Chapitre 39 : Ne me laisse pas...

Avertissement, ce chapitre contient une ou plusieurs scènes choquantes pouvant heurter la sensibilité.

Quand Keiko revînt à elle, elle sentit qu'elle avait pleinement récupéré ses forces, chaque fibre de son être semblait vibrer d'une énergie nouvelle. Le rituel avait fonctionné bien au-delà de ses espérances. Elle, qui avait craint que son corps ne porte les séquelles de sa pratique de la magie à vie, était totalement rétablit. Elle se redressa avec grâce et facilité, un sourire conquérant ornant ses lèvres, satisfaite de la tournure des évènements, ceux-ci étant finalement et ce, contre toute attente en sa faveur.

Telle une virtuose de la scène, sa propre résilience avait trompé ses ennemis, suivant les pas d'une chorégraphie perfide. Elle avait suivi les notes subtiles d'un ballet délicat, se mouvant avec grâce et assurance, défiant toute probabilité. Ses ennemis, des spectateurs vigilants, étaient dotés d'un sens aiguisé de l'observation et d'un esprit affûté, rendant ardu pour la jeune femme le maintien de son masque de complaisance. Chaque pas de ce délicat ballet de faux-semblants avait été une arabesque habile de dissimulation et d'illusions, où Keiko devait évoluer avec une précision inflexible. Tous ses gestes,  toutes les inflexions de sa voix étaient scrutés avec une minutie implacable, tel un public exigent attentif à la moindre erreur. Mais elle avait su maîtriser la symphonie de ses mouvements, s'adaptant avec aisance à chaque enchaînement, telle une danseuse étoile en parfaite harmonie avec la musique et en pleine possession de son art.

Keiko avait dû se plier à une discipline mentale rigoureuse, contrôlant chaque expression, chaque regard, évitant avec grâce les faux pas qui auraient pu révéler ses véritables intentions. Dans cette valse d'intrigues, elle avait su briller par son adresse et sa persévérance, tournoyant dans les bras de la dissimulation avec une élégance envoûtante. Chaque sourire complice, chaque parole ambigüe étaient autant de pirouettes savamment exécutées pour préserver ses artifices intactes. La tension palpable qui imprégnait tout instant de cette danse envoûtante s'entrelaçait avec les battements de son cœur. La jeune femme ressentait l'excitation dans chaque fibre de son être, comme une ballerine frissonnant sous l'effervescence de la scène. Elle avait su garder le rythme, maintenir le tempo effréné de ce tango complexe sans jamais se laisser démasquer. Les applaudissements silencieux résonnaient en elle, témoignant de sa sa prouesse magistrale.

Enfin, le rideau tomba sur cette performance grandiose et telle une danseuse solitaire sur une scène désormais vide, Keiko exhalait une aura de puissance et de satisfaction, une reine de l'illusion. Elle savourait l'apothéose de cette danse tumultueuse, le sentiment de triomphe qui inondait son être. Elle avait réussi à préserver son avantage jusqu'à la toute dernière mesure, élevant son art au-dessus des intrigues et des complots qui auraient pu la trahir. Elle était la ballerine de l'ombre, la maîtresse de la manipulation, prête à savourer les fruits savoureux de sa ruse avec la grâce d'une artiste triomphante.

La victoire était d'autant plus appréciable que la jeune femme avait redouté à maintes reprises d'être découverte. Elle se souvenait avec angoisse de ce moment où elle avait menti sur ses sentiments concernant la survie de son oncle, et où son soulagement avait été mal dissimulé. Les prunelles perçantes de Liam, ce fourbe vampire, s'étaient figées à cet instant précis, trahissant sa perception acérée. Dans ce moment de faiblesse, où ses émotions avaient trahi sa dissimulation, elle avait presque pu sentir le regard pénétrant de Liam, révélant la vérité qu'elle avait tenté de camoufler. Le pire était que son soulagement n'avait en rien été sentimental ; non, en ce qui concernait la possible disparition de son oncle, cela ne l'affectait guère. La raison était bien plus pragmatique. En tant que membre haut placé de l'inquisition, sa mort aurait causé des préjudices considérables, ce que Keiko ne pouvait tolérer. 

