Chapitre 38 : Les limbes

« Mais... Mais bien sûr ! Que je suis sotte ! » S'exclama Lorelaï, tapant sa main sur son front.

Le geste brusque de Lorelaï résonna dans la pièce, accompagné d'un claquement sec. Un léger frisson parcourut sa peau, mêlant à la fois la frustration de sa propre étourderie et le soulagement de la découverte enfin réalisée. L'atmosphère semblait se transformer, devenant plus légère et chargée d'un sentiment d'espoir renouvelé teintée d'une pointe de déception de n'y avoir pas songer elle-même.

Comment n'avait-elle pas pu trouver la solution par elle-même ? Les révélations de Keiko lui paraissaient maintenant évidentes, d'une limpidité enfantine. Elle avait passé des jours entiers à se torturer l'esprit, cherchant désespérément une réponse qui se trouvait juste sous son nez. La délivrance qu'elle avait tant attendue se révélait finalement douce-amère.

« Tu as certes des défauts mais la bêtise n'en fait cependant pas partie ! » Déclara Keiko avec un amusement certain.

Les paroles taquines de Keiko résonnèrent en Lorelaï. Un frisson lui parcourut l'échine, faisant se dresser les poils de ses bras. Cette phrase, pensa-t-elle, elle l'avait déjà entendue... Pourquoi une simple taquinerie provoquait une réaction si violente chez elle ? La sorcière fronça les sourcils, tentant de se rappeler dans quelles circonstances ces mots lui avaient été adressés mais se heurta à la brume de l'oubli. Plus elle cherchait dans les méandres de sa mémoire défaillante,  luttant contre le brouillard du passé, moins son cerveau semblait coopérer. Elle était bien trop fatiguée pour retrouver le contexte dans lequel ces propos acerbes furent prononcés. Seule la certitude que ceux-ci la dérangeaient au plus haut point demeurait. Elle réprima, non sans grandes difficultés, cette sensation dérangeante, ayant pour l'heure d'autres priorités.

« Merci... Enfin je crois. » Répondit simplement Lorelaï, confuse.

Maintenant qu'elle avait compris ce qu'il convenait de faire, elle savait également où elle devait chercher. Sa grand-mère, lors de leurs leçons ; lui avait transmis plusieurs grimoires ayant appartenu à leurs ancêtres. Ceux-ci, contenaient les différentes observations faites par les sorcières qui l'avaient précédée ou encore les sorts qu'elles avaient confectionnés ou appris au fur et à mesure des siècles qui s'étaient écoulés. Lorelaï ne les avaient consultés, qu'une seule et unique fois, tant les écrits des sorcières pouvaient être d'une complexité déconcertante, n'étant à l'époque qu'une néophyte avide de connaissance. Lorelaï ne les avait consultés qu'une seule et unique fois, à l'époque où leur contenu complexe dépassait sa compréhension naissante. Pourtant, en cet instant crucial, une conviction profonde s'enracinait en elle : la solution pour sauver Keiko se trouvait dissimulée entre les pages anciennes et obscures de ces grimoires.

Après avoir pris congé de son amie, Lorelaï se dirigea vers le domicile familial qu'elle avait délaissé depuis des semaines. 

En poussant la porte d'entrée, l'odeur familière de la maison lui parvint, un mélange subtil de bois, de fleurs séchées et d'épices. Les pièces semblaient imprégnées de l'amour et du soutien de sa famille, témoins silencieux de leurs inquiétudes pour elle. Sa famille, bien que soucieuse que leur cadette soit confrontée à de tel danger, comprenait que cela était malheureusement le fardeau qui incombait à leurs membres dont la magie était active. Lorelaï leurs donnait des nouvelles dès que faire se peut ; bien trop consciente des angoisses qui pouvait venir les hanter si elle ne le faisait pas. Les murs de la maison semblaient empreints d'une lourdeur, témoins silencieux de son absence prolongée. Les pas de la jeune sorcière résonnaient dans le corridor vide, créant un écho mélancolique qui semblait amplifier le poids qui pesait sur ses épaules.

En entrant dans la pièce qui était autrefois sa chambre, une vague de souvenirs l'envahit. Les draps froissés sur le lit, les étagères ornées de bibelots magiques, les tableaux familiaux accrochés aux murs... Tout rappelait à Lorelaï les moments de bonheur et de sécurité qui composait autrefois sa vie. Mais maintenant, tout était différent. La pièce semblait plus sombre, chargée d'une atmosphère tendue qui reflétait la gravité de la situation.

