Partie 30 - Chapitre 6 : (5/5) Les déesses de la guerre


LA RÉUSSITE


Sarah en uniforme et une femme d'une trentaine d'années sont assises à l'arrière d'une voiture noire en stationnement dans un parking souterrain. Stephan en uniforme lui aussi se trouve au volant. La femme observe nerveusement par la vitre de la voiture, son regard allant et venant entre ses mains posées sur ses cuisses et la porte de l'ascenseur qui se referme sur la silhouette de Jeremy.

À l'entrée d'un modeste restaurant, une serveuse vient accueillir l'agent qui porte également la combinaisaon noire de Libra Justice. Sans prêter attention à la serveuse devant lui, le jeune homme se met à scruter la grande salle avec son appareil. Vêtu de sa tunique métallique, la serveuse soupçonne bien qu'il n'est manifestement pas là pour manger. Le lieu est bondé ; presque toutes les tables sont occupées. 

Certains clients deviennent quelque peu mal à l'aise lorsqu'ils remarquent l'agent ; nombre d'entre eux commencent à s'agiter sur leur siège. Un en particulier, un homme d'une cinquantaine d'années, se lève aussitôt de sa table laissant derrière lui ses partenaires pour se diriger précipitamment vers l'arrière de la salle. Jeremy reconnaît sa cible alors il se met à le suivre, ignorant la serveuse qui essaie toujours de lui parler. 

Pris de panique lorsque l'homme s'aperçoit qu'il fonce derrière lui, le fugitif se met à exécuter des zigzags entre les tables et se précipite en direction de la cuisine ; il y entre à toute vitesse en bousculant sur son chemin les deux serveurs qui en sortent au même moment. Jeremy court après le cinquantenaire qu'il parvient à rattraper en quelques pas. 

Il l'attrape par le col de sa chemise et le traîne à travers la grande salle jusqu'à la sortie du restaurant. Certains clients regardent divertis et amusés par la scène tandis que d'autres restent bouche bée et choqués. 

L'homme continue de se débattre tant bien que mal. Il donne violemment de grands coups de pieds et de bras dans l'air pour tenter d'échapper à l'emprise de l'agent qui le tient ferme. Cependant, le premier parvient à frapper le dernier au visage avant de s'enfuir et de s'engouffrer dans la foule du centre commercial. 

Jeremy reprend ses sens et repère immédiatement le fugitif malgré tous les passants qui le dévisagent. Comme une puissante caméra, son appareil est programmé pour reconnaître le personnage à des kilomètres de distance, même à travers des murs de béton ou des portes métalliques.

À bout de souffle et tout en sueur, le cinquantenaire se cache derrière un mur, le cœur haletant de terreur. Il se penche lentement pour regarder autour de lui d'un air hagard quand il sent soudain une forte pression autour de son cou ; il suffoque quelques secondes alors qu'il tient ses mains contre la poigne mystérieuse et ferme qui l'étouffe, puis il s'écroule par terre.

« J'ai notre homme vivant », s'exclame Jeremy dans sa montre-téléphone.

Quelques minutes plus tard, l'agent sort de l'ascenseur du parking portant sur son épaule l'homme inconscient.

« Alors, madame, » commence Stephan en se tournant vers l'arrière du véhicule tandis qu'il pousse d'un mouvement brusque le volant qui s'engouffre automatiquement dans le tableau de bord devant lui. Il continue de s'adresser à leur cliente assise auprès de Sarah, « Voulez-vous votre homme dans le coffre ou sur la banquette arrière avec vous ? » demande-t-il avec son sourire espiègle habituel.


***

Au matin, Karl annonce au professeur que la demande de son cousin du nom de Jeremy et son épouse a été acceptée et que sa mère et lui devront passer un peu de temps avec eux pendant leurs premiers jours à l'assemblée. 

Épuisé par sa courte nuit, Tempéra ne montre aucune expression face à la nouvelle. Qu'il y ait plus ou moins de prisonniers, cela ne fait aucune différence à sa pénitence ; lui et sa fille sont en prison jusqu'à ce qu'il résolve la charade que dame nature lui a posé en échange de leur liberté.

Le cœur las, le professeur se rend au laboratoire avec Gaëlle. Son équipe est déjà afférée telles des abeilles autour d'une ruche. Ils rigolent, ils s'exclament et se tapent fermement dans le dos comme si la paix dans le monde avait été annoncée après une longue période de guerre. 

Le scientifique apprend mieux encore : il s'agit du quatrième jour, le gène n'a pas muté et la cellule est intacte. La Déesse suprême a été informée et elle souhaite commencer l'implantation sans tarder malgré les réticences et recommandations des membres de l'équipe.

Le généticien pouffe de rire à l'idée du danger auquel elle s'exposerait s'ils acceptaient.

« Est-ce que votre bon dieu à vous a créé le monde en quatre jours ? » plaisante-t-il en s'adressant à ses coéquipiers.

« Mr Akheeli, vous ferez ce qu'on vous dit de faire ! » s'exclame la Déesse suprême derrière lui d'un ton sec.

Il ne peut empêcher un sursaut. Il se retourne brusquement. Le souffle haletant, il ose lui répondre calmement : 

« Avec tout le respect que je vous dois, nous ne sommes pas Dieu. »

« Bien sûr, que vous n'êtes pas Dieu, Mr Akheeli, » affirme-t-elle avec dédain en s'approchant lentement de lui et Gaëlle avant de lui cracher en pleine face : « C'est moi Dieu. »

Tempéra reste planté là, figé par ce qui, même à ses oreilles de non-croyant, sonne à la manière d'un énorme blasphème. Il serre très fort entre sa main celle de Gaëlle, qui est tout aussi froide que la sienne. Sa fille a peur. 

Pour la première fois, il s'en veut terriblement de l'avoir amené dans cet endroit. Loin de lui, auprès de sa mère et son grand-père, la fillette aurait eu au moins une enfance insouciante et heureuse. La salive du chercheur passe entre sa gorge nouée telle de la lave tandis que son cœur se met à tambouriner dans sa poitrine ; alors il ne dit rien. 

Il voudrait s'enfuir, mais il choisit de rester planter silencieux, obéissant et bête comme pendant les classes de ses interminables années de pensionnat. Il sait bien qu'on ne le laissera jamais sortir d'ici avant sa réussite. Il doit réussir.



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