C h a p i t r e 1 2
Mes cheveux et ceux de Malefoy avaient suscité l'intérêt de beaucoup d'élèves, même celui du corps professoral. La directrice m'avait regardé d'un air suspicieux. Nous soupçonnait-elle d'avoir fait de la magie noire? J'avais réfuté cette idée, nous avions pris toutes les précautions nécessaires afin de ne pas être détectés.
La journée avait passé trop vite. Nous étions déjà arrivés au dernier cours de l'après-midi. Nous avions Potions en commun avec les Serpentard. Je n'avais pas très envie d'y aller. Comme une lâche, j'avais soigneusement évité Malefoy toute la journée. Il avait tenté de me parler par notre lien mais j'avais fait mine de pas l'entendre. Il avait laissé tomber après le déjeuner, visiblement vexé.
Le professeur Rogue semblait particulièrement dans une mauvaise journée. Rien d'étonnant, il n'était jamais de très bonne humeur quand il avait à enseigner aux Gryffondors. Il avait décidé de changer tous les élèves de place, le plan de classe ne lui convenant plus. Son discours, enrichi de quelques insultes à notre égard, m'a laissé particulièrement froide. Nous perdions un temps précieux et il ne semblait pas s'en soucier. C'était l'année de nos ASPIC quand même.
À mon plus grand désespoir, Drago est venu s'asseoir à côté de moi, sans un mot, sans un regard. Il m'ignorait et je détestais cela pour être honnête. C'était prévisible, je lui avais fait subir le même sort toute la journée. Ce n'était pas très mature de ma part, mais je ne savais pas quoi faire d'autre. Je n'arrivais pas à me défaire de mes sentiments de culpabilité et de honte.
J'aurais dû intervenir ce matin, lui faire manquer d'air à ce crétin, lui arracher les yeux de la tête. Mais non, au lieu de ça, j'avais laissé mon homologue seul devant le mépris du roux. Était-ce par peur de me faire rejeter officiellement par mon meilleur ami?
D'ailleurs l'était-il encore? Il avait tellement changé. Comment pouvait-il répéter des gestes l'ayant tellement blessé auparavant? Il se croyait si fort, si intouchable. Monsieur était un héro de guerre. Il était si pathétique en réalité, j'aurais dû le remettre à sa place.
Ma tête bourdonnait à force de réfléchir. Une tornade d'émotions ravageait mon estomac. Je n'arrivais même pas à déterminer si c'étaient les miennes ou celles de mon voisin de table.
— Silence!, a tonné le professeur mécontent. Aujourd'hui, vous allez préparer la potion d'Amortentia. On verra si vous vous souvenez de la théorie vue l'année dernière ou si vous n'êtes qu'une bande d'incapable. Je vous donne 15 minutes pour relire la théorie.
Je n'ai pas ouvert mon livre comme la majorité des élèves. Je connaissais déjà la leçon sur le bout des doigts. Alors à quoi bon? Ce n'était pas dans mes habitudes mais j'avais autre chose à faire que de me préoccuper de la préparation d'un philtre d'amour. Est-ce que ça allait sauver le monde? Est-ce que ça allait guérir les gens blessés et détruits par la guerre?
— La leçon est trop ennuyante pour vous miss Je-Sais-Tout?, m'a agressé Rogue.
J'ai gardé le silence et j'ai soutenu son regard. J'ai senti les gens retenir leur souffle autour de moi. J'ai gardé le silence, je n'allais pas lui donner le plaisir de me justifier. Il a continué en s'approchant de moi :
— Non parce que pour vous qui avez vécu la guerre ça doit être d'un ennui total un philtre d'amour.
J'ai respiré calmement en tentant de ne pas laisser la rage m'envahir. Je n'ai pas baissé le regard, ça serait le laisser gagner. Je ne lui laisserais certainement pas le bonheur de penser qu'il avait réussi à m'atteindre.
— Alors dites-moi Miss Granger. Qu'est-ce que l'Amortentia?
Je n'avais pas envie de répondre. Je ne le ferai pas non plus. Un sourire moqueur est apparu sur mon visage. Les gens se sont mis à murmurer.
