C h a p i t r e 8
Le jour venait tout juste de se lever et de magnifiques flocons tombaient du ciel. Les rayons du soleil les faisaient briller de mille feux. La douce température faisait sortir les gens de leur domicile, d'être heureux. Des enfants fabriquaient des bonhommes de neige en famille, bercés par l'innocence de l'hiver. Il n'y a pas si longtemps, c'était moi avec mes parents. Nous passions nos journées à faire des batailles de boules de neige, des bonhommes et même des anges dans la neige. Ces souvenirs m'ont serré la gorge. J'ai levé les yeux au ciel pour chasser les larmes menaçant de couler.
Le cœur gros, j'ai rassemblé toutes mes affaires. Tout le contenu de ma chambre tenait pour ainsi dire dans ma malle. Plus rien ne rappellerait mon existence, ni mon passage ici. Comme si je n'avais existé. J'ai lancé un sort pour rétrécir ma malle et je l'ai placé dans mon sac.
Je me suis tournée vers la fenêtre et j'ai repensé à ce que je m'apprêtais à faire. Cela me brisait le cœur mais je devais les protéger. Il en était de mon devoir. Ils devaient m'oublier, pour leur bien. Ils seraient en sécurité et ça me permettrait de ne pas m'inquiéter pour eux. C'était pour le mieux, j'essayais de me convaincre. En vain. Une sourde culpabilité s'est emparée de moi. Je les priverais de la moitié de leur vie. Une larme s'est échappée de mes yeux.
Malefoy a choisi ce moment pour entrer dans ma chambre. Habillé d'un pantalon noir et d'une chemise blanche, ses yeux ont parcouru mon bureau et ma bibliothèque vide. Puis, il s'est tourné vers moi en me jetant un regard rempli d'incompréhension.
— Pourquoi as-tu vidé ta chambre?
— Parce que je ne reviendrai pas ici, lui répondis-je plus sèchement que je ne l'aurais voulu. Tu es prêt? Nous partons.
Il a acquiescé sans dire un mot. Nous sommes descendus silencieusement. Mes parents étaient dos à nous et parlaient amoureusement. Je les regardais comme si c'était la première et dernière fois que je les voyais. J'ai levé ma baguette et j'ai murmuré douloureusement :
— Oubliettes.
Comme si le temps s'était arrêté, j'ai vu leur regard changé. Tranquillement, difficilement, ma présence a disparu des photos de famille. Des cadres sont devenus vides. Des larmes coulaient sur mes joues, je n'arrivais pas à les arrêter. Une main froide s'est glissée dans la mienne et m'a entraîné hors de mon ancienne maison.
L'air froid a coupé ma respiration. J'ai éclaté en sanglot derrière le blond et je n'arrivais plus à respirer. Je n'avais plus de parents. J'étais seule au monde. Des bras puissants se sont entourés autour de moi. Je me suis accrochée aux vêtements du Serpentard comme si ma vie en dépendait. Qu'est-ce que je venais de faire?
— Je n'avais pas le choix, ai-je sangloté. C'est trop dangereux, je n'avais pas le choix.
Il avait gardé le silence et faisait des cercles réconfortants avec ses mains dans mon dos. Ses gestes étaient maladroits mais faisaient du bien. Mon coeur se déchirait de plus en plus, je n'avais jamais ressenti une telle douleur. Je n'avais plus personne, je me sentais si seule.
Vous savez la sensation que l'on ressent, on se sent seul au monde, même parmi une foule. Cette sensation que l'air que vous respirez, vous brûle les entrailles comme si nous avalions du feu. Cette sensation qui vous donne l'impression que votre coeur est comprimé comme dans un étau. Cette sensation de vide qui vous donne envie de mourir. C'est ce que je ressentais à ce moment précis. L'impression de m'enfoncer, de plus en plus profond et de ne pas être capable de remonter à la surface. Elle me rongeait, me dévorait depuis l'intérieur.