Sa maladresse ayant failli provoquer sa perte, la jeune femme avait décidé de ne plus mentir, mais plutôt de jouer sur l'ambiguïté, tournant la vérité à son avantage. Tel un funambule sur un fil fragile, elle avait dû apprendre à marcher avec précaution entre les mots, oscillant entre les extrémités du réel et de la fiction. Ses paroles avaient été des énigmes soigneusement tissées, dévoilant partiellement la vérité tout en préservant ses secrets les plus profonds. Elle avait appris à jongler avec les demi-vérités, créant un kaléidoscope d'apparences trompeuses. Ses expressions faciales étaient devenues un masque en constante évolution, capable de refléter l'émotion juste tout en masquant ses véritables intentions. Ses yeux, perçants et impénétrables, avaient dû être capables de lire les pensées des autres tout en gardant les leurs soigneusement dissimulées. Elle avait développé un talent inné pour dire juste assez pour convaincre, tout en gardant suffisamment de mystère pour nourrir le doute.

Heureusement pour elle, sa stratégie et la précarité de la situation présente lui avait permis de garder secret son changement de camp. En effet, l'enlèvement dont elle avait été victime par Hoshihito, ainsi que la fébrilité de son état lui avaient offert une couverture parfaite. Le choix des plus risqués de rester aux côtés de la sorcière, espérant qu'elle trouverait une solution à sa mort imminente, s'était révélé fructueux.

La jeune femme, décidant de ne pas forcer sa chance plus avant, sortit de son introspection. Elle vit alors sur le corps inerte de Lorelaï, apparaître plusieurs plaies béantes, signe évident de son avenir lugubre et fugace. Ce fait provoqua un sentiment de contentement chez Keiko, un sourire suffisant se formant sur son visage. Elle se leva et sans un regard sur la pièce, quitta celle-ci tirant un trait symbolique et définitif sur son passé, non sans avoir pris la peine d'éteindre les bougies. Il était en effet hors de question de laisser une telle échappatoire à la sorcière.

Alors qu'elle s'éloignait de ce lieu suscitant en elle tant de dégoût, Castiel, qui arrivait juste, l'interpella devant l'entrée de l'entrepôt. Cependant Keiko, l'ignora, ne daignant même pas tourner la tête vers celui-ci feignant de ne pas l'avoir entendue. Elle était résolue à mettre fin à la mascarade qu'elle avait été obligée de jouer ces derniers temps pour sa propre survie.

Castiel, fronça les sourcils, à cette distance, il était impossible, que la jeune femme ne l'ait pas entendu, ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : elle avait choisi d'ignorer sciemment le lycan. Mais pourquoi aurait-elle agi ainsi ? se demanda le jeune homme, circonspect. Castiel ne comprenait pas cette réaction dédaigneuse de Keiko à son égard. Elle qui était habituellement chaleureuse et amicale, son attitude était totalement contraire à sa nature. Quelque chose n'allait pas... 

Soudain, une fragrance singulière pénétra ses narines, saturant l'atmosphère d'une présence à la fois métallique, musquée et terreuse. Cette odeur s'intensifiait de manière lancinante, s'enroulant autour de lui tel un étau étouffant, perçant chaque recoin de son être. Un frisson d'appréhension parcourut sa colonne vertébrale, lui glaçant les membres, tandis que la vérité se dévoilait avec une brutalité insoutenable. Ce n'était pas une simple émanation, pensa Castiel, c'était l'odeur incontestable du sang. Son sang.

Une panique viscérale s'empara du lycan, étreignant son cœur d'une emprise dévastatrice. Chaque battement était comme un grondement de tonnerre, puissant et indomptable, secouant son être tout entier. Sa poitrine devenait un champ de bataille chaotique, où ses émotions se livraient une guerre féroce. La douleur, la peur et le désespoir s'entremêlaient, se renforçant mutuellement dans une tourbillon destructeur. 

