Partie 17 - Chapitre 4 : (2/4) L'autre monde


LA VUE


« Mr Ridley, Mr Ridley, Jeremy Ridley, »

Le jeune homme blond aux lunettes noires ne réagit pas tout de suite à l'appel, absorbé par l'annonce publicitaire sur l'écran devant lui qu'il fixe à peine.

« En Amérique, nul crime ne reste impuni encore moins un crime contre votre famille, vos proches, ou vous-même. Oui, la justice a un prix, mais un prix adapté à vos besoins et vos moyens. C'est pourquoi... »

« Oui, pardon, » fait le jeune homme dans un petit sursaut en se tournant vers la voix féminine. Il la devine d'âge moyen et de forte corpulence.

Il se laisse guider par un bras ferme et dodu.

Jeremy entend des doigts taper sur un clavier, des gens bouger sur leur chaise, suivis de pas d'hommes. Ils font halte l'un après l'autre et l'observent un instant avec grand intérêt.

« Bonjour Docteurs, » dit Jeremy d'une voix assurée.

L'un des deux hommes s'avance en roulant une chaise devant lui avant de s'arrêter auprès de leur patient :

« Asseyez-vous, et enlevez vos lunettes, s'il vous plaît, » dit-il simplement.

Le jeune homme s'exécute en silence tandis que les deux physiciens le scrutent toujours comme une œuvre d'art. L'un d'eux se rapproche de lui aussi. Ils sont en extase devant ce qu'ils voient. Une minute passe. L'un soupire, l'autre se frotte les mains avant de s'adresser enfin à leur patient :

« Ça vous est arrivé très jeune, » fait le premier.

« J'étais enfant ; l'une des portes était restée ouverte. Ma mère m'a retrouvé inconscient dehors. »

« Et vos brûlures au visage, au torse, ou au bras ? » dit le second.

« J'ai eu plusieurs chirurgies pour reconstituer ma peau, il n'y a aucune trace, du moins, d'après ce qu'on me dit. »

« Non, votre peau est impeccable. »

« J'ai encore des cicatrices au dos par contre, ma mère n'avait plus les moyens de poursuivre les soins. »

« Rassurez-vous Mr Ridley, dans quelques semaines, vous bénirez le jour qui vous a fait ça. »


Quelques heures plus tard, Jeremy ressort de la clinique tout sourire. Après cette discussion avec les médecins de l'organisation, il se sent déjà une nouvelle personne. Il commence à se faufiler dans la foule de piétons autour de lui avec assurance lorsqu'il entend la voix de Malik l'interpeller derrière lui.

« Alors, comment ça s'est passé ? » interroge impatiemment le jeune homme en emboîtant son pas.

« Bien. Ils m'ont fait subir toute une série de tests en tout genre, que j'ai réussis bien évidemment, » fait-il le ton fier, la tête légèrement inclinée vers le sol.

« Toujours aussi humble, » rétorque Malik en tapotant l'épaule de son ami avant d'ajouter avec un rictus complice : « Qu'est-ce que ça va donner lorsque tu auras recouvré la vue ? »

« Tu verras bien, à moins que je me fasse une nouvelle bande d'amis ! » rétorque Jeremy en rigolant, la tête toujours inclinée vers le sol.

« Très drôle ! » réplique le jeune avant d'ajouter : « C'est une compagnie de riches à ce qu'on dit. Leurs agents sont tous des enfants de gens aisés, très hauts placés, du genre, gosse de ministres, futurs membres de l'assemblée mondiale ... tu vois un peu le tableau ... »

« Ouais, c'est-à-dire, pas du tout mon genre ! » fait Jeremy sérieusement. Il s'arrête un instant, puis il se tourne vers son ami pour affirmer :

« Voir ne changera pas qui je suis, ni à mes yeux, ni à celui du reste du monde, toi et moi le savons parfaitement. Personne du peuple ancêtre ne finit à l'assemblée mondiale à moins d'être le pantin téléguidé de l'élite bien-pensante. »

« Et Jeremy Ridley n'aura jamais rien d'un pantin téléguidé ! » s'exclame Malik, les yeux fixés sur son ami, puis son regard s'assombrit une fraction de seconde alors qu'une brise de doute traverse son esprit. Le jeune homme sait par expérience que les tentacules de la société sont parvenus à en étouffer plus d'un, les contraignant à accepter l'inacceptable : nier leur potentiel de peur de contrarier les conventions.

« Et si jamais je l'oubliais, je compte sur toi pour me le rappeler, OK ? » fait la nouvelle recrue comme s'il avait senti les craintes réelles de son meilleur ami.

« OK, » répond ce dernier alors que Jeremy se retourne pour poursuivre son chemin guidé de sa canne et de la présence de Malik à ses côtés.

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