- Qui a parlé ?

- Ce n'est que moi, Zéa.

Se tenait en face d'eux, comme apparu par magie, une nouvelle arrivante. De type caucasien, elle faisait bien son mètre quatre-vingts et portait fièrement sa tenue en cuir digne d'une Veuve Noire. Ses cheveux blonds s'arrêtaient après les oreilles en bouclettes réfractaires. Son poids devrait être de...

- C'est bon, Narrateur, on a comprit, m'arrêta-t-elle.

- Et c'est qui, Zéa ? lui demanda Babouche.

- Même moi, tu m'as oublié ? Pff, un peu trop performante, cette machine...

- Désolé d'interrompre votre discussion, les interrompit David. Mais qui êtes-vous ? Et comment la connaissez vous ?

- Je me pose la même question, déclara Hong.

- Laquelle ? J'en ai posé deux.

- La première.

- Pas la deuxième ?

- Ça me semble évident : elles sont amies de longue date.

- Pas pour moi, sinon, mademoiselle Zéa. Ma question, rappela le Passeur.

- C'est donc toi, le Passeur...

Je viens de le dire, tu m'écoutes, oui ou caca ?

- Caca. Pour éclairer votre lanterne, je suis une autre Passeuse, un peu moins douée que toi. Ça doit faire depuis une bonne année que je cherche à accéder à ce lieu. Mon but est de faire évader Babouche.

- Ne me dis pas que c'est mon vrai nom !

- Ok, je ne te le dirai pas.

- Le prénom, ce n'est pas important, les coupa Hong. Ce qu'il faut savoir, c'est pourquoi elle est là et comment vous voulez sortir.

- Elle a commis un crime et, par conséquent, est dans cette prison.

- Et qu'est-ce que j'ai fait ? demanda la concernée.

- Oui, on se le demande.

- C'est vrai que ça me titille, qu'a bien pu faire une jeune femme comme elle, violente, lunatique et agressive, en plus d'incontrôlable ?

- Vous l'avez assez bien cernée, Passeur.

- Je vous en prie, Passeuse.

- Vous avez fait combien de voyages ensemble ?

- Hum, trois, quatre ?

- Et tu es encore en vie, Passeur, tu m'impressionnes.

- Je joue très bien le punching-ball, vous savez, Passeuse.

- Vous pouvez stoppez votre petit jeu, les deux j'ai-des-pouvoirs-alors-je-me-la-pète ! les agressa Babouche. Et puis, comment je m'appelle réellement ?

- Norbert.

- Ce n'est pas vrai.

- Pierrette ?

- Tu ne t'en souviens plus ?

- C'est que j'ai l'habitude de t'appeler Babouche, alors...

- J'ai dit qu'on s'en fichait ! s'énerva Hong. Quel crime a-t-elle commis ?

- Tu es particulièrement soûlant toi, ou c'est moi ? Et puis, pourquoi ça t'intéresse autant ?

Ce fut David qui expliqua :

- On a fait un pari, il y va de notre argent de poche, alors, s'il-vous-plaît, répondez.

- Je n'y crois pas... soupira Zéa.

- Je peux participer ? murmura Babouche.

- Tu paries quoi ?

- Mes fruits surpuissants.

- Quel serait ton crime ?

- Un braquage de banque, plus ou moins recherché.

- Ok, les jeux sont faits, Passeuse ! On a fini.

- Si tu veux vraiment le savoir, Carine, alors je peux le dire.

A l'appel de son nom, la criminelle recouvra toute sa mémoire, en un instant. Elle s'effondra sur le sol, à peine consciente, le choc avait été rude.

- Zut, remarqua Zéa, je n'aurais pas dû dire ton prénom ! On avait effacé sa mémoire pour ne pas qu'elle meurt de honte !

- Je me rappelle, je suis ici pour...

Elles le dirent en même temps :

- Un vol à l'étalage, trois oranges.

- Sérieusement ?! s'exclama Hong. Comment as-tu fait pour deviner David ?

- Le Voyageur savait ?

- Evidemment.

- Comment ?

- Tu me déçois, Hong, je te croyais observateur...

- Explique !

- Ses omoplates, il y est gravé mot pour mot ce que vous venez de dire.

- C'est effectivement, le châtiment réservé pour tous les criminels, les éclaircit la Passeuse, mais comment as-tu vu son dos ?

Là, Carine crut comprendre. Son poing cueilla violement David, qui vola à travers la pièce, une nouvelle fois.

- Tu m'as regardé alors que je me changeais dans la jungle !

Il encaissa le choc et répliqua :

- Faux, quand tu es sorti de la salle de bain, l'instant d'avant ton crochet, j'ai vu l'inscription dans le miroir à peine désembué.

- Tricheur ! l'accusa son ami.

