Chapitre 8 : Piscatores
Avertissement, ce chapitre contient une ou plusieurs scènes choquantes pouvant heurter la sensibilité.
Le baiser de Castiel était brutal presque punitif. Cet acte désespéré était empreint de toute la frustration qu'il avait ressenti à l'égard de Lorelaï depuis leur rencontre. Le jeune homme n'avait pas prémédité ce rapprochement, il avait succombé à cette envie irrépressible de la faire sienne qui le tiraillait douloureusement en cet instant. Au-delà de l'apparente et évidence brusquerie dans la conduite du jeune homme, une profonde vulnérabilité s'en dégageait.
Réalisant son geste, Castiel se détacha des lèvres de Lorelaï subitement, les yeux écarquillés, le regard agité. Il repoussa abruptement Lorelaï et sortit rapidement de la salle sans dire aucun mot.
Lorelaï, quant à elle, se retrouva une fois de plus les fesses au sol suite au soudain rejet de Castiel. Elle n'avait même pas eu le temps de réaliser ce qu'il se passait, tant l'enchaînement fut rapide et imprévisible, avant que cela ne soit finit. Elle porta sa main sur ses lèvres dans une volonté de s'assurer que tout cela avait été réel. Une fois le choc premier passé, elle se releva, effarée par le comportement complètement irrationnel et changeant que venait d'avoir Castiel vis-à-vis d'elle.
Elle fut arrachée à ses réflexions soudainement par le bruit strident de l'alarme à incendie du lycée, qui retentissait de toutes parts. Elle alla dans la cour comme le prévoyait la procédure dans ce cas à l'instar de tous les autres élèves de l'établissement. Une fois sur place elle fut horrifiée de constater que ce n'était pas un exercice. En effet, au-dessus du gymnase, elle pouvait voir une épaisse fumée noire s'élever du bâtiment. Une fois que les élèves furent comptés, dans le but de s'assurer qu'aucun d'eux ne soit éventuellement dans une situation périlleuse, la directrice s'adressa à eux pour leurs dire que les cours étaient annulés pour le reste de la journée le temps que le feu soit maîtrisé et que tout danger soit écarté.
Lorelaï prit donc ses affaires et s'apprêta à quitter le lycée, quand Ethan l'arrêta.
« Maintenant on a tout le temps du monde pour discuter ! » Clama-t-il dans l'expectative de pouvoir enfin avoir la conversation tant attendue.
« Tu sais, il était inutile de mettre le feu pour cela. »
Comme à son habitude, le premier réflexe de la jeune femme fut de lancer une tirade empreinte d'humour. Depuis des années, elle avait troqué sa timidité maladive contre des répliques pleines de malice. Ces dernières étant un système de défense bien huilé, lui permettant de se protéger des autres et de leurs cruautés par le biais de parades caustiques.
Cependant Ethan n'était pas dupe et savait pertinemment que tout ceci n'était qu'une diversion visant à retarder l'inévitable. Il se contenta donc de la toiser, les bras croisés, campant sur sa position.
Elle combattit l'envie impérieuse de se dérober à son engagement et soupira.
« D'accord mais pas ici... » Se résigna-t-elle, n'ayant d'autre choix.
« Cela me convient, on a qu'à aller chez moi, on pourra discuter tranquillement, puisqu'il n'y aura personne à cette heure-ci. » Proposa-t-il.
« Faisons cela ! Je te dépose ? » Répondit-elle.
Il hocha simplement la tête. Une fois qu'ils furent arrivés chez Ethan, ce dernier leur servit un café. Ils étaient assis sur le canapé dans un silence gênant. Le jeune homme rompit finalement le silence.
« Alors comment cela s'est passé avec ton cher ami Castiel ? » Demanda-t-il, le regard mauvais.
À ces mots Lorelaï ferma les yeux et commença à se masser les tempes. Elle soupira de lassitude.
« Ethan s'il te plaît commence pas... » Supplia-t-elle, le regard fatigué.
« Ok... Ok... » Répondit Ethan en mettant ses mains devant lui en signe de reddition.
Il n'ajouta rien de plus, cela lui était inutile. En effet Lorelaï avait pertinemment conscience de ce qu'attendait l'homme assis en face d'elle. Durant le trajet, elle avait réfléchi à cette conversation. Bien qu'elle lui eût dit que celle-ci porterait sur les évènements de la matinée, elle savait que ce qu'Ethan voulait vraiment savoir était la raison des changements de caractères de la jeune femme.