Il se précipita à l'intérieur et trouva, horrifié, le corps inanimé de Lorelaï ; cette sépulcrale découverte venant à son grand désarroi confirmer sa funeste déduction. Le lycan se figea, tétanisé par l'horreur qui se déployait devant lui. Ses pupilles dilatées reflétaient l'effroi qui envahissait son être et son regard se voila, sa conscience étant happée par les souvenirs qui n'avait cessé de le torturer depuis plus d'un an. Les images de sa petite sœur Aria, de son innocence volée, se superposaient à la scène macabre qui se déroulait devant lui. Les blessures de Lorelaï, criantes et béantes, semblaient être des échos des cicatrices de son propre passé. La sorcière baignait dans une mare de son propre sang qui s'écoulait inéluctablement des multiples plaies disséminées sur son corps agonisant. À chaque seconde qui passait de nouvelles coupures apparaissaient sur la peau d'ores et déjà meurtrie de la jeune femme sous le regard impuissant de Castiel.

La détresse l'étreignit, paralysant son corps et faisant trembler son être. Son souffle se fit court, sa vision se troubla légèrement, tandis que ses membres vacillaient sous le poids écrasant des émotions déchaînées qui l'assaillaient. Un hurlement silencieux déchira son âme, sa voix brisée par une peine émotionnelle et physique insupportable. Les larmes embuèrent ses yeux, tracèrent des sillons salés sur ses joues, témoignant de sa douleur profonde et de son impuissance face à la cruauté du destin, qui lui infligeait une fois encore une telle atrocité.

D'un geste instinctif, Castiel s'agenouilla près du corps moribond de Lorelaï, ses mains frémissantes effleurant sa peau désormais bien trop pâle. Les sanglots déchirants s'échappaient de sa gorge, porteurs de toute la tristesse et de la douleur qui le submergeaient. Il aurait donné sa propre vie pour effacer les blessures de celle qu'il aimait en secret, pour réparer les cicatrices qui défiguraient son être fragile. Castiel ferma les yeux dans une vaine tentative de récupérer le contrôle de son corps semblant dorénavant posséder une volonté propre. 

Sous ses paupières closes il priait Dieu,  suppliait le diable, quiconque pouvant l'exaucer en cet instant. Il les implorait avec ferveur de remonter le temps, de suspendre le cours implacable de la vie qui s'échappait inlassablement du corps de celle qu'il chérissait de tout son être. Il leurs offrirait sa vie, leurs donnerait son âme, serait prêt à tous les sacrifices sans aucune hésitation. Même une promesse de tourment éternelle dans les tréfonds de l'enfer lui paraissait plus doux que l'indicible douleur qui l'accablait en cet instant. À la disparition d'Aria, il avait cru que son cœur ne battrait jamais plus et pourtant, celle qui se mourrait en cet instant sous ses yeux l'avait ramené à la vie. Pitié faite que cela s'arrête, supplia Castiel une dernière fois. Mais la réalité impitoyable s'imposait à lui, lui rappelant que le temps ne pouvait être retourné et que certaines douleurs ne pourraient jamais être apaisées. Chaque fibre de son être hurlait, révélant la fragilité de son âme brisée, tandis qu'il cherchait désespérément une échappatoire dans cet abîme de souffrance infinie, qui l'engloutissait tout entier, déformant ses traits et effaçant toute lueur d'espoir dans son regard tourmenté.

Sur le plan astral, Lorelaï était la proie d'assauts incessants, elle savait que si elle ne trouvait pas au plus vite une échappatoire, elle succomberait à ceux-ci sous peu. La jeune femme, démunie, allait accepter cette sombre fatalité quand une voix se fit entendre. C'était la voix tourmentée et lointaine de Castiel qui lui parvint en ce lieu de désolation.