— Qu'est-ce que vous attendez? Que je vous soumette à l'Impérium pour avoir votre réponse?, m'a-t-il menacé avec un sourire que je n'aimais pas.
Le sortilège de l'Impérium était un des trois Sortilège impardonnables. Il permettait de contrôler totalement la personne touchée et n'était aucunement détectable à l'œil nu. Il était interdit de le lancer. C'était donc une menace en l'air. Comme si un professeur lancerait ce genre de sortilège sur un élève. J'ai haussé un sourcil en guise de défi.
Parfaitement calme, il m'a fait face de toute sa hauteur. J'ai ressenti dans mon esprit : « Allez miss Granger, récitez-moi la définition du philtre d'amour immédiatement. » Il m'avait lancé le sortilège en informulé. Je n'étais plus maître de moi-même. J'essayais de m'opposer, de garder ma bouche fermée mais rien à faire il était trop fort. Ses paroles résonnaient encore et encore en moi. J'ai senti mon voisin de table se tortiller à côté de moi. Puis, toutes mes forces m'ont abandonné.
— L'Amortentia ne crée pas vraiment de sentiment d'amour, puisqu'il est impossible de fabriquer ou d'imiter l'amour. Elle produit simplement une forte attirance ou une obsession. On la reconnait à sa couleur nacrée et à sa vapeur qui s'élève en spirales. On dit qu'elle a une odeur différente pour chacun de nous, selon ce qui nous attire le plus, ai-je récité d'une traite en même temps que Malefoy.
Mes yeux se sont écarquillés d'horreur. Ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer, j'ai regardé droit devant moi. Même mon homologue s'était raidi à mes côtés. Le sort avait marché sur nous deux. À cause de moi, les gens sauraient. Un profond dégoût s'est insinué en moi. Un sourire mauvais est né sur les lèvres du professeur. Personne n'avait vu son petit manège. Mais tout le monde nous avait entendu répondre d'une seule et même voix.
— Cinq points pour Gryffondor et... pour Serpentard, vous voyez quand vous collaborez, dit-il d'une voix doucereuse. Allez chercher ce dont vous avez besoin vous avez une heure et demie. Et monsieur Malefoy vous resterez après le cours.
Mon coéquipier s'est levé sans m'adresser un mot. Je l'ai suivi du regard. Il affichait un air impassible. Contrairement à moi, il était capable de fermer son esprit. J'ai tenté de me connecter à ses émotions. Comment faisait-on déjà?
Agilement, j'ai laissé mon esprit contourner la barrière érigée tout autour de lui. Je ressentais les battements de son cœur, un battement sourd et régulier. Sa respiration était lente, il semblait détendu. Tout doucement, la mienne arrivait à se caler sur la sienne. Comme si nous faisions qu'un. J'ai fermé les yeux un moment pour me concentrer.
Quand je les ai rouverts, j'étais debout. Que faisais-je debout? J'étais pourtant assise à ma place, il y a à peine deux secondes. Je me suis retournée tranquillement et je me suis vue. J'ai plutôt aperçu mon corps, assis au bureau, le regard vague. Ahurie, j'ai touché mes cheveux, il était court. J'ai commencé à paniquer.
« — Granger!, s'est exclamé la voix de la Malefoy. »
J'ai subitement « repris » mon corps. Ma respiration s'est accélérée et la panique m'a envahi. J'ai regardé précipitamment autour de moi et personne ne semblait avoir remarqué ce qui venait de se passer. Ils étaient concentrés sur leur potion. J'ai croisé le regard de mon homologue, il semblait sidéré. Il a pris les ingrédients nécessaires et il est revenu s'asseoir à mes côtés. J'ai mis ma main sur mon front. Que venait-il de se passer?
« — Qu'as-tu fait?, m'a-t-il demandé.
— Je... je sais pas, je voulais... savoir comment tu allais et...
— Tu aurais pu me demander, m'a-t-il coupé.
— Tu m'aurais répondu? lui ai-je demandé.