Cet échange risquait de l'éprouver bien davantage mais elle ne pouvait se permettre d'expliquer son comportement du matin sans risquer de mettre en danger Chris. Elle ouvrit et referma sa bouche à plusieurs reprises, hésitante à l'idée de tout révéler au jeune homme. Ethan voyait la réticence de la jeune femme mais ne la brusqua pas pour autant, lui laissant le temps nécessaire pour se lancer. Finalement elle prit une grande inspiration et se décida enfin à prendre la parole.
« Tu voulais savoir ce qu'il m'était arrivé ? » Il acquiesça « Te rappelles-tu de mon père ? »
« Bien sûr ! Si je me souviens bien à l'époque où l'on se voyait il était dans la police et il était très strict avec toi. Je me rappelle qu'il t'avait imposée pas mal d'activités telles que plusieurs sports de combats. Pourquoi cette question ? » Demanda-t-il dubitatif.
« Il y a un peu plus d'un an, à la veille de mon seizième anniversaire pour être exacte, mon père était resté seul à la maison. Ma mère travaillait, comme à son habitude de nuit à l'hôpital. Mon frère, lui fêtait avec ses amis son admission dans la police. Quant à moi, j'étais allée au cinéma avec une amie. Je fus la première de nous trois à rentrer. Quand je suis arrivée devant la maison, j'ai su qu'il y avait un problème... La porte d'entrée était entre-ouverte. Cela n'arrivait jamais. »
Plus elle avançait dans son récit, plus sa bouche s'asséchait. Elle ferma les yeux fébrile, inspirant profondément pour se redonner une contenance.
« Mon instinct me hurlait de m'enfuir, de ne surtout pas avancer davantage. Je ne l'ai pas écouté et je suis tout de même entrée. Quand je suis arrivée dans le salon une forte odeur m'a prise à la gorge. Une odeur métallique. Ferreuse. »
Elle déglutit avec difficulté se souvenant encore du frisson d'effroi qui l'avait parcouru en cet instant. Ethan la regardait avec compassion voyant la lutte évidente à laquelle devait faire face la jeune femme. Il voulait l'aider mais compris qu'il ne devait surtout pas l'interrompre.
« La lumière du salon était éteinte, je l'ai allumée. Ce que j'ai vu ... Il n'y a pas de mot assez juste pour le décrire. « Lorelaï inspira profondément, réprimant un sanglot naissant dans sa gorge nouée. « C'était tout simplement horrible. Mon père gisait là, par terre dans une immense flaque rouge. « Les yeux de la jeune femme s'humidifièrent sous le coup de l'intense émotion qui la tourmentait. La jeune adolescente innocente qu'elle était à l'époque semblait vouloir refaire surface. Lorelaï fut momentanément pétrifiée, incapable de se mouvoir. Il lui fallut toute la résilience dont elle était capable pour redevenir maître de son corps et de son esprit, renvoyant cette frêle version d'elle dans les abysses. « Je me suis précipitée sur lui. Sa peau était froide et blafarde. Voyant qu'il était tout simplement... Mort. Je me suis levée pour appeler la police. Que faire d'autre dans ce genre de cas ? »
Lorelaï tremblait, revoyant avec exactitude dans son esprit la scène macabre qu'elle décrivait en cet instant.
« Il y avait tellement de sang. Il y en avait absolument partout. Je ne l'avais pas vu tout suite, trop concentré sur le cadavre de mon père mais au mur il y avait une inscription dégoulinante était écrite. Je n'oublierai jamais ces mots... Ils sont gravés à jamais dans ma mémoire. Piscatores voluntas purificatur anima per sanguinem. »
Voyant le regard interrogatif d'Ethan, elle ajouta :
« C'est du latin cela veut dire L'âme des pêcheurs sera purifiée par le sang. »
Elle fit une pause dans son récit, tentant de repousser les larmes qui menaçaient d'envahir ses yeux. Les démons qui l'assaillaient quand elle se laisser aller à repenser à son père et à sa fin tragique menaçant une fois encore de l'engloutir. Quand elle s'en sentit la force, elle reprit la parole avec une dureté effrayante dans la voix.