Elle se mit immédiatement au travail, fouillant frénétiquement chaque recoin à la recherche de l'objet de ses recherches. Les rayons de lumière qui filtraient à travers les rideaux entrouverts jouaient avec la poussière en suspension, donnant à la scène une aura presque magique.

Les minutes s'étiraient en heures, et chaque instant semblait une éternité alors qu'elle fouillait les vieux grimoires et les parchemins empoussiérés. Ses doigts parcouraient les pages jaunies, qui semblaient vibrer sous ses touchers, révélant des secrets millénaires. Elle pouvait sentir l'énergie émanant des écrits, chatouillant sa peau et électrisant ses sens. Parfois même, elle aurait juré pouvoir ressentir la présence de ses ancêtres, leurs regards bienveillants qui la guidaient dans sa quête désespérée.

Alors qu'elle parcourait les lignes composant son héritage le plus vétuste, elle tomba sur un rituel particulièrement anciens. Les mots inscrits dans une encre presque effacée semblaient prendre vie, dansant devant ses yeux. Lorelaï frissonna, sentant l'excitation et la peur se mêler dans ses veines. Les sorcières s'en servaient jusqu'à l'antiquité pour former des alliances. La conduite de celui-ci avait été abandonné depuis des siècles tant ce dernier était périlleux. La pratique de ce rite constituait un acte de foi et de confiance absolue. C'était un rituel interdit depuis des siècles, et elle comprenait maintenant pourquoi. 

La description du déroulement de celui-ci était autant captivante que terrifiante. Lorelaï pouvait sentir son pouls s'accélérer, ses mains devenir moites alors qu'elle absorbait les détails du rite. Le déroulement de celui-ci, bien que délicat ; était en réalité assez simple. Deux personnes devaient remettre leurs êtres, corps et âmes, entre les mains de l'autre à tours de rôle ; s'abandonnant totalement au bon vouloir de celui ou celle présent. Si l'un des protagonistes ou les deux, n'étaient pas d'une sincérité totale ; leurs pronostiques vitales étaient alors engagés.

 C'était en fait un sort pire que la mort, de ce que compris Lorelaï à la lecture des écrits de son ancêtre. Le corps et l'esprit de la personne seraient irrémédiablement séparés, son âme errante pour l'éternité et ce dans une indicible douleur perpétuelle, sans aucun espoir de salut. Seules les ténèbres et une indéfectible souffrance comme funeste destin.

Lorelaï fut parcourue d'un frisson irrépressible à la lecture des avertissements terrifiants de son aïeule. Cette même ancêtre qui avait maudit bien des siècles auparavant les membres fondateurs des Hantã, celle qui était aussi à l'origine de la quête de Lorelaï, la source de l'affliction de Keiko. Cela n'était pas un hasard, la jeune femme en était persuadée. Comme si son aïeule avait sût qu'elle, Lorelaï allait avoir besoin des lignes qui défilaient sous ses yeux, comme si la matriarche de toute sa famille, la toute première des sorcières de sa lignée lui envoyait son aide depuis l'au-delà. Les fils invisibles du destin semblaient se tisser avec une perfection effrayante, reliant les événements passés aux défis présents. Chaque étape de cette quête était une pièce d'un puzzle complexe, un enchevêtrement de destinées entrelacées. Lorelaï percevait ces connexions avec une clarté déconcertante, comme si les voiles du monde s'étaient levés devant ses yeux, révélant la toile invisible qui enveloppait leur existence. Cela ne faisait plus aucun doute pour la sorcière, c'était là le seul et unique moyen de sauver son amie.

L'émotion l'étreignit alors qu'elle prenait conscience de la portée de cette découverte. C'était une révélation, un signe des puissances mystérieuses qui régissaient son existence. Un mélange indescriptible de fascination et d'effroi s'empara de son cœur, créant un tourbillon d'émotions contradictoires.  

La peur de l'échec, de la trahison, et le désir brûlant de sauver Keiko se mélangeaient dans son esprit, formant un nœud serré dans sa gorge. Elle se demandait si elle avait la force nécessaire pour se soumettre à un tel acte de foi et de confiance absolue envers une autre personne, de se laisser guider par une volonté étrangère. Mais elle savait que si elle ne le faisait pas, Keiko mourrait et elle était prête à risquer sa propre existence pour cela. Elles avaient tant vécu ensemble dans ce court laps de temps. Elles s'étaient protégées l'une l'autre, avaient ri ensemble ; pleuré ensemble. Chacune était la moitié d'un tout, se complétant parfaitement telle les deux faces d'une même pièce, opposée mais indissociable. Keiko avait été la seule à qui Lorelaï avait fait le choix de révéler sa vraie nature sciemment, ayant en elle une foi sans borne. La décision de la sorcière était une évidence, elle allait pratiquer le rituel et sauver son amie.

