CHAPITRE 11 ✦ Nature vivante
deux ans, deux mois et sept jours plus tard
— Du coup tu serais dispo ?
— Ouais ouais, je le note direct dans mon agenda. Et c'est bien toi qui gères les déguisements.
— Oui oui, je m'occupe de tout, faudra juste qu'on arrive à se caler pour que je te file le tien avant.
Ça murmure de l'autre côté du combiné alors que Tristan est en plein discussion avec un ami. Depuis quelques jours, il est dans la planification d'une surprise pour son petit-ami. Il espère que celle-ci lui plaira. À l'époque, il adorait tout ce qui relevait de l'inattendu, il espère que c'est toujours le cas malgré tous les changements dans leur vie. Mais depuis leurs dernières sorties, il s'accroche à l'espoir qui le suit après l'avoir entendu heureux. Alors il se convainc que cela lui plaira.
Pour l'instant, tout se déroule comme il le souhaite au niveau de l'organisation. Il va seulement lui rester des costumes à créer et un brun à convaincre de l'accompagner à une nouvelle soirée déguisée.
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— Jules ?
— Oui ?
Il relève la tête du livre qu'il était en train de lire en cet instant précis pour poser ses magnifiques orbes azur sur lui. Sur son visage, le sportif peut voir le coin de ses lèvres s'étirer doucement et son estomac fait un léger tour sur lui-même alors que cela fait bien longtemps que ces sourires ne lui étaient plus adressés.
— Y a une soirée le vingt-et-un, ça te dit de venir ?
Un léger hochement de tête lui répond et Tristan est presque certain de voir son sourire grandir encore un peu plus.
— C'est sur quel thème ?
— La nature. Je pensais faire lapin-carotte.
La tête est doucement hochée du bas vers le haut. Tristan n'en revient pas de l'avoir si facilement convaincu de venir. À chaque fois que l'idée vient de lui, il a peur du rejet. Celui qu'il a bien trop expérimenté pendant de trop longs mois. Mais peut-être que cette époque était bel et bien révolue. Pour chaque réponse positive additionnée, il est un peu plus optimiste que cela soit réellement le cas.
— T'auras pas à chercher bien loin pour un des deux costumes.
Une légère moquerie est présente dans la voix et le blond sourit.
— Il faut profiter de ce qu'on a déjà. J'ai pas trop de temps en ce moment avec les matchs alors...
— Ce n'était pas une critique. T'es pas obligé de te donner tout ce mal tu sais.
Et Tristan sait. Ou pas. Il ne sait plus. Ce qu'il sait en revanche, c'est qu'il est prêt à tout pour que Jules ressorte, pour qu'il quitte leur maison juste le temps de quelques heures, pour le voir un peu plus heureux que la veille et un peu moins que le lendemain. Et si pour ça, il devait sacrifier son sommeil à créer des nouveaux costumes chaque nuit, il était prêt à le faire. Peut-être que l'ancien pompier ne l'aimait réellement plus, peut-être pas comme le prétendait certains amis, mais Tristan allait lui prouver jour après jour que l'inverse n'était pas vrai. Parce que ce n'était pas le cas et il n'était pas certain que cela puisse être un jour le cas.
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— Pour une fois, les gens ont vraiment eu des idées qui changent de l'ordinaire.
Tristan n'écoute que d'une oreille le brun qui analyse la pièce à côté de lui et qui parle sans arrêt depuis qu'ils ont mis les pieds dans la salle des fêtes où une multitude de personnes se sont données rendez-vous.
— SUURRRRPRRRRISEEEE !!
Les cris résonnent de toutes parts avec que six personnes arrivent en courant dans leur direction. En quelques secondes, la carotte et le lapin sont rejoints par deux chasseurs, un second lapin, une carotte et deux choux.
— Joyeux anniversaire Jules !!!
La voix hurle dans l'oreille de celui que le sportif sent se tendre brusquement quand une main se porte à son épaule. Il le voit par la suite complètement se détendre lorsqu'il reconnait la voix. Celle d'un de ses meilleurs amis qui n'avait pas hésité la moindre seconde lorsque Tristan l'avait invité. Alors que tous saluent un par un le brun caché derrière son costume de carotte, Tristan voit à sa posture qu'il est ému. Malgré les couches de tissu le recouvrant, il peut sentir qu'il est touché. Il l'est donc également et ne sait pas trop quoi dire en cet instant quand il aurait nécessairement fait une remarque pour détendre une atmosphère qu'il juge un peu tendue par l'émotion à l'époque.
