Chapitre 26 : Indicible trahison
Avertissement, ce chapitre contient une ou plusieurs scènes choquantes pouvant heurter la sensibilité.
Lorelaï fit un nouveau bond dans le temps, cette fois beaucoup plus conséquent. En effet plus de cinq années s'était écoulées, Amelia et sa petite fille Luna vivaient, toutes deux recluses dans le Sud-Ouest de la France, telles des parias. Elle, la femme célibataire ayant eu une bâtarde hors des liens sacrés du mariage, n'avait d'autre choix que de vivre discrètement, à l'insu de tous.
Elle observa attentivement le décor dans lequel elle se trouvait se constituant en une petite chaumière modeste, perchée au sommet d'une colline. Les murs en terre et en pierre donnaient à l'habitation un aspect rustique et chaleureux. Le toit de chaume, recouvert de paille séchée, offrait une protection contre les intempéries.
Lorelaï pouvait sentir l'odeur boisée qui émanait de l'intérieur de la maison. Il y avait une grande table en bois massif, où Amelia et Luna partageaient leurs repas. L'espace était simple mais chaleureux. Les volets en bois sombre étaient légèrement entrouverts, laissant filtrer les derniers rayons du soleil qui caressaient doucement les modestes meubles en bois de la pièce principale. Un foyer crépitait dans l'âtre, diffusant une douce chaleur.
L'endroit était entouré d'un petit jardin, où poussaient des herbes aromatiques et des légumes. Amelia cultivait avec soin chaque plante, utilisant leurs bienfaits pour soigner les maux du quotidien. Lorelaï pouvait sentir les effluves de lavande, de thym et de romarin qui flottaient dans l'air, embaumant l'atmosphère de la maison.
Malgré la simplicité de leur demeure, Amelia semblait épanouie dans cette vie isolée du reste du monde. Son amour pour sa fille Luna se ressentait dans chaque geste, chaque regard. Lorelaï pouvait percevoir la tendresse infinie d'Amelia lorsqu'elle prenait sa petite fille dans ses bras, lui chantant des berceuses pour l'apaiser.
Les difficultés et les préjugés qui pesaient sur elles au quotidien n'étaient rien, Lorelaï pouvait ressentir la sérénité qui émanait d'Amelia. Son amour pour sa fille était inconditionnel et sans limites, émouvant profondément la sorcière. Dans cette modeste demeure qui était la leurs, elles trouvaient refuge et réconfort mutuel. Les moments passés ensemble étaient emplis de tendresse et de complicité. Elles défiaient les conventions de l'époque et trouvaient la force de vivre selon leurs propres valeurs, loin des regards désapprobateurs.
Elle était en train de passer délicatement sa main dans les cheveux de Luna quand soudain un bruit venant de la porte s'éleva. Elles n'avaient pas pour habitude de recevoir de la visite, encore moins à une heure aussi avancée de la nuit ; c'est pourquoi Amelia fit signe à sa fille d'allait se cacher et de demeurer silencieuse quoi qu'il advienne. Luna obéit docilement, dissimulant son corps frêle dans un coin sombre dissimulé sous le plancher. Une fois celle-ci à l'abri, Amelia se dirigea lentement vers la porte, son cœur battant la chamade. Elle l'ouvrit avec précaution et à sa grande stupéfaction, elle se retrouva face à nulle autre que Kyra.
« Oh mon dieu ! Kyra ! Comment m'as-tu trouvé ? Quelle merveilleuse surprise ! Entre je t'en prie. » Dit Amélia, les larmes aux yeux sous l'intense émotion, provoquée par ses retrouvailles inattendues.
Elle la prit chaleureusement dans ses bras mais Kyra demeura impassible, les bras le long de son corps, apathique face à la démonstration d'affection de la femme qui se tenait face à elle. Son regard fixe se posa sur Amélia, sans aucune lueur de joie ou de reconnaissance. Amélia, décontenancée par la réaction de Kyra, finit par s'éloigner légèrement, les sourcils légèrement froncés.
« Tu vas bien ? » Lui demanda Amélia avec bienveillance, Kyra répondit d'un seul et unique hochement de tête. Amélia reprit donc la parole face au manque de réaction de sa plus vieille amie. « Tu ne m'as toujours pas répondue, comment m'as-tu retrouvé ? »
Le regard glacial de Kyra, ses yeux sombres d'un brun profond, fixait avec intensité Amélia. Il y avait quelque chose de dur, presque impénétrable dans l'expression de la jeune femme. Celle-ci, qui était jusque lors muette se décida enfin à prendre la parole.
« Je dois admettre que cela n'a pas été chose aisée, il m'a fallu plus de deux ans pour y parvenir... La tâche fut ardue, mais j'y suis finalement arrivée ! » Déclara-t-elle, un sourire de satisfaction sur les lèvres.