— Ne t'en prends qu'à toi, tu m'as ignoré la première. Je n'avais absolument rien fait, m'a-t-il fait remarquer froidement. »
Il avait totalement raison, mais je préférais mourir plutôt que lui dire. J'ai soupiré et nous nous sommes occupés de notre potion en silence. En apparence seulement, puisque nous lisions les étapes par télépathie. C'était un excellent entrainement. Les autres équipes étaient bruyantes : ils s'obstinaient sur les quantités à mettre, sur les directives à suivre.
Le professeur Rogue s'est approché de nous. Il nous a demandé d'une voix remplie de soupçons :
— Il y a quelque chose derrière votre silence que je n'aime pas. Tous vos compagnons de classe chahutent et vous vous travaillez en silence. Qu'est-ce que vous cachez?
Nous avons préféré garder le silence plutôt que mentir. Voyant que nous ne répondrons pas, il est parti sans dire un mot. J'ai soupiré et nous avons continué de travailler sur notre potion. J'étais en train de lire la nouvelle consigne quand j'ai entendu Harry et Ron parler.
— Qu'est-ce qui lui prend à Hermione?, a demandé Harry. Ça ne lui ressemble pas.
— Elle veut attirer l'attention, c'est tout. Elle fait semblant d'aller mal pour que l'on s'intéresse à elle, a répondu Ron. Elle est si...
La rage bouillonnait dans mes veines. Je n'ai même pas entendu la fin de sa phrase. Je me suis retournée vers eux et j'ai récité une formule discrètement pour faire augmenter le feu de leur chaudron à une puissance maximale. Sans plus attendre, le contenu leur a explosé au visage, ne manquant pas d'éclabousser quelques élèves autour d'eux.
En colère, le professeur Rogue a crié :
— Potter! Weasley! Vous êtes une bande d'incapable!
— Mais nous n'avons rien fait, on a saboté notre potion!
— Suffit!, a tonné l'enseignant. Pour vos raisons stupides, j'enlève 15 points à Gryffondor. Et vous aurez chacun une retenue pour réfléchir à vos actes.
Satisfaite, je me suis retournée et j'ai reporté mon attention sur notre propre chaudron.
« — Bien joué, m'a félicité Malefoy. »
Nous nous sommes échangé un sourire complice. Le premier depuis le début de la journée. Le reste du cours est passé à une vitesse folle. Nous venions de terminer notre potion. À en juger par sa couleur nacrée et de la vapeur s'échappant de notre chaudron en spirale, elle était parfaite. Le professeur s'est avancé vers nous et m'a demandé quelles odeurs je sentais.
— Je sens une odeur d'herbe fraîchement coupé, de parchemins neufs et de...
Je me suis arrêtée de parler. Ça n'avait aucun sens et c'était illogique. Cette odeur si particulière... Elle ne pouvait pas se retrouver là. Nous devions avoir raté une étape dans la confection de la potion. Je me suis enfoncée dans ma chaise, ne voulant pas finir ma phrase. Rogue s'est tourné vers Drago. Il s'est avancé et a dit :
— Je sens une odeur de livres poussiéreux, d'encre et de... pêches ?!
Le dernier mot sonnait comme un questionnement.
— Bien monsieur Malefoy, l'a félicité le professeur Rogue. Pour tous ceux n'ayant pas réussi leur potion, entre autres Potter et Weasley, je veux 45 centimètres de parchemin sur l'erreur que vous avez pu commettre.
Les soupirs de mécontentement des deux principaux concernés m'a fait sourire. Ils l'avaient bien mérité. Le maitre des potions a finalement annoncé la fin de son cours. Je me suis dirigée vers ma salle commune. Une seule envie me tiraillait : m'enrouler dans ma couette et dormir jusqu'à la fin de mes jours.
Je ne savais pas quand Malefoy allait revenir de son entretien avec le professeur de potions. Je ne tenterai pas non plus d'espionner leur conversation, ma petite promenade de tout à l'heure m'a suffi. Mais il faudrait inévitablement parler du sort et de l'accident. Une crainte s'est formée au creux de mon estomac en me dirigeant vers notre salle commune.
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