Chapitre 31 : Dédale
Le soleil se levait lentement à l'horizon, baignant la ville d'une lueur dorée. Les premiers rayons caressaient les visages fatigués de Castiel et Liam, soulignant les cernes qui s'accentuaient sous leurs yeux. L'aube arrivant, les deux hommes allaient devoir finalement abandonner leurs recherches. Ils y avaient passé la soirée, ainsi que toute la nuit. Ils avaient fouillé chaque recoin de la ville inlassablement, interrogeant le personnel et les occupants des lieux qu'ils visitaient. Leurs efforts avaient pourtant été vains, ils n'avaient pas trouvé la moindre trace de Lorelaï. Le sablier du temps continuait à s'écouler, lentement, implacablement et chaque grain qui tombait emportait avec lui une parcelle d'espoir.
Ils pensaient qu'en toute logique, surtout vu l'heure matinale, il était inutile de poursuivre pour le moment leurs investigations et s'apprêtaient à abandonner pour le moment. C'est à cet instant précis, qu'une onde puissante, telle une décharge électrique, parcouru le corps de Liam. Il avait finalement senti la présence de la jeune femme. Le vampire sentit l'énergie de Lorelaï vibrer dans ses veines, une présence qu'il n'avait plus ressentie depuis des jours, depuis que cette maudite bague ornait son doigt. La morsure obtenue avec fourberie par Liam, se révélait particulièrement utile en cet instant.
Castiel, avait également ressenti une vibration intense le traverser mais n'en saisissait absolument pas l'origine. Cette sensation indescriptible résonnait en lui telle une étrange invitation, un appel mystique dont il ne comprenait pas la signification. Reprenant son souffle le lycan observa Liam pendant quelques secondes, remarquant que celui-ci s'était figé devant lui. Se pourrait-il qu'ils aient pu tout deux percevoir ce même ressac les percuter ? Le vampire s'apercevant du regard insistant de Castiel prit la parole.
« Je sais où elle est ! » Affirma Liam avec détermination.
Ces simples mots résonnèrent tel un écho fragile, une promesse de lumière dans l'obscurité de l'incertitude. Le cœur palpitant, Castiel se lança à la suite de Liam sans même prendre le temps de demander plus d'informations. Leurs pas précipités résonnaient dans les rues désertes, dévorant l'espace entre eux et Lorelaï. Pour l'heure, l'important était de la récupérer quel qu'en soit le prix, par la ruse voire la force si nécessaire. Au bout de quelques minutes semblant interminables, ils finirent par arriver devant l'entrée sombre et délabrée d'un hôtel miteux du centre-ville.
Liam n'avait aucun doute, elle était bien là. Ils se précipitèrent à l'intérieur de l'établissement des plus douteux, sourds aux objections intempestives du tenancier, leurs pas résonnant sur les lattes craquelées du plancher. Les murs décrépits semblaient retenir leur souffle, tandis que l'atmosphère emplie d'odeurs suspectes chatouillait leurs narines. Ils montèrent les escaliers quatre à quatre. La lumière vacillante des ampoules au plafond ajoutait à l'atmosphère sinistre du lieu, donnant l'impression que le temps s'était arrêté dans cet endroit oublié. Ils arrivèrent finalement devant la porte derrière laquelle se trouvait Lorelaï.
Ils n'avaient pas vraiment réfléchi à la manière dont ils allaient procéder ensuite, ils avaient juste accouru. Avant que Liam n'est pu l'en dissuader, Castiel donna un coup puissant dans la porte, la sortant de ses gonds au passage. Le vampire leva les yeux au ciel, ce sans que son comparse ne s'en rende compte, puisque ce dernier avait d'ores et déjà pénétré dans la pièce. Liam franchis à son tour ce qui restait du seuil de la chambre et à son grand étonnement ne vit personne. Il balaya rapidement la pièce du regard et constata que le lit était en bataille, signe d'une occupation préalable plus qu'évidente. En y rentrant plus avant il finit par apercevoir l'objet de leurs préoccupations. Lorelaï, se tenait là affalée et prostrée, telle une ombre figée dans un coin de la chambre. Vêtue d'un simple drap, catatonique, la jeune femme regardait fixement devant elle, le regard éteint.
