CHAPITRE 9 ✦ Invitation et nuits blanches
deux ans, un mois et dix-sept jours plus tard
Quand Tristan ouvre la porte de son bureau ce matin là une feuille se met à voleter dans l'espace. Il lui faut quelques secondes après qu'elle soit retombée au sol pour voir ce qui se trouve dessus. Il reconnaît alors l'écriture nette et jolie de Jules.
Il se penche donc pour récupérer le mot qu'il a dû glisser sous la porte dans l'espoir qu'il le trouve. Il ne comprend la raison que lorsque les belles arabesques de son écriture xx se retrouvent à une distance suffisamment proche de ses yeux pour qu'il en comprenne la signification.
Tristan, j'étais tellement heureux pour la première fois depuis des années il y a quinze jours. Encore merci de faire tout ça pour moi.
PS : c'est une invitation.
Alors qu'il retourne la feuille, le blond tombe sur l'annonce qu'il n'avait pas vue dans un premier temps. Celle d'une soirée costumée organisée dans le village voisin. C'est la première fois qu'ils en font une et le sportif regrette d'être passé à côté de l'information, lui qui est à l'affût de toutes ces types de soirées.
Alors que son cœur bat la chamade à cause des mots utilisés, il le fait aussi car il commence à paniquer. Il tourne ses yeux clairs dans toutes les directions sans trouver de déguisements potables pour ce nouveau bal masqué. Lors du précédent, il était aux anges d'avoir réussi à sortir de nouveau avec son bien aimé, mais il n'avait pas dit grand chose sur le retour. Il était donc bien loin de s'imaginer que ça lui avait tant fait plaisir qu'il voulait ressortir tout de suite.
Il s'était donc éparpillé dans divers projets de costumes et il ne voyait pas comment il pourrait être prêt pour la date fatidique. Mais il était hors de question qu'ils ne puissent pas sortir à deux à cause de sa procrastination. Alors il passerait tout le temps nécessaire dans ce bureau, quitte à y sacrifier son sommeil s'il le fallait. Car il pouvait bien l'offrir sur l'autel de celui qui semblait vouloir voir de nouveau s'allumer la joie et la malice dans les prunelles de l'ancien pompier.
✦
— Tristan t'es sûr que ça va ? T'as l'air hyper fatigué depuis une semaine.
Il ferme ses paupières alors qu'un de ses coéquipiers et amis s'inquiète pour lui. D'un mouvement léger de la main, il lui fait comprendre de ne pas insister sur le sujet. La fatigue commence pourtant à se faire fortement ressentir après deux nuits quasiment blanches passées à coudre du début de nuit au petit jour. Il se demande si Jules l'a compris. Il a en tout cas capté son état général, car il lui a déposé une tasse de café remplie à ras bord la veille alors qu'il se levait vers dix heures. Il lui avait même préparé un petit déjeuner, ce qu'il ne faisait plus depuis de trop longs mois et l'avait déposé devant lui alors qu'il luttait pour ne pas se rendormir sur la chaise de la cuisine.
C'était l'une des choses que Tristan regrettait le plus de sa vie d'avant. Ces petits-déjeuners à deux, alors que le brun lui apportait en rentrant de garde, le réveillant avec l'odeur d'un croissant se mêlant à celle d'une boisson chaude. Cela le tirait toujours aisément de ses draps. Il ne l'avait jamais fait dans la chambre d'amis où il avait élu domicile. Il n'en avait d'ailleurs jamais ouvert la porte depuis qu'ils étaient dans des chambres séparées, semblant respecter aussi de son côté cet éloignement forcé.
Il écrase les souvenirs si doux avant que la douleur de leur absence ne le submerge et se reconcentre sur l'inquiétude légère mais persistant dans le regard de son coéquipier.
— Je suis sur un projet perso en parallèle, j'y ai juste passé un peu de temps cette nuit.
— « Projet parallèle » hein ?
Les prunelles sont malicieuses alors qu'il se fige sous la remarque faite comme Tim l'aurait faite quelques années auparavant. Discuter de leurs soirées et nuits était quelque chose qu'ils avaient souvent fait sans trop de problème. Et puis tout avait changé et à voir le visage se décomposant de son ami, celui-ci venait de se souvenir que son couple et futur mariage avaient volé en éclat suite à une belle journée d'hiver.
— Merde désolé.
— Ouais...
Ils restent silencieux ne sachant pas quoi dire. Le blond ne trouve pas la phrase qui détendrait l'atmosphère et cela semble également être le cas du brun ayant normalement toujours une réplique amusante à faire.
Tristan déteste l'idée qu'il puisse se taire par peur de le blesser alors que parfois il aimerait juste rire de la situation. Parce que c'était ce qu'il faisait. C'était ce qu'ils faisaient. Dans leur groupe d'amis, Jules et lui étaient connus pour leur humour un peu noir sur tous types de situations. Il fallait croire que celui-ci aussi avait été réduit en cendres.