« Je ne sais pas si tu peux m'entendre, mais je t'en supplie Rory, bat toi ! »

Castiel prit délicatement le corps moribond de la sorcière dans ses bras, cherchant désespérément à ralentir l'écoulement du sang qui s'échappait d'elle. Il murmura cette supplication aux creux de l'oreille de la jeune femme, cherchant à insuffler un ultime souffle de vie dans son être.

« Ne me laisse pas... » Murmura-t-il, les mots se mêlant à sa respiration fragile, alors que les larmes continuait de s'échapper de ses yeux, portant en elles tout le chagrin et le désespoir qui ravageaient son cœur, avant de venir s'écraser sur le visage pâle de Lorelaï.

En cet instant de détresse où tout semblait perdu, l'obscurité souveraine céda soudainement sa place à une lumière éclatante. Il fallut à la jeune femme plusieurs secondes pour comprendre que cette lueur salvatrice émanait d'elle-même. Elle irradiait littéralement de toutes parts, chaque parcelle de son âme galvanisée par l'imploration désespérée de Castiel. Ses mots avaient ému la jeune femme au plus profond d'elle-même, lui insufflant une soif de vivre renouvelée et suscitant en elle l'espoir qui lui avait fait cruellement défaut depuis la trahison de son amie.

Plus l'intensité du rayonnement qui se dégageait d'elle grandissait, plus les âmes sombres et malveillantes s'éloignaient, repoussées par cette énergie lumineuse et puissante. Il lui fallait maintenant regagner son corps au plus vite. Cependant les flammes des bougies ayant disparues, non sans aide elle le savait, il lui fallait trouver un autre point d'encrage vers son enveloppe.

« S'il te plaît... Ne m'abandonne pas. » Implora une fois encore Castiel, à bout de souffle.

Lorelaï suivit la voix chevrotante et brisée de Castiel, qui la guidait hors de l'abîme. Lorsque son âme et son corps furent enfin réunis, une vague de souffrance intense la traversa de part en part. Un spasme violent parcourut son être, provoquant un râle de douleur aigu qui s'échappa de sa bouche. Ses yeux s'écarquillèrent, témoignant de la surprise et de la douleur qui la submergeaient. Chaque inspiration lui était douloureuse, au point qu'elle se mit à cracher du sang, mélange macabre de sa propre vie qui s'écoulait. Sa respiration était saccadée, son souffle court, comme si chaque inspiration était un combat pour maintenir le lien fragile entre son esprit et son corps. Elle tremblait de tout son être, les spasmes de douleur secouant son corps affaibli.

Lorelaï avait réussi à retrouver son chemin depuis les limbes, mais elle avait payé un lourd tribut. Son corps était épuisé, émacié par la perte excessive de sang.  Elle leva ses prunelles fatigués pour rencontrer le regard plein de désespoir de Castiel. Malgré la certitude qui la saisissait en cet instant que la Mort était proche, malgré la douleur qui parcourait son corps, son visage afficha un sourire teinté d'une infinie douceur. Dans ses iris azurées, une lueur de sérénité persistait, bravant la tourmente qui régnait autour d'elle. C'était une étreinte fragile entre deux âmes, un moment suspendu où le temps semblait s'arrêter. Dans un ultime effort, elle leva sa main tremblante pour caresser avec délicatesse le visage ravagé par la peine du lycan. Chaque contact était empreint de tendresse, une tentative de réconfort à travers les veines de la détresse.

« Shhhhhh... », murmura-t-elle doucement, voulant calmer les sanglots qui secouaient le corps de Castiel. « Je suis heureuse de mourir dans tes bras. » Ses paroles étaient chargées d'une sincérité profonde, acceptant avec résignation que sa fin soit celle-ci. C'était un adieu empreint d'un amour indéfectible, une déclaration d'une beauté poignante.

