3 - Shibuya
Sophia regarda autour d'elle, stupéfaite.
J'y suis ? J'y suis vraiment ?
La surprise laissa place à l'excitation et elle se mit à sautiller sur place comme une gamine.
– On a réussi ! J'y crois pas on a réussi !
Quelques passants s'écartèrent en lui jetant un regard, mais Sophia n'en avait rien à faire. Elle se tourna vers la vitrine voisine et examina son reflet.
Elle ressemblait à une parfaite petite japonaise. Cheveux noirs, visage en forme de cœur. C'était une idée d'Inès pour plonger plus parfaitement dans la DR – la réalité désirée.
– On doit laisser de côté tout ce qui nous rappelle la réalité originelle, avait-elle dit.
– Même nos noms ? Avait demandé Manel.
– Nos noms aussi oui, il suffit de choisir des prénoms qui ressemblent aux nôtres.
Elle avait ramené vers elle une feuille de papier sur laquelle elle avait déjà pris des notes. Apparemment, Inès y avait déjà beaucoup réfléchi.
– Tu pourrais t'appeler Mani, avait-elle dit à Manel, moi je serai Ine et pour So, on peut le garder comme ça, hein So Chan !
Dans Shibuya, Sophia continuait à se regarder dans la vitrine.
Inès avait raison, ça avait fonctionné.
Folle de joie, Sophia leva les yeux pour prendre ses amies à témoins.
– C'est vraiment incroyable les fi... !
Le reste de sa phrase mourut sur ses lèvres. Autour d'elle, il n'y avait que des visages inconnus.
Sophia tourna sur elle-même, scrutant les passants à la recherche d'une personne familière. Mais la rue n'était remplie que de badauds qui poursuivaient leur chemin après avoir croisé son regard.
C'est pas vrai ! Pourquoi elles ne sont pas là ? Est-ce qu'il n'y a que moi qui ait réussi ?
Puis Sophia comprit. Elles n'avaient pas pensé à préciser dans leur script qu'elles devaient se retrouver au même endroit.
Son cœur se mit à battre à toute allure dans sa poitrine. En ce moment, Manel et Inès étaient quelque part dans cette ville gigantesque et elle n'avait aucun moyen de savoir où.
Sophia sentit la panique s'emparer d'elle et elle se força à respirer calmement. Elle jeta un œil autour d'elle. Les panneaux, comme les enseignes des magasins, étaient rédigés en japonais, mais elle comprenait ce qu'ils disaient, comme elle comprenait les bribes de conversations qui lui arrivaient aux oreilles.
Bon, déjà je parle japonais, c'est une bonne nouvelle, je ne suis pas complètement perdue.
– Bah alors ? Dit une voix derrière elle. Ça n'a pas l'air d'aller ? Tu as un problème ?
Sophia se retourna et elle se retrouva face à un sourire qu'elle connaissait si bien qu'elle en resta stupéfaite.
Mikey se tenait là, juste derrière elle, Draken à côté de lui avec son tatouage sur la tempe.
Il était beaucoup plus grand et impressionnant qu'elle l'avait imaginé. Elle leva les yeux, blêmit et Mikey surprit son regard. Il se tourna vers son ami.
– Recule Kenchin, dit-il. Tu lui fais peur !
– Hein ? Dit Draken. C'est vrai ? Je te fais peur ?
Sophia se ressaisit.
– Non, non ! S'exclama-t-elle. Pas du tout ! Ne vous en faites pas ! C'est juste que j'ai été surprise ! Je suis perdue et... j'ai perdu mes amies aussi.
– Tu n'es pas du coin ? Lui demanda Draken.
Sophia secoua la tête.
– Non, je viens d'arriver. Je ne connais rien ni personne ici.
– Ooh ! Dit Mikey, c'est pas grave ça ! Comment tu t'appelles ?
– So... Je m'appelle So, dit-elle.
– Ok Socchi ! Dit-il. Moi c'est Mikey et lui c'est Kenchin. On va retrouver tes amies !