- Je préfèrerais « profiteur », allez, ne faites pas vos mauvais joueurs, passez moi mes gains.

Il reçu vingt euros de Hong, qui était sûr qu'elle avait été coffrée pour agression à mains nues, et les fruits létaux de Carine.

- Merci bien. Je vous remercie, Passeuse, votre arrivée m'est profitable. Que souhaitez-vous faire à présent ?

- Ces fruits...se rappela Zéa. Ils me disent quelque chose...

- Tu parles leur langage ?

- Ce n'est pas ça, je voulais dire qu'ils doivent sûrement provenir de la planète Gosciderzo, une dimension non contrôlée par les Protecteurs, une des seuls à pouvoir s'en vanter d'ailleurs...

- Ils sont si puissants que ça les Protecteurs ? les questionna David.

- Immensément. Les Gosciderzoïens ne leur résistent que grâce à leur flore plutôt...détonante.

- On a pu le voir...

- Arrêtez moi si je me trompe, intervint Hong, mais si on fait évader notre chère voleuse d'orange, on ne leur déclare pas ouvertement la guerre, par hasard ?

- Exact.

- Alors sans moi.

- Je te renvoie sur Terre alors, proposa le Passeur.

- Tu n'essayes même pas de me retenir ?

- Pourquoi faire ? Tu ne vas nous être d'aucune utilité et tu ne te sens pas impliqué, alors...

- J'ai un pouvoir, souviens toi !

- Comme si un pouvoir émanant des Protecteurs allait fonctionner contre eux...

- C'est pas bête ce que tu dis là...

- De toute façon, leur dit Carine, on va passer par la Terre.

- Comment cela ?

- Si on utilise un nouveau portail, il y aura un risque qu'on arrive au mauvais endroit, il faut donc user d'un que l'on connaît déjà, le premier utilisé par Mister David. Car, Mister Hong, si tu actives ton pouvoir, les Protecteurs vont être avertis dans la seconde. Et puis, notre cher Passeur aura plus de facilité avec sa terre natale.

- Carine est de retour ! S'exclama Zéa. La stratège de l'île Cosmique a retrouvé ses facultés !

- On verra ça plus tard, veux-tu ? Le passé attendra que le présent soit en sécurité. Si je veux échapper aux Protecteurs, il va falloir que l'on ruse.

- Et pourquoi ne pas aller sur la planète aux super-fruits ? proposa le Passeur.

- Ils sont en Guerre Civile, en plus d'avoir signé un contrat de non agression avec les Protecteurs. Ils nous livreraient directement à eux.

- C'est vrai que tu en as, dans la tête, pour une boxeuse.

- Je vais faire celle qui n'a rien entendu. Ouvre nous le portail.

- Poussez le lit, d'abord.

Ils poussèrent, dévoilant une nouvelle fois la trappe, encore en morceaux.

David, Carine, Hong et Zéa prirent dans cet ordre l'escalier pour se retrouver quelque part, sauf sur Terre. L'endroit où il avait atterri ressemblait en effet plus à l'intérieur d'un hall de vaisseau spatial qu'à un lieu terrestre.

Des êtres provenant de tous les coins de l'univers y discutaient, certains attendant patiemment, d'autres manifestant leur désarroi, ou leur colère ? Essayez de deviner avec tout ces faciès improbables...

Notre groupe prit un air d'ahuri. Que faisait tout ce beau monde dans cette immense salle sortie tout droit d'un Men in Black ? Une petite créature poilue s'arrêta près d'eux, les dévisagea puis conclut :

- Vous êtes des Terriens, c'est ça ?

Les deux garçons acquiescèrent de la tête, alors que les deux filles niaient.

- Non, nous sommes des humaines de Kiogurnia.

- Région d'Imeroa ?

- Non, d'Oskordio.

- Joli coin.

- Si on veut.

David et Hong suivaient la conversation béatement. Kiogurnia ? Oskordio ? Imeroa ? De plus, d'où sortait cette étrange créature ? Ils avaient la sensation de l'avoir déjà vu quelque part... Cette dernière leur annonça :

- Les Protecteurs ont redirigé tous les Portails qui étaient en direction de cette bonne vieille Terre, c'est pourquoi tous les Chieurs comme vous et moi se retrouvent ici.

- Par Chieurs, vous entendez Passeurs ?

- Bien sûr. Ah, ils arrivent, ils vont peut-être nous expliquer ce qu'il se passe, c'est que je suis pressé moi !

La voix d'une femme que Hong ne connaissait que trop bien retentit :

- Navré pour ce dérangement, nous recherchons 1 Terrien et 1 Kiogurnienne, veuillez nous les signalez si vous les voyez. Il est brun, cheveux courts et fait 1m75. Elle a la peau mate, longs cheveux et fait 1m73.