Chapitre 21 : Fuite


Lorelaï filait à toute allure, dans sa voiture, sur une route déserte. Cela faisait déjà plusieurs heures qu'elle avait quitté Hollow Creek. Même si le fait qu'elle attente à ces jours était une erreur, elle le savait, elle avait besoin de prendre du recul. Elle ne voulait pas mourir, mais elle ne pouvait pas non plus vivre de cette manière. En roulant elle repensait aux évènements qui lui avaient fait prendre cette décision.

Depuis son évasion avec succès de l'hôtel, quelques jours plus tôt, Lorelaï et ses compagnons d'armes n'avaient pas lambiné. Ils avaient trouvé un lieu sûr, qu'elle avait protégé avec l'aide de sa magie. Grâce à cela, toutes personnes indésirables étaient dans l'incapacités de trouver cet endroit. C'était un entrepôt abandonné en périphérie de la ville, qu'ils avaient aménagés pour y demeurer au besoin, le temps de neutraliser la menace que présentait l'inquisition à leurs égards. Ils allaient devoir passer une grande partie de leurs temps à vivre en communauté, ce qui ne serait certainement pas facile, voir même impossible au vue des tensions déjà palpables entre les différents éléments de ce groupe pour le moins bancal.

Quand ils eurent fini de s'installer, Keiko, qui avait été « libérée », avait appelé la jeune femme depuis son appartement où elle ne voulait pas rester. Lorelaï avait donc été la chercher pour la ramener avec elle dans leur nouvelle abri. La sorcière n'avait rien dit concernant son séjour chaotique en ce lieu depuis qu'ils avaient quitté l'hôtel, mais le retour de Keiko allait les obliger toutes deux à fournir quelques explications, que cette première ne se sentait pas du tout prête à donner. Keiko non plus ne semblait vouloir dire mot. Elle n'avait pas été maltraitée physiquement mais semblait totalement bouleversée. Le poids du silence devenait de plus en plus écrasant. Ainsi, ce fut sans surprise aucune que Liam, exaspéré, prit l'initiative de le briser.

« Bon c'est bien mignon tout ce petit jeu de "on s'évite du regard et on ne dit surtout rien" mais pour ma part ça commence à bien faire... Ce serait quand même bien sympas de votre part les filles, de nous expliquer pourquoi l'autre dingue au plantage de pointe facile et sa clique s'en prennent à vous ? Non, vous ne croyez pas ? Après tout, on risque nos vies nous aussi ! »

« Personne ne te retient, tu es libre de t'en aller ! » Avait répondu Castiel, excédé par l'indélicatesse du vampire.

« Oh mais c'est qu'il parle le chienchien à sa mémère... Comme c'est mignon ! Tu sais donner la patte aussi ? » Demanda Liam avec provocation.

« La patte ? Tu vas prendre mon pied au cul si tu continues ! » Déclara Castiel s'avançant vers le vampire, le regard menaçant, prêt à en découdre.

« Mais c'est qu'il pourrait mordre... Vilain chien ! Fait attention ! On pourrait finir par t'emmener chez le véto pour te faire piquer ! » Rétorqua Liam, faisant mine de gronder le lycan du doigt.

« Quand j'en aurais fini avec toi, ce n'est pas d'un vétérinaire dont tu auras besoin ! » Le menaça Castiel dont les veines, gonflées, semblaient prêtes à exploser.

« Vous allez arrêter oui ? On a tous eu une longue journée et vous voir jouer tous deux à "Je suis le mâle dominant" n'aide en rien ! » Était intervenu Lorelaï, s'interposant entre les deux hommes, le regard sévère et fatigué. « Tu veux des réponses Liam ? L'inquisition s'intéresse à moi pour des raisons qui me semblent évidente... Je suis une sorcière, ils considèrent que je suis le mal en personne. Même toi devrait être capable de le comprendre ! »

« Merci beaucoup de nous énoncer un fait d'une telle flagrance ! Ce que j'ai du mal à saisir vois-tu, c'est qu'ils t'aient laissée en vie. Pire encore ils t'ont soignée ! Cela me paraît un peu saugrenu même pour des siphonnés du bocal comme eux ! »

« Ravie de voir que le fait que je respire toujours te touche autant ! » Répondit Lorelaï, ses yeux s'emplissant d'une colère électrisante.

