Partie 35 - Chapitre 7 : (5/6) Les données
LE DEUIL
Accroupi par terre, la tête enfoncée entre ses genoux, des larmes chaudes coulaient sur les joues froides de Jeremy. Il était vêtu d'un costume noir. Il n'avait pas les sons pour manifester la peine qui le déchirait à ce moment précis.
À ses pieds, une canne et plusieurs mètres sous terre, gisait sa mère. Avec elle, tout son univers avait été englouti dans la poussière, emporté par un accident soudain et violent. Il était vraiment seul au monde dorénavant.
« Jeremy, » fit la voix de Malik doucement derrière lui. Son ami posa une main légère, mais ferme sur son épaule. Ce dernier saisit sa canne avant de se lever pour suivre Malik.
***
Depuis quelque temps déjà, Jeremy recevait plusieurs publicités d'une compagnie du nom de Libera Justice sur ses appareils, ses médias sociaux et son adresse e-mail. Pourtant, ces derniers temps, elles n'arrêtaient pas. Il en était bombardé. Le tragique accident était arrivé au beau milieu de sa première année à l'université qui avait bien commencé.
Malik et lui suivaient pratiquement les mêmes classes, mais Jeremy avait déserté les amphithéâtres depuis le décès de sa mère et le jeune homme passait désormais la plupart de ses journées au lit dans l'obscurité chaude et protectrice de sa petite chambre en résidence universitaire.
« Jeremy, ouvre la porte ! » fit la voix de Malik derrière la porte en cognant fermement dessus.
« C'est ouvert ! » s'écria son interlocuteur agacé, la tête engouffrée dans son oreiller.
« Bon, il faut que tu te lèves maintenant, » ordonna son ami en tirant sur la couverture du jeune homme recroquevillé dans son lit, enroulé dans la couverture. D'un geste brusque de la main, il alluma la lumière, s'aveuglant lui-même les yeux.
« Tu essaies de réveiller un aveugle en faisant la lumière ? » fit Jeremy d'un ton moqueur avant de sortir de sa couverture pour se dresser sur son lit. « Tu veux quoi ? »
« Il y a un salon de l'emploi jeudi à la fac, tu dois y aller. Si tu dois arrêter les études, tu dois au moins te trouver un travail, » expliqua Malik avec conviction.
Puis, après un long silence, il ajouta calmement : « Elle ne voudrait pas te voir gâcher ton avenir à cause de sa mort ; et je ne le souhaite pas, non plus. Alors debout ! »
Malik sourit lorsqu'il vit enfin la silhouette de Jeremy apparaître dans la foule. Ce dernier portait son liseur visuel audio – appareil portatif muni d'une caméra que les personnes non ou malvoyantes portent à l'oreille pour écouter live la description de la scène qui se déroule devant eux. Les modèles les moins chers comme celui qu'il portait ne fonctionnaient bien que lorsque l'individu n'était pas en mouvement.
Il se fraya son chemin à l'aide de sa canne avant d'arriver à l'emplacement où certains sièges étaient disponibles. Il s'assit en attendant que Malik vienne le rejoindre. Ensemble, les deux pourraient se rendre aux différents stands. Une personne s'assit à côté de lui, mais ce n'était pas son ami.
« Permettez-moi de vous demander si vous êtes non-voyant de naissance, » fit une voix féminine à son côté. Il tendit son visage vers la voix avant de lui répondre.
« Non, c'était un accident à l'âge de cinq ans. »
Voyant que Jeremy avait engagé une conversation, Malik s'arrêta net, préférant lui laisser l'opportunité de discuter en privé.
« Je travaille pour un organisme du nom de Libera Justice ; vous en avez probablement entendu parler, » continua la femme tandis qu'elle se rapproche du jeune homme.
« Saviez-vous que nous pouvons financer une opération qui vous aidera à recouvrir la vue en échange de seulement deux années de service chez nous. »
Deux ans de service chez Libra Justice ou il devra rembourser tous les frais de l'opération qu'il aura subie.
***
Jeremy semble avoir repris tous ses sens et sa force maintenant. Il se dresse sur un coude pour s'asseoir sur le lit. Il sait que personne ne sait où va son regard alors il dévisage Mr Vaughen décidé à masquer aussi dans sa voix la rage qui le ronge. Il réalise trop tard que le choix de l'homme poussé aux portes du désespoir n'est bon que pour celui qui veut attirer une proie.
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