2 - Shifting
Inès se redressa.
– J'ai de quoi te remonter le moral... Dit-elle. Vous vous rappelez, ce matin, je vous disais que j'avais trouvé un truc incroyable...
Manel et Sophia relevèrent la tête et Inès déclara :
– Le Shift ! Vous en avez déjà entendu parler ?
– On n'a pas besoin de drogue sale folle, lui répondit Manel. On a déjà assez de problèmes comme ça.
– Je parle pas de shit, mais de shift ! Sale folle toi-même ! Lui rétorqua Inès.
Sophia et Manel la regardèrent sans rien comprendre. Inès leur expliqua.
– C'est une technique pour changer de réalité, leur dit-elle.
Manel la dévisagea.
– C'est bon, t'as pris du shit en fait, dit-elle.
Sophia pouffa brièvement de rire. Ses deux amies la regardèrent, rassurées.
– Je plaisante pas, dit Inès. J'ai découvert ça hier sur internet et j'ai passé toute la soirée à chercher des infos sur le sujet ! C'est super sérieux ! Il y a des études et tout ! En fait, il faut s'endormir et se réveiller dans sa réalité désirée !
– Hmm... Ok, dit Manel.
Elle n'était pas du tout convaincue.
– T'as pas compris, dit Inès. Imagine que tu puisses aller dans Tokyo Revengers !
Manel et Sophia la regardèrent, soudain captivées.
– Je veux pas dire imaginer que tu y vas, reprit Inès, mais y aller pour de bon.
Ses amies ne surent quoi dire.
– C'est pas possible ça, souffla finalement Sophia. Ça existe pas ces trucs.
– Crois-moi, dit Inès, ça existe et il y a même tout un tas de techniques pour y arriver.
Une lueur d'intérêt s'alluma dans le regard de Sophia.
Aller dans Tokyo Revengers ? Rencontrer ces garçons ? Leur parler et tout ?
Le changement d'expression de Sophia n'avait pas échappé à Manel.
– Et comment on fait ? Demanda-t-elle à Inès. Faut prendre des trucs ou quelque chose comme ça ?
– Non, non, la rassura Inès, rien à voir. C'est super simple en fait. Vous savez quoi ? Voilà ce qu'on va faire, moi je vais chercher tout ce que je trouve sur le shift et vendredi vous venez dormir à la maison.
Manel et Sophia la regardèrent et Inès ajouta :
– Vendredi soir, on shift dans Tokyo Revengers toutes les trois.
Le vendredi soir arriva plus vite que Sophia le crut possible. Tout le restant de la semaine, les paroles d'Inès avaient tourné dans sa tête et elle avait le cœur battant au point qu'elle avait ignoré tout ce qui se passait autour d'elle.
C'est possible ? Se répétait-elle. Est-ce que c'est vraiment possible ?
Elle avait tellement envie d'y croire.
Vendredi, après les cours, toutes les trois descendirent au même arrêt qu'Inès et elles la suivirent au pied de la tour des tulipiers où elle vivait avec ses parents. Manel, Inès et Sophia avaient toujours vécu dans la cité de la Boissière, à Rosny Sous Bois. Manel et Sophia habitaient de l'autre côté de la cité dans la tour du Val Fleuri, où toutes les deux occupaient des appartements voisins.
– Venez ! Dit Inès en ouvrant la porte.
Elle se pencha vers le séjour et cria :
– Maman ! On est rentrées ! On va dans ma chambre !
Puis toutes les trois s'éloignèrent sans attendre de réponse.
Une fois là, Inès ferma la porte derrière elle et ses deux amies s'installèrent par terre au pied du lit. Sophia avait désormais les cheveux un peu plus courts. Quand elle était rentrée avec une mèche en moins, elle avait raconté à sa mère qu'elle avait dû la couper après s'être retrouvée avec du chewing-gum coincé dans les cheveux.
– Franchement Sophia, avait dit sa mère, tu aurais attendu quelques heures, je te l'aurais retiré avec un glaçon. C'était pas la peine de couper tes cheveux !
L'adolescente n'avait rien dit.
Les jours suivants, Manel et Inès n'avaient eu de cesse de lui répéter à quel point cette coupe lui allait beaucoup mieux que l'ancienne.
– Tu devrais les remercier en fait ! Avait dit Inès. Maintenant t'es carrément canon !
Sophia se doutait qu'elles voulaient surtout la rassurer, mais cela lui faisait plaisir.
Inès s'avança dans la chambre avec une tête de général avant la bataille.
– Voilà comment on va procéder, dit-elle. Pour le moment, on va juste se préparer et après manger on revient ici, on fait comme si on allait se coucher, mais en fait, on va shifter.
– C'est compliqué à faire, ton truc ? Demanda Manel.