— Bon du coup, ce projet parallèle, tu m'en parles ou tu gardes ça pour toi ?
L'air paraît revenir dans ses poumons alors qu'une sortie à leur impasse a été trouvée. Il adresse un léger sourire à Tim qui porte toujours une moue désolée à son égard. Et Tristan aimerait que cela ne soit pas le cas. Parce que cela lui permettrait d'oublier, loin de la gifle qu'il prend dans la tronche à chaque fois qu'il parait lire un semblant de pitié. Encore plus que même s'il n'a pas retrouvé son Jules, des morceaux réapparaissent dernièrement le rendant plus heureux qu'il ne l'a jamais été. Et seul voir ses yeux bleus en soirée pourrait rendre celle-ci encore plus parfaite qu'elle ne l'est.
— Je fais des costumes pour une soirée dans quinze jours et je suis grave à la bourre.
Les prunelles s'écarquillent en face de lui quand il comprend ce qu'il ne dit pas. Ou bien quand il espère voir dans sa parole ce qu'il n'a pas évoqué clairement.
— Pour Jules aussi ou... ?
Il hoche doucement la tête. Il revoit les mots inscrits sur l'invitation. Les quelques lignes qui l'avaient complètement chamboulé au point qu'il ne pense qu'à ça depuis plusieurs jours voir presque semaine.
— Je savais pas que.... Je croyais que c'était toujours aussi compliqué.
— C'est toujours compliqué. Et c'est très récent. Mais j'ai l'impression que je le retrouve enfin un peu, et c'est lui qui m'a demandé. J'y suis depuis des jours, j'ai l'impression d'être comme à notre première soirée à vouloir l'impressionner et je sais que c'est ridicule parce que c'est pas pour un costume qu'il va ou non me ré-aimer, mais j'ai tellement envie qu'il soit parfait.
— Surtout que c'était vachement pour ton costume et pas pour autre chose qu'il s'était mis en couple avec toi.
Sa main s'abat sur l'épaule du bavard qui se met à ricaner. Mais il mérite peut-être cela après l'avoir bassiné pendant quinze jours à parler du brun suite à leur première rencontre.
— Arrête tes sous-entendus. Je regrette tellement de t'avoir raconté cette soirée-là, t'as pas idée comment je regrette. Et c'était aussi pour mon costume. Robin et Batman je te rappelle !
— Tout de suite ! J'allais dire que c'était pour ton magnifique sourire bien entendu.
Tristan lève les yeux au ciel alors que l'ironie et la malice sont palpables dans la voix de son ami tandis que ses prunelles pétillent d'amusement.
— Pourtant, je l'ai bien observé, et c'est pas ça qu'il regarde quand vous êtes à deux en soirée.
— Tim, tais toi !!
Ça pouffe à côté de lui et il ne peut s'empêcher de rejoindre les éclats de rire de son ami. Quand ils se calment, le visage redevient tout de suite sérieux.
— Je suis content pour vous.
— Rien n'est fait. J'ai l'impression que tout tient qu'à un fil, qu'à la moindre erreur je risque de me prendre un mur. J'ai pas envie de me faire trop d'illusions.
Un petit sourire compatissant lui est adressé. Une main se pose sur son épaule et la presse une seconde, lui transmettant un léger réconfort.
— Ça va aller Tristan, je suis certain que toutes tes nuits blanches porteront leur fruit et que ton idée de costume lui plaira. Ils sont toujours magnifiques.
Une courte pause est marquée durant laquelle les lèvres s'étirent un peu plus, les prunelles claires se posant sur lui avec douceur. Celles-ci sont également bleues, mais si loin de celui caractéristique de son bien-aimé.
— Et puis, arrête avec ton « re-aimer ». Jules t'aime toujours, sinon cela ferait bien longtemps qu'il aurait arrêté d'habiter avec toi.
Les mots le frappent avec vigueur, franchissant différentes strates dans son esprit pour s'enfoncer au plus profond de celui-ci. Il reste silencieux, sous le choc de ce qui lui parait être une grande annonce alors qu'il ne l'avait pas vraiment compris. Il essaie de repousser cette idée, parce qu'il n'a pas envie d'avoir trop d'espoir. Il y avait beaucoup trop à perdre à espérer. Et pourtant, la tirade de son ami résonne étrangement en lui. Parce que dans le fond, il a peut-être raison.
C'est cette idée qui est toujours avec lui les jours et nuits suivants alors qu'il coud, colle et fabrique les deux déguisements assortis. Et c'est grâce à cette pensée l'accompagnant chaque heure de sommeil perdue à tenter de faire plaisir à Jules, qu'il ne sent même plus la fatigue s'accumulant pour avoir le tout prêt pour ce qu'il espère être un grand moment.
ça a mis longtemps parce que j'hésitais sur les costumes du prochain chap. mais c'est bon je sais enfin ce que je fais !
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