais je... »
« Je n'ai pas besoin de ton aide, » rétorque-t-elle, son ton ne laissant aucune place à la discussion.
Avec un soupir résigné, je me détourne, jetant un dernier regard au jeune homme. Une part de moi se sent coupable de partir, comme si j'abandonne quelqu'un qui a besoin de moi. Je sors de la chambre, le cœur lourd, la tête pleine de questions.
Une fois dans le couloir, je me laisse glisser contre le mur, la tête pleine de pensées chaotiques. Je sais qu'il y a quelque chose de sinistre dans cette situation. Soudain, j'entends des murmures venant de la chambre. Curieuse mais hésitante, j'avance doucement vers la porte, plaçant mon oreille contre le bois froid. Je sais que c'est mal de vouloir écouter, mais une angoisse sourde m'anime.
« Va-t-il survivre au poison ? » demande Savannah, sa voix tremblante de peur.
Le silence qui suit est assourdissant, puis Sophie répond d'une voix grave : « Cela fait déjà plus de quatre heures que le poison est dans son organisme. Son corps semble incroyablement résistant. »
Les mots résonnent dans mon esprit comme un coup de tonnerre. Poison ? Qu'est-ce qu'elles ont à voir avec ce jeune homme ? Puis, un cri de douleur déchire l'air. C'était lui. Son hurlement résonne dans le couloir, et je ne peux rester là, figée par la terreur. Je pousse la porte, ignorant les regards surpris de ma tante et de Savannah.
Dans la pièce, un spectacle horrifiant se déroule.
Le corps du jeune homme flotte au-dessus du lit, enroulé dans une sphère lumineuse d'énergie surnaturelle. Il se tord de douleur, son visage déformé par l'angoisse, tandis que Sophie et Savannah, les mains tendues, semblent contrôler cette sphère avec une puissance indicible. L'air autour d'elles vibre d'une énergie intense, une lumière douce mais inquiétante, à la fois belle et terrifiante.
« Heather, sors d'ici ! » hurle Sophie, essayant de maintenir son autorité face à mon intrusion.
Mais je suis hypnotisée par ce que je vois. Le jeune homme, suspendu entre ciel et terre, semble être à la fois en train de se débattre et de subir quelque chose de bien au-delà de ma compréhension. Je ne peux pas détourner le regard.
« Qu'est-ce que c'est ? » je murmure, les yeux écarquillés.
Le jeune homme tombe finalement sur le lit, la sphère disparaissant dans un éclat de lumière. Savannah, visiblement épuisée, vacille sur ses jambes. Sa mère s'approche d'elle, posant une main réconfortante sur son épaule.
« Tout va bien maintenant, ma chérie. Va te reposer » dit-elle d'une voix douce.
Savannah acquiesçe, mais je peux voir la fatigue et l'angoisse dans ses yeux. Elle se détourne et quitte la chambre, me laissant seule avec sa mère et l'inconnu. Encore sous le choc, je ne peux que contempler le jeune homme qui, à présent, est paisible, comme si la tempête qui l'avait secoué venait de s'apaiser. La blessure semble avoir disparu, comme si elle n'avait jamais existé. Comment est-ce possible ? Je jette un regard perplexe à ma tante, qui se lève pour sortir de la chambre.
Le cœur battant, je la suis hors de la chambre. « Qu'est-ce qui vient de se passer ? » je demande, la voix tremblante d'angoisse.
« Je n'ai pas le temps pour ça, Heather, » répond-t-elle, m'ignorant presque.
« Ma tante ! » je m'écrie, la frustration l'emportant sur la peur.
À cet instant, un phénomène inexplicable se produit : les ampoules du salon se brisent dans un éclat de lumière, éclats de verre tombant au sol comme une pluie d'étoiles. La panique m'envahit, je recule d'un pas, le cœur battant à tout rompre. Ma tante se tourne brusquement, une lueur d'inquiétude dans ses yeux.
« Nous devons avoir une discussion, » déclare-t-elle d'un ton ferme, le visage soudain grave.
Je la suis alors jusqu'à la cuisine, le cœur encore en émoi après les événements troublants de la soirée. La pièce est chaleureuse, éclairée par la lumière douce des lampes suspendues, et l'odeur du café fraîchement préparé emplit l'air. Elle se dirige vers la cafetière, remplissant une tasse avec une précision presque rituelle. Quant à moi, je me tiens à l'écart, assise, les bras croisés, une tension palpable dans mon corps.
« Tu veux un café, Heather ? » demande-t-elle, en évitant mon regard.
