17. Quand le méchant dévoile son plan
Darcy grinça des dents et il lui sembla même entendre Lizzie soupirer de frustration.
Qu'avaient-ils donc tous ces gens à l'interrompre alors qu'il tentait, pour la première fois depuis de longues années, d'ouvrir son cœur ?
Avant cet instant, il désirait tuer Margaret pour le bien de l'Angleterre. Pour éliminer cette race pourrie de morts-vivants. Pour rétablir la paix sur la terre de Shakespeare.
Maintenant, il voulait la tuer pour l'avoir empêché de dire ce qu'il ressentait lorsqu'elle était là, près de lui, lorsqu'il entendait son cœur battre si fort.
Il se décala très légèrement sur la droite, prêt à être un rempart pour la demoiselle. Il ne se pardonnerait jamais sa mort.
Nicolas avait reculé de trois pas, encore plus livide que d'habitude. L'effroi était inscrit sur son visage et il semblait paralysé par la peur. La sorcière le terrorisait.
— Alors... si je ne me trompe pas, vous vous êtes William Darcy, colonel de l'armée anglaise et neveu de cette chère pouffiasse de Catherine.
Elizabeth Bennet pouffa de rire et reçut un regard noir de Darcy. Elle prit aussitôt un air contrit mais maugréa en elle-même. C'est que lady Catherine pouvait se montrer si rosse !
Mais lorsqu'elle aperçut le regard mielleux de la sorcière sur le colonel, elle serra les poings, rageuse. Un autre problème s'annonçait.
— C'est bien moi. Et vous, vous êtes Margaret Mulsown, la sorcière du Nord, créatrice de cette engeance de zombies qui déferle sur le pays au moment même où nous parlons, le tout pour avoir le plaisir de porter la couronne à la place de lady Catherine.
— Quel titre ! Ricana-t-elle. Je ne me savais pas aussi estimée par-delà les frontières du Nord.
— Ne mentez pas Margaret, rétorqua tranquillement Darcy en posant la main sur le fourreau de son épée. Vous savez manipuler les esprits à distance et avez tout fait pour que nous atteignions votre château.
— Je l'avoue, admit-elle avec un sourire délicieusement narquois. Mais c'est que vous êtes si facile à berner... même Nicolas, qui croit être bien caché par votre stature, est persuadé d'avoir échappé à sa condition de zombie par sa seule force.
Tous se retournèrent vers le jeune zombie qui hoqueta de stupéfaction avant de lever un regard craintif sur celle qui l'avait créé d'un claquement de doigts.
— Alors... alors si je parle, c'est... parce que vous l'avez décidé ? Balbutia-t-il.
— Que croyais-tu ? Siffla-t-elle, soudain venimeuse. Que tu t'exprimais par l'action de l'Esprit Saint ? Tu as une conscience un peu plus développée que les autres, une étincelle de vie dans ton cerveau simplement parce que tu étais utile à mon plan.
Il tressaillit, trembla de tous ses membres et adressa un coup d'œil suppliant à Darcy, l'implorant de ne pas lui en vouloir. Il n'avait été qu'un pantin entre les mains de cette sorcière, un jouet utile à la réalisation de ses projets de pouvoir.
— Aviez-vous prévu ces attaques de zombies ? Intervint brutalement Darcy tandis que Lizzie jetait un regard compatissant à son ami.
— Dans la forêt ? Non je l'avoue, à l'exception de la première afin que vous puissiez tomber sur cette création défaillante. Mais les autres fois, c'est votre sang qui a parlé bien plus que mes... manigances comme vous dites. Je n'ai eu que le temps de sauver la situation et de les rappeler avant qu'ils ne vous tuent.
Darcy fit un pas, priant pour que Lizzie ait la présence d'esprit de le suivre. Derrière la sorcière, un puits dont s'échappait parfois de la lave -elle aimait décidément le thème du feu- bouillonnait et avec un peu d'habileté, ils la coinceraient.
Par chance, Elizabeth comprit immédiatement la manœuvre et fit de même tandis que Nicolas reculait vers la porte, abattu.
— Et pourquoi nous avoir menés jusqu'ici Margaret Mulsown ? Reprit le jeune colonel en fronçant les sourcils. Mener l'ennemi directement jusqu'au repaire, voilà une erreur de débutant que je ne m'explique pas.
— Peut-être parce que ce n'est guère une erreur cher William, susurra-t-elle en reculant d'un pas.
Lizzie glapit. Comment l'avait-elle appelée là ?!
Mais Darcy ne lui prêta aucune attention, tout entier concentré sur la sorcière qui reprit, un sourire de chat aux lèvres :
— Voyez-vous, cher William, je manque cruellement de seconds compétents et prêts à me soutenir fidèlement dans mon projet.
— Vous avez Henry, lâcha Lizzie d'un ton mauvais.
Margaret se figea, Darcy la fusilla du regard et Nicolas fit la moue.
— Greenwell est un bon assistant, rétorqua Margaret en plissant les yeux, à condition qu'on ne lui demande qu'une chose à la fois, et simple encore. Non, reprit-elle en se tournant de nouveau vers Darcy tout sourire, c'est d'un homme fort, qui sache se faire obéir de cette troupe de morts-vivants dont j'ai besoin. Quelqu'un qui soit... puissant.
Lizzie écarquilla les yeux, dégoûtée. C'était ça, la grande sorcière qui terrifiait la reine Catherine ? Une dévergondée qui aimait les hommes plus jeunes ?
— Non mais dites ! S'indigna-t-elle, les poings sur les hanches. On vous dérange peut-être ?