« Deux ans ? Mais cela fait maintenant plus de cinq ans que j'ai quitté Florence. Cela ne fait rien, ce qui est fait, est fait. As-tu des nouvelles de ma famille ? Et toi, dis-moi que deviens-tu ? On a tellement de temps à rattraper, tellement de chose à se dire. Je veux tout savoir ! » Dit la sorcière tentant d'ignorer la sensation grandissante de malaise qu'elle ressentait face à cette rencontre.
Une lueur, qu'Amélia n'avait jamais vu auparavant, passa dans le regard de Kyra. Quelque chose d'imperceptible, qui la fit légèrement frissonner tant elle fut malaisante.
« Pour tout dire, je suis désormais marié et mère d'une petite fille, ainsi que d'un jeune garçon. » Répondit son amie.
« Oh félicitation ma chère Kyra ! Tu m'en vois comblée ! Qui est l'heureux élu ? Je le connais ? » Demandé Amélia, s'accrochant à sa joie d'avoir retrouver la jeune femme malgré une attitude de plus en plus déconcertante de cette dernière.
Kyra qui était resté jusqu'à présent d'une extrêmement froideur, devînt soudainement très souriante et sembla tout particulièrement apprécier la situation. Sa réponse déchira le cœur d'Amelia.
« Thomas Bierko. »
Ces deux petits mots eurent un effet dévastateur sur la sorcière. Elle resta sans voix aucune face à celle qu'elle avait autrefois considérée comme sa sœur. Face à cette réaction pour le moins prévisible, Kyra se mit à s'esclaffer d'un rire empreint de malignité, dévoilant enfin son vrai visage à la jeune femme désemparée lui faisant face.
« Tu verrais la tête que tu fais, ma pauvre ! J'ai attendu ce moment depuis très longtemps, tu peux me croire ! Tous ces faux-semblants, ces manigances... Il m'a fallut tant de volonté, de sacrifice pour finalement arriver à ce résultat, mais ça en valait la peine. Je dois admettre que je ne suis pas déçue ! C'est encore plus jouissif que je ne l'avais imaginé... Que croyais-tu ? D'où venait la petite fuite d'après toi ? »
Les yeux d'Amélia s'agrandirent sous le choc de la compréhension des propos haineux de son interlocutrice. Jamais de sa vie, elle n'avait ressenti un tel sentiment de trahison. Pourquoi Kyra, celle là même à qui elle aurait confier sa vie sans hésiter un seul instant abuserait-elle de la sorte de la confiance qu'elle avait placer en elle ?
« Mais pourquoi ? Comment as-tu pu ? Tu étais mon amie ! »
« Ton amie, dis-tu ? Tu es d'une telle naïveté que s'en est consternant ! Je connaissais depuis longtemps le "petit" secret de ta famille ! J'étais parfaitement au fait de ce que tu es... Crois-tu que je sincèrement que je puisse avoir une quelconque affection ou même de la loyauté pour un être aussi avili que toi ? Si ta simple nature ne te paraît pas suffisante pour justifier mes actes ou ma haine envers toi et les tiens, je sais ce qui le fera. Savais-tu que ta mère était responsable de la mort de la mienne ? Non ? Je m'en doutais ! Depuis ce jour-là, je me suis jurée que je te prendrais tout ! Ta famille... »
Kyra jeta sur la table la broche qui appartenait à la mère d'Amelia, la chevalière de son père, ainsi que le mouchoir ensanglanté de sa petite sœur qui était âgée d'à peine huit ans. Amelia regardait ces trophées macabres, anéantie par ce qu'ils signifiaient. Elle mit une main fébrile devant sa bouche tremblante. Sa famille toute entière avait été décimée par celle-là même qui se tenait devant elle. Voyant le mutisme de Lorelaï ; Kyra reprit sa litanie :
« L'homme que tu aimais... » Elle caressa subrepticement son alliance. « Les enfants que tu aurais dû avoir... Il ne reste désormais plus qu'une seule chose que je puisse encore te prendre.»
Kyra sortit alors une lame du fourreau qu'elle portait dans le dos. Lorelaï hoqueta intérieurement en reconnaissant l'arme que tenait désormais l'ancienne incarnation de son amie sans aucune équivoque possible. C'était le Katana, que Keiko offrirait des siècles plus tard à la jeune femme. Kyra fit tourner la lame d'un geste fluide du poignet et jeta un regard empreint d'une aversion profonde à Amelia, avant de reprendre une dernière fois la parole.