« Non, merci, » je réponds, la voix à peine audible. J'ai besoin de clarté, pas de caféine.
Ignorant mon refus, elle porte la tasse à ses lèvres et commence à siroter lentement, comme si chaque gorgée est une manière de retarder la conversation que nous devons avoir. Frustrée, je me lève brusquement de ma chaise.
« Explique-moi ce qui se passe. Je ne peux pas juste ignorer le fait que j'ai vu un homme flotter dans une sphère et que ma cousine et toi étiez en train de ...je ne sais même pas ce que vous faisiez ... »
Prenant une profonde respiration, elle se redresse, une lueur de sérieux traversant son visage.
« D'accord. Mais tout d'abord, rappelle-toi la dernière fois que tu es venue à Garden Park. »
Je fronce les sourcils, cherchant dans ma mémoire. « Je ne m'en souviens pas, » j'avoue, perplexe.
« Ça fait très longtemps, » poursuit-elle, son regard se perdant dans le vide. « Tu avais environ six ou sept ans, et tu étais très proche de Savannah. »
Je sens un frisson parcourir mon échine. Je suis choquée par cette révélation. Cela fait plus d'un an que j'ai emménagé à Garden Park après la mort de ma mère, et jamais je n'ai eu l'impression d'avoir quelque chose en commun avec Savannah.
« Je... je ne me rappelle pas de ça, » je balbutie, mon esprit en proie à la confusion.
« Ta mère, Elena, t'avait amenée ici pour les vacances, » explique-t-elle, son ton empreint de nostalgie. « Tout se passait bien jusqu'à ce que tu aies eu un accident. »
Je secoue la tête, ne comprenant pas. « Un accident ? Qu'est-ce que ça a à voir avec ce qui vient de se passer ce soir ? »
Elle se lève , se dirigeant vers une étagère où se trouvent des bougies de différentes tailles. Elle en prend une, la pose devant elle sur la table, puis la fixe intensément. Je la regarde, intriguée.
Ma tante ferme les yeux un instant, puis la bougie s'allume d'un coup, une flamme dansante émergeant de la mèche. Je me redresse, choquée, le cœur battant la chamade.
« Ne sois pas effrayée, » murmure-t-elle, la voix douce mais ferme.
« Qu'est-ce que tu a fais ? » je demande, la peur et l'émerveillement se mêlant en moi.
« Ta mère et moi avions des dons » avoue-t-elle, son regard se faisant plus intense. « Des dons que nous avons transmis à nos filles, toi et Savannah. Nous sommes comment dire ... des sorcières »
Bouche bée, je secoue la tête, incapable de croire ce que je viens d'entendre.
« Des sorcières ? C'est impossible ! »
Ma tante, sans se laisser décourager, continue. « Il y a longtemps, toi et Savannah avez voulu utiliser un sort qui a mis ta vie en danger. C'est pour ça que ta mère et moi ne nous parlions plus. »
Je me se sens vaciller. « Je... je n'arrive pas à y croire, » je murmure, la réalité de ses mots me frappant de plein fouet.
« Je sais que c'est difficile à accepter, mais ce qui s'est passé dans le salon tout à l'heure était une manifestation de tes pouvoirs, » explique-t-elle, la voix empreinte de compassion.
Je me lève , les pensées en désordre. « Pourquoi ma mère ne m'a jamais rien dit ? » je demande, la colère et la tristesse se mêlant dans ma voix.
« Ta mère voulait te protéger, » répond-t-elle, son regard se radoucissant. « Elle voulait que tu aies une vie normale, loin de tout ça. »
Je me mords la lèvre, la douleur de la vérité m'assaillant. « Et qui est cet homme dans la chambre ? »
« Je ne sais pas, » avoue-t-elle, son regard se perdant à nouveau. « Nous le découvrirons lorsqu'il se réveillera. »
Elle se tourne vers moi, son expression se faisant plus douce. « Tu devrais aller te coucher, ma chérie. Tu as vécu énormément d'émotions ce soir. »
Je souffle, essayant d'assimiler tout ce que ma tante vient de lui dire. Je me sens perdue, comme si le sol se dérobe sous mes pieds. « Je... je ne sais pas si je peux dormir après tout ça, » je chuchote, la fatigue et l'angoisse se mêlant en moi.
Le matin s'annonce paisible, mais une tension palpable flotte dans l'air. Je me lève lentement de mon lit, mon esprit encore embrumé par les événements étranges de la nuit précédente. Je me frotte les yeux et me dirige vers la salle de bain.