L'impression de ne plus contrôler chaque parcelle de ma vie. Bellatrix Lestrange avait foutu un très gros bordel dans ma vie. Je ne voulais pas perdre l'objectif que je m'étais fixée. Sauf que je ne savais pas si j'allais y arriver.
— Ça va aller, m'a murmuré le blond. Je suis là.
Il m'a laissé le temps de me calmer. Les yeux bouffis, je me suis détachée de lui, mais il a gardé sa main dans la mienne. Un signe de réconfort sans doute. Je n'avais même pas la force de me questionner sur son comportement. Ni de le repousser. Je ne voulais pas être seule, je ne voulais pas sombrer dans ma profonde solitude tout de suite. Il a sorti un briquet de ses poches. Il était notre portoloin. Le professeur McGonagall nous l'avait fait parvenir pour nous rendre à Poudlard sans prendre le train.
— Ensemble?, m'a-t-il demandé.
— Ensemble, ai-je répété.
Nous l'avons touché de notre main libre et nous avons été aspiré avant d'atterrir dans le bureau du professeur McGonagall. Je détestais voyager par ce moyen de transport. Cela me donnait des nausées à chaque fois. Je devais certainement être blême. Un air sévère sur le visage de la directrice m'a fait lâcher prise sur la main de mon homologue. Elle nous donnait l'impression d'avoir fait quelque chose de mal alors qu'il en était rien.
— M. Malefoy, Miss Granger. Je suis surprise de vous voir arriver ensemble, reprit-elle froidement en insistant sur le dernier mot.
— Minerva, est intervenu Albus Dumbledore, l'ancien directeur dans son tableau.
— Qu'est-ce qui est le plus surprenant professeur? Qu'un sang pur arrive avec une sang-de-bourbe? Non mais dites-moi ça m'intéresse vraiment, ai-je craché agacée. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, nous avons un bal à préparer.
Ils me dévisagèrent tous bouche bée. Je suis sortie du bureau en claquant la porte. Elle se prenait pour qui? La colère remplaçait toute ma peine. C'était si étonnant de voir Malefoy avec moi. Toujours et encore cette histoire de sang. Je n'arriverai jamais à oublier. Personne ne le pourra. C'était gravé sur mon bras, à jamais. Mes doigts se sont engourdis, j'ai senti le vent souffler dans mes cheveux. J'ai serré les poings, je tremblais. Pourquoi étais-je revenue?
J'ai vu le regard de jugement qu'elle nous portait. C'était si stupide cette histoire de maison. Ce ne sont pas les élèves qui instaurent cette vieille rivalité. Mais les adultes qui les encouragent à perdurer. Pourquoi mêler des enfants, des adolescents dans une histoire vieille de plus de mille ans?
Machinalement mes pas m'ont mené en haut de la tour d'astronomie. Je ne savais pas comment j'y étais arrivée. Je me suis approchée de la rambarde. Il serait si facile de l'enjamber, de fermer les yeux et de me laisser tomber. De toute façon, je manquerais à qui? Je n'avais plus personne. J'étais seule. Plus de famille, plus d'amis, plus rien. Je n'avais aucune raison de rester. Il fallait bien se rendre à l'évidence, Bellatrix avait gagné. J'avais perdu. Fin de la partie.
J'ai passé une jambe et puis l'autre. Je me tenais avec mes bras et je regardais le vide s'offrant devant moi. Le vent caressait doucement mon visage pour la dernière fois. Dans quelques minutes, tout serait terminé.
— Hermione!, s'est exclamé Malefoy inquiet derrière moi. Ne fais pas de folie. Je t'en prie.
Surprise qu'il m'ait appelé par mon prénom, j'ai perdu pied et je me suis sentie tomber dans le vide. Mon cri a déchiré le silence de l'hiver. Une main a rattrapé la mienne au dernier moment. Mon coeur battait la chamade. Mes yeux ont croisé son regard anthracite. Ses traits étaient déformés par la peur et l'inquiétude. Pourquoi ne m'avait-il pas laissé tomber?
— Ne me lâche pas, m'a-t-il ordonné. Accroche-toi, je vais te remonter.
