C h a p i t r e 1 5
Je suis sortie de la grande salle en compagnie de mon homologue. Les portes se sont refermées derrière nous et avant que j'aie pu prononcer un seul mot, l'élancement de mon bras s'est transformé en brasier. Comme si mes cicatrices se rouvraient une à une. Je me sentais blêmir à vue d'œil. Je me suis reculée au mur, la respiration haletante. Un mal intense s'apparentant à celui de cette nuit-là m'avait pris. J'avais carrément l'impression de la revivre. Je n'entendais plus rien autour de moi, mes oreilles bourdonnaient. Malefoy gesticulait devant moi, il semblait dans le même état. La tête commençait à me tourner.
J'ai baissé les yeux vers mon bras. Du sang imbibait la manche de ma robe de sorcière. Était-ce réel ou mon subconscient me jouait un tour? J'ai enfoncé mes ongles dans ma peau, en espérant que la douleur cesse.
Un rire s'est fait entendre. Pas n'importe lequel. Son rire. Elle était de retour. Elle était là, près de nous. Mon cœur s'est mis à battre à tout rompre et ma respiration s'est accélérée encore plus. Ça ne pouvait pas recommencer, non pas ici.
« — Vous pensez être les seuls à faire de la magie noire?, a dit la voix stridente de Bellatrix Lestrange à mon oreille. »
Elle a éclaté de rire. Elle semblait près de moi et je n'arrivais pas à bouger. J'étais complètement paralysée par la peur. Une panique sourde m'avait envahi et je ne savais pas comment la gérer. Je pouvais sentir son souffle glacial contre ma joue.
« — Drago, sérieusement? La Sang-de-Bourbe? Je te croyais beaucoup plus malin que ça. Tu n'es pas digne de t'appeler Malefoy. N'oubliez pas que peu importe les moyens que vous prendrez, vous ne m'échapperez pas. J'ai toujours un coup d'avance sur vous. On se reverra plus tôt que vous le pensez. Je vous le promets. »
Je suis sortie de ma stupeur et je me suis mise à courir. Je ne savais pas où j'allais, mais je courais. Le plus vite et le plus loin que je le pouvais. Je voulais quitter cet endroit, disparaitre. Je n'en pouvais plus. Je ne voulais plus avoir conscience de rien.
Le froid de l'hiver mordait ma peau, me transperçait, mais je n'en avais rien à faire. Je n'avais qu'une idée en tête : fuir.
Sentir son souffle sur ma joue avait réveillé brusquement les cauchemars que je tentais vainement de faire taire. Sa voix, son rire, m'avaient fait replonger tête première dans cette nuit-là. Un vide s'était installé en moi, comme si j'avais reçu le baiser d'un détraqueur. Je ne ressentais plus rien. Seulement du vide et du froid. J'étais morte de l'intérieur.
« — Petite Sang-de-Bourbe, je te retrouverai où que tu sois. »
Elle me suivait, elle était là. Elle me pourchassait même dans les recoins les plus sombres de la nuit. Elle occupait toute la place disponible dans ma tête. J'avais beau la secouer dans tous les sens, rien à faire, elle n'en sortait pas. Son rire satanique m'a rempli d'effroi. J'aurais voulu hurler mais aucun cri n'arrivait à sortir de ma bouche. Ma peur d'elle me contrôlait.
J'étais totalement déconnectée. Je ne savais même plus où j'étais. La nuit était tombée et je continuais de courir. Il m'était impossible d'arrêter. Mes pieds se sont pris dans une grosse branche. Je me suis retrouvée à quatre pattes, essoufflée et apeurée. Je me suis relevée aussi vite que j'ai pu, je ne devais pas la laisser me rattraper. Une douleur fulgurante a traversé mon genou, mais je ne devais pas m'arrêter. Elle était là, je la sentais.
« — Où te caches-tu ma petite Sang-de-Bourbe? »
Je continuais ma course effrénée en contournant les arbres se présentant devant moi. Mon bras s'est mis à brûler soudainement. Une brûlure encore plus forte que dans la grande salle. Je me suis mise à hurler du plus fort que j'ai pu. Des larmes de douleur coulaient sur mes joues. Cette souffrance était en train de me faire perdre la tête. Autant j'étais vidée intérieurement, autant elle me faisait vivre, ressentir quelque chose. Ça aurait presque pu être réconfortant, agréable. J'étais vraiment sur le point de devenir folle.