Lorelaï retourna à l'entrepôt, sa détermination nouvellement renforcée émanant de chaque fibre de son être. Le rituel à venir était délicat et exigeait une précision et un calme absolus. Lorelaï savait que le moindre faux pas pouvait avoir des conséquences désastreuses, c'est pourquoi, elles entreprirent celui-ci alors que personne, exception faite des deux jeunes femmes, ne fut présent. Elle avait préparé méticuleusement tous les éléments nécessaires, disposant soigneusement les bougies tout autour d'elles. S'asseyant en tailleur devant l'un des coussins, Lorelaï invita Keiko à faire de même d'un geste de la main, accompagné d'un sourire rassurant. La tension palpable dans l'air était tempérée par la confiance qu'elle essayait de transmettre à son amie. Elle avait besoin que Keiko ait foi en cette procédure, malgré l'appréhension qui commençait à se lire sur son visage. Tandis que son amie s'exécutait, la sorcière prit une profonde inspiration et entama une incantation spécifique au rituel. Les mots s'élevèrent dans l'air, emplissant la pièce d'une énergie vibrante et envoûtante. Les bougies s'illuminèrent simultanément Les flammes dansantes projetèrent des ombres éthérées sur les visages des deux femmes, créant une aura surnaturelle qui semblait envelopper leur être tout entier.

« Leurs lumières seront nos guides pour retourner dans nos corps... » Expliqua Lorelaï à son amie. « Nous allons joindre nos mains, paumes contre paumes, réciter une incantation à l'unisson et si nous avons procédé correctement, nos esprits vont quitter nos corps pour aller sur le plan astral appelé medium locum. » 

Keiko fronça les sourcils, l'appréhension se lisant sur son visage. la sorcière sentit un élan d'empathie pour son amie, consciente des doutes et des craintes qui l'assaillaient. 

« Ne t'inquiète pas, cette partie-là ne constitue aucun risque. » Tenta-t-elle de la rassurer, espérant apaiser les inquiétudes grandissantes de la jeune femme.

Mais l'agitation de Keiko persistait. La tension dans la pièce était tangible, comme un fil fragile sur le point de se rompre.

« Cette partie-là ? » Répéta Keiko, sa voix empreinte d'une inquiétude croissante.

Lorelaï soupira, cherchant les mots justes pour expliquer la vérité à son amie.

« Oui... Je ne vais pas te mentir, la suite du rituel est beaucoup plus risquée. Nous allons devoir confier notre vie à l'autre à tours de rôle. En s'abandonnant ainsi, l'on fait acte de foie et l'autre, quant à elle, doit choisir d'accepter la confiance aveugle de celle qui s'est ainsi remise corps et âme à elle. »

Le regard de Keiko trahissait une perplexité grandissante, cherchant à comprendre les implications de leurs actions. Les battements de son cœur résonnaient dans ses tempes, témoins de son état d'incertitude.

« En quoi est-ce dangereux ? » Demanda-t-elle d'une voix empreinte de perplexité, son cœur battant un peu plus rapidement dans sa poitrine.

« Eh bien, quand je parle de remettre notre vie entre les mains de l'autre, c'est à prendre au sens littéral... » Commença Lorelaï d'une voix empreinte de solennité. « Si l'une de nous deux n'est pas sincère dans la démarche, la connexion sera rompue. En d'autres termes, celle qui fait acte de foi verra son corps et son âme séparés... Si la chair et l'esprit sont éloignés l'un de l'autre pendant une trop longue durée, le corps se meurt. C'est pourquoi les bougies sont là, c'est une sorte de filet de sécurité. Elles maintiennent un lien subtil entre nos essences et nos enveloppes charnelles. »

« Je vois... » Dit simplement Keiko, réfléchissant aux tenants et aboutissants des explications de la sorcière. « Bon, on se lance ? » Demanda-t-elle, un sourire sincère aux lèvres.

Lorelaï répondit à son sourire avec une lueur d'admiration dans les yeux. Elle acquiesça d'un signe de tête déterminé, sentant son cœur battre la chamade dans sa poitrine. C'était un moment crucial, où le destin de leur amitié et leur propre existence étaient en jeu.

Elles joignirent leurs paumes, leurs mains se rencontrant dans un geste d'union sacrée. La tension dans l'air était palpable, une électricité chargée d'émotions et de puissantes énergies mystiques.

En chœur, elles commencèrent à psalmodier l'incantation, leurs voix se mêlant en une harmonie envoûtante. Les mots anciens semblaient flotter dans l'air, imprégnant l'espace de leur signification profonde.