Il a tiré très fort sur mon bras et a fini par me remonter. Nous sommes tombés à la renverse sur le plancher de béton. Il était couché en dessous de moi. Il a fermé les yeux de soulagement avant de me serrer contre lui. J'ai couché ma tête sur son torse et je me suis mise à pleurer silencieusement.
Il s'est redressé nous obligeant à nous asseoir l'un à côté de l'autre. Je n'arrivais pas à le regarder en face. Il allait se moquer de moi, dans quelques secondes. J'ai attendu, mais rien n'est venu. Pas un mot, pas un son. Il se contentait d'être à mes côtés, il attendait que je sois prête à parler. Il me surprenait de jour en jour. C'était donc vrai, il avait changé. J'ai souri tristement.
— Je suis désolée. Je... je sais pas ce qu'il m'a pris. Je me suis retrouvée en haut et puis voilà. Cette guerre a brisé quelque chose en moi. Quelque chose qui ne se réparera sans doute jamais. J'ai perdu mes amis, ils sont trop occupés à gérer cette gloire. Ils sont insupportables. C'est de ma faute, je n'ai jamais su l'accepter. J'ai sauvé le monde. Mais oui, tu parles d'une héroïne. Je me suis fait torturer à coup d'Endoloris et je n'arrive pas à m'en remettre. J'ai levé les yeux au ciel, des larmes ruisselaient sur mes joues. Mais personne ne comprends ça. C'est moi qui ne fais pas d'efforts. Je reste bloquée sur le passé. Je n'arrive pas à avancer. J'ai dû Oublietter mes parents pour les protéger, pour ne pas que Bellatrix remonte jusqu'à eux, pour ne pas qu'elle me les enlève. J'ai pris une pause. Je m'en veux. Si tu savais. Tu dois me prendre pour une folle. Tu peux me faire enfermer à Sainte-Mangouste si tu le désires. Je ne m'opposerai pas, mais sais-tu ce que je veux par dessus tout? Je me suis retournée pour le regarder droit dans les yeux. Mourir. J'aimerais mourir là tout de suite. Il avait brusquement pâli et avais ouvert la bouche. Je l'ai empêché de parler. Tu pourrais me lancer un Avada Kedavra en plein cœur, là maintenant, et ce serait fini de la Sang-de-bourbe. J'arrêterais de souffrir. J'aurais débarrassé le monde de mon sang impur. Je serais peut-être en paix et heureuse.
Je me suis tu. Un silence nous avait enveloppé. Je ne savais pas pourquoi je m'avais confié, surtout à lui. Je sentais soudainement en confiance. Il m'avait quand même sauvé la vie. S'il en avait eu rien à foutre, il serait parti. Il ne disait toujours rien. J'ai détourné mon regard et je me suis levée.
— Laisse tomber, c'est complètement idiot.
Je lui ai tourné le dos et j'allais descendre les escaliers. Il s'est approché de moi et m'a pris dans ses bras. Il m'a serré contre lui de toutes ses forces.
— C'est pas idiot. Tu n'as pas tout perdu. Je suis là et je te comprends. Je n'arrive pas encore à te dire pourquoi. Mais tu n'es pas seule, a-t-il murmuré au sommet de ma tête.
Il m'avait dit la même chose avant que l'on parte de la maison et me le répétait encore. Je voulais y croire, je voulais me persuader qu'il disait la vérité. Rien ne prouvait qu'il n'allait pas partir à son tour. Mais pour le moment, il était encore là. Et je me retrouvais, pour une deuxième fois aujourd'hui, dans ses bras. Jusqu'à aujourd'hui, il ne m'avait jamais encore menti.
— Ça va aller, on va trouver une solution à tout, m'a-t-il promis.
L'espace d'un instant, je me suis sentie rassurée. J'ai acquiescé.
— Tu viens, on va affronter cette préparation de bal, ensemble.
Il le disait souvent ce mot. Je ne sais pas si c'était une façon de me prouver que je n'étais pas seule. Mais pour le moment, ça fonctionnait.
— Ensemble.
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