« Tu sais parfaitement que ce n'est absolument pas ce que j'ai voulu dire ! Arrête d'éluder la question. » Surenchérit Liam, la mine grave, n'étant pas dupe de la réelle cause de la colère de la jeune femme.

« Bien, ils ne m'ont pas tuée car ils ont besoins que je coupe le lien qui nous unit Keiko et moi ! Voilà tout ! » Finit par avouer la sorcière face à l'insistance et à l'agaçante perspicacité du vampire.

« Mais en quoi le fait que deux adolescentes partagent un tel lien les préoccupe ? » Avait demandé Caleb, circonspect.

Avant que Lorelaï n'ait eu le temps de répondre à cette question qu'elle s'était elle même posée, Keiko, qui avait finalement décidé de prendre finalement la parole, s'adressa à eux.

« Ils s'en soucient car je suis destinée à les rejoindre. »

Un long silence avait suivi cette révélation. La jeune femme, soupira, avant de reprendre son explication.

« Je suis une descendante directe des fondateurs de cette organisation. Pour vous faire la version courte, ils se font appeler Hantā qui veut dire chasseurs en japonais, depuis des siècles ils ont pour mission de repousser le mal, sous toutes ses formes. Ils considèrent que le monde surnaturel est une menace pour l'humanité. Vous comprendrez donc qu'il est plutôt mal vu que je fréquente des sorcières, des vampires ainsi que des lycans... »

Sous le poids des regards effarés de son auditoire, Keiko ferma les yeux quelques instants, déglutissant péniblement avant de continuer son compte rendu des informations qu'elle avait récoltées.

« Je ne suis pas censée vous tolérer ou pire encore apprécier la compagnie de l'un d'entre vous. Cela leurs ai inconcevable, je dirai même intolérable. Ce lien qui existe entre Lorelaï et moi est pour eux une aberration, un blasphème. Ils sont persuadés que le fait que j'ai participé à la création de celui-ci va m'être néfaste... » 

La jeune femme fit une nouvelle pause, pliant sous la charge écrasante de ce qui lui restait à révéler. Elle inspira profondément avant de finir son exposé.

« Mon oncle m'a parlé d'une sorte d'intolérance pour les membres de l'organisation et leurs descendant direct à tout ce qui est surnaturel. Une incompatibilité remontant aux premiers chasseurs. Une sorte d'équilibre naturel empêchant la corruption des membres de l'inquisition par le fléau qu'ils combattent. Timothy et lui sont persuadés que si on n'y remédie pas, je vais m'affaiblir de plus en plus... Jusqu'à en mourir. »

Les mots de la jeune femme résonnait dans l'esprit de la sorcière. Si ce qu'elle venait de dire se vérifiait, elle pourrait causer la mort de son amie. Une fois encore, l'une de ses décisions prise à la hâte sur un coup de tête se révélait néfaste. Une fois encore elle causerait la perte d'un être cher. Lorelaï qui étouffait, sentant sa poitrine se serrer irrémédiablement, était sortie prendre l'air. Elle profita ainsi du fait que tous semblaient concentré sur le récit de Keiko pour s'éclipser. Caleb avait cependant remarqué son départ discret et l'avait suivi dehors. Elle semblait perdue dans ses pensées tortueuses quand il prit la parole.

« Cela ne te ressemble pas de fuir de la sorte ! » Déclara le vampire, inquiet du comportement de la jeune femme.

Lorelaï se retourna subitement, surprise d'entendre la voix de Caleb. Il n'avait pas réellement eu l'occasion de parler tous les deux depuis l'altercation qui avait eu lieu chez lui quelques semaines auparavant. Se retrouver en sa présence, peinait la jeune femme au delà des mots. Elle le regarda tristement, ses yeux portant en eux tous les regrets et l'amertume du fait de la façon dont les choses avaient évoluées entre eux.

« Qu'est-ce que tu veux Caleb ? » Demanda la sorcière, lasse.

« Que tu me parles ! Je ne suis peut-être plus capable de lire tes pensées, mais je te connais... Quelque chose te préoccupe. Tu n'as pas tout dit tout à l'heure, n'est-ce pas ? » Déclara Caleb, la voix emplit de frustration et d'une subtile nostalgie.

« Tu veux savoir ce que je cache ? Ironique tu ne trouves pas ? » Se défendit Lorelaï, le ton accusateur, se sentant acculée dans ses derniers retranchement.