Elle semblait en état de choc profond. Elle paraissait ne même pas avoir remarqué l'intrusion bruyante de ses deux anciens amants dans la pièce. À dire vrai, aucune émotion, aucune vie ne semblait l'animer. Ses cheveux défaits caressaient son visage blême, ses yeux vitreux, accentuant l'aspect dévasté de son apparence. Comme une fleur fanée privée de sa beauté éclatante, elle demeurait là, perdue dans les ténèbres de son esprit tourmenté.
Castiel désigna d'un signe de tête, la main désormais vide, où trônait la veille encore le bijou qui était la source de tous leurs maux actuels. Ils ne trouvèrent nulle part le dît objet, qui que fut là avec Lorelaï, il avait dû l'emmener avec lui.
Voyant que leurs efforts pour sortir la jeune femme de sa torpeur était inefficace, Liam finit par la prendre avec une infinie douceur dans ses bras. Il ressentit la légèreté de son corps inerte et la froideur de sa peau, comme si toute vie l'avait abandonné. La jeune femme était devenue une poupée fragile, sa tête tombant pitoyablement sur l'épaule de Liam alors qu'il la portait hors de la pièce. Ils sortirent par l'escalier de secours de l'établissement, la ruelle dans laquelle ils se trouvaient alors était déserte, exception faite d'un homme à son extrémité. Il les fixait avec un intéressement non dissimulé pour le trio.
L'inconnu qui se tenait à l'extrémité de la ruelle était d'une grande prestance. Sa stature imposante évoquait la puissance contenue dans ses muscles sculptés. Chaque mouvement qu'il effectuait était empreint de grâce et d'élégance, soulignant sa présence magnétique. Son visage anguleux, aux traits ciselés avec précision, dégageait une aura d'intensité et de séduction. Ses cheveux d'un noir ébène, légèrement longs et ondulés, étaient soigneusement rejetés en arrière, mettant en valeur ses yeux perçants en amande d'un bleu profond et captivant, qui conféraient à son regard une lueur mélancolique.
La barbe naissante qui ombrageait sa mâchoire bien définie et son menton carré ajoutait une touche de mystère et d'insouciance à son apparence. Chaque détail de son visage semblait avoir été sculpté avec une précision exquise, créant une harmonie parfaite. Il était vêtu sobrement, mais sa tenue intemporelle et manifestement coûteuse détonaient avec le quartier malfamé dans lequel ils se trouvaient.
Le sourire narquois qui étira ses lèvres fines en voyant l'attitude méfiante de Liam et Castiel témoignait de son amusement. Cependant, il ne fit rien de plus, se contentant de les observer. Les deux hommes, conscients que la situation urgente de Lorelaï était leur priorité absolue, choisirent de ne pas insister davantage et de se concentrer sur elle. La jeune femme demeurait toujours immobile, blottie dans les bras de Liam, fragile et vulnérable.
Ils revinrent en hâte à leur quartier général, précipitant leur retour pour s'assurer que Lorelaï soit prise en charge. La tension était palpable, leur anxiété grandissait à chaque seconde passée. Arrivés sur place, Eden et Keiko vinrent à leur rencontre. Lorsque cette dernière vit l'état de Lorelaï, elle poussa un cri d'effroi, les yeux écarquillés d'inquiétude.
« Lorelaï ! » S'écria-t-elle, choquée, l'émotion perçant dans sa voix.
Constatant qu'aucune réaction n'émanait de celle-ci, elle passa sa main devant le regard vide de la jeune femme. Aucun mouvement, même le plus imperceptibles soit-il ne se fit. On la croirait morte pensa Keiko, pourtant elle pouvait voir le torse de Lorelaï se lever et se baisser au rythme de sa respiration régulière. En une vaine et ultime tentative de faire réagir le corps inerte de cette dernière, Keiko saisit fermement les épaules de celle-ci et la secoua violemment. Tel un pantin désarticulé, la tête de la jeune femme bougea pitoyablement d'avant en arrière subissant les à-coups donner par son amie. Rien ne se produisit. Keiko regarda tour à tour Liam et Castiel, la bouche entrouverte, incapable de comprendre.
« Mais bon sang ! Que s'est-il passé ? » Demanda la jeune femme.
« C'est ce qu'on aimerait bien savoir ! » Répondit Liam, sans la moindre trace d'ironie dans sa voix.
Avant que Keiko n'eut la moindre chance de renchérir, ce fut Eden qui prit cette fois la parole.