– Appelle-moi Draken. On te fera aucun mal, t'inquiète pas, on n'est pas ce genre de racailles.
– Oui, je sais, répondit Sophia. Vous êtes du Toman et le Toman c'est les gentils !
Les deux garçons la regardèrent, étonnés.
– Tu connais le Tokyo Manji Kai ? S'étonna Mikey.
Sophia se mordit la langue. Puis elle reprit.
– Évidemment, dit-elle. Vous faites partie du gang sur qui on peut toujours compter si on a des problèmes.
Draken, comme Mikey, la regardèrent un instant en silence. Puis ils sourirent.
– T'as vu ça Kenchin ! Dit Mikey en se remettant en route. On est célèbre !
Il fit signe à Sophia de les suivre et elle leur emboîta le pas sans attendre.
– Kenchin, reprit Mikey, j'ai faim, on va manger un morceau avant de s'y mettre ?
Draken soupira.
– Tu es un gouffre Mikey, on te l'a déjà dit ?
Tous les trois s'installèrent à la terrasse d'un snack pour profiter du beau temps et Mikey commanda un hamburger tandis que Draken proposait à Sophia de lui prendre une part de gâteau.
– Je ne voudrais pas abuser... Dit-elle.
– C'est moi qui te propose, lui dit-il.
Draken était vraiment aussi gentil qu'elle l'imaginait. Pas étonnant que la sœur de Mikey soit amoureuse de lui.
– Alors Socchi, dit Mikey, dis-nous en plus sur tes amies, ça nous aidera à les trouver.
Sophia réfléchit, mais elle ne voyait pas comment ils pourraient retrouver Inès et Manel dans cette ville. Elle poussa un soupir à fendre l'âme.
Cela dit, je ne suis pas trop inquiète pour elle, c'est moi le boulet de la bande...
La serveuse vint poser leurs consommations devant eux et Sophia plongea dans la contemplation de son gâteau.
– Je ne vois pas comment on pourrait les retrouver, dit-elle, cette ville est bien trop grande...
Voyant qu'elle n'obtenait pas de réaction, Sophia leva les yeux et se retrouva nez à nez avec le plus magnifique visage boudeur que Mikey pouvait offrir.
Pendant une seconde, Sophia se demanda si elle avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas, puis elle se souvint tandis que Draken fouillait dans sa poche en grommelant.
– Franchement Mikey, dit-il, grandis un peu tu veux !
Il planta un mini drapeau au sommet du hamburger et le visage de Mikey se transforma aussitôt.
– T'es incroyable Kenchin ! Dit-il.
Sophia ne put s'empêcher d'éclater de rire et Draken l'imita.
– Il est toujours comme ça, lui dit-il. Il n'y a rien à faire, Mikey est irrécupérable.
Ce dernier ne les écoutait plus. Il était occupé à déguster son hamburger.
– Alors qu'est-ce que tu disais ? Reprit Draken.
La joie de Sophia se ternit.
– Je disais que je ne retrouverai jamais mes amies dans cette ville, dit-elle.
– Allez, fais pas cette tête, dit Draken, tu n'as même pas encore essayé.
– C'est vrai, dit-elle, mais pour être honnête, c'est moi le boulet de la bande.
Mikey leva la tête de son hamburger.
– Pourquoi tu dis ça ? Demanda-t-il.
– Parce que c'est toujours moi qui me fais embêter et c'est toujours elles qui viennent à mon secours.
– Et alors ? Reprit Mikey.
Sophia leva les yeux et il ajouta :
– C'est comme ça entre amis, dit-il, il est où le problème ?
Comme elle ne répondait pas, Draken renchérit.
– On est tous le boulet de quelqu'un, dit-il, c'est normal et c'est pour ça qu'on a des amis. Pour faire les trucs qu'on peut pas faire nous. Regarde Mikey, tu crois que c'est pas un boulet ? Ça l'empêche pas d'être notre chef.
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