L'effet ne tarda pas à se faire sentir. Dans une synchronicité parfaite, leurs deux corps tombèrent en arrière, leurs têtes trouvant leur place sur les coussins prévus à cet effet. Les paupières se fermèrent lentement, comme à l'instant de sombrer dans un profond sommeil, puis se rouvrirent brutalement et simultanément. Un frisson parcourut leurs échines, leurs bustes se cambrèrent légèrement, et leurs lèvres s'entrouvrirent quelques secondes, comme si elles laissaient échapper un secret. Enfin, leurs dos reprirent leur position initiale, leurs muscles se détendirent, les rendant dorénavant immobiles.

Leurs âmes avaient quitté leurs corps.

Ce n'était pas l'apaisant paysages brumeux désormais familier à Lorelaï, dans lequel toutes deux se retrouvèrent. La sérénité que procurait d'ordinaire les voyages astraux à la sorcière, se substitua à l'angoisse que provoquait cet endroit lugubre quel qu'il soit. Elles étaient dans l'obscurité la plus totale. La noirceur était souveraine en ce lieu exception faite des flammes de bougies qui flottaient tout autour d'elles comme unique rempart contre les ténèbres environnantes menaçant de les engloutir à tout instant. Elles n'étaient cependant pas seules en cet endroits. Des petits amas de fumée aux allures fantomatiques vagabondaient à proximité d'elles, les traversants à l'occasion provocant une infinie sensation de désespoir à celles-ci. Keiko regarda dans tous les horizons, apeurée et finit par demander à Lorelaï, la voix chevrotante :

« Mais quel est cet endroit bon sang ? »

Lorelaï qui s'était posée cette même question depuis leur arrivée, n'avait trouvé qu'une seule et unique réponse plausible ; qui, elle devait bien l'admettre, ne l'enchantait guère.

« Je sais où nous sommes... » Déclara-t-elle, marqua une pause. « Nous sommes dans les limbes. »

Keiko se crispa encore davantage à l'annonce de cette nouvelle des plus alarmantes. Tremblant en son for intérieur, elle demanda, craignant de connaître d'ores et déjà la réponse :

« Alors ces choses, ce sont... »

« Des âmes, oui. » Compléta Lorelaï venant confirmer les craintes de son amie.

« Faisons ce que nous avons à faire et partons de cet endroit au plus vite ! » Déclara Keiko, autoritaire. Celle-ci n'ayant aucune intention de s'attarder plus que nécessaire dans ce lieu sinistre.

Lorelaï acquiesça partageant l'opinion de la jeune femme et invita cette dernière à s'exécuter en première, ce qui semblait la ravir au plus haut point. La sorcière n'eut aucun mal à comprendre la réaction de son amie. Elle était dorénavant si faible, que rien que le fait de demeurait éveillé semblait être une lutte de tous les instants. De plus, la conduite du rituel dans son intégralité n'était pas nécessaire à la guérison de Keiko. Seule la partie où la jeune remettait son destin entre les mains de Lorelaï l'était. Il leurs faudrait, cependant l'accomplir dans son ensemble pour qu'elles puissent toutes deux, rejoindre leurs corps indemnes.

La description de cette partie du rituel était des plus obscures, la sorcière n'avait pu se préparer à l'innommable vérité. Ses yeux s'écarquillèrent sous la réalisation, Lorelaï ayant finalement compris en quoi consistait l'acte de foie, dont elle ignorait jusqu'à maintenant la teneur. C'était limpide pour elle en cet instant : c'était en fait un sacrifice aux âmes tourmentées des limbes, dont seule l'intervention volontaire d'une tierce personne pouvait substituer l'individu ainsi immolé, à une agonie éternelle.

Bien que cela soit inutile, son esprit seul étant présent, Lorelaï inspira profondément pour se donner du courage et indiqua la marche à suivre à son amie. Une incantation devait être prononcer par la sacrifiée puis une autre par celle supposée intervenir. Keiko s'exécuta, prononçant les mots qui déclencheraient le sacrifice. À l'instant où la sorcière récita les vers qui complétait le sortilège, les âmes se précipitèrent sur son amie tétanisée d'effroi. Aucune, cependant n'eût le temps de la toucher car la sorcière s'interposa immédiatement et sans aucune hésitation. Au moment où elle avait fait barrage, elle s'était mise à rayonner intensément, repoussant instantanément le flot d'âmes qui assaillaient Keiko loin d'elle.