« Et la bague? »
« Disparue... » Déclara Castiel le regard sombre.
Un silence pesant s'installa, emplissant la pièce de son lourd fardeau, jusqu'à ce que la louve brise enfin le mutisme.
« Comment l'avez-vous trouvée ? »
« Son esprit s'est ouvert au moment où on allait finalement abandonner pour ce soir, j'ai enfin pu sentir sa présence. On l'a trouvé comme ça... » Déclara Liam en la montra de la main désignant la condition végétative de la jeune femme. « Dans un hôtel du centre. » Un profond soupir s'échappa du vampire, reflétant les tourments qui agitaient son esprit. Il prit une courte pause, son expression soucieuse trahissant ses préoccupations. Puis, il demanda d'une voix teintée d'urgence : « Comment on la sort de cet état ? »
« J'en ai aucune idée... » répondit Eden, sa voix empreinte de tristesse et de résignation. Ses épaules s'affaissèrent légèrement, comme si le poids de l'incertitude pesait sur elle. « Il n'y a aucun précédent ! Personne n'a jamais réussi à enlever l'une de ces bagues et encore moins survécu à l'une d'entre elles. »
Keiko, perdant son regard dans le vide, murmura d'une voix à peine audible :
« Si l'on y réfléchit bien, elle est juste bloquée dans son esprit... »
« Bien joué Einstein ! Remarque pertinente et tout à fait utile. » Ironisa Liam d'un ton empreint de sarcasme.
Keiko, son visage se froissant légèrement, leva les yeux vers Liam, ses prunelles empreintes d'une lueur de détermination. « Si tu ne m'avais pas interrompue inutilement, tu aurais compris l'intérêt ! Alors tais-toi deux secondes, veux-tu ! » Elle fit une brève pause, lançant un regard noir au vampire. « En somme, il suffit seulement d'accéder à son esprit ? »
« Seulement ! » L'interrompit une fois de plus le vampire agacé, sans ménagement.
« Laisse-la finir ! » Intervint sèchement Eden, ses sourcils se fronçant alors qu'elle suivait attentivement le cheminement de pensée de Keiko, comprenant où celle-ci voulait en venir.
« Je te rappelle que Lorelaï a lié nos esprits, il y a quelques mois, donc en théorie... »
« Tu devrais pouvoir entrer ! C'est brillant ! » Termina Eden, l'excitation mêlée d'espoir se faisant entendre dans sa voix.
« Le seul souci c'est que je n'ai strictement aucune idée de comment procéder... » Déclara Keiko d'une voix teintée de tristesse, sa frustration perceptible.
« Essaie simplement, on avisera après ! » L'encouragea Castiel, confiant.
Keiko acquiesça d'un mouvement de tête déterminé et se mit en tailleur face au corps toujours sans vie de son amie. Elle inspira profondément, sentant l'air frais remplir ses poumons, et planta son regard dans celui de Lorelaï. Le vide renvoyé par ses yeux la fit frissonner, mais elle secoua ses mains pour chasser cette sensation de son corps. Les battements de son cœur s'accélérèrent tandis qu'elle se concentrait intensément sur Lorelaï, consciente des regards emplis d'espoir ou de scepticisme des trois spectateurs présents.
Après plusieurs minutes d'efforts infructueux, Keiko saisit instinctivement les mains de la jeune femme, cherchant à renforcer leur connexion. À cet instant précis, elle ressentit une étreinte, une empreinte rendue par Lorelaï. Une décharge d'électricité sembla parcourir tout son corps, créant des frissons le long de sa colonne vertébrale. Soudain, l'entrepôt sombre dans lequel elle se trouvait il y a à peine quelques secondes disparut sous ses yeux ébahis, laissant place à un paysage onirique et terrifiant.
Le décor dans lequel Keiko se trouvait à présent était tout autre... C'était comme si elle avait été transportée dans un bâtiment en ruine, où le temps avait laissé sa marque indélébile. Chaque mur fissuré, chaque pierre déplacée semblait refléter l'état d'esprit tourmenté de Lorelaï. Keiko ressentit une vague de tristesse et d'oppression l'envahir alors qu'elle avançait plus avant dans ce lieu morbide et hostile, rappelant les décors effrayants des films d'horreur qu'elle avait pu voir par le passé.