Après une douche rapide, l'eau chaude glissant sur ma peau, je me sens un peu plus vivante. J'enfile rapidement des vêtements confortables : un t-shirt gris, un jean délavé et des baskets. Le simple fait de m'habiller me donne un semblant de normalité, mais je sais que le monde extérieur sera tout sauf ordinaire à partir d'aujourd'hui. Je sors de ma chambre, prenant une profonde inspiration pour me préparer à affronter la réalité.
En passant devant la chambre de ma tante, une curiosité irrépressible m'envahit. Je m'approche de la porte, hésitant un instant avant de l'ouvrir doucement. À l'intérieur, le jeune homme est toujours endormi, son visage paisible contrastant avec le tumulte de la nuit précédente. Je me sens étrangement soulagée de le voir là, mais cela me rappelle également la gravité de ce qui s'était passé. Juste à ce moment-là, Savannah entre silencieusement dans la chambre, ses yeux s'illuminant d'inquiétude.
« Que fais-tu ici ? » demande-t-elle doucement, comme si elle avait interrompu un moment sacré.
« Je venais juste voir s'il s'était réveillé, » je réponds, me sentant à la fois coupable et curieuse.
Savannah m'observe d'un air scrutateur, puis elle m'attrape le bras avec une fermeté inattendue. « Écoute, ne parle à personne de ce qui s'est passé ici. Pas même à tes amis. »
Piquée par la méfiance, je rétorque, « Je ne suis pas stupide, Savannah. Je ne vais rien dire. »
Elle me sourit, un sourire qui semble à la fois soulagé et inquiet. Elle lâche alors mon bras et s'éloigne, disparaissant dans le couloir. Je me retrouve seule un instant, les battements de mon cœur résonnant dans le silence. Je me demande si c'est vraiment possible que nous ayons pu nous entendre un jour.
En sortant de la chambre, je réalise que ma tante n'est pas à la maison. Un soupçon d'inquiétude m'envahit. Je décide ensuite de me rendre au campus pour les cours. Dehors, l'air est frais, et une brise légère joue avec mes cheveux. Mais alors que je m'approche du campus, mon cœur se serre. Des voitures de police sont stationnées tout autour du campus, leurs gyrophares illuminant le petit matin d'une lueur inquiétante.
Une foule d'étudiants se tient rassemblée, chuchotant et pointant du doigt. Je me fraye un chemin parmi eux, préoccupée par ce qui a bien pu se passer. Juste au moment où je me demande si je dois faire demi-tour, mes deux amies, Emily et Olivia, s'approchent de moi.
« Heather ! » s'exclame Olivia, la voix pleine d'enthousiasme. « Où étais-tu ? J'ai essayé de te joindre toute la nuit ! Pourquoi tu n'es pas restée dormir au dortoir ? »
Je me frotte l'arrière de la tête, gênée. « J'avais quelque chose à gérer avec ma tante, » je réponds, tentant de cacher mon malaise.
Emily, les sourcils froncés, m'observe avec une attention scrutatrice. « Tout va bien ? Tu as l'air bizarre ce matin. »
Je feigns un sourire. « Oui, ça va. Qu'est-ce qui se passe ici ? »
« Un inconnu s'est faufilé dans le campus et s'est attaqué à une étudiante, » explique Emily, ses yeux s'élargissant d'angoisse. « Personne ne sait qui c'est. »
« Quoi ? » Je me fige, le cœur battant. « On l'a attrapé ? »
« Non, » répond-t-elle d'une voix grave. « La victime est Ketsia Hill. »
Olivia, toujours prête à plaisanter, ajoute d'un ton moqueur : « Peut-être que Ketsia en a fini avec son agresseur. »
Choquées, Emily et moi stoppons Olivia dans son élan. « Ce n'est pas drôle » nous disons en chœur.
À ce moment-là, Layla, afro-américaine et amie de Ketsia, passe à côté de nous, lançant un regard noir en notre direction. L'atmosphère se charge d'électricité. Je me sens mal à l'aise, me rendant compte que les mots peuvent faire mal, surtout dans des moments comme celui-ci.
Un moment plus tard, nous apercevons Ketsia, sortant du campus. Elle était entourée d'inspecteurs et du shérif, sa démarche droite mais son regard vide. Une foule d'étudiants s'est rassemblée autour d'elle, leurs chuchotements s'élevant en un murmure inquiet. Ketsia ne fixe personne, son expression trahissant une profonde détresse. Elle monte dans la voiture du shérif sans un mot, comme si la réalité l'avait déjà rattrapée et que la douleur l'avalait ...
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