LA PROMOTION

Lorsque Sarah, Stephan et Jeremy sont convoqués dans le bureau de Mr Vaughen moins de quelques semaines après avoir décidé de les mettre en équipe, ils se doutent que soit ils font de l'excellent travail et leur responsable tient à personnellement les en féliciter, soit il veut dissoudre leur équipe. 

Les trois jeunes gens ne se sont pourtant pas mal débrouillés malgré les nombreuses réflexions déplacées de Stephan envers Jeremy. Ce dernier feint de ne pas les entendre. Quant à Sarah, elle préfère ne plus s'en mêler. Le frère et la soeur se disputent plus souvent aussi depuis l'arrivée de Jeremy entre eux deux. 

« Asseyez-vous, » leur ordonne Mr Vaughen avant de s'asseoir à son bureau. Il reste un long moment à les dévisager silencieusement, la mine grave.

« Je ne vous apprendrai rien en vous disant que Libera Justice ne travaille pas sur les affaires relatives de près ou de loin aux organismes religieux et autres cultes. » commence-t-il le regard sévère. 

« La loi nous en interdit parce que les religions sont criminelles, et que la justice se doute bien que si nos clients voulaient s'en prendre à celles qui subsistent dans l'ombre, nous aurions bien trop de mandats et il y aurait beaucoup trop de morts, » continue-t-il. 

« Cependant, lorsque nous avons des clients d'importance qui font appel à nos services pour une affaire qui implique une religion ou un culte, nous devons démontrer notre bon sens commercial et garder à l'esprit notre objectif premier : la satisfaction de la clientèle. Jusqu'ici, est-ce que cela a du sens ? »

Les trois jeunes gens acquiescent en cœur : 

« Oui, monsieur. »

« Puisque la loi ne nous autorise pas à travailler sur un dossier comme celui que je m'apprête à vous présenter, les conditions et vos fonctions diffèrent. Nous comprenons les risques que vous accepterez de prendre au nom de la compagnie, et nous sommes prêts à vous compenser généreusement, si vous acceptez bien évidemment. »

Mr Vaughen s'arrête net pour dévisager à nouveaux les trois agents silencieux qui arborent un regard vif et attentif. Il esquisse un mince sourire avant de continuer :

« Je vous ai choisi parce que vous avez du potentiel, » déclare-t-il alors qu'il fixe une fraction de seconde Jeremy. Il prend les trois tablettes posées sur son bureau pour les distribuer respectivement aux jeunes gens.

« Entrez votre matricule. Une fois que vous aurez lu les modalités, cochez la case correspondante pour accepter, puis lisez le contenu du dossier. Après quoi, nous pourrons nous mettre au travail. Je suis à votre disposition pour toute question. »

Sarah se penche sur le petit appareil qu'elle serre entre ses mains, mais au lieu de lire, elle ferme les paupière. La jeune femme a déjà assez de mal à vivre avec le sang de criminel sur les mains pour gagner le pain de ses jours, si maintenant elle doit enfreindre la loi, qu'en deviendra-t-il de ses nuits ? 

Elle aimerait en parler à son frère, voir ce qu'il en pense. Probablement pas grand-chose, comme à son habitude. Du moment où la paie et la glorification sont conséquentes, peu lui importe la tâche. 

Elle s'imagine que Jeremy par contre partagerait ses doutes. À moins qu'il voie ceci simplement comme une belle opportunité de faire ses preuves, lui un membre d'un peuple ancêtre. Elle rouvre les yeux et commence à lire. 

Les lignes défilent lentement alors que son doigt glisse sur l'écran. On leur demande bien d'enfreindre la loi en connaissance de cause et d'accepter de garder le silence pour défendre les intérêts de la compagnie qui est prêt à défendre les leurs si jamais la mission tournait mal. Jusqu'à présent aucune n'a jamais mal tourné, mais si celle-ci était la première fois.

Du coin de l'œil, Sarah examine brièvement l'écran de son frère ; il se trouve sur une autre page ; visiblement il a accepté et est déjà en train de prendre connaissance des détails du dossier. La jeune femme hésite un instant et lève la tête vers Mr Vaughen qui la fixe l'expression sévère et grave, le visage fermé et inexpressif. Elle la rebaisse immédiatement et coche la case « j'accepte les termes et conditions. »

La cliente s'appelle Isabelle Akheeli, artiste diplômée de l'université d'arts de Berlin, fille du président du Togo, et épouse du renommé Tempéra Akheeli, professeur en naissance artificielle et en génétique. Il y a trois mois, leur fille a été enlevée après l'école par ce qui semblerait être un cyborg à l'image de la mère. Ni la fillette ni le personnel de l'école n'ont rien remarqué.

Madame Akheeli soupçonne son époux qui avait été arrêté quelques semaines avant ça pour des activités professionnels illégales pour des patients étrangers. Le professeur a été relâché sous caution après l'intervention d'une femme à la tête d'un culte proéminant aux États-Unis. Il a immigré dans le pays peu de temps après pour semblerait-il s'installer dans leur quartier général.

« Ce sont des enquêteurs dont madame Akheeli a besoin, » fait à voix basse Sarah en posant la tablette sur ses cuisses.

« Non, Mlle Xi Huang, c'est de nous dont madame Akheeli a besoin, » rétorque Mr Vaughen avec un sourire en coin qui contredit la sévérité de ses traits faciaux.