Partie 13 - Chapitre 3 : (4/6) Les mystères de la vie


LA TRAHISON


Une femme d'une quarantaine d'année cherche anxieusement le vol de son mari sur l'écran géant au-dessus d'elle tandis que Gaëlle qu'elle tient par la main sautille d'enthousiasme à l'idée de revoir son papa. Elles ont la même peau sombre et les yeux d'un mystérieux brun mauve. La femme soupire de soulagement lorsqu'elle constate qu'il n'y a pas eu d'autres changements depuis ce matin. Elle n'est pas impatiente de revoir son époux ; qu'il soit là ou pas n'a aucune différence pour elle. 

À peine quelques mots cordiaux échangés entre deux bouchées pendant les repas, une question par ci par là lorsqu'un objet n'est pas trouvé. Ils ne vivent chacun de leur propre côté que pour leur travail et leur fille avec aucune terre du milieu où se rejoindre. Elle se demande comment le fossé entre eux deux s'est creusé autant pour finalement devenir une énorme falaise.

Tempéra sort à peine des douanes qu'il aperçoit déjà sa femme et Gaëlle qui lui font un grand sourire avec un signe des mains. La fillette lâche la main de sa mère pour courir vers son père en tendant les bras vers lui. Tout à coup la silhouette de l'enfant disparaît une fraction de seconde derrière un passant. 

C'est à ce moment que le scientifique remarque les trois policiers qui s'avancent dans sa direction, ou peut-être s'avancent-ils vers l'homme à côté de lui. Il sait qu'il ne devrait pas s'inquiéter, qu'il devrait prétendre comme s'il n'avait rien à se reprocher, mais aujourd'hui après les événements chez sa dernière cliente, il panique. Il s'arrête un instant le cœur battant pour observer les gens autour de lui et encore les policiers qui avancent dans sa direction, le pas déterminé. C'est bien lui qu'ils visent, ils le fixent droit dans les yeux, le visage sévère, une main sur l'arme à leur côté.

« Professeur Akheeli Tempéra, » interpelle l'un des policiers en s'arrêtant net devant lui pour barrer son chemin. Ce dernier ne bouge pas, figé par la peur. Il a le souffle haletant et peut à peine répondre, alors il se contente de hocher la tête.

« Vous êtes en état d'arrestation pour .... »

Tempéra n'entend plus rien. Tout s'anime au ralenti autour de lui. Les lèvres du policier en face de lui ne cessent de remuer en silence. Le professeur s'imagine dans un film où les deux autres policiers l'entourer pour lui menotter les mains derrière le dos, sa femme complètement hébétée par la scène alors que leur fille en larmes pend à son bras.

Évidemment, ce n'est qu'un rêve, il va forcément se réveiller d'un instant à l'autre ; maintenant


 ...

« Vous avez une idée qui peut être la source des autorités ? » interroge sérieusement l'homme élégant assis devant Tempéra.

« L'un de mes clients, qui d'autre ?! » répond-il avec amertume.

« Assurément, mais une idée duquel ? »

Les visages du couple Karim lui viennent immédiatement à l'esprit. Ce sont les seuls qui auraient une raison valable de lui faire un tel coup bas. Après tout, leur équipe de chercheurs a travaillé à son insu sur l'implantation du gène de Babel à un embryon à travers la naissance artificielle. Ils y sont parvenus grâce à son intervention lors de l'expérience, mais ce, sans le tenir au courant. 

Peut-être espéraient-ils qu'il ne s'en serait pas rendu compte avant son départ. Ils l'ont utilisé et maintenant ils veulent le mettre sous silence, s'assurer qu'il n'avancera pas dans ses recherches dans l'intérêt d'autres personnes, car Il ne doit y avoir qu'un seul sauveur.

« Peut-être, » dit-il d'une voix à peine audible. La peine et la colère l'épuisent. « Ils ne sont même pas sur le continent, aucun d'eux ne réside en Afrique, » rajoute-t-il les épaules basses.

« La justice africaine ne se montre pas clémente en matière de manipulation génétique, je suppose que vous le savez, » commence l'avocat d'une voix claire et posée.

« Je suis déjà surpris que les autorités aient posé une caution sur votre dossier avec posibilité de libération après le paiement intégral. Si nous pouvions négocier avec ceux qui vous en veulent, nous obtiendrons certainement un meilleur résultat. » L'avocat réfléchit un court instant avant d'ajouter : « Sans, quoi, vous allez jusqu'à risquer la prison à vie. »

Lorsque l'avocat quitte la pièce, le professeur se met à tourner en rond dans sa cellule comme un ours en cage. Il a donné à son avocat les coordonnées du couple Karim pour qu'il prenne contact avec eux. Il est tard en Inde ; s'ils lui répondent ce sera très probablement demain. Et si ce n'était pas eux, qu'adviendrait-il de lui ici en prison.

Après une vingtaine de minutes, il s'arrête nette pour s'asseoir sur l'unique chaise de sa cellule. Il croise les bras sur son torse, la tête baissée, il fixe intensément ses chaussures sans les voir. Il ne sait plus ce qu'il l'inquiète le plus : rester ici sans jamais découvrir comment le gène de Babel a été implanté chez l'enfant ou sortir d'ici sans plus jamais poursuivre ses recherches. Il sourit face à l'aberration de son questionnement. 

D'une certaine manière, il se sent bien plus attaché à son travail qu'à la liberté qu'il est sur le point de perdre. Il réalise qu'il est probablement plus obsédé par le gène de Babel qu'il ne veut l'avouer. Son désir de réussir à le comprendre semble aussi pressant que le désir maternel ou la vanité féminine maladive de ses patientes. 

Bien plus que la généreuse compensation qu'elles lui offrent, c'est l'excitation de la quête qui l'a toujours motivé jusqu'ici, malgré tous les risques et leurs répercussions. Il est accro à la génétique comme le sont certains aux substances addictives. Il éclate de rire en secouant la tête face à cette révélation.   

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