Chapitre unique


Je n'en peux plus.

Il m'a brisé.

Je suis à bout.

En temps normal je n'aurais pas cédé, mais ses mots étaient lourds de sens et blessants.

Il n'y peut rien, il ne sait pas à quel point cela m'a fait mal, tel un coup de poignard dans le dos.

À quel point la douleur que je ressens me bouffe de l'intérieur.

Bakugo Katsuki, dit Katchan et moi, Midoriya Izuku, avons toujours été ensemble.

Nos mères se connaissent depuis le secondaire et ont vécu leur grossesse ensemble.

Elles avaient pensé ce jour-là que nous serions les meilleurs amis du monde. Nous avons fréquenté le même jardin d'enfant, et il fallait dire que nous étions inséparables d'après les instits.

Dommage que cela n'ait duré que trois ans.

Depuis que l'alter de Katchan est apparu, il s'est éloigné de moi de manière exponentielle.

Et plus il évoluait, plus il devenait distant et violent avec moi à l'instant où il avait compris que je ne pourrais pas suivre le même chemin que lui.

Il a décidé ce jour-là de m'attribuer le nom de Deku pour ma faiblesse.

Nous sommes au collège, et le ravin qui nous sépare depuis déjà douze ans ne fait que s'agrandir.

Il continue de me malmener avec ses moqueries en touchant sur ce que j'appellais mon anomalie. Mais cette fois, il utilise ses explosions pour me menacer.

Au début j'encaissais, me disant qu'ensuite il en serait lassé.

Être né sans alter est un enfer.

Mais aujourd'hui c'est la dernière fois.

Les coups, les insultes et le harcèlement dont je suis victime continuellement depuis des années me fatiguent.

Mes cahiers et mon pupitre barbouillés de menaces et de moqueries que je m'efforce d'effacer chaque soir m'ont mis à bout.

Mon uniforme est en lambeaux quand je rentre chez moi, ressemblant aux déchirures sur ma peau.

Ma mère se fait toujours un sang d'encre quand elle me voit arriver tard avec des bleus et des brûlures sur moi.

Je lui fais croire à ma maladresse constamment, mais je suis sûr qu'elle pense tout autre.

Comment ai-je pu tenir si longtemps, je me le demande.

Je ne peux même pas contrer tout cela dans ma situation.

Mais surtout, quand Katchan a prononcé ces paroles, je n'ai pu le contredire.

"Si tu tiens tant à devenir un héros, vas te jeter du toit et prie pour avoir un alter dans ta prochaine vie.. "

Il avait raison. Pourquoi tant insister ? Mes autres camarades sont trop forts pour moi, et je suis si différent.

Pourtant, même si nous ne sommes qu'une minorité, je suis le seul à subir tout cela.

Plus je réfléchis, plus je me demande pourquoi je suis venu au monde.

Dois-je exister pour servir de souffre-douleur ?

Tout cela parce que je suis sans alter et que ma simple existence doit se résumer à me faire du mal ?

Pourquoi la vie m'inflige un tel fardeau ?

Et pourquoi dois-je recevoir cette fatalité de sa part ?

Toutes ces questions qui ne font que me rendre fou m'emmènent là où mon persécuteur semble vouloir que j'aille.

Le toit.

Au bord de ce grillage, à moitié défoncé.

Le vœu que mon lointain meilleur ami veut voir se réaliser.

J'avance tout doucement vers le rebord en béton, les jambes tremblant de ma lâcheté.

Arrivé à destination, j'observe le monde qui, plus tard, ne sera qu'un doux et léger plongeon dans l'abîme.

Le paysage devant moi est pourtant si beau...

Un de mes pieds était déjà dans le vide quand une larme tomba de mes joues.

Pourquoi j'hésite... ?

Pourquoi alors que je suis prêt à en finir pour de bon ?

Pourquoi dois-je pleurer pour ceux qui me font du mal ?

Ils ne me pleureront pas de toute manière, surtout lui.

Je me balance entre le vide qui m'attire comme un aimant et le grillage auquel je me raccroche pour ne pas tomber.

Je ferme les yeux, plaquant mon dos à la ferraille.

Réfléchis Izuku, veux-tu vraiment faire ça..?

"Faire ça" est le meilleur moyen pour que tout s'arrête. J'ai mal et je le sais mieux que personne.

Que se passerait-il si tu sautes...? Que deviendrait ta mère, elle, qui t'a aimée chaque jour depuis ta naissance... ?

Elle pleurera, c'est sûr. Mais elle n'a pas à s'en vouloir, c'est moi l'erreur, pas elle... le jour où nous sommes allés voir le médecin, j'avais tellement hâte de savoir si j'allais avoir un alter, mais ce dernier a affirmé le contraire. J'étais anéanti. Dire cela devant un enfant de quatre ans était sans doute la réaction attendue. Tout portait à croire que pour elle c'était sa faute. Mais non, ce n'est pas sa faute, mais la mienne. Elle n'a pas à subir mon existence.

Et tes professeurs, il peuvent t'aider...

Ils en n'ont rien à foutre... ils les laissent faire comme s'ils avaient tous les droits en ce bas monde...

Et All Might... ?

Je le croyais compréhensif. Après qu'il m'ait sauvé d'un vilain, j'ai pu le rencontrer. All Might, le numéro un des héros du pays. J'étais tellement euphorique de l'avoir vu de mes propres yeux que je pensais que, lui, pourrait me donner ce peu d'espoir qu'il me restait. Mais quand je lui ai demandé si on pouvait devenir un héros sans alter, son regard est devenu sombre. Il m'a répondu "Non" en me tournant le dos. Mais après ma tentative de sauver mon ami d'enfance du même vilain, au lieu de me féliciter pour mon courage, on m'a sermonné, alors que Katchan lui avait soi-disant impressionné les héros par la férocité de son alter, alors que son regard demandait seulement de l'aide. All Might lui-même m'a repris sur mon acte.

