Chapitre 8 : Il va faire une syncope
La nuit est tombée depuis un moment, enveloppant l'appartement d'une obscurité silencieuse. Lénaelle se couche doucement sur son lit, s'étirant longuement avant de se glisser sous les couvertures. Le satin rose pâle de son pyjama glisse sur sa peau, mais ce contact qui aurait dû être apaisant ne fait qu'intensifier l'agitation dans son esprit.
De l'autre côté du mur, elle entend un léger bruit électrique, comme une étincelle qui s'éteint. Alexander est sûrement en train de se préparer à dormir. Elle le voit déjà, allongé sur son propre lit, les doigts insérés dans la prise, comme un foutu chargeur humain.
Le contre coup ironique de ses pouvoirs.
Son téléphone vibre sur la table de chevet, brisant la paix du silence.
Un message.
Lénaelle fronce les sourcils et tend la main, allumant son téléphone.
HellNet – Nouvelle notification
HellNet... Ce réseau, si vaste, où tout l'Enfer semble connecté. Un endroit où elle ne traîne pas souvent, mais où elle poste des annonces de concerts, des annonces de tournée...C'est un message privé. D'un inconnu.
[???] : Bonne nuit, Lénaelle.
Un frisson glisse le long de sa colonne vertébrale, secouant légèrement ses épaules. Lénaelle s'installe davantage dans ses draps, jetant un œil sur le profil. Pas de photo. Pas d'informations. Rien. Un pseudo incompréhensible : Apple.
Elle hésite, l'air soudainement trop lourd. Ses doigts tremblants frappent les touches avec plus de force qu'elle ne le souhaite.
[Lénaelle] : C'est qui ?
Il n'y eut pas de réponse immédiate. Un mauvais pressentiment se fait sentir dans son estomac, comme un étau qui se resserre lentement.
Son téléphone vibre à nouveau. Le son, faible dans la chambre, sembla décupler l'angoisse qui se propageait dans ses veines.
[Apple] : Il te va très bien ce pijama rose.
Le souffle de Lénaelle se coupe. Comment... il sait ?
Elle jette un coup d'œil frénétique autour d'elle. La chambre est toujours la même. Le silence aussi. Pourtant, quelque chose cloche. Il y a cette sensation d'être observée, cette pression sur sa peau, cette angoisse croissante qui la paralyse sans qu'elle puisse la contrôler.
Elle touche instinctivement son bracelet rouge au poignet.
[Apple] : Tu ne devrais pas stresser autant.
Lénaelle le lâche avec un mouvement sec, son cœur s'emballant. Il faut que ça cesse... Il faut que ça cesse maintenant.
Elle balaye la pièce du regard. Les ombres paraissent plus longues maintenant, plus menaçantes. Ses yeux se fixent sur chaque recoin, chaque ombre, chaque repli du tissu de ses rideaux. Rien.
[Lénaelle] : Qui es-tu ?
[Apple] : Asmodée t'a prévenue. Maintenant, c'est mon tour.
Lénaelle se fige. Ses yeux s'écarquillent et elle recule brusquement. Un froid glacial envahit ses veines. Un vertige menaçant, celui de l'impuissance face à une situation qu'elle ne contrôle pas.
[Apple] : Ce sera ton premier et dernier avertissement. Si tu chantes. Si tu cherches à faire entendre ta voix. Je t'enverrai dans le néant.
Lénaelle sent sa gorge se serrer. Son souffle s'accélère, court et précipité. Elle lève le regard vers le plafond, tentant de maîtriser sa panique. Elle allume d'un coup sec la lumière de la chambre.
L'éclat brusque des ampoules semble déchirer l'obscurité qui s'était insinuée dans la pièce. Elle se redresse dans le lit, son regard fixant les murs et les recoins, le plafond.
La dernière phrase résonne dans sa tête comme un écho sinistre. Lénaelle sent son corps se raidir. Elle se lève précipitamment, les mains tremblantes pour inspecter en profondeur chaque coin de meuble.