– Pas du tout ! En fait, c'est super simple je te dis ! Affirma Inès. La clé c'est de savoir que tu peux le faire. D'en être persuadée.
Sophia buvait ses paroles. Elle n'avait pas été aussi excitée depuis longtemps.
J'y crois, se répéta-t-elle. Je peux le faire !
– Ok, dit Manel, mais encore ?
Inès s'assit avec elles et elle ramena trois bloc notes sur ses genoux.
– D'abord, nous allons nous occuper de notre script.
– Notre quoi ?
– Pour shifter, leur apprit Inès, il faut écrire un script...
– Je le savais, soupira Manel en se laissant tomber en arrière, elle va nous faire faire nos devoirs en fait...
Sophia pouffa de rire et Inès fronça les sourcils.
– Pas du tout ! S'exclama-t-elle. C'est très sérieux ! Shifter sans script c'est dangereux ! Par exemple, Tokyo Revengers, c'est au Japon, ok ? Comment tu feras une fois là-bas si tu ne parles pas japonais ?
Manel se redressa et Sophia et elle la regardèrent. Inès poursuivit.
– Il faut noter dans notre script qu'on sait parler et lire le japonais.
Elle leur tendit chacune un bloc et ajouta :
– Il faut qu'on pense à l'apparence qu'on aura, à nos capacités... Il faut préciser qu'on veut shifter dans la même réalité toutes les trois. On ne doit rien oublier si on veut que ça se passe bien !
– Ok... Souffla Manel.
Elle était impressionnée par l'assurance dont faisait preuve Inès.
On va vraiment le faire ? Se dit-elle. On va aller DANS Tokyo Revengers ?
L'idée commençait à lui faire battre le cœur à toute allure. Elle essayait d'imaginer à quoi ressemblerait Draken, ou Takemicchou.
Ou encore son préféré, Mikey.
Et Baji ? Il sera aussi impressionnant en vrai ?
Cette idée ramena une pensée à la surface de ses souvenirs.
– On ira là-bas à quel moment de l'histoire ? Dit-elle. Je n'ai pas envie que Baji soit mort, moi. Ou qu'on arrive en pleine guerre des gangs.
– Tu as raison, lui dit Inès, on doit bien choisir le moment où on arrive. Peut-être juste avant Halloween...
– Et pourquoi pas avant leurs ennuis avec le Moebius ? Intervint Sophia.
On ne l'avait pas entendue depuis le début de la conversation.
– Moi, dit-elle, j'ai envie de les voir quand ils vont bien. J'ai envie de les voir sourire.
Manel et Inès la regardèrent en silence. Finalement, Inès attrapa son bloc et elle commença à prendre des notes en souriant.
– Va pour la période juste avant le Moebius, dit-elle, ravie.
Quelques heures plus tard, toutes les trois s'étaient réunies dans la chambre en pyjamas.
– C'est l'heure, leur dit Inès.
Manel avait du mal à calmer son excitation et même Sophia avait le cœur qui battait la chamade.
– Comment on fait ? Demanda Manel dans un souffle.
– Il y a plein de techniques, lui avoua Inès. Mais le plus simple ça reste de nous allonger en nous tenant la main, de nous détendre et d'affirmer jusqu'à ce qu'on y soit.
Inès leur avait parlé de ces affirmations. Manel trouvait ça un peu débile, mais Sophia s'allongea immédiatement sur le sol.
– On y va ? Dit-elle.
Elles avaient finalement choisi de s'installer en triangle, leurs trois mains serrées entre elles et la tête posée sur les genoux de leur voisine. Inès commença les affirmations et ses deux amies les répétaient derrière elle.
– Je suis dans Tokyo Revengers...
– Je suis dans Tokyo Revengers...
– Je sais parfaitement shifter...
– Je sais parfaitement shifter...
– Shifter, c'est super facile...
Étendue, sur le tapis, Sophia avait du mal à contenir son excitation.
Il faut que je me calme, je dois respirer calmement sinon je vais tout faire rater, se dit-elle tout en continuant à répéter les affirmations.
Finalement, elle sentit des fourmillements lui envahir les doigts. Ils remontèrent le long de ses bras et, au bout d'un moment, Sophia se rendit compte qu'elle ne sentait plus le sol sous elle.
C'est comme quand on s'endort en fait... Songea-t-elle.
Pourtant, la chambre autour d'elle était toujours là et la chaleur de la main de Manel dans la sienne n'avait pas disparu.
Après un temps qui lui parut avoir duré des heures, Sophia rouvrit les yeux en soupirant :
– Ça n'a pas marché Inès...
Mais ni Inès, ni Manel, ne lui répondirent. Et pour cause. Autour d'elle, s'étendait le grand carrefour de Shibuya.
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