All Might a finalement confirmé mes craintes. Aucun sans alter ne peut devenir un héros... C'était pourtant mon dernier pilier pour pouvoir contredire Katchan.

Tu peux toujours aller à Yuei même sans alter.

Oui, les filières générales peuvent servir au moins pour ceux dont l'alter n'est pas très utile en héroïsme. Mais est-ce qu'un sans alter peut se permettre de fréquenter ces classes ? Est-ce que les élèves de ces dernières verront plus la personne que je suis ou bien comme une personne à prendre de pitié ? Ou est-ce que, comme Katchan, ils vont me persécuter ? Dans ce cas, je ne veux plus en entendre parler.

Cette école est devenue une chimère.

Un banal rêve de gosse qui ne se réalisera jamais.

Un rêve que j'avais partagé avec lui.

Personne ne veut m'aider, comme si mes problèmes n'existaient pas, comme si ma détresse était sourde à leurs oreilles. Pourtant, les signes sont si évidents. J'ai beau tendre la main, mais en vain.

Alors pourquoi ? Pourquoi ont-ils décidé de laisser faire les choses telles qu'elles sont aujourd'hui ? Ils ont détruit ce rêve. Mon rêve, mon avenir.

Et si tu pouvais le réaliser... ?

Je pourrais en effet devenir quelqu'un d'autre. Un policier, un avocat, tout en rapport avec la justice. Mais ne viserais-je pas trop haut ? En suis-je capable ? Dans le cas contraire je ne serais qu'un boulet, personne ne voudra de moi. Je suis inutile, un bon à rien, un Deku comme il aime si bien m'appeler.

J'inspire l'air de la brise d'été qui a pointé le bout de son nez.

La seule chose dont ils vont m'envier sera le manque de ressentir cette chaleur insupportable de cette saison étouffante.

Ce vent léger qui fait vrombir mes bras de l'altitude donne un sens à cette liberté que je recherche depuis plus de dix ans.

Une liberté et une paix sans pareille.

Et cela me donne encore plus envie de passer de l'autre côté de ce monde plein d'injustices.

Ne saute pas...

Je sais que je ne devrais pas. Mais pourquoi... ? Si je ne fais pas, cela continuera encore et encore jusqu'à qu'un jour, il me tue.

Si cela se produit, Katchan ne pourra pas devenir un héros. Je ne veux pas ruiner son avenir en mourant de ses mains. Alors que si je saute...

Je lève la main au ciel comme si ce dernier me tendait la sienne.

Ne saute pas...

Arrête. Je suis fatigué.

Ne saute pas.

Laissez-moi, quitte à mourir je veux le faire de mon plein gré.

"NE SAUTE PAS, DEKU !"

Je me retourne je le vois.

Un blond cendré brillant au soleil, des yeux sanguinaires rappelant ses explosions qui détonnaient sur ma peau meurtrie au quotidien.

Il a couru, arrivant essoufflé à l'instant, lorsque l'un de ses amis m'a vu monter les escaliers, le regard vide, menant à ce qui est supposé être mon lieu de repos.

"Deku..." Articula-t-il.

Pourquoi ? Pourquoi maintenant, alors qu'il le voulait ?

"Je t'en supplie, ne saute pas...

_C'est ce que tu veux pourtant, réussis-je à sortir de ma bouche.

_Deku... je... je ne pensais pas que...

_Que j'allais vraiment le faire... ? Pourtant tu l'as dit toi-même, Katchan. Je ne deviendrai jamais un héros. Pas comme ça.

_Tu pe-

_NON JE NE PEUX PAS ! ET TU ME LE PROUVE TOUS LES JOURS ! Seulement maintenant... j'ai conscience du problème et tu m'en donnes l'opportunité. Il aura fallu du temps mais j'ai désormais compris...

_ Tu peux devenir quelqu'un ! Mais pas quelqu'un qui risquerait sa vie en voulant jouer les héros. Tu peux l'être autrement, Deku..."

Je lui souris alors, les larmes aux yeux, et reviens au bord du précipice. Je sais qu'il a raison.

Il a toujours raison. Mais je ne comprends pas pourquoi il essaie de me retenir maintenant.

Le soutien que j'attendais depuis toujours de ta part, j'aurais voulu l'avoir depuis ce fameux jour Katchan...

Le sol goudronné m'appelle, voulant allonger mon corps dessus, peinturluré de rouge.

Katchan hurle après moi pour essayer de me convaincre une dernière fois de ne pas sauter.

Mais je suis éreinté de tout cela.

Seule une personne pleurera ma disparition, et ce sera moi, et moi seul.

Parce que je n'ai pas su rendre fier ma propre mère, que je n'ai pas su lui donner un alter pouvant la rendre heureuse, pour n'avoir pas pu suivre le même rêve que celui qui était mon ami d'enfance.

Mais surtout ne pas avoir le même courage et le sourire que le héros que j'admirais depuis tout petit.

Mon pied dépasse alors du bord et je tombe dans les bas-fonds, n'ayant qu'un dernier cri de Katchan hurlant alors mon prénom pour la première et la dernière fois...

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Voilà, ce n'était peut-être pas joyeux mais j'espère toutefois que l'avez aimé, je remercie Kawaiikitsune et Aiko pour la béta mais aussi maarsat qui a pris le temps de le lire avant béta ^^




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