Elle s'avance lentement, touchant chaque recoin du mur, comme si la solution se cachait dans les fissures de la peinture. Un rire nerveux s'échappe de ses lèvres. C'est absurde. C'est probablement un fan qui a piraté sa webcam. Un pauvre type qui veut juste... quoi ? La faire paniquer ? L'effrayer ?
Elle laisse une main glisser sur son cœur, cherchant à maîtriser les battements trop rapides. Calme-toi, Lénaelle. Ce n'est qu'un idiot avec un pseudo.
Elle s'allonge à nouveau dans le lit, se recroquevillant sous les couvertures. Le poids de l'incertitude pèse sur sa poitrine, lourd, presque suffocant. Mais elle serre les dents, les poings fermés sur son bracelet rouge.
Elle hésite un instant à prévenir Alexander. Mais son regard dériva vers le mur qui sépare leurs chambres. Il avait déjà ses propres démons. Elle n'allait pas lui rajouter les siens.
Un souffle tremblant s'échappe de ses lèvres.
Elle se rallongea, éteignit la lumière, serra son poing sur son bracelet.
Si c'était une menace d'Asmodée, alors elle la lui renverrait en pleine gueule.
Si c'était un fan taré, elle le trouverait.
Et si c'était un véritable avertissement...
Elle s'endormit avec un poids sur la poitrine, mais la détermination s'accroche à son âme comme une flamme.
Elle affronterait ça. Comme toujours.
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Les lumières du studio clignotent légèrement dans la loge du miroir des pêchés. L'odeur du tabac froid flotte dans l'air alors que Lénaelle arrange sa robe à volant. Ses doigts tremblent contre le tissus et ses yeux passent de son téléphone à son reflet dans le miroir.
Pitié qu'elle ne reçoit aucune notification sur Hellnet. Son front plissé, ses sourcils froncés et son corps frappant dans sa poitrine, elle refait doucement son trait d'eye liner.
Alexander assis sur le pouf dans un coin, regarde ses bottes, silencieux.
— T'es encore en train de gamberger à cause d'Asmodée ?, demande t'elle en grimaçant pour appliquer son rouge à lèvre.
Un sourire discret passe sur les lèvres d'Alexander.
— Pas du tout ! J'essayais juste d'imaginer sa tête si je l'envoyais en thérapie de gestion de la possessivité.
Lénaelle se retourne, mouvant ses lèvres pour étaler le maquillage. Elle arque un sourcil en soupirant.
— Si tu tentes d'être crédible c'est raté. C'était quoi, vous deux ? Plus qu'un plan cul ? Il semble encore trotter dans ta tête.
Alexander s'étouffe presque, son regard fuyant et l'électricité mordant le pouf.
— T'es sérieuse ? C'est un crime passible de mort, Lénaelle. Asmodée est un démon supérieur, d'une hiérarchie bien trop haute pour moi.
Lénaelle roule des yeux exaspérée.
— Et pourtant, il t'envoie des bouquets avec des messages comme "Alex, viens baiser ce soir, j'ai préparé tout ce que tu aimes".
Un léger silence s'ensuit et Lénaelle se lève passant une main dans ses cheveux. Un sourire éclaire doucement son visage. Les battements de son cœur résonnent dans sa poitrine comme une batterie en plein solo.
— Très bien. Alors ce soir, je vais chanter. Et je vais le mettre en colère.
— Lénaelle, c'est une très mauvaise idée.
— Tu sais quoi, Alex ? C'est pas lui qui décide.
Derrière le rideau, elle entend la clameur monter, une vague d'excitation brute qui déferle sur la salle. Son nom, scandé en boucle, vibre jusque dans ses os, lui donnant l'impression de flotter, légère et invincible.
