Chapitre 6

- Alors, tu es accepté pour ton stage ?

- Oui, c'est super ! Apparement, ils n'ont pas souvent de stagiaires... c'est étrange non ?

- Alors là, tu sais, je suis mal placée pour dire le contraire, mais d'après les gens, personne ne voudrait perdre son temps avec des cas désespérés, comme ils disent si bien.

Ils s'assirent tous deux sur un banc du parc.

- Puisqu'on va se croiser pour une semaine, autant faire connaissance. Tu as des loisirs ?

Il réfléchit.

- Quand j'ai du temps, j'aime dessiner, écrire des poèmes, mais surtout, jouer de la musique.

- Intéressant, et quel instrument ?

Il ne répondit point. Il n'aimait pas tellement en parler lorsqu'il n'était pas assuré de la fiabilité de la personne à laquelle il s'adressait.

Alice retomba alors dans les fins fonds de ses songes. Encore eux, ces songes.
Elle fixait un homme au loin. Celui-ci jouait de la guitare, un chapeau posé sur la terre sèche du passage. Pourtant, il ne semblait se préoccuper de rien, seulement de ses notes en lesquelles il se perdait. Ses yeux clos, un léger sourire apparaissant le long de ses lèvres par moments, sa main grattait les cordes lorsque ses doigts abimés ne les pinçaient pas.
Il se laissait emporter dans sa musique, savourant le moindre son produit.

- Regarde-le. Dis-moi ce que tu vois, fit la jeune fille le pointant du doigt.

- Je vois un homme jouant de la guitare pour gagner de la monnaie.

Voyant qu'Alice en attendait plus, il reprit.

- Je vois un homme jouant de la musique afin de partager sa passion et tout ce qui lui reste avec les passants.

- Viens, lui ordonna-t-elle.

Elle se leva et alla en direction d'un stand de nourriture, et acheta une glace ainsi qu'une bouteille d'eau.
Un peu égoïste cette fille, pensa le garçon.

Elle se dirigea ensuite vers l'homme, ses achats à la main.
Elle attendit qu'il achève son morceau, puis s'approcha. Elle le félicita, et s'installa à ses côtés.

- C'est un magnifique morceau que vous avez choisi, commença-t-elle.

L'homme tourna son visage abîmé vers celle qui le remarquait, celle qui faisait attention à lui.

- Merci mademoiselle.

Il baissa les yeux, et commença à ranger sa guitare.

- Que faites-vous ?

- Je vous laisse la place à vous et votre ami. Je ne vois pas pourquoi vous m'adresseriez la parole si ce n'est pour me faire comprendre que je dérange.

Alice plissa les yeux, et eut un instant de réflexion.

- Vous êtes un être humain, vous vallez autant que nous. Et puis, je venais vous apporter ces quelques mets, vous pensant affamé.

Les yeux tristes de l'homme se posèrent sur la nourriture dont il rêvait tant, et la jeune femme lui tandis. Il ne comprit ce geste sur le moment, mais le sourire d'Alice l'incitant à prendre la glace et la bouteille le convaincut de croire que quelqu'un était bon en ce monde d'égoïstes, qui passent près de quelqu'un dans le besoin, sans oser un pauvre bonjour. Comme si ceux qui se trouvaient assis au sol ou sur un banc, ne méritaient pas simplement qu'on leur prouve qu'ils existent. Un mot, est-ce trop demander ? Une simple phrase, une pauvre politesse, est-ce coûteux ? Et cette petite, arrive mystérieusement, respecte sa musique, et lui offre un petit délice. Mais que veut-elle en échange ? Pour le moment, rien. Elle ne demande rien.

- J'aime vous écouter jouer, lorsque je me balade dans mes pensées, assise tout près. Vous avez l'air de vous réfugier dans la musique, sans porter attention à l'agitation alentour. C'est très agréable vous savez, de vous entendre jouer. Mais jamais je n'ai le courage de m'approcher, de peur de vous déranger.

Le garçon qui avait jusque là assisté à la scène dans le silence, prit enfin la parole.

- Quand avez-vous appris à jouer ?

- Il y a vingt-ans, quand on me regardait encore par respect, et non par pitié. Je jouais pour ma fille, ma femme, tous ceux qui me le demandaient. Mes amis aussi.

- Et... où sont-ils maintenant ?

- Ma fille et ma femme, parties dans une ville lointaine pour ses études. Mes amis, ils passent régulièrement par ce parc pour rejoindre leur boulot, mais ne m'adressent plus un regard depuis que je suis à la rue. Du jour au lendemain, vous devenez étrangé aux yeux de vos proches. Je vous souhaite de ne jamais connaître ça.

Alice songea alors à si ce n'était pas ce qu'il s'était passé avec l'homme qui disait l'aimer.

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