Elle sentait chaque battement de son cœur faiblir, comme une horloge qui ralentissait inéluctablement. Ses yeux, vitreux et hagards, semblaient rouler dans leurs orbites, incapables de fixer un point précis. Sa tête tomba pitoyablement sur le côté, sa chevelure éparse cachant partiellement son visage pâle et épuisé. Puis, dans un ultime arrêt, son cœur cessa de battre. Le hurlement déchirant de Castiel déchira l'air, un cri de désespoir et de déni face à l'inexorable réalité. Les mots se perdaient dans le vide, impuissants à ramener la vie qui s'était échappée.

« NON NON NON NON » Hurla le lycan, réalisant avec horreur que plus aucun son n'émanait du corps sans vie de la jeune femme. Un silence assourdissant s'installa, brisant le cœur de Castiel, emplissant l'air d'une désespoir sans fin. La réalité de sa perte s'abattit sur lui avec une violence inouïe, laissant dans son sillage un néant émotionnel, un vide insupportable.

Il refusait de perdre une nouvelle fois une personne qui lui était chère et surtout pas elle. Peu lui importait si tous les efforts déployés s'avérés finalement vains ; il ne resterait pas une fois de plus spectateur, impuissant de la disparition d'un être aimé. Il chargea donc Lorelaï précautionneusement dans ses bras, et se mit à courir, bien décidé à prendre de vitesse la Mort elle-même.

Alors que le lycan quittait les lieux précipitamment, un homme mystérieux observa la scène avec un mécontentement palpable. Sa présence, bien que discrète, était indéniablement imposante. Les sensations émanant de lui étaient contradictoires, mêlant à la fois une froideur glaçante et une aura de puissance insondable. Son allure élégante contrastait avec le regard pénétrant de ses yeux azurés empreints de mélancolie et de sévérité. Depuis sa position dissimulé dans les ombres, il contemplait avec irritation la scène de fuite de Castiel en catastrophe. Il avait espéré prolonger son séjour dans les ténèbres un peu plus longtemps, poursuivant sa surveillance passive plus avant. Mais les évènements s'étaient précipités, nécessitant potentiellement une intervention précoce de sa part. Les lignes de son visage étaient marquées par une profonde réflexion, tandis que ses sourcils se fronçaient légèrement, traduisant son agacement face à la situation.  

Une brise légère souffla, caressant délicatement son visage. Les cheveux noirs d'ébène, d'une brillance hypnotique, s'agitèrent dans un mouvement gracieux, créant une aura de mystère autour de lui. L'homme se détacha lentement de son observation silencieuse, prêt à franchir si nécessaire le seuil entre l'ombre et la lumière, entre la passivité et l'action. Une chose était sûre, il ne la laisserait la mort la lui ravir ainsi  !

Liam arriva à l'entrepôt plusieurs heures après le départ de celui-ci de Castiel. Alors qu'il n'était pas en ville, le vampire était revenu le plus rapidement possible et la raison était simple : Lorelaï. À l'instant où l'âme et le corps de la jeune femme avait finalement été réuni, il avait ressenti un tsunami d'émotions provenant de la sorcière. Un raz-de-marée d'une puissance telle qu'il avait cru sentir son propre esprit se déchirer sous la violence du déferlement qui l'avait envahit. Une douleur aiguë s'était emparée de lui, torturant son esprit jusqu'à l'agonie. Il avait lutté pour garder la raison, tandis que la douleur menaçait de le submerger totalement. Le supplice fut bref, donnant pourtant l'impression de s'étirer, encore et encore, en une éternité éphémère. La souffrance céda la place à une sérénité déconcertante, qui s'infiltra en lui comme un souffle glacial. Ce sentiment d'acceptation le terrifia bien plus que la douleur indicible de la sorcière ne l'avait fait. Puis, finalement, plus rien. Comme si le lien qui les unissait s'était rompu définitivement. 