Lorsque Jules et Tristan sortaient, ils aimaient jouer du vocabulaire de leurs personnages, ou de ce que l'on pouvait en dire. Pourtant, ce soir, le blond garde pour lui toutes ces expressions à base de je te croquerais bien, chaud comme un lapin ou encore j'te mettrai bien une cartouche. Parce que s'il sait qu'elles amuseront ses amis, il a conscience que ce ne sera pas du tout le cas du brun. Et puis, si à une époque, elles auraient pu les envoyer l'un l'autre dans leur lit malgré leur manque éternel de classe par moment, il n'ignore pas qu'aujourd'hui, il y a cent pour cent de chance pour que cela ne soit pas le cas.
Cela ne l'empêche pas de rire lorsqu'un de leurs amis se fend d'un simple les carottes sont cuites pour Leon, il s'est définitivement fait poser un lapin, alors que la conversation s'est tournée sur l'absence de celle qui devait être la future conquête d'un des leurs pendant qu'il avait l'esprit ailleurs. Les rires résonnent pendant plusieurs secondes avant qu'ils n'aillent tous se chercher des boissons.
Pendant une grande partie de la soirée où l'heure avance au fur et à mesure, Tristan reste silencieux. Il se contente d'observer et d'écouter. La course poursuite entre les chasseurs lapins et carottes qui a duré un bon moment est enfin terminée et les souffles se calment doucement. Les voix se mélangent ainsi que les rires. Et celle de Jules est parfaite au milieu du chaos alors qu'il semble au milieu d'eux à la place qui lui a toujours été réservée, celle qui lui appartenait au milieu de ce groupe d'amis dont il avait toujours fait partie. Et le blond est au septième ciel de le voir récupérer un peu de son ancienne vie même s'il fallait pour ça qu'il invite le monde entier en soirées déguisées.
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— Ah t'es là !
Il sursaute dans le couloir menant aux toilettes dont il revient avant de reconnaitre la voix et le déguisement de Jules.
— Tu me cherchais ?
Les fanes du légumes bougent doucement tout en haut du crâne du brun recouvert d'orange, lui arrachant un rire.
— Oui. Je voulais te remercier. Pour ce soir.
La carotte s'approche légèrement de lui alors qu'il ne bouge plus d'un pouce. Les bras se lèvent dans sa direction et il se demande ce que Jules va faire. Bientôt, les doigts glissent sur ses joues recouvertes de ce masque de lapin si doux. Il se demande ce que l'ancien pompier en ressent à travers ces gants oranges qu'il porte depuis le début de la soirée cachant ses mains en partie brulées. Il sent le mouvement qui est fait. Celui qui force la tête d'animal à être levée.
— Jules...
Mais le mouvement ne s'arrête pas. Bientôt, son visage est libéré et il sait ses joues être rougies par la température qu'il faisait sous les couches de tissu poilu. Les doigts continuent de parcourir sa peau, ils trainent sur ses joues, glissent le long de celles-ci une seconde avant que la main droite vienne doucement l'encadrer. Il cligne à quelques reprises des yeux, ne sachant pas à quoi s'attendre et cette idée l'effrayant légèrement.
— Tristan.
C'est un léger murmure, un au sein duquel l'assurance est inexistante.
— La fois prochaine, est-ce que tu pourras ne pas mettre de masque ? J'ai envie de voir ton sourire, il me manque.
Sa gorge se noue en même temps que ses yeux se gorgent d'eau. Il hoche la tête avant que les mains posées quelques secondes plus tôt sur ses joues ne bougent. Il est attiré dans les bras du brun, ou bien il l'attire à lui, il ne sait pas réellement. Sa tête se cale dans le creux du cou de Jules, s'enfonce dans le tissu qu'il fait glisser contre sa peau. Il enferme son ancien fiancé dans ses bras et les sent se refermer sur sa taille. Le masque de costume éponge les gouttes salées qui glissent pendant quelques secondes alors qu'il se presse encore un peu plus fort contre l'ancien pompier.
— Tout ce que tu voudras.
Et alors qu'il pense déjà à tous les déguisements qu'il va pouvoir à présent confectionner, il ne peut empêcher ses pensées de dériver vers l'idée, qu'un jour, peut-être, celui pressé contre son torse lui laissera à son tour voir un morceau de son visage. En plus, Tristan n'est pas compliqué, il se satisfera juste de ses magnifiques prunelles azurées, celles qui lui manquent tant en soirée, parce qu'avant d'un jour aimer tout le reste d'un brun déguisé en Batman, ce sont elles qui l'ont complètement charmé.
on avance, on avance !
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