Quand l'éclat qui avait jaillit de Lorelaï s'estompa, l'hostilité des âmes avait disparue. Keiko se sentait d'ores et déjà beaucoup mieux, à contrario de la sorcière qui elle avait été épuisée par la manœuvre. C'était comme si la quasi-totalité de son énergie vitale avait été drainée pour protéger l'esprit de son amie. La première partie du processus était achevée.

C'était maintenant au tour de la sorcière d'effectuer le sacrifice. Elle récita donc les mots lui incombant, attendant ensuite que Keiko complète la formule, mais elle ne le fit pas. Au lieu de cela, elle lui lança le même regard troublant qu'elle avait observé lorsqu'elle s'était réveillée. Ce regard qui l'avait tant perturbée était cette fois accompagné d'un sourire sinistre. Cette fois-ci, cependant, Lorelaï se souvint pourquoi il lui paraissait si familier. C'était le même regard que Kira avait lancé à Amélia, juste avant de dévoiler sa véritable nature et sa trahison.

Pour la première fois de sa courte et douloureuse existence Lorelaï avait réellement peur.

Elle aspirait envers et contre tout avoir tort en cet instant, cependant Keiko vint anéantir tout espoir que la sorcière pouvait encore nourrir.

« Merci du fond du cœur ma très chère Lorelaï. » Commença Keiko le ton froid et le regard dur. « Tu m'offres non seulement la chance de survivre à la sorcellerie mais également la parfaite occasion de m'amender en mettant fin à l'existence de celle à l'origine de mon déshonneur. »

La mâchoire de Lorelaï se crispa aux mots et à la sombre menace de l'inconnu face à elle.

« Quand ? »

« À ton avis ? Allons Lorelaï où est passé ton incroyable esprit de déduction ? » Répliqua Keiko avec une pointe de moquerie.

« Le rituel de ton oncle ! » Répondit Lorelaï.

En guise de réponse, Keiko lui offrit un sourire empreint de suffisance, ne laissant aucun doute quant à la véracité de la supposition de la sorcière. En cet instant, Lorelaï jura que si elle parvenait à survivre, elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour rétablir la véritable personnalité de son amie et non ce simulacre de propagande de l'inquisition qui l'avait remplacée.

« Et tu fais semblant depuis tout ce temps ? » Demanda Lorelaï honteuse d'avoir été si facilement dupée.

« D'être votre allié à toi et toute ta petite bande de dégénérées ? Effectivement, je n'ai cependant jamais menti ! »

Lorelaï repensa à toutes les conversations qu'elle avait eu avec Keiko depuis son réveil. Elle devait bien admettre que cette dernière disait vrai ; que ce soit quand elle avait affirmé se sentir plus elle-même que jamais et que tout était limpide ou encore quand elle avait exprimé ses inquiétudes quant à leurs liens... La sorcière avait tout simplement mal interprété les propos de celle-ci. Son instinct n'avait eu de cesse de l'alerter sur le comportement de la jeune femme, mais comme à son habitude elle n'avait pas écouté. Qu'est-ce qu'elle pouvait être stupide parfois, pensa-t-elle ; énervée de n'avoir sue voir l'évidence.

Comprenant avec aisance la réflexion à laquelle était en proie, celle qu'elle avait considéré autrefois comme son amie ; Keiko intervînt.

« Ne soit pas trop dure envers toi-même, personne n'a rien vu ! Bon loin de moi l'envie de couper court à cet instant riche en révélations, mais il me reste encore beaucoup à faire... Adieu ma très chère Lorelaï et encore merci pour ton sacrifice. »

À ces mots, Lorelaï vit s'insinuer une lueur de doute dans les yeux de Keiko, reflétant l'intensité de la situation. Pendant un court instant, une fraction de seconde qui sembla durer une éternité, elle ressentit les émotions de celle qui s'apprêtait à mettre fin à sa vie. C'était comme si un voile se levait, permettant à Lorelaï d'entrevoir les sentiments qui habitait la jeune femme. Elle ressentait de la détresse et du désespoir. C'était déconcertant, presque insupportable. Comment pouvait-il y avoir une telle souffrance dans le cœur de celle qui était prête à prendre sa vie ? Rien de tout cela n'avait de sens, et pourtant, Lorelaï ne se trompait pas.

Malheureusement pour cette dernière, le lien se rompit aussi rapidement qu'il était apparu et l'incertitude fut bientôt chassée et remplacée par de la détermination. Keiko dorénavant d'une froideur terrifiante finit alors la formule libérant une fois encore la horde d'âmes déchaînées. La jeune femme quitta le plan astral sous les cris de douleurs de la sorcière, la laissant seule avec son funeste destin.

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