« Depuis ce jour-là, je m'interdis d'être faible. De pleurer. Mon père voulait que je sois forte et je le serais. Quoi ou qui que cela me coûte... Je pensais que tu méritais de le savoir. Je n'en ai jamais parlé à personne. Même avec ma famille nous n'avons jamais évoqué à nouveau cet incident. Tu sais tout maintenant. Je n'attends aucune réponse de ta part et pour être honnête je préférerai même que tu t'abstiennes. J'ai jugé que tu avais le droit de comprendre, de savoir... C'est chose faite. Maintenant je vais rentrer chez moi. »
Voyant qu'il allait se lever elle reprit :
« Ce n'est pas utile de me raccompagner, je connais le chemin. À bientôt Ethan. »
Ethan la laissa s'en aller. Bien qu'il du réprimer son envie de la retenir, de la réconforter en la serrant fort dans ses bras ; il comprenait avec aisance la douleur que l'on pouvait ressentir dans de pareille circonstance. La souffrance de Lorelaï faisant écho à la sienne, il savait quelle sombre pensée habitait l'esprit de la jeune femme, il ne les connaissait que trop bien. Il se contenta donc de la regarder partir.
Sans se retourner, Lorelaï partie de la maison d'Ethan, elle savait qu'il ne la verrait plus jamais de la même manière, mais il fallait qu'elle le lui dise. Elle lui devait bien cela.
Pour continuer dans sa lancée des explications elle écrivit un texto à Chris, lui disant qu'elle était désolée de ne pas avoir été honnête avec lui, qu'il ne devait en aucun cas se sentir coupable et qu'ils n'avaient qu'à faire comme si ce qui s'était passé la nuit dernière ne s'était jamais produit. Elle savait que cela ne suffirait probablement pas mais pour aujourd'hui cela ferait amplement l'affaire.
Elle se décida à rentrer directement chez elle. Son frère était dans la cuisine en train de boire un café quand elle arriva. Il lui en servit une tasse et la lui tendit. À son expression lugubre et à sa mine renfrognée il comprit que sa sœur était préoccupée. Il décida donc d'oublier la querelle du matin même, celle-ci lui paraissant en cet instant plus si importante et lui dit simplement avec compassion :
« Dure journée ? »
« J'ai connu pire. » Répondit-elle en souriant tristement.
« Tu veux m'en parler ? » Lui proposa-t-il sans grand espoir qu'elle accepte.
« Pas vraiment. « Dit-elle, confirmant ainsi les soupçons de son aîné.
« Je m'en doutais... » Il soupira de frustration. « Dire qu'avant on se parlait de tout... »
« Avant... »
Elle n'eut pas besoin de préciser l'évènement qui l'avait poussé à se renfermer sur elle-même, Gabriel ne savait que trop bien ce à quoi sa cadette faisait allusion avec ce simple mot.
« Je suis là si tu changes d'avis. « Dit-il en posant une main sur celle de la jeune femme, dans un geste de réconfort.
Ils se regardèrent avec tendresse pendant quelques instants. Trouvant l'ambiance oppressante et dans une volonté d'alléger celle-ci, Lorelaï dit avec un sourire taquin pendu aux lèvres :
« Moi qui m'attendais à des réprimandes, je suis surprise. »
« Si tu y tiens, cela peut toujours se faire ! » Lui répondit-il la voix pleine de défi.
Ils se toisèrent pendant plusieurs secondes se jaugeant l'un l'autre et finirent par exploser tous deux de rire.
« Je n'y tiens pas spécialement... » Avoua-t-elle avec franchise.
« Bon dans ce cas n'en parlons plus. » Dit-il avec un geste exagéré de la main, en signe de la mansuétude dont il faisait preuve à l'égard de sa jeune sœur et de ses frasques.
« Jusqu'à la prochaine fois... » Dit-elle avec un air de provocation.
Aux mots de la jeune femme, il ne pût réprimer une grimace, imaginant la prochaine incartade de celle-ci. Ils rirent tous deux de plus belle. Au bout de quelques minutes, quand ils furent calmés, Gabriel reprit :
« Bon ben il va être l'heure pour moi d'aller travailler ! »
« Ah bah quand même espèce de fainéant ! » Le taquina-t-elle.
« Faut bien que l'un de nous deux se dévoue ! » Lui répondit-il avec un clin d'œil.
