Un inspecteur aux abois 1
- Quel ennui, bon dieu ! Quel ennui ! s'emporta-t-il.
L'inspecteur Everiver en était à là de ses réflexions quand notre histoire débuta.
Un crime avait été commis sous sa juridiction et il incombait à lui et à lui seul de trouver le coupable. Il aurait évidemment l'aide de son équipe, mais celle-ci, composée uniquement d'un policier monomaniaque et d'une légiste à l'humour douteux, n'allait pas lui être d'une grande aide.
Approchant la trentaine, Everiver venait d'être nommé au poste d'inspecteur dans une ville de province. On le disait chauve, doté d'un corps ayant plus une forme de poireau qu'autre chose, et disposant de mains dont la taille dépassait largement la moyenne. Vous pourriez presque le croire tout droit sorti d'un jeu Slenderman, dont il aurait été le sinistre personnage éponyme. Il partageait sa démarche fantomatique et son habitude à apparaître là où on ne l'attendait pas. Cette façon d'être, il la devait cela à sa première enquête à la capitale. Même si résolue brillamment par lui-même, elle lui laissait nombre de mauvais souvenirs le hantant encore, c'est d'ailleurs ce qui avait orienté son choix vers une mutation à la campagne, plus tranquille disait on. Mais "on est un con", la preuve, à peine arrivé à son bureau, son subordonné l'avait appelé :
- Monsieur Everiver ?
- Oui, c'est moi, qui est à l'appareil ?
- Votre nouvel adjoint monsieur, nous n'avons pas encore fait connaissance. Je vous appelle à cause d'un meurtre, il faudrait que vous nous rejoigniez, le papier peint est vraiment vieillot, et le mobilier, je préfère ne pas en parler...
- Pardon ? Quel est le rapport ?
- Aucun, j'aimerais juste quitter la scène de crime au plus vite, alors, si vous pouviez venir.
- Je viens, je viens, où est-ce ?
- 3 rue Denis Papin, monsieur. La légiste est déjà sur place.
Il avait quitté son bureau immédiatement, agacé au plus au point. Un crime ! Alors qu'il venait d'arriver ! Ça ne pouvait pas attendre ! Il se mettait rarement en colère, sauf dans deux cas: quand il pleuvait et quand on ne lui laissait pas le temps de s'installer. Heureusement que le ciel était d'un bleu pur et les nuages loin, sinon, il aurait vraiment été en boule ! Mais, où était-il, là ? Il n'avait pas regardé où il allait et avait foncé devant lui comme un buffle. Il se maudit intérieurement, puis demanda son chemin à une dame âgée qui passait, portant son cabas à l'épaule:
- Bonjour Madame. Pourriez-vous m'indiquer la rue Denis Papin ?
- Bien sûr, bien sûr, jeune homme. Il vous suffit de tourner à gauche à la prochaine intersection, mais il faut que je vous dise: la police est là-bas, il a du se passer quelque chose...
- C'est justement pour cela que j'y vais.
Et il planta là la vieille dame. Il trouva rapidement la maison en question et y pénétra sans même lui jeter un regard. La porte était ouverte, la deuxième aussi d'ailleurs. Il les franchit toutes deux et atteint le salon où il vit pour la première fois un policier avec un bandeau sur les yeux, une légiste en pleine crise de fou rire, un chien figé et un mort encore en vie.
- Que l'on m'explique ce qui se passe ! Vous m'avez parler d'un meurtre !
On se retourna vers lui comme s'il venait d'apparaître au milieu du salon, puis le monsieur pas mort réagit :
- C'en est un, monsieur, plaida-t-il. C'est Fidèle la triste victime !
- Fidèle ?
- Son chien, monsieur l'inspecteur, l'éclaircit le policier aux yeux bandés alors que la légiste reprenait enfin son souffle.
- On me dérange pour un vulgaire chien !
- Je ne vous permets pas, intervint le propriétaire, Fidèle n'est pas un chien quelconque ! C'est un dobermann pur sang avec un pedigree reconnu !