Elle se retrouvait au cœur d'un labyrinthe cauchemardesque, où chaque couloir semblait une invitation à la perte. Les chemins tortueux s'enchevêtraient comme des serpents, créant une toile complexe et oppressante. Les murs décrépits, couverts de brèches et de moisissures, semblaient prêts à s'effondrer à tout moment, exhalant une odeur de putréfaction.
La lumière était absente, laissant les corridors plongés dans une obscurité oppressante. Des ombres fantomatiques dansaient le long des parois, se tordant et se déformant telles des entités malveillantes. Le sol était jonché de débris et d'obstacles imprévisibles, rendant chaque pas incertain. Des racines noueuses surgissaient du sol, comme des tentacules ténébreuses cherchant à piéger les intrus.
Alors que Keiko avançait, les couloirs devenaient de plus en plus hostiles. Les parois semblaient se rapprocher, réduisant l'espace vital et amplifiant le sentiment d'enfermement. Tout semblait usé et sale autours d'elle, cela lui semblait faire des heures qu'elle errait ici. Plus elle avançait, plus les chemins qu'elle empruntait étaient sombres et inhospitaliers. Vu les enjeux, abandonner n'était en aucun cas une option pour la jeune femme. Son amie avait besoin d'elle. Malgré son envie quasi irrépressible de faire demi-tours et de s'enfuir en courant ; elle continua à grand peine de mettre un pied devant l'autre, forte d'une volonté indéfectible.
Elle finit par atteindre ce qui semblait être le centre de ce dédale sinistre. Si tant est que ce soit possible, cet endroit paraissait encore plus délabré que le reste, des ronces parcouraient les murs qui menaçaient de finir de s'écrouler à tout moment, créant une symphonie lugubre de grincements et de craquements. Le toit partiellement effondré, ne laissant entrevoir que l'obscurité souveraine en ce lieu et le néant. Si un esprit était capable d'avoir la chair de poule, c'est exactement ce que ressentait celui de Keiko en cet instant.
Quand elle finit par poser ses yeux sur le cœur du lieu en lui-même, elle aperçut l'objet de tout son courage. Lorelaï. Celle-ci était affalée, tremblante de tout son être, le front sur ces genoux, les bras enserrant ses jambes fébriles. Elle n'avait absolument pas remarqué son amie qui s'approchait à pas feutrés et avec une grande précaution d'elle. Quand elle fut tout près, Keiko posa avec tendresse et le plus délicatement possible sa main sur l'épaule frémissante de Lorelaï. À l'instant où leurs peaux entrèrent en contact, la jeune femme jusque lors apathique, se redressa avec beaucoup de difficulté, tant elle semblait à bout de force. La vision de décrépitude qu'offrait la sorcière était terrible, obligeant Keiko à reculer d'un pas devant ce lugubre spectacle. Keiko porta une main devant sa bouche comme pour en retenir un cri, horrifié par ce qu'elle voyait. Elle scrutait chaque détail avec des yeux écarquillés, incapable de croire ce qu'elle voyait. La détresse incarnée par Lorelaï était insoutenable, plongeant Keiko dans un abîme d'effroi et de chagrin.
Elle, d'ordinaire toujours si soignée, était marquée de larges entailles sanglantes semblant parcourir tout son corps, suintant une substance purulente qui emplissait l'air d'une odeur nauséabonde. Chaque plaie semblait raconter une histoire douloureuse, comme autant de stigmates visibles de son calvaire intérieur.
Le noir jais, reflétant le vide et la désolation, avait remplacé le bleu cristallin de ses yeux en dessous desquels de profondes cernes noirâtres se creusaient. La moindre respiration semblait être un effort pénible, comme si chaque souffle était un défi pour son corps épuisé.
Ses lèvres était d'un bleu terne et parsemée de gerçures. Son visage, quant à lui était empreint d'une teinte sépulcrale, comme si la mort avait déjà commencé à s'emparer d'elle. Ses joues étaient creuses, marquées par une maigreur alarmante qui reflétait le vide intérieur qui la consumait. Ses cheveux d'habitude impeccables, quant à eux étaient gras, sans volume et emmêlés.
Le corps de Lorelaï semblait également ravagé par la détresse qui la consumait. Son épiderme, autrefois doux et lumineux, était maintenant recouvert d'un voile épais d'impuretés et de saletés. La peau semblait asphyxiée, étouffée par les souillures qui s'étaient accumulées, évoquant le début d'une putréfaction intérieure, une décomposition lente et insidieuse.