« — Combat la, tu en es capable, a fait faiblement la voix de Drago. »
Où était-il? Avait-il été attrapé? J'entendais toute sorte de voix. Je n'arrivais plus à me concentrer, ni à distinguer le vrai du faux. Incapable de penser, de réfléchir. J'avais l'impression que la mort me poursuivait. Quelqu'un me pourchassait. Je commençais à m'essouffler. J'avais de plus en plus de difficulté à respirer. Des points noirs dansaient devant mes yeux. Je m'affaiblissais. Mon cœur allait sortir de ma poitrine. Il cognait si fort, j'avais l'impression qu'il faisait un vacarme assourdissant.
« — Hermione. »
J'étais en train de perdre la raison, je l'entendais m'appeler de sa voix stridente, crier des sortilèges de Doloris sur moi. Et quelqu'un au loin répétait mon prénom... Sans le vouloir, je ralentissais. J'étais exténuée.
« — Hermione. »
Je sentais mon corps bruler, se tordre de douleur mais pourtant je courais encore. Je commençais à me fatiguer. Depuis combien de temps courais-je? J'avais perdu toute notion du temps. J'avais envie de dormir. Pour toujours.
« — Drago... sauve moi... »
Je me suis effondrée, mes yeux se sont fermés instinctivement alors que ma tête a frappé une roche. J'ai sombré dans l'inconscience.
*******
Point de vue Severus Rogue
Je savourais mon repas. Quelle journée! Enseigner aux Gryffondor m'horripilait, me faisait presque faire des cauchemars. Comment pouvait-on rater une potion quand on avait la recette sous le nez? Je n'y comprenais rien. Les jeunes ne savaient plus lire de nos jours. Ils ne voulaient que des résultats, sans effort. Aucune patience, aucune douceur, que des résultats, là, maintenant, tout de suite, hier. Que des incompétents! Tous des Potter et des Weasley. Dire qu'ils ont sauvé le monde des sorciers. Je n'aurais jamais parié sur eux.
La porte de la grande salle s'est ouverte avec fracas. Hagrid, le demi-géant et garde de chasse s'est avancé rapidement vers la table des enseignants. Ses longs cheveux noirs étaient emmêlés tout comme sa barbe. Il donnait l'impression de ne pas s'être lavé pendant des semaines. Que dis-je! Des décennies plus tôt à juger l'odeur se dégageant de lui. Son manteau rapiécé en peau de je-ne-sais-quel animal était couvert de neige. Il s'est arrêté devant moi en panique. Il ne manquait plus que ça. J'ai fait mine de pas le voir.
— Professeur Rogue, m'a-t-il interpellé de sa voix forte et bourrue. Vous devez venir avec moi, il y a urgence.
Le ton de sa voix a détourné l'attention de nos collègues vers nous. J'ai poussé un soupir excédé. Cela faisait deux fois que l'on m'interrompant dans mon repas du soir. La première fois par Miss Granger et sa soif d'attirer l'attention et maintenant par lui. Qu'avais-je bien pu faire à Merlin pour qu'on ne me foute pas la paix? Mauvaise question... je lui avais fait trop de chose. Peut-être était-ce le karma?
— Il s'agit de monsieur Malefoy. Il est à l'infirmerie avec Miss Granger.
Le ton de sa voix ne laissait présager rien de bon. J'ai pincé les lèvres et j'ai accéléré le pas. Ces jeunes étaient si inconscients. Qu'avaient-ils donc fait? Bellatrix les avait-elle trouvés? S'il devait arriver quelque chose au jeune Malefoy, Narcissa, sa mère, ne me le pardonnerait jamais.
J'avais fait un serment inviolable pour le protéger au péril de ma vie. Il était tout ce qui lui restait et même si je ne l'avouerais jamais à voix haute, je tenais à ce garçon. Je ne pouvais pas le laisser sans protection. Le pauvre a été confronté à tellement d'épreuves à cause de son père. Surtout quand le Seigneur-des-ténèbres vivait chez lui. Même s'il essayait de se racheter, ses camarades ne le laisseraient pas faire. C'est vraiment désolant, c'est un bon petit garçon.
J'ai laissé le demi-géant derrière moi, le chassant d'un geste de la main et je suis entré dans l'infirmerie. J'ai poussé la porte, laissant apparaitre des dizaines de lits vides.