« Rory ça suffit ! Je t'ai caché la vérité c'est vrai, mais tu ne penses pas qu'il serait temps qu'on laisse le passé derrière nous ? »

L'espoir dans la voix douce de Caleb obligea Lorelaï à fermer les yeux. Elle avait depuis longtemps déjà pardonné au vampire, elle n'avait cependant pas la même indulgence la concernant. Si seulement elle l'avait écouté, si seulement elle avait attendu pour avoir cette conversation qui avait sonné le glas de leur relation. Si seulement... Elle aurait tant aimé pouvoir lui dire tout cela. Lui montrer à quel point elle regrettait aujourd'hui les mots qu'elle avait eu. Mais le monde étant ce qu'il est : un endroit cruel et froid, il n'existait aucune perspective de fin heureuse pour eux deux.  

« Je n'en sais rien Caleb... C'est vrai que quelque part je ne t'en veux même plus. C'est surtout à moi que j'en veux. Ce qui est fait est fait ! Cela ne change rien. » Déclara finalement la sorcière, résignée.

« Pas pour moi ! » Répondit Caleb, la voix empreinte d'une colère triste de voir la jeune femme renoncer ainsi à eux.

« Arrête, je t'en prie... Ne rend pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont déjà ! » L'implora Lorelaï les pupilles brillantes d'émotions.

« Je ne vois pas ce qu'il y a de compliqué ! » Déclara le vampire.

« Caleb, tu ne sais pas tout... » Souffla la sorcière dans un murmure presqu'inaudible, le ton suppliant.

« Et bien dis-moi ! » Répondit simplement Caleb, avide de comprendre.

« Je ne peux pas... » Conclu la jeune femme en baissant la tête, sentant une unique larme de lassitude parcourir sa joue, laissant derrière elle la caresse mordante du regret.

Comment le pourrait-elle ? Pensa la sorcière. L'ineffable vérité est qu'elle avait souhaité le recontacter, dans le but d'aplanir leurs relations ternies par les évènements passés. Les sentiments naissant qu'elle avait pour cet homme se tenant face à elle, le cœur en étendard, étaient demeuré intact et aussi vif que jadis. Cependant depuis que Liam l'avait mordue et plus encore depuis sa conversation avec Samuel, elle savait que si elle venait à l'impliquer de nouveau dans sa vie, elle le mettrait du même fait en danger. Quand bien même elle serait prête à prendre ce risque, elle ne ferait que lui apporter de la souffrance. Tant qu'elle serait l'objet de l'obsession de Liam, s'ouvrir à Caleb était exclue.

« Rectification : tu ne veux pas ! » Affirma-t-il férocement.

Elle voyait la souffrance dans les yeux du jeune homme qui faisait écho à la sienne. Elle devait le libérer de leur histoire et pour ce se faire, elle devait lui apporter une conclusion. Bien que cela lui coûte énormément, elle décida de lui donner l'explication qu'il désirait tant. Elle soupira, en signe de reddition et reprit la parole le cœur lourd.

« Très bien ! Tu veux savoir pourquoi ? Je vais te le dire, mais je t'interdis de t'en mêler de quelques manières que ce soit ! Tu m'as bien comprise ? »

Il avait hoché la tête dans une silencieuse promesse, l'air grave. Elle lui avait donc tout révélé, ses provocations puériles envers le vampire, l'invitation en rêve qu'elle avait donnée à Liam, sa morsure, ses conséquences. 

Au fur et à mesure, que Lorelaï avança dans son récit dévastateur, elle vit des larmes silencieuses couler sur les joues du jeune homme face à elle. Chaque mot prononcé par la sorcière était une torture pour Caleb. Il n'était pas dupe sur le fait que leurs relations, entachée à jamais par cette nuit où Timothy avait presque détruit Lorelaï, ne serait jamais plus la même. 

Cependant il avait eu l'espérance qu'un jour, peut-être ils pourraient la reconstruire, ensemble. Quelle chose sinistre que l'espoir... Ce sentiment aux fausses allures salvatrice apporte avec lui autant de déception qu'une oasis en plein désert. La déchirante désillusion que l'on ressent quand on réalise finalement que tout ceci n'était qu'un songe, qu'un rêve éveillé éphémère ; nous anéantissant inéluctablement.