— Puisque vous posez la question Miss Bennet ! Siffla Margaret, franchement dangereuse cette fois-ci. Rien ne sert de vous agripper ainsi au colonel William Darcy, il est pris.
Lizzie émit un bruit fort peu élégant, estomaquée. Pris ? Pris ?! Comment ça pris ?!
— Vous ne le saviez pas ? Reprit suavement Margaret Mulsown en croisant les mains. Ce n'est guère étonnant. Lady Catherine fait tout pour cacher cette alliance entre William Darcy, son neveu, et Anne, sa propre fille.
Lizzie se tourna vers le jeune homme, blessée au cœur. Non. Cela n'était pas vrai, pas possible. Elle mentait, elle tentait encore de les manipuler.
Mais alors pourquoi Darcy évitait-il son regard ? Pourquoi restait-il là, poings serrés, la tête tournée de l'autre côté, comme si elle n'existait plus ?
Elle recula d'un pas, touchée. C'était vrai. C'était donc vrai. Il ne savait pas mentir, elle devinait que c'était vrai.
Nicolas posa sa main sur son épaule, triste, et Margaret fronça les sourcils.
— La compassion ? Il ne me semblait pas l'avoir incluse. Peu importe.
Nicolas releva les yeux, une flamme haineuse brillant dans ses yeux, mais Margaret ne se préoccupa guère de sa créature et reprit en s'avançant vers Darcy, tournant délibérément le dos aux deux autres compagnons :
— Voyez-vous cher William, je sens que nous pourrions faire de grandes choses vous et moi.
— La phrase que tous les méchants disent, marmonna Darcy en ployant très légèrement les genoux.
— Je vous demande pardon ?
Il ne répondit même pas, cherchant du coin de l'œil le médaillon. Elle ne le quittait jamais avait souligné l'espion numéro trente-sept. Alors où était-il ? Quand même pas dans le puits de lave, il refusait catégoriquement de descendre dans cette fournaise qui se dressait entre Margaret et lui.
Il serra les poings et releva les yeux, farouche.
— Et qu'ai-je à gagner dans cette alliance ?
— Oh mon cher Darcy... tellement de choses si vous saviez, susurra-t-elle en comptant sur les doigts de sa main. La reconnaissance éternelle de vos soldats...
— Je l'ai déjà.
— Une armée puissante.
— Il me semble que les zombies sont toujours déboutés lorsqu'ils tentent de passer le pont d'Hingham.
— La vie sauve ça te convient ? L'interrompit-elle, brusquement agacée.
Ses doigts tambourinaient sur la margelle du puits. Elle était furieuse mais se contenait encore. Il devait cesser de la titiller.
— Si vous tuez vos alliés, ce n'est guère étonnant que vous soyez seule et entourée d'idiots, constata-t-il, sombrement satisfait.
Et pan pour Greenwell. Sa proximité avec Lizzie l'avait toujours rebuté, plus encore depuis qu'ils avaient découvert ses mensonges, depuis qu'il avait blessé la femme qu'il aimait.
Il se crispa en réalisant ce qu'il venait de penser et se concentra de nouveau, avec beaucoup de mal.
Ce n'était pas le moment.
— Si je vous suis, je veux que vous m'accordiez cette liberté dont je manque.
— Comment ça ? Ne me dites pas que... non, souffla Margaret en souriant cruellement. Le puissant William Darcy serait contraint à...
— Avons-nous un marché ? L'interrompit-il sourdement.
Elle réfléchit, se pinça la lèvre d'un air pensif, puis tendit la main, ironique :
— Entendu cher William. Mais j'ajoute une clause ; la mort de vos deux compagnons de route.
Il se décala légèrement pour contourner le puits, s'approcha et saisit la main en souriant à son tour.
— N'ayez crainte chère Margaret, vos désirs sont des ordres.
Lizzie bondit, le poignard à la main, et posa l'arme affûtée sur la gorge de la sorcière, une étincelle de rage dans le regard. Toute gentillesse avait déserté son visage, ne restait plus que la rancœur. La rancœur et le désir de vengeance aigu.
— Et maintenant Margaret, pas un mot de travers ou je te tranche la gorge sans remord.
Mais elle ricana et répondit sans même tenter de se débattre :
— Voyons chère Elizabeth, tu dois le savoir bien mieux que moi. Je suis immortelle.
— Ah ? Pas sans ça me semble-t-il.
Et Lizzie arracha d'un geste sec le médaillon noirâtre du cou de la sorcière. Le bijou redevint brusquement visible dans sa main et Margaret glapit à son tour. Elle voulut se libérer, griffer la jeune Anglaise, lui faire payer ce tour, mais Lizzie passa rapidement le poignard sur la gorge, la poussa en avant et courut vers la porte en hurlant :
— Je m'en occupe !! Je m'en occupe !
Darcy la vit partir les yeux ronds et Margaret dans les bras. Du sang s'écoulait de la gorge de la sorcière mais la blessure cicatrisait à la vitesse de l'éclair. Il fallait jeter le médaillon dans la lave. Et vite. Margaret se relevait déjà, folle de rage. Une épée apparut soudainement dans sa main et elle chargea Nicolas qui était resté sur place, stupéfait du retournement de situation.
Darcy bondit et fit tomber la femme maléfique. Ils roulèrent jusqu'à l'autre bout de la pièce et Nicolas les regarda se redresser dans un gémissement, indécis.
Margaret gronda et leva la main, sur le point de le tuer d'un claquement de doigts.
— Nicolas ! Rugit Darcy en lui sautant à nouveau dessus. Suis Lizzie ! Sauve-la !
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