Morgane et Pierrette 4

MORGANE :


-Bien, vous me voulez, je lui lâche. Parfait ! Quel est votre prix ?


Là, il se sent mieux. Mes questions l'indisposaient. Il est maintenant de retour dans sa zone de confort.


-J'ai le Bâton du Volcan Noir en ma possession, je vous le cède si vous m'aidez.


-Je savais que vous le déteniez, cependant ne trouvez-vous pas sa valeur un peu trop supérieure pour un simple travail d'escorte ? On parle d'une relique millénaire là.


-Je paie aussi votre silence sur cette transaction et l'arrêt de vos questions inutiles, me foudroie-t-il du regard.


-Ces nouvelles clauses prises en compte, le Bâton ne sera pas suffisant, je réplique le plus sérieusement du monde.


Je cherche à le pousser à bout, à lui faire mettre cartes sur tables. De nombreux non-humains agissent comme moi, raison pour laquelle il y a si peu de secret dans notre univers.


-Soit, je rajoute une pierre d'illusion, garde-t-il son calme avec difficulté.


-Mettez en trois et je suis votre homme. Enfin, façon de parler.


-Deux pas plus.


-Vous êtes sourd ? J'ai dit trois, pas deux.


Il hésite. Les pierres d'illusions sont aussi rares qu'indispensables pour les non-humains. Il n'y a pas plus efficace pour camoufler un lieu secret ou rendre humaine une apparence qui ne l'est pas. Toutefois, il finit par céder sous le poids de ce quelque chose de nauséabond que je sens depuis tout à l'heure.


-J'accepte le contrat, dit-il enfin.


-Et moi je ne l'accepte pas, je rétorque sans hésiter.


-Pardon ?


-Vous avez bien entendu je ne l'accepte...


Je ne finis ma phrase que je vois le Bâton apparaître dans sa main, invisible grâce à une pierre d'illusion, sa bouche me hurler une injure, la gemme de la relique s'embraser et Pierrette bondir de nulle part pour le renverser. Il la jette sur le sol, manque de finir son sort, mais mon sifflet résonne.


Je n'ai pas eu le temps de réagir, ni le temps de penser. J'ai réalisé toute la scène après coup. Mon sifflet, animé comme ma voiture vivante, a déclenché son bruit strident de lui-même. Au moins un secret que j'ai bien gardé : nul besoin de souffler dedans, il agit de lui-même en cas d'urgence. Et Jacob en paye le prix fort.


Autrement dit, le voilà paralysé.


A savoir comment Pierrette a fait pour arriver à temps.


PIERRETTE :


Je sens le sang couler le long de ma tempe, mon cerveau tambouriner d'adrénaline, et mes yeux cligner frénétiquement. Je suis secouée. Secouée et ravie. J'ai réussi ma mission !


Morgane me regarde, interloquée de mon intervention.


-Ahah ! Tu ne t'y attendais pas à celle-là ! je la pointe du doigt, fière de moi.


-Je m'attendais à quelque chose, mais pas à ça en effet. Tu m'expliques ?


Je lui narre alors comment les esprits m'ont averti des desseins de Monsieur Imanovitch, pendant que celui-ci se voit ligoté solidement par une corde animée « à la Pégasus ». Morgane, qui n'a pas attendu pour s'emparer du bâton-magique-avec-la-drôle-de-gemme-enflammée, m'écoute attentivement, assise sur le ligoté.


De ce que j'ai compris, Monsieur Imanovitch voulait faire revenir à la vie sa fille, décédée d'une maladie congénitale à dix ans. Il avait donc prétexté une mission d'escorte pour amener son corps au Bois de l'Epée, où il aurait pris en otage Morgane, pour forcer Elfie, son ancienne tutrice, à user de sa magie de Vie et ramener ainsi son enfant. En m'entendant, ma grande soeur de Flux (même si elle préfère l'appellation « magie ») ne peut retenir un juron :


-D'où il sait que je suis liée à Elfie ?


-Les esprits des lieux n'en ont aucune idée.


-Ils ont arrêté de te parler ?


-Oui, et ils ont renforcé mes défenses psychiques en partant comme remerciement, je souris, un peu insolente.


-Tu as eu bien de la chance qu'ils soient de notre côté, tu le sais ?


Sa remarque me remet à ma place. Oui, j'ai eu beaucoup de chance. Il n'y a pas plus atroce d'avoir plusieurs personnes dans sa tête. Dès que je serai de retour à la maison, je me jure de me remettre à mes exercices. Je ne laisserai plus le moindre esprit m'imposer les règles du jeu.


Morgane sent bien que j'ai compris la leçon. Elle n'insiste pas. Dix minutes, un pansement et un appel plus tard, un agent de l'ordre non-humain nous rejoint pour embarquer Monsieur Imanovitch, sans oublier le bâton magique, au grand désespoir de Morgane qui l'aurait bien gardé. Cependant, je ne suis pas dupe, je l'ai bien vu embarquer quelques pierres d'illusions incognito. A l'occasion, je le lui rappellerai, histoire d'avoir le droit à une ou même plusieurs faveurs en échange de mon silence.


Notre histoire racontée à l'agent, nous repartons au volant de Pégasus, encore quelque peu secouée par l'invasion des esprits. Au troisième Stop oublié Morgane est bien contrainte de reprendre le volant, sa voiture trop fatiguée pour se conduire toute seule. Comme quoi, les objets animés ont tous leur limite.


Une fois à la maison, je n'échappe pas à la réprimande d'Etienne et d'Isabelle. Chose surprenante, Morgane prend ma défense et je m'en tire avec seulement une série de tâches ménagères en guise de punition. Ouf ! Je vais peut-être oublier cette histoire de pierres d'illusions finalement, je le lui dois bien.


Dehors, il fait bon, la fin de l'été amène avec lui son vent de velours, et je profite encore un peu du coucher de soleil. Morgane, elle, est déjà de retour dans sa chambre.


MORGANE :


Enfin, mon lit ! Cette journée a été épuisante. Heureusement, tout est bien qui finit bien et je retrouve mon lit.


Où en étais-je ? Le sifflet ! Comme vous avez pu le voir, il peut immobiliser les gens par son seul son, et ne nécessite pas mon apport pour fonctionner. Si vous vous en souvenez, Elfie me l'avait donné, et depuis je l'ai amélioré pour lui octroyer de nouvelles fonctions. Par exemple...


-MORGANE ! Une lettre pour toi !


-Encore ? J'arrive !


Décidément, je ne peux pas être tranquille une seconde. J'espère que cette peste de Pierrette ne me joue pas un mauvais tour cette fois-ci.


Une fois en bas, je la retrouve dans le jardin d'entrée, en train de lire mon courrier !


-Non mais c'est ma lettre ! Je ne te permets pas !


-Elle est aussi pour moi ! me montre-t-elle le papier glacé de l'enveloppe. Morgane ! Tu ne devineras jamais !


Elle a l'air surexcitée. Je saisis le message manuscrit et reconnaît instantanément l'écriture : ELFIE ! Elle nous a écrit ! Mes yeux dévorent ce qui se révèle être une invitation pour un séjour au Bois de l'Epée, afin que je lui présente Pierrette, dont elle a entendu parler après notre mésaventure chez ce damné Jacob.


Après tout ce temps. Je vais la revoir. Elfie...


-Morgane ? Tu pleures ?


-N... non !


Je me reprends et essuie d'un revers de manches mes yeux embués.


-Prépare tes bagages Pierrette, nous partons demain à l'aube. Direction : Brocéliande !

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