Un silence opaque enveloppa ses pensées, alors que les souvenirs persistants de ces dernières heures comprimait sa poitrine. Mais Liam savait que c'était tout bonnement impossible... À moins que, commença-t-il à penser. Ces simples mots, cette phrase incomplète, suffirent à plonger le vampire dans un abîme encore plus profond que l'invasion des sentiments de Lorelaï dans sa tête ne l'avait fait. C'était un maelstrom sans fond, un puit de ténèbres infini où les doutes et les inquiétudes s'engouffraient, menaçant de l'engloutir tout entier. Cela ne se pouvait, elle ne pouvait pas être... Les suppositions silencieuses pesaient sur lui, si lourdes qu'il dut fermer les yeux pour trouver un semblant de répit. Et enfin le dernier le mot tomba, résonnant sans relâche en lui : Morte. Chaque lettre était chargée d'un poids insoutenable, tourmentant Liam sans relâche.

Le vampire, épuisé de lutter contre sa part d'humanité, sentit une nouvelle fois cette force puissante se déchaîner en lui, la repoussant avec violence vers les profondeurs dans lesquelles elle tentait de l'enchaîner. Une vague de haine et de frustration l'envahit, tandis qu'il s'efforçait de maintenir sa nature vampirique à la surface, de laisser son humanité sombrer dans les abysses qu'il avait tant de mal à surmonter. Un combat intérieur incessant faisait rage en Liam, alors qu'il repoussait avec détermination et véhémence cette part de lui qui cherchait à émerger par tous les moyens. Il sentait ses émotions se comprimer et se consumer, réduites à de simples braises fragiles dans les recoins les plus sombres de son être.

Liam n'eut pas besoin de pénétrer à l'intérieur de leurs refuge pour savoir que quelque chose de grave s'était produit en ce lieu. Une vague d'appréhension de plus en plus grande se mélangea à l'odeur métallique familière, qui flottait dans l'air, s'imprégnant dans ses narines. C'était une fragrance d'ordinaire alléchante pour le vampire, mais en cet instant, elle prenait une sinistre signification. Du sang, une énorme quantité de sang. Le cœur lourd, Liam franchit le seuil de l'entrepôt avec une appréhension grandissante. Ces craintes furent confirmées quand il découvrit une scène on ne peut plus macabre. L'obscurité et le silence semblaient s'opposer à sa présence, créant une atmosphère étouffante. La lumière faible qui filtrait à travers les fenêtres révélait des taches sombres sur le sol, des flaques écarlates qui souillaient le sol froid du bâtiment. Ces marques sanglantes étaient des témoignages silencieux de la tragédie qui s'était déroulée en cet endroits. Samuel et Amadeo entrèrent à leur tour, leur présence s'ajoutant à la tension palpable dans l'air. Leurs regards se rencontrèrent, exprimant à leurs affolements. La question de Samuel, empreinte d'inquiétude, suspendue dans l'atmosphère lourde, résonna comme un écho sinistre.

« À qui est tout ce sang ? » Demanda-t-il, sa voix trahissant une inquiétude profonde.

Liam n'eut aucunement besoin de goûter ce liquide vermeil pour en déceler l'arôme subtil et délicat, un parfum qu'il ne connaissait désormais que trop bien et qu'il appréciait tant. Son regard s'assombrit, ses sourcils se froncèrent lorsque la réalisation frappa son esprit. Ses poings se serrèrent involontairement, les muscles de ses bras se raidissant sous l'emprise des émotions qui le submergeaient une fois encore.

« Lorelaï. » Souffla-t-il, les mots glissant entre ses dents serrées, empreints de douleur et de colère.

« Tu en es sûr ? » Demanda Amadeo avec une pointe de soulagement presque imperceptible dans la voix.

Liam, à qui l'apaisement de son interlocuteur n'avait pas échapper, lança à l'adresse du vampire un regard sévère, on ne peut plus explicite lui signifiant qu'il était catégorique sur la véracité de ses propos antérieurs.

« Keiko n'était pas censée être là, elle aussi ? » Demanda Samuel, le visage perplexe.

Liam partageait l'incompréhension de son frère. Lorelaï leur avait demandé à tous les deux de leur laisser l'entrepôt, sans donner plus d'explications. Les pièces du puzzle semblaient ne pas s'emboîter dans son esprit tourmenté.