Mais ce qui déconcertait le plus Keiko était la résignation apparente de Lorelaï face à cette agonie. Aucune grimace de douleur ne déformait son visage, aucun gémissement ne s'échappait de ses lèvres meurtries. Elle semblait presque en harmonie avec son propre calvaire, comme si elle avait enlacé ce tourment de tout son être, l'accueillant à bras ouverts comme on accueille une vieille amie retrouvée.
Dans cet état d'indolence, Lorelaï posa son regard sur Keiko, mais il n'y avait aucune lueur de reconnaissance ni de connexion. Son regard était vide, dépourvu de toute émotion, comme si l'essence même de son être avait été engloutie par les ténèbres qui la consumaient.
« Je savais que ça serait toi. Cela ne pouvait être nul autre que toi... » Déclara la sorcière moribonde, sa voix se perdant dans l'atmosphère comme un murmure épuisé. Keiko ressentit un serrement douloureux dans sa poitrine, comme si le poids des mots de Lorelaï s'était emparé de son propre cœur. Elle hocha la tête tristement, incapable de trouver les mots adéquats pour répondre et Lorelaï enchaîna. « Tu es ici pour que j'y retourne n'est-ce pas ? »
Sa voix, dépourvue de toute intonation, résonnait comme une écho lointain, dépourvu de vie, comme si les mots eux-mêmes étaient fatigués de se frayer un chemin à travers ses lèvres. Voyant Keiko acquiescer d'un simple geste une nouvelle fois, un soupir éreinté s'échappa des lèvres de le jeune femme, témoignant de l'épuisement qui la détruisait. Son interlocutrice lui accorda quelques instants de silence, respectant la fragilité de son amie. Puis, ne pouvant plus contenir sa curiosité et son inquiétude, elle finit par lui poser la question qui brûlait dans son esprit.
« Que t'est-il arrivé pour que tu finisses... Ici ? » Demanda-t-elle, dans un souffle. Les mots s'échappèrent de sa bouche avec précaution. Chaque mot, chaque syllabe, était prononcé avec précaution, comme si elle craignait que le simple acte de parler ne brise encore davantage l'âme fragile de Lorelaï.
La réponse de la sorcière lui parvint détachée, le regard livide, comme si elle-même n'était plus tout à fait présente dans ce lieu cauchemardesque et qu'elle s'effaçait lentement, inéluctablement de son propre esprit délabré.
« Je ne sais pas trop... » Répondit-elle dans un murmure presqu'inaudible. « Quand j'ai retiré la bague, tout ce que j'ai pu dire, faire ou même penser m'est revenu en mémoire... Je me rappelle avoir senti comme quelque chose se briser au plus profond de moi. Tout est devenu noir et froid. Puis je me suis retrouvée ici. Depuis ce moment-là, j'attends ta venue. »
Chaque mot était prononcé avec une apathie glaçante, renforçant le désespoir qui enveloppait l'âme tourmentée de Lorelaï. Keiko sentait son propre cœur se briser devant cette déconnexion émotionnelle, cette indifférence face à son propre sort.
« Je ne comprends pas, selon ce qui nous a été expliqué, tu n'aurais pas dû être capable de retirer cette bague. Les personnes qui la portent ne ressentent aucune envie de s'en séparer volontairement, et pourtant, c'est le seul moyen d'y parvenir... Comment as-tu réussi ? » Demanda Keiko d'une voix empreinte d'incompréhension et de curiosité.
« Le seul désir plus puissant que celui de garder cette bague à mon doigt était celui qu'elle suscitait en moi. Il le savait. Il s'en est servi. » Répondit la sorcière d'une voix basse et éteinte.
« Qui ça "il" ? »
Lorelaï ne répondit pas. Elle ne voulait pas. Elle ne pouvait pas. C'était trop tôt, elle voulait encore un peu pouvoir profiter du réconfort du déni. Juste un petit peu plus. Keiko, qui avait sans grande difficultés compris l'état d'esprit dans lequel se trouvait son amie, n'insista pas.
