Partie 8 - Chapitre 2 : (4/5) Quelques années plus tard, la planète Terre
L'ENFANT DANS LE TUBE
Tempéra s'est réveillé tôt pour aller à la gym et appeler sa famille avant de se rendre à la cantine afin de prendre son repas. Il s'interroge sur les autres membres de l'équipe dont la plupart semblent loger eux aussi dans l'immeuble. Encore une fois, le chercheur ne questionne jamais ses clients potentiels sur leurs intentions. Il ne leur pose que trois questions pour savoir s'il veut accepter un contrat : leur patrimoine génétique, ce qu'ils désirent comme progéniture, et combien ils sont prêts à payer pour son service. Le reste n'a nullement d'importance dans un monde comme le leur.
Le scientifique est un homme de plaisirs qui profite de la vie temps qu'il y en a. Il se considère chanceux. Il ne veut ni plus ni moins que ce qu'il a déjà : une vie confortable ; un travail qui le passionne ; une épouse qu'il a follement aimée il y a longtemps, mais qu'il considère aujourd'hui encore moins qu'une amie ; une enfant qu'il chérit pour plusieurs raisons ; des patients admirateurs qui arrondissent bien ses fins de mois de professeur universitaire et lui donnent une excuse très honorable pour tenir sa vie de couple à distance.
Lorsqu'il arrive au laboratoire, Mme Karim l'attend déjà avec son époux. Tempéra se souvient d'avoir accepté trop hâtivement leur condition. Avec regret, il réalise maintenant qu'ils ne le lâcheront pas d'une semelle. Le travail ne comprend rien de compliqué pourtant, et ne nécessite pas leur présence. Ils ont rempli leur part du marché : un embryon en bonne santé ; l'équipe n'a plus qu'à préparer la croissance et la naissance de leur bébé à l'intérieur d'un tube incubateur.
Les bébés éprouvettes n'ont rien d'extraordinaire de nos jours. Ce mode de conception est pratiqué depuis plus d'un siècle, mais la naissance artificielle comme on l'appelle aujourd'hui n'est pas légalisée ; D'après l'accord mondial de la recherche des traitements pour l'avancement de la race humaine, elle ne peut être utilisée que dans le cadre de la recherche médicale sur des êtres humains.
Selon ce même décret, on ne peut employer le procédé pour cloner un autre être-humain avec ou sans son accord, ou pour mettre au monde un enfant qui pourrait autrement naître de façon naturelle. Il ne doit nullement devenir le substitut de la mère biologique ou porteuse, mais l'unique recours de faire progresser la science sans enfreindre à la dignité de l'Homme.
Pourtant, la naissance artificielle que connaît Tempéra n'en a que faire de la dignité humaine qui n'est pas encore née du moment que les hommes qui le sont déjà peuvent payer ; il n'y aura jamais aucun obstacle à l'avancement de l'humanité, car cette dernière saura toujours foncer sur tout tel un bulldozer, peu importe le prix.
Tout le reste ne correspond qu'à des opinions et détails. Selon lui, le procédé représente le plus bel accouchement au monde : rapide, propre, avec peu ou voire jamais aucune complication ; la nature n'aurait jamais pu faire aussi juste. Passionné et spécialiste dans le domaine, depuis quelques années, la naissance artificielle avec manipulations génétiques le fascine. Il a tenu à retourner vivre en Afrique pour cette raison, car les femmes noires et le fameux gène de Babel y abondent.
***
De retour dans son appartement, Tempéra prend une douche avant de se jeter sur son grand lit pour regarder son écran plat géant. Il est ravi de cette première journée : assez prévisible et chargée pour maintenir son esprit grouillant et occupé. Il apprécie le côté très pragmatique de ce couple : un appartement rien qu'à lui, situé dans le même immeuble que le laboratoire, une cantine et une salle de sport à disposition 24h/7j. Certains n'y pensent pas toujours.
Après quelques minutes, le professeur s'assoit au pied de son lit pour regarder béatement le paysage montagneux par la fenêtre de sa chambre. Quelles sont belles ! À 49 ans, il n'a jamais vu de montagnes en plein air de sa vie. Peut-être que les vraies montagnes n'étaient pas aussi vertes ni aussi hautes, mais celles-ci sont magnifiques ; elles lui donnent l'impression d'être libre et tout puissant.
Après les dix heures de vol de la veille et deux longues journées consécutives au laboratoire, c'est tout ce dont il a envie maintenant : se sentir libre et tout puissant.
Soudain, sa montre téléphone posée sur la table basse se met à sonner. Il se penche sur son lit et tend le bras pour attraper l'appareil. Son visage s'attendrit lorsque le nom de sa fille s'affiche sur le petit écran. Il enclenche le projecteur d'hologramme.
« Bonjour Gaëlle, » fait le quarantenaire à l'hologramme avec un grand sourire.
« Bonjour papa, tu reviens quand ? » demande gaiement la fillette de sept ans en langue mina. Elle a la peau très sombre. Ses cheveux sont tressés avec du fil coloré.
« Bientôt, » répond le père en mina.
« Bientôt c'est dans combien de jours ? » insiste Gaëlle.
« Quinze. »
« Quinze jours ? » reprend la petite fille en écarquillant les yeux et en ouvrant grand la bouche avant de continuer sous le ton de la réprimande : « Tu travailles beaucoup trop, papa. Tu ne prends jamais de vacances. C'est pas juste. Je ne te vois jamais à la maison. »
« Bien sûr que j'y suis de temps en temps. Dans quinze jours ! » réplique Tempéra en éclatante de rire.
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