Un technicien lui fait signe : c'est le moment. Elle prend une grande inspiration, sentant l'adrénaline se répandre en elle comme une décharge électrique, un feu brûlant sous sa peau. D'un pas décidé, elle franchit la ligne invisible entre l'ombre et la lumière.
Dès que ses pieds touchent la scène, le hurlement du public explose en une onde euphorique qui la traverse de part en part. Ses yeux balaient la foule – des centaines, des milliers de visages illuminés, des mains levées, des cris de joie. Un sourire instinctif étire ses lèvres.
Elle lève les bras, et le vacarme redouble. Une sensation grisante, presque irréelle, l'enveloppe toute entière. Plus rien d'autre n'existe. Juste elle, la scène, et cette marée humaine qui vibre au même rythme qu'elle.
Elle est exactement là où elle doit être.
Papa si seulement tu pouvais les entendre, se murmure t'elle.
Les projecteurs balaye la scène, peignant son corps de lumière et projetant son ombre immense derrière elle. Son souffle est court, ses doigts tremblent encore sous l'adrénaline. Devant elle, le public continue de rugir, avide, suspendu à chacun de ses mouvements.
Mais soudain, un frisson parcourt la foule quand une silhouette s'avance depuis l'ombre des coulisses.
Alexander.
D'abord, un murmure d'étonnement traverse la salle. Ce n'est pas prévu. Ce n'est jamais prévu avec lui. Il s'approche, son pas sûr, son regard planté dans le sien avec cette intensité qu'elle reconnaît. Cette connexion tacite, ce langage sans mots.
Il se penche, et dans le tumulte, seul son souffle lui parvient.
— Si tu veux l'énerver, je ne veux pas rester à te regarder.
Un sourire complice et déterminé.
Puis, le premier accord résonne, et la salle tout entière retient son souffle.
Les premières notes de "I feel like i'm drowning" de Two Feet, une version lente, plus envoûtante, glissent sur la scène comme un frisson glacé. Un piano, une basse vibrante, et la voix d'Alexander qui s'élève, grave, feutrée, presque murmurée :
"You keep dreaming and dark scheming"
Un instant de flottement. Des regards échangés. La surprise du public, qui hésite encore. Puis Lénaelle entre à son tour, sa voix se mêlant à la sienne, caressante, ensorcelante. Elle sait exactement comment la poser pour
"You're a poison and I know that is the truth"
Leurs voix s'entrelacent, se défient, s'épousent dans un jeu de tension et de relâchement parfait. Ils ne chantent pas juste. Ils racontent. Ils jouent cette histoire d'attraction fatale, d'amour empoisonné, d'un lien qui brûle et consume.
Sensuel, doux et réaliste, les mots coulent sur la mélodie, l'harmonie s'imposant d'elle même.
Alexander s'avance d'un pas, elle recule, un sourire en coin. Le public ne cligne plus des yeux. Il suit ce ballet magnétique, cette lutte invisible où aucun des deux ne veut lâcher prise.
Puis, quelque chose change. L'énergie dans la salle bascule. Le scepticisme cède à l'engouement. Les premiers cris enthousiastes s'élèvent, des mains battent le rythme, des flashs crépitent. Ce duo improvisé, cet échange électrique, hypnotise.
Sa voix se glisse entre les notes, douce et empoisonnée à la fois. Le public frissonne. C'est un duel, une danse silencieuse. Elle recule d'un pas, il avance, ses yeux brillant d'une lueur espiègle.
Puis, sans prévenir, Alexander tend la main.
Un crépitement parcourt sa peau, une brève lueur bleutée éclate au creux de ses paumes. L'énergie serpente le long des câbles, remonte la structure métallique du plafond. Un frisson électrique court dans l'air.
D'un seul coup, les écrans s'allument.
Des centaines d'images apparaissent, éclatant tout autour d'eux. Dans la salle, mais surtout dans tout le quartier. Asmodée ne peut que le regarder.