« Il y a uniquement celui de Lorelaï. » Précisa Liam essayant de comprendre les évènements qui avaient pu conduire à cette scène lugubre.

« Elle était bien là ! » Déclara Amadeo d'une voix chargée d'urgence, perçant à travers l'épaisse odeur du sang de la sorcière pour déceler l'arôme distinctif de Keiko.

« Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Je croyais que l'inquisition ne pouvait pas pénétrer ici ... » Dit Samuel, incrédule, cherchant à comprendre l'impensable..

« Et où est Keiko ? Et pourquoi tout cet attirail ? » Intervint une nouvelle fois Amadeo en désignant les coussins et les bougies.

La réponse à la deuxième question du vampire était limpide pour Liam, qui commençait à reconstituer le drame qui s'était dérouler plus tôt en ce lieu.

« Du matériel de magie... » Répondit-il d'une voix grave. « Elles devaient réaliser un rituel, toutes les deux. Lorelaï se tenait là »  Commenta Liam en désignant le coussin maculé de sang, où la sorcière avait sans doute pris place. « Et Keiko ici. » Montrant le second coussin, quant à lui exempt de toute tâche.

« Mais pourquoi les coussins ? » L'interrompis Samuel dubitatif.

« Petit frère, réfléchis... Que fait souvent une sorcière ? »

Les deux vampires face à Liam le regardèrent avec incertitude en fronçant les sourcils d'incompréhension. Ce dernier leva les yeux au ciel face au manque de connaissances et de déduction de ses comparses, mais plus encore par la perte de temps engendrer par celui-ci.

« Des voyages astraux ! L'opération au cours de laquelle une personne dissocie son esprit et son corps. »

Pendant que les vampires assimilaient les propos de Liam et leurs implications, quelque chose continuait de chiffonner ce dernier. Des frissons parcouraient son échine, et l'incertitude se lisait dans ses yeux alors qu'il tentait de résoudre l'énigme qui se présentait devant lui. Même si le rituel s'était mal déroulé, conduisant à la perte massive de sang de Lorelaï, une question cruciale persistait : où étaient les deux femmes ? Keiko, bien qu'apparemment indemne, n'aurait jamais eu la force nécessaire pour transporter Lorelaï jusqu'à l'hôpital seule, surtout compte tenu de sa faiblesse récente. Il manquait une ou plusieurs pièces importantes du puzzle à Liam, et cette lacune le tourmentait profondément. 

Le flot de pensées tortueuses dans l'esprit de Liam fut finalement interrompu par la sonnerie stridente du téléphone de Samuel. Son frère cadet répondit immédiatement, l'expression soucieuse se dessinant sur son visage tandis qu'il écoutait attentivement les paroles de l'interlocuteur.

« Oui, Castiel ? » Dit Samuel d'une voix légèrement crispée, fronçant les sourcils pour mieux comprendre les mots qui lui parvenaient.  « Ralentit un peu, je ne comprends rien de ce que tu me dis ! » Il boucha son oreille libre, espérant capter chaque syllabe prononcée par le lycan, son regard sévère se transformant en une expression d'incrédulité au fur et à mesure des révélations du jeune homme. « Mon dieu... Mais comment est-ce arrivé ? » Les yeux de Samuel s'écarquillèrent sous le choc provoqué par les propos de son interlocuteur. Son esprit semblait tanguer sur une mer déchaînée de pensées tourbillonnantes. « Il doit y avoir une explication ! Je ne la vois pas agir de la sorte ! Cela ne lui ressemble pas... » Il fit une pause, laissant les mots pénétrer son esprit en quête de réponses. « Et pour Lorelaï, qu'est-ce qu'on dit les médecins ? » Le regard de Samuel se voila d'une profonde inquiétude alors qu'il écoutait la réponse de Castiel, ses yeux reflétant l'angoisse grandissante qui embrasait son être. « Merde », souffla-t-il, ses mots teintés d'une détresse qui ne passa pas inaperçue pour Liam. Son frère, habituellement si poli et réservé, ne jurait que dans des situations d'une extrême gravité. « Je comprends... On arrive. Rappelle-moi immédiatement si la situation évolue ! À tout à l'heure. »