« Ta vie ! Le pire dans tout ça, c'est que j'étais prête à abandonner mes désirs de vengeance. Ton humiliation étant une punition certes douce mais satisfaisante. J'arrivais à me contenter de t'imaginer devoir passer le reste de ta misérable existence avec pour seules compagnies ta solitude et ta honte. Je m'étais résignée à cette fin jusqu'à ce que j'apprenne que tu ne t'étais pas enfuie, oh non, mon mari a supplié qu'on te laisse la vie et t'as laissé partir ! Tu vas payer sa faiblesse ! »
Sans qu'Amelia n'ai eu le temps de faire quoi que ce soit, la lame avait transpercé son cœur de pars en pars. Dans sa chute, Lorelaï aperçut une petite pierre noire qui était incrusté dans le Katana se détacher de l'arme et glisser jusqu'à son visage. Du sang et des larmes de la jeune femme, dont la vie s'échappait en cet instant vinrent s'écouler sur le joyau. Celles-ci portant en elle, tous les regrets, toute la douleur et toute la rage ressentie par Amélia face à l'ignominie commise par Kira. À leurs contact, l'obsidienne devînt rouge sang. C'était cette même pierre qu'utiliserait Timothy pour affaiblir Lorelaï.
Tout devenait limpide. Comme l'avait supposé Timothy, cette pierre affaiblissait Keiko puisque c'était Lorelaï qui l'avait fait pratiquer. Pour ce qui était de l'effet sur Lorelaï, les émotions intenses, qui avaient imprégné la pierre, représentaient une malédiction pour celles et ceux partageant le sang et la magie qui la composait.
Catleen lui avait dit que Keiko lui avait légué sans le vouloir une partie de son âme en lui offrant ce katana. Cela prenait tout son sens étant donné que s'était cette même arme qui lui avait ôté la vie sept siècles plus tôt. Lorelaï était abasourdie de constater à quel point tout était lié, à quel point des évènements vieux de plusieurs centaines d'années pouvaient avoir des répercussions aussi néfastes sur elle aujourd'hui.
Sans qu'elle n'eût aucun contrôle dessus, la vision de Lorelaï prit fin. Elle se retrouvait de nouveau au milieu de la brume, à genoux, la main posée où s'était enfoncée quelques instants plus tôt la lame de Kyra. Des larmes coulaient sur ces joues, tout cela lui avait parût tellement réel.
Elle avait ressenti la sensation procurée par la lame qui s'était enfoncée dans sa poitrine centimètres par centimètres et la douleur que le métal froid et tranchant avait infligée à sa chair. Elle avait enduré dans son âme et son cœur l'indicible souffrance d'Amélia provoqué par cet acte odieux. Elle avait senti chaque parcelle de vie la quitter lentement, implacablement. Elle avait ressenti ses forces, ses espoirs et ses rêves l'abandonner un à un, étant consciente de son inéluctable fin. Elle s'était senti mourir.
Il fallut de longues minutes à Lorelaï pour reprendre son souffle et se remettre de l'affliction qui avait meurtri son être.
Catleen n'avait dit mot, parfaitement consciente de l'épreuve à laquelle la jeune femme avait fait face. Elle connaissait les turpitudes de son cœur. Elle se contenta de l'observer avec compassion. Quand Lorelaï finit par se relever à grand peine, son aïeule prit la parole.
« Je t'avais prévenue, la vérité est douloureuse. »
« Je ne savais pas... Je ne pensais pas que j'allais tout ressentir. L'amour, la trahison, la mort.»
Catleen posa sa main sur le bras de la jeune femme avec douceur, celle-ci ne souhaitant qu'une chose lui apporter le réconfort dont elle avait cruellement besoin en cet instant.
« Au cours des siècles toi et Keiko n'avait pas cessé de vous entretuer... » Déclara tristement l'ancêtre de Lorelaï.
« Je comprends mieux la prophétie désormais... » Affirma la sorcière, triste qu'il en soit ainsi.
« Bien. Il est temps maintenant que tu regagnes ton corps. » Annonça Catleen.
« Je ne peux pas, je n'ai pas encore trouvé de moyen de venir en aide à Keiko ! » Dit la jeune femme la voix paniquée suite à la déclaration de la matriarche.
Catleen fit un sourire rassurant à l'adresse de son arrière-petite-fille en la regardant tendrement.
« Je t'assure que tu as toutes les réponses dont tu as besoin. »
« Mais...» Objecta la sorcière.
« Il te faut te hâter, au revoir Lorelaï. » La coupa Catleen.
Sans laisser le temps à la jeune femme de répliquer, Catleen fit un geste de la main. Lorelaï se retrouva propulser sans ménagement aucun dans son corps. Quand elle ouvrit les yeux, elle eut la désagréable surprise de se retrouver nez-à-nez avec Castiel, qui la regardait l'air furieux. Il avait les bras croisés sur sa poitrine et respirait bruyamment, semblant contenir difficilement ses émotions tant celle-ci était intense.
« Salut... » Tenta timidement Lorelaï.
Le moment qu'elle avait tant redouté était finalement là. Elle le savait, cette fois plus moyen de repousser l'échéance. Le regard de Castiel, dans lequel l'on pouvait apercevoir la rage évidente qu'il ressentait en cet instant, ne présageait rien de bon pour la jeune femme.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top