Des démons attablés dans des clubs enfumés relèvent la tête, fascinés. Des âmes errantes s'arrêtent dans les ruelles crasseuses, hypnotisées par leur reflet sur les écrans. Dans le palais d'Asmodée, les vitraux vibrent sous l'impact. Il les voit.
Il se redresse légèrement, fixant attentivement son écran. Leur regard, leur fièvre, cette osmose parfaite... Il sent cette vibration courir sous sa peau. Un frisson familier, mais aussi un agacement latent.
Le public, d'abord surpris, s'abandonne peu à peu à cette symphonie envoûtante. La tension monte, l'émotion les saisit à la gorge. Un sourire flotte sur ses lèvres, enjôleur, joueur.
— Ils sont doués tu ne trouves pas Sytry, murmure-t-il, effleurant le rebord de son verre de vin.
Mais ses doigts sont crispés.
L'image de Lénaelle, défiante, vibrante de vie, se reflète dans ses prunelles. Elle ose lui désobéir. Elle enflamme son public, elle ébranle les fondations mêmes de son royaume, et surtout...
Elle l'éloigne de lui.
Il sent son aura s'élever, une vague de chaleur qui fait crépiter les flammes dans l'âtre. Une envie furieuse lui tord le ventre. Puis, il entend Alexander.
"I feel like I'm drowning..."
Son timbre est rauque, chargé d'une émotion qui le trouble plus qu'il ne veut l'admettre. Les écrans vibrent sous leur puissance, sous leur défi. Lorsque les mots sortent de sa bouche, Asmodée sait qu'ils sont pour lui. De ses yeux qui percent la caméra à ses mains agripant le micro, tout lui est destiné.
Un rire suave glisse de ses lèvres. Il repose son verre avec une lenteur étudiée.
— Passerotto, souffle-t-il dans un murmure, ses doigts caressant doucement son propre menton.
La jalousie est une caresse brûlante sur son échine. Ce duo improvisé... cette fusion évidente... C'est bien pour le provoquer.
Sytry émet un cri strident, battant des ailes comme pour briser le silence qui s'installe dans la pièce. Asmodée ne bronche pas. Sa main s'embrase, ses sourcils se froncent et intérieurement, un désir de reprendre ce qui lui appartient.
Leur lumière est éblouissante.
Mais Asmodée, lui, est un incendie.
*************
Lénaelle sourit.
Le tempo s'accélère, la musique explose.
"I feel like I'm drowning..."
Le public se lève d'un seul bloc. Les premières acclamations fusent, les premiers cris. Une marée humaine portée par cette tension qui éclate enfin.
Alexander jette un regard complice à Lenaëlle et, comme une évidence, ils chantent ensemble.
"You're killing me slow"
Leurs voix se percutent et s'enlacent, tour à tour caressantes et brûlantes. L'air vibre de leurs énergies mêlées. Il n'y a plus qu'eux, l'adrénaline qui pulse, l'électricité qui danse au bout des doigts d'Alexander, illuminant la scène en éclairs bleutés.
Et puis, au moment où le refrain s'écrase dans un déluge de percussions. Il n'y a rien entre eux et pourtant Alexander connait d'avance la réaction d'Asmodée et il s'en réjouit. Aucune chance qu'il vienne publiquement pour une chanson banal.
Ça fait un bien fou de pouvoir s'exprimer.
Quand la dernière note retombe, ils restent figés une seconde, le souffle court. Puis les applaudissements éclatent, plus forts, plus vifs que jamais.
Elle tourne la tête vers Alexander. Il sourit, son regard pétillant de défi.
— Je crois qu'il a reçu le message.
Elle rit, portée par l'euphorie. Peu importe la colère d'Asmodée. Ce soir ils avaient dit ce qu'ils devaient dire.
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Et voici la fin de ce 8eme chapitre, quand avez vous pensé ?
Y aura t'il des conséquences à cette acte selon vous ?
Merci beaucoup pour vos lectures !
Lunarae.
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