Pour la première fois depuis qu'elle se trouvait en ce lieu, Lorelaï sentit les émotions la submerger à nouveau, comme une vague violente, implacable, s'écrasant avec force dévastatrice sur son cœur qui ne semblait plus battre jusque là. Ces sentiments qu'elle avait si soigneusement refoulées se précipitèrent sur elle, la déchirant de l'intérieur, la mettant en pièce. Son visage se crispa, trahissant la lutte qu'elle menait en cet instant pour garder le contrôle. La détresse de Lorelaï était palpable, comme si chaque seconde qui passait la détruisait un peu plus. Keiko sentit son souffle se couper devant cette douleur insoutenable, impuissante face à la souffrance de son amie. Elle savait que Lorelaï était en train de vivre un moment difficile, et elle ne voulait pas la forcer à parler si elle ne le voulait pas. Elle posa simplement une main sur l'épaule de Lorelaï, pour lui montrer qu'elle était là, qu'elle ne l'abandonnerait jamais.
Finalement, après de longues minutes, Lorelaï parvint à reprendre un peu de contenance. Elle regarda son amie, qui était restée silencieuse, sans la juger ni la presser.
« Je suppose que tu ne partiras pas sans moi. » Déclara Lorelaï, brisée, une larme solitaire coulant sur sa joue.
Un soupçon de détermination brilla dans les yeux de Keiko, son regard fixant celui de son amie, reflétant sa volonté de soutien inconditionnel. Elle resserra doucement sa prise sur l'épaule de la sorcière, lui offrant une présence rassurante au milieu du chaos émotionnel.
« Effectivement ! » Répondit-elle avec fermeté, sa voix résonnant comme une promesse de lumière au cœur de l'obscurité.
Lorelaï soupira profondément, laissant échapper une expiration lourde chargée d'une résignation presque palpable. Ses épaules s'affaissèrent sous le poids du fardeau qui pesait sur son être, comme si chaque souffle était un rappel cruel de sa condition. Le désir de disparaître dans le néant se mêlait à l'inévitable réalité de devoir retourner dans un monde qui n'était pour elle qu'un supplice sans fin.
« Je m'en doutais. Bon d'accord. Je rentre avec toi. J'aurais cependant une condition. »
« Le contraire m'aurait étonné, c'était trop simple ! »
Un mélange d'amusement et de compréhension illumina le regard de son interlocutrice alors qu'elle observait son amie. Ses yeux brillaient d'une lueur amusée, traduisant la complicité qui existait entre les deux femmes. Elles étaient si différentes, et pourtant si proches, liées par une amitié indestructible qui les avait sauvées de bien des épreuves. La complexité de leur relation s'était enracinée au plus profond de leur être, se manifestant même dans les moments les plus inattendus. Un sourire sincère étira les lèvres de Keiko, illuminant son visage d'une chaleur contagieuse.
Ce simple geste était un rayon de lumière qui traversait les ténèbres de l'âme tourmentée de Lorelaï. Elle avait réussi à percer la carapace fragile de la sorcière, mais cette lueur de joie se dissipa rapidement, se transformant en une grimace empreinte de douleur. Les muscles du visage de la jeune femme se crispèrent, révélant la lutte acharnée qu'elle menait pour maintenir un semblant de contrôle sur ses émotions. La détresse qui habitait son être était tangible, comme si chaque seconde écoulée la détruisait un peu plus.
« Je t'écoutes, quelle est-elle ? » Demanda Keiko d'une voix empreinte de précaution, consciente de la vulnérabilité de la sorcière.
« Jusqu'à ce que j'en décide autrement, tout ce que tu as pu voir ici tu le garderas pour toi ! »
Comprenant aisément pourquoi son amie avait émis ce souhait elle accéda directement à sa demande. Keiko connaissait très bien Lorelaï et savait pertinemment que celle-ci ne voulait pas que les autres ne la sachent aussi écorchée par tout ce qui lui était arrivé. Non pas par fierté, mais car l'idée de ne voir que pitié dans le regard de ses proches lui était tout bonnement insupportable.
« Je t'en donne ma parole ! » Dit simplement Keiko d'une voix empreinte de sincérité.
Un soulagement palpable envahit la sorcière à ces paroles réconfortantes, lui apportant un brin d'apaisement dans la tourmente de son esprit.
« Bien ! » Répondit Lorelaï d'un ton résolu.
À ces mots, elles furent brusquement arrachées de l'esprit de Lorelaï, transportées loin de cette réalité cauchemardesque, laissant derrière elles les tourments et les secrets enfouis dans les méandres de son être.