Samuel raccrocha, laissant le silence s'installer dans la pièce. Il ferma les yeux quelques instants, s'imprégnant de l'obscurité qui se formait en lui, avant de commencer à partager les informations transmises par Castiel à Liam et Amadeo. Chaque mot qui franchissait ses lèvres était chargé d'une tension lourde et déchirante, faisant peser une lourde atmosphère de désespoir sur la pièce.

« Quand Castiel est arrivé il y a quelques heures, Keiko sortait de l'entrepôt. Il l'a interpellée, mais elle n'a pas répondu, continuant simplement sa route comme si de rien n'était. » Les mots de Samuel étaient chargés d'une amertume mêlée de confusion. « Il est catégorique, elle n'aurait pas pu ne pas l'entendre... Il a trouvé le comportement de Keiko étrange et s'est précipité à l'intérieur pour vérifier que tout allait bien. En entrant, il a découvert Lorelaï, gisant dans son sang. » Les mots semblaient se déposer comme des gouttes de plomb dans l'air, créant une tension électrique qui faisait vibrer l'atmosphère. « Il est resté assez évasif sur la suite des événements, ses paroles étaient devenues confuses... Ils sont à l'hôpital du centre. Lorelaï est dans un état critique. C'est grave. » La voix de Samuel s'éteignit, les mots du vampire se perdant, résonnant, dans l'air, chargés d'une tristesse incommensurable. « Apparemment, son cœur avait cessé de battre depuis plusieurs minutes lorsque Castiel est arrivé aux urgences. Ils ont dû la réanimer à plusieurs reprises depuis leur arrivée... Ils ne pensent pas, qu'elle... » Samuel ne put se résoudre à finir sa phrase, une émotion intense étreignant son être, ses pensées revenant aux mots déchirants de Castiel. Un frisson parcourut l'échine de Samuel alors que les paroles funestes du lycan déferlaient dans son esprit.

« Ils disent... » Avait commencé le lycan d'un ton tremblotant, accablé par le chagrin, cherchant le courage d'exprimer l'indicible. « Ils disent qu'elle ne passera pas la nuit... Elle a perdu trop de sang, son cœur est trop faible. Ils m'ont dit que si on voulait lui dire... » Un sanglot avait écorché la gorge nouée de Castiel, résonnant dans l'air comme un cri d'agonie. « Au revoir, on devait se dépêcher... » Le son de sa voix était à la fois un murmure abattu et un pleur étouffé. Samuel avait cru pouvoir sentir les fragments de l'âme de son compagnon se disperser, disparaissant dans un abîme de douleur.  « Elle ne peut pas... Pas elle... C'est un cauchemar ! » Chaque mot était chargé d'une peine insupportable, comme si la tristesse elle-même se déversait à travers ses paroles. L'onde de douleur qu'il créait se propageait, envahissant l'esprit de Samuel, comme une vague puissante qui menaçait de les submerger. Le vampire, comprit trop tard que Liam avait lu ses pensées, le chagrin grandissant se reflétant dans les prunelles émeraude, embué de larmes, de son frère, témoignant de la détresse partagée entre ce dernier et Castiel.

Face à cette révélation insoutenable, Liam se raidit, refusant d'accepter l'éventualité d'une telle finalité. Ses traits se durcirent, ses mâchoires se serrèrent, et d'une voix sèche empreinte d'une détermination farouche, il déclara :

« Ils ont tord ! Ils ne la connaissent pas... » Ses mots étaient emplis d'une ferveur inébranlable.

Ces mots furent l'ultime réponse, le point final à tout dialogue possible. Le vampire n'avait plus qu'une pensée en tête : rejoindre Lorelaï au plus vite, rien d'autre ne comptait.

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