Madame Pomfresh s'afférait au-dessus des deux jeunes adultes inconscients. Ils semblaient tous les deux mal en point, affichant une énorme blessure au niveau de la tête. Je me suis approché d'eux et je me suis penché pour mieux les observer. Curieusement, j'ai pu constater qu'ils avaient les mêmes lésions sur le corps. La marque des ténèbres de mon filleul ainsi que l'inscription Sang-de-Bourbe de miss Granger avaient les mêmes lacérations, mais seuls les ongles de cette dernière étaient tachés de sang.
— Severus, m'a accueilli l'infirmière le visage fermé.
— Pompom. Que s'est-il passé?
Madame Pomfresh n'a jamais paru aussi vieille qu'aujourd'hui. Ses traits tirés révélaient une énorme fatigue et un signe de désespoir. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. J'ai toujours eu un profond respect pour elle. Déterminée à sauver tous ses élèves incompétents, nous ne l'avons jamais entendu se plaindre, ni se décourager. Autant les jeunes sorciers pouvaient être imaginatifs dans la création de nouvelles blessures, autant elle l'était pour tous les soigner.
— Ils ont été retrouvés dans la forêt interdite. Je ne sais pas ce qu'ils y faisaient. Vraisemblablement, monsieur Malefoy courait derrière Miss Granger, ils étaient à une dizaine de mètres l'un de l'autre. Fuyaient-ils quelque chose? Je ne saurais le dire, il faudra attendre qu'ils se réveillent pour avoir leur version des faits. Leurs blessures sont pareilles en tout point. Et le plus étrange dans tout ça, celles de monsieur Malefoy ne se guérissent pas, sauf si je soigne Miss Granger en premier.
— Comment est-ce possible?, lui ai-je demandé sceptique.
Elle a hoché négativement la tête pour me dire qu'elle ne savait pas. Elle a appliqué un baume sur les plaies de Drago et au lieu de l'absorber, son corps a fait un rejet. Je n'avais jamais vu cela auparavant. Elle s'est approchée de la Gryffondor et lui a répété le même processus et ses blessures se sont refermées en même temps que celles du garçon. Je ne savais pas quoi dire. C'était la première fois que je voyais ça.
— Je pencherais pour un sortilège ancien de magie noire, mais je ne saurais dire lequel.
— Ils se réveilleront quand?, ai-je questionné.
Elle a haussé les épaules. Elle a fini de soigner Miss Granger et miraculeusement, les plaies de mon filleul se sont refermées également. Sa mère allait péter un câble quand elle saurait. Pourquoi ne les avais-je pas suivis quand ils sont sortis de la grande salle? J'aurais dû suivre mon intuition. Ils ne seraient pas dans cet état en ce moment.
— Comment vas-tu Severus?
L'infirmière m'a regardé par-dessus ses lunettes. Elle avait toujours été une mère pour moi et s'inquiétait à chaque fois qu'elle me voyait. Devant elle, je n'avais pas à porter de masque. Elle devinait sans problème tout ce que je pourrais cacher. Ce n'était pas faute d'avoir essayé. J'ai soupiré pour seule réponse.
— Ça aurait été son anniversaire aujourd'hui.
Nous étions le 30 janvier. Je n'avais pas oublié, visiblement elle non plus. Elle a hoché la tête lentement.
— Elle me manque à moi aussi, a-t-elle déclaré bienveillante. Je suis certaine qu'elle est fière de l'homme que tu es devenue.
Je ne disais rien, je fixais un point au fond de l'infirmerie. 17 ans qu'elle était morte et elle était toujours aussi présente dans mon esprit. À chaque fois que je croisais ce satané de Potter, je la voyais dans ses yeux et c'était à chaque fois un peu plus douloureux.
Ça avait toujours été elle, même après toutes ses années. Je n'avais jamais pu refaire ma vie avec quelqu'un, elle hantait chaque parcelle de ma mémoire. Elle ne laissait aucune place pour une autre femme. Vivre avec sa mort sur la conscience était le plus gros fardeau de toute ma vie. J'ai pincé les lèvres en essayant de reprendre un air froid et impassible.
Poppy a pressé légèrement mon épaule en signe de réconfort et m'a ordonné d'aller me reposer. Elle m'a promis aussi de me faire appeler s'il y avait un quelconque développement avec les deux préfets-en-chefs. J'ai hoché la tête et dans un dernier regard aux jeunes étendus sur les lits, j'ai sorti de l'infirmerie, le cœur emplit du doux souvenir de Lily Potter.
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