Plus la narration progressait plus la mâchoire du vampire se serrait, tressaillant de colère ; ses lèvres se pinçaient, frémissant de rage. Quand elle ait eu finit, Caleb ne dit rien. Le vampire consumé par la tourmente provoquée par les révélation de la jeune femme, ne pouvait même plus affronter le regard de celle-ci. Il se contenta de donner un puissant coup de poing dans le mur d'en face et de partir le cœur en miette. 

Lorelaï savait qu'elle venait de lui faire beaucoup de mal. Cependant il avait raison, il fallait qu'il le sache. Elle s'était retournée se trouvant nez-à-nez avec un Castiel froid. 

Ce dernier avait tout entendu de la conversation entre Caleb et la jeune femme. Il partageait la détresse du vampire et se sentait dévoré par la jalousie. Comme Eden le lui avait expliqué, l'intensité des émotions l'habitant était affligeante. Ardente bien au delà des mots. Il détestait la faiblesse qu'insufflait en lui cette femme, qu'il convoitait impétueusement. Cette haine indescriptible suintait de tous les pores de sa peau. La tempête évidente dans les yeux du lycan laissait présager d'un nouvel affrontement pour Lorelaï.  Elle soupira de lassitude une fois encore, épuisée par toutes ses confrontations.

« Décidément, tu ne peux t'empêcher d'écouter les conversations des autres » Déclara la sorcière d'un ton morne.

« Et toi, tu sembles incapable de garder ta culotte en présence d'un suceur de sang ! Quoi, ce sont les morts qui t'excitent ? » Répliqua Castiel d'une voix empreinte de férocité, le regard sombre.

Elle était outrée par les propos tenus par Castiel à son égard. Elle le dévisagea pendant quelques instant s, les lèvres pincées et frémissantes d'une colère sourde.

« Va te faire foutre, Castiel ! » Vociféra Lorelaï avec véhémence.

« T'as raison, tu me fais perdre mon temps. Ciao ! »

Castiel était parti à son tour. C'est à ce moment-là qu'elle était montée dans sa voiture et avait décidé de s'éloigner quelques jours afin de remettre les choses au clair dans son esprit. Elle avait cependant bien pris soin, au prix d'une grande concentration, de bloquer le lien avec Liam pour qu'il ne puisse ainsi plus la localiser.

Elle avait roulé sans réfléchir et sans destination précise en tête. Elle arriva dans une grande ville où elle se décida à s'arrêter pour la soirée. Elle prit une chambre d'hôtel et après s'être reposée, s'était décidée à sortir pour aller boire quelques verres dans un bar quelconque. Elle ne savait pas pourquoi elle avait pris cette initiative, elle n'était pas vraiment d'humeur à être entouré de monde et se sentait plus à l'aise avec sa solitude qu'au milieu d'une foule en cet instant. 

Pourtant elle était dans cet établissement, accoudée au comptoir à ruminer les turpitudes de ses dernières semaines. Elle ne s'expliquait pas sa présence en lieu, pourtant si inhospitalier à ses yeux. Après avoir rejeté plusieurs propositions d'hommes divers et bu quelques verres, elle se leva, avec pour ferme intention de rentrer se coucher. C'est à cet instant précis qu'elle l'aperçu. Elle avait cru discerner un visage familier parmi la foule... Une personne qu'elle n'avait pourtant pas pu voir tant cette possibilité était inconcevable. C'était quelqu'un qui ne pouvait absolument pas être là.

Elle se leva et suivit cette ombre de son passé en bousculant de nombreux autres clients du bar sur son passage sans même s'en rendre compte. Elle finit sa course contre le temps dans la ruelle qui donnait derrière le bar. Il n'y avait pas âmes qui vivent. Son esprit avait dû lui jouer un mauvais tour lui susurra la partie logique de son cerveau. Alors qu'elle se décidait à abandonner, une voix s'éleva derrière elle.

« C'est bien la première fois que je vois quelqu'un si prompt à suivre la mort de son plein gré ! »

À ces mots, tout le corps de la jeune femme se raidit, un frisson lui parcourant l'échine. Cette voix, pensa-t-elle. Il n'y avait plus de doute possible. Lorelaï se retourna brusquement, le teint blême.

« Philae ? »

Quand elle aperçut la femme, face à elle, ses yeux s'écarquillèrent de terreur, sa mâchoire se décrocha sous le choc. Elle porta une main tremblante devant sa bouche. C'était bien elle, Elle n'avait pas rêvé. Elle se trouvait face à sa sœur aînée décédée des années plus tôt.

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