« Tu m'en vois d'autant plus ravis que ce soit toi ! »
Il secoua la tête en riant et déposa un baiser tendre sur le front de sa sœur.
« Tu es au courant que je n'ai plus quatre ans ? » Dit-elle en plissant le nez de désapprobation.
« Si seulement ! Tu étais tellement calme à cet âge. Mais bon quatre ans ou pas tu restes ma chipie de petite sœur ! Ne te couche pas trop tard. »
Sur cette dernière réplique il partit tandis que sa cadette lui tirait la langue en réponse aux mots qu'il lui avait adressés.
Une fois seule dans la maison, Lorelaï prit un bon bain chaud. En repensant aux deux derniers jours, elle se rendit compte que la petite vie tranquille et sans histoire qu'elle avait eu autrefois quand elle habitait cette ville n'était plus d'actualité. En quarante-huit heures seulement, elle avait retrouvé son amour de collège et mis à mal ses rapports avec celui-ci. Elle s'était attirée les foudres d'un professeur et avait eu une relation inappropriée avec un autre. Pour finir elle avait également développé un lien compliqué avec le jeune homme le plus lunatique de son lycée.
Il n'y a pas à dire, elle ne risquait pas de tomber dans les affres de la monotonie, pensa-t-elle en grognant de frustration. À la suite de cet inventaire désastreux, elle enfonça sa tête sous l'eau dans l'espoir de noyer ses tribulations passées et soulager son esprit agité.
Un peu plus tard en début de soirée, alors qu'elle regardait un film, tranquillement affalée dans le canapé, le bruit de la sonnette retentit. Quand elle alla ouvrir, elle fut plus que surprise de se retrouver nez-à-nez avec sa grand-mère qu'elle n'avait pas revue depuis ses dix ans.
« Grand-mère ? »
Une fois l'étonnement passé, elle lui sauta dans les bras affectueusement. Elle lui avait terriblement manquée. Elle n'avait jamais compris pourquoi du jour au lendemain, elle avait disparu de leurs vies. Elle avait seulement pu supposer d'après les réactions de ses parents quand elle les avait questionnés à ce sujet ; qu'ils avaient eu un fort accrochage et que la rancune étant tenace, aucun n'avait fait de pas vers l'autre pour adoucir leurs rapports.
« Ma Rory ! Tu es devenue une jeune femme sublime. » Lui dit-elle, le regard plein de tendresse.
« Entre, je t'en prie... Maman est au travail comme Gabriel d'ailleurs. Ils risquent de rentrer tard. »
« Cela ne fait rien mon enfant. À dire vrai c'est surtout toi que je voulais voir... »
« Ah oui ? Je suis tellement contente de te voir ! »
Pendant plusieurs heures, elles rattrapèrent les années perdues, évitant l'une comme l'autre les sujets pouvant venir ternir leurs bonnes humeurs. Elles avaient ri jusqu'à en avoir mal aux côtes, elles avaient pleuré tant l'émotion de ses retrouvailles les avaient submergés. Lorelaï savait que sa grand-mère avait toujours eu un côté loufoque mais c'est une chose qu'elle appréciait par-dessus tout la concernant. Son père et sa mère étant extrêmement rigide et stricte, elle trouvait cela particulièrement rafraîchissant. Ce ne fut que tard dans la nuit que la matriarche aborda la raison première de sa visite impromptue au domicile familiale.
« Bon alors dis-moi tout comment se passe ton apprentissage ? » Demanda-t-elle, les yeux pétillant de curiosité.
« Mon apprentissage ? Le lycée tu veux dire ? » Répondit Lorelaï, interloquée par le choix saugrenu de mot de son ainé.
« Mais non tête de linotte ! Je te parle de ton initiation au monde occulte. »
Les propos de sa grand-mère l'avaient estomaqué. Elle la dévisagea les yeux écarquillés et ne put qu'articuler que ces quelques mots en guise de réponse à l'affirmation insensée de la femme qui se tenait devant elle.
« Mon quoi à quoi ? »
La grand-mère de la jeune femme ne comprenait pas la réaction de celle-ci. Elle mit cela sur le compte de la fatigue et de l'émotion suite à leurs retrouvailles et décida de préciser ses propos dans le but d'éviter toute ambiguïté.
« Je vais être plus claire... Je te parle du fait que tu sois une sorcière. »
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