- Et le mort agonisa en un dernier aboiement, rit la légiste au bord des larmes. Par contre, il faudra trouver un vétérinaire, je ne fais pas dans le canin !
- Tu vas devoir faire avec, Clémentine, aucun vétérinaire n'accepterait de faire l'autopsie d'un chien, remarqua le policier aveuglé. De plus, les résultats qu'ils pourraient obtenir ne serait pas légal.
- Bonne remarque agent, approuva Everiver. Mais pourquoi diable as-tu un bandeau sur les yeux ?
- Je vous expliquerai, monsieur.
- Vous allez retrouver celui qui a fait ça à Fidèle, n'est-ce pas ? supplia le maître du mort.
- Nous verrons, monsieur... ?
- Mr Durand.
- Nous verrons Mr Durand. Si la légiste apporte la preuve d'un acte criminel sur la personne de Fidèle alors nous agirons, déclama l'inspecteur en se contenant avec peine. Légiste emporte le corps, agent, prends des photos.
- Je vais essayer, monsieur.
- À vos ordres, monsieur, dit Clémentine avec un grand sourire. Elle mit le dobermann sur une civière, le recouvrit en riant toujours, mais sous cape cette fois-ci, et partit.
- Bien, pouvez-vous m'expliquer, Mr Durand, pourquoi vous pensez que l'on a tué votre chien ?
- Il était en pleine forme hier ! Il n'est ni vieux, ni malade, on l'a forcément empoisonné !
- Et pour quelle raison ferait-on cela ? C'est un chien ! s'énerva-t-il.
- Insinuez-vous que vous vous fichez de sa mort ?
- Mais c'est qu'un stupide... Oh et puis zut, je vais vous le trouver, votre tueur de chien millésimé.
- Millésimé, c'est pour le vin, monsieur, signala l'agent.
- Peu importe, on va enquêter tout de même ! Tu as pris les photos ?
- J'ai fait du mieux que je pouvais, monsieur.
- Bien, au revoir Mr Durand !
- Au revoir, monsieur l'inspecteur, je compte sur vous ! Vengez Fidèle !
- C'est ça, c'est ça...
Ils sortirent de la demeure du crime et le policier ôta son bandage aux yeux.
- Vas-tu enfin me dire à quoi rimait ce colin maillard ?
- Vous êtes fort, vous, monsieur, vous pouvez supporter la vue d'une décoration d'intérieur bâclée, vieillote et déséquilibrée. Moi cela m'insupporte. Ca me démange, me torture, et me fait finalement vomir.
- Punaise ! Et pour la légiste, elle rit toujours autant ?
- Clémentine ? Oui, c'est dans sa nature, mais nous ne nous sommes pas présentés, je m'appelle Antoine Homan et je suis un natif du coin.
Il mesurait un petit mètre quatre-vingt, avait de courts cheveux châtains et se tenait très droit, comme un "I". Un tic du visage lui faisait hausser les sourcils à un rythme très régulier, ce qui donnait l'impression qu'il était étonné en permanence. Il continua sur sa lancée après un énième soulèvement capillaire :
- J'espère pouvoir vous être utile. Vous m'avez l'air d'un sacré type, vous avez rapidement vu qu'il fallait enquêter sur la mort du chien du maire pour bien vous faire voir en tant que nouveau policier ici. Sachez qu'il n'y a pas une seule personne ici qui ne possède pas de chien.
- Par l'enfer ! Attends, c'était le maire, ce type rondouillard avec un ton faussement exagéré ?
- Oui.
- Il me faut un café, guide moi vers un bar.
- À votre service, monsieur...
- Appelle moi Everiver, c'est plus simple.
- C'est votre prénom ?
- Mon nom, mais je l'utilise comme prénom.
- Original.
Antoine lui montra comment rejoindre le café et l'y laissa, il devait s'occuper des rapports et des photos. Cependant, Everiver se doutait bien qu'il ne pouvait rentrer dans le bar, au vu de son mobilier hétéroclite. Il entra, commanda un café et s'exclama:
- Quel ennui, bon dieu ! Quel ennui !
Ce retour en arrière est terminé, reprenons à présent le cours de l'histoire.
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