Le jour avait laissé place à la nuit, enveloppant l'entrepôt d'une obscurité profonde. La visite de Keiko dans le subconscient de la sorcière avait duré plusieurs heures. Quand elles se réveillèrent, seule Eden était encore présente dans l'entrepôt. Un soupir de soulagement s'échappa des lèvres de la sorcière, apaisant légèrement la tension qui s'était accumulée en elle. Keiko partageait ce sentiment de gratitude envers l'absence de Liam ou de Castiel, sachant qu'ils auraient inévitablement assailli les jeunes femmes de questions indiscrètes.
Eden tourna la tête vers elles, un sourire timide étirant ses lèvres. Ses yeux brillaient d'une lueur bienveillante et sa voix résonna doucement dans l'air chargé de silence.
« Bon retour ! »
Lorelaï observa Keiko d'un regard interrogateur. Elles n'avaient jamais eu l'occasion de se rencontrer auparavant.
« Rory je te présente Eden, c'est la femme... » Commença à expliquer la jeune femme.
« Qui a transformé Castiel, je m'en souviens. » Acheva Lorelaï d'une voix empreinte de réminiscence, un mélange de curiosité et de reconnaissance animant son regard.
« Et également celle qui nous a aidé à comprendre ce qui t'arrivait ! » Reprit Keiko.
« Comment ça? »
Keiko et Eden lui expliquèrent la succession d'événements, qui avaient eu lieu en son absence, comblant ainsi les trous de ces derniers jours. Quand elles eurent fini, Lorelaï déclara :
« Rappelez-moi que si un jour ce Azazel se pointe, de lui botter son derrière soi-disant angélique ! »
Keiko et Eden pouffèrent de rire à l'unisson à l'écoute de cette déclaration incongrue. Cet instant de frivolité bienvenue fut malheureusement de courte durée.
Tout à coup, un fracas se fit entendre, ramenant aussitôt les jeunes femmes à la dure réalité. Le bruit provenait de l'extérieur du bâtiment, elles se précipitèrent au dehors. La première chose qu'elles virent fut Castiel, Liam et Amadeo au sol, le corps meurtris. Les surplombant, se tenaient nul autre que Timothy accompagné de ses hommes de mains. Celui-ci le regard empreint de malignité lança à l'adresse de Lorelaï.
« Je me disait bien que si le chien de garde et les cadavres étaient là tu ne pouvais pas être loin mon cœur ! » Apercevant Keiko, il souffla. « Mademoiselle Izumi ! Décidément vous jouez à un jeu des plus dangereux ! Je me vois dans l'obligation d'en référer à votre oncle. »
« Faites donc cela ! » Répondit sèchement Keiko à l'intention de Timothy les yeux emplis de haine pour celui-ci.
Il n'en eu cure, il toisait de nouveau Lorelaï, le regard pétillant et dit :
« Je suis déçu ma chère Lorelaï... Après le moment agréable que nous avons passé ensemble, pas un appel, pas un texto ni même une lettre ! »
À ces mots la jeune femme se raidit, le teint blafard. Voyant cela, Timothy se mit à rire grassement. Ce fut cette fois Castiel qui prit la parole avec véhémence.
« Il n'y a vraiment que dans un esprit tordu comme le tiens qu'on compare ce que tu lui as fait à un "agréable moment" ! » Vociféra le lycan, la voix déformé par l'aversion féroce qu'il ressentait pour l'inquisiteur.
Timothy sourit à pleine dents, regarda avec pitié le lycanthrope avant de rétorquer avec une délectation évidente.
« Oh mais je ne faisais aucunement référence à cette fois-là petit chiot ! » Déclara l'inquisiteur jubilant en cet instant.
« De quoi parle-t-il ? » Demanda Liam décontenancé par les tenants et aboutissants d'une telle déclaration. « Lorelaï ? » Dit-il dans une supplique, l'implorant du regard de venir réfuter cette allégation stupide.
Pour toute réponse la jeune femme baissa la tête sous le regard horrifié de ses amis. Keiko comprit à ce moment-là l'horrible vérité qui n'avait pu franchir les lèvres de la jeune femme plus tôt dans son esprit. Face au mutisme persistent de Lorelaï, Timothy reprit la parole.
« Tu ne leurs a donc rien dit ! » Sur un air faussement surprit, il regarda Liam et lui répondit à la place de la jeune femme. « Je parle de la nuit dernière. »
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