Chapitre 34 : Vise le cœur
☆:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::☆
J'ai à peine le temps de rattraper Tayden par le bras, sa main est déjà serrée, enveloppée autour de la poignée de porte. Prêt à sortir et laisser son impulsivité prendre le dessus.
– Laisse-moi gérer ça. Seul.
Il se tourne lentement pour me faire face, une expression d'incompréhension anime son visage.
– Mais, Alec...
– Elle a tué Owen, je sais. Tu crois que j'en souffre pas moi aussi ? Il y a encore quelques jours à peine, je faisais le même rêve chaque nuit. Un rêve dans lequel je laissais place à cette petite voix dans ma tête, celle qui me dit de faire couler le sang de cette garce de la même façon qu'elle a fait couler celui d'Owen. De lui éclater sa gueule, de la faire regretter chaque seconde de sa putain de vie.
– Dans ce cas, pourquoi tu ne l'as pas fait ? L'Alec que je connais, il n'aurait jamais hésité à se venger.
– Je refuse de tuer ou blesser un enfant qui n'a rien demandé.
Tayden installe une pause, une pause pendant laquelle il me regarde avec agacement.
– Tu as changé, tu t'es adouci.
– J'ai mûri et je suis devenu un peu moins con, tu devrais essayer.
J'aurais dû être plus ferme avec lui.
Je peux presque toucher du bout des doigts toute la colère que Tayden a en lui, tellement elle est présente et pesante dans l'air.
– Attends-moi là.
Je lui ordonne de m'attendre, je n'ai pas besoin d'un autre mort.
Il acquiesce, à contrecœur, je le sais.
Il se recule pour me laisser passer, la mâchoire serrée et les muscles engourdis par la tension. Sa réaction est légitime, qui pourrait lui en vouloir.
Elle a tué celui que nous considérions tous comme notre frère.
Je pousse la porte d'entrée, mon corps se meut de lui-même jusqu'à Abelle, adossée à sa voiture et sa main parfaitement manucurée posée sur son ventre arrondi.
Mon corps entier s'alourdit et mes poings me hurlent de les laisser aller faire un coucou au visage de l'insupportable brune qui me lance un regard que je ne saurait décrire. Mais le peu de bon sens que j'ai sait que dans ma situation, mieux vaut me tenir tranquille.
Et puis, ce bébé qu'elle porte, il a déjà une mère tarée. Il ne manquerait plus qu'elle soit défigurée en plus.
– Je m'attendais à me faire assaillir par une armée de braves hommes armés jusqu'aux dents, mais me voilà face à seulement l'un d'entre eux et sans armes, qui plus est.
Me dit Abelle, d'une voix fatiguée.
Je marche vers elle, chaque pas résonnant comme un coup de tonnerre dans ma tête. La colère gronde en moi, un orage prêt à éclater. Je m'avance, le cœur lourd, le regard braqué sur elle, comme si je pouvais la percer à jour.
Je m'arrête à quelques pas d'elle, le souffle court.
– Comment as-tu pu ?
Je la fixe, cherchant une once de remords dans son visage, mais rien. Juste son putain de regard froid.
Elle ouvre la bouche, mais je l'interromps, le cœur en feu.
– Tu penses que ça n'a pas d'importance ? Que tu peux simplement avancer comme si de rien était, comme si tu n'avais pas tué ton frère ?
Je suis à deux doigts de craquer. J'aimerais pouvoir laisser mes émotions prendre le dessus, tirer définitivement un trait sur le chapitre Abelle.
Mais ce gosse, lui, il n'a rien à voir avec nos confits.
– Si tu m'en veux tant, fait ce que tu sais si bien faire, venge-toi.
Me lance-t-elle, en me regardant droit dans les yeux.
– Je ne te ferais pas de mal.
– Et pourquoi ce choix ?
Demande-t-elle, en faisant un pas vers moi.
Mon regard se pose sur son ventre et, pour un instant, je me sens déchiré.
– Tu pourras dire « Merci » à ton rejeton. Il vient de te sauver la vie. Mais sache que je te détesterai toujours pour ce que tu as fait.
– Je n'ai fait que ce qui devait être fait. Mon père aurait dû se douter qu'une double vie finissait toujours par se savoir.
– Owen n'y était pour rien si votre père était malhonnête. Je te signale que c'est sa mère à lui qui était la cocue de l'histoire, ta mère était sa maîtresse. Tu n'es pas le centre du monde, Owen aussi a souffert.
– Je voyais mon père comme l'homme idéal, ma mère aussi. Elle n'était pas au courant qu'il y avait une autre femme, le choc fut d'autant plus violent.
Elle détourne le regard une fraction de seconde, les yeux débordants de mépris.
– C'était peut-être l'occasion de se serrer les coudes, au lieu d'assassiner tout le monde. Le seul coupable est votre père.
– Mon père n'aurait jamais dû mener une double vie, à vouloir absolument tout avoir, maintenant il n'a plus rien et c'est tant mieux. Je le garde pour la fin, il mérite de crever le dernier, seul. Owen, lui, quand j'ai appris son existence, ça m'a détruite. Je n'étais pas la seule enfant de papa, le simple fait qu'Owen respire me faisait sentir comme une intruse dans ma propre famille.
– On ne tue pas un membre de sa famille et encore moins pour ça, Abelle. Tu as un problème.
– Peut-être, mais qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?
La rage bouillonne dans mes veines comme un volcan prêt à entrer en éruption. Je ne comprends pas comment elle peut rester là, si tranquille, alors qu'elle a pris la vie de mon ami, de quelqu'un que j'aimais comme un frère.
– Comment tu peux rester là, sans un seul regret ? Tu as tué quelqu'un, quelqu'un que la vie n'avait déjà pas épargné et qui demandait juste à vivre. Owen avait des rêves, des espoirs, il aimais son gang.
Je lâche, ma voix tremblante d'animosité et de peine. Je sens mes poings se serrer, la douleur s'infiltrant dans chaque mot. Abelle ne dit rien, juste un rictus qui se dessine sur ses lèvres, comme si tout ça n'était qu'un jeu pour elle. Mon cœur se serre atrocement, une désagréable sensation de brûlure se met dans ma gorge et me fait serrer des dents.
– Et moi, j'avais une famille. Si mon connard de père avait quitté cette femme avant de se mettre avec ma mère, s'il avait agit comme n'importe quel véritable homme, ton ami aurait la vie sauve.
Elle croise les bras, défiant mon regard.
Je m'approche d'un pas, l'adrénaline pulsant dans mes tempes. La colère monte en moi d'une façon que je n'aurai jamais pu imaginer.
La colère.
Ce feu qui consume celui qui l'allume.
PDV Sabie :
– Il en met du temps...
Une anxiété insupportable me ronge, toutes les conditions sont réunies pour que je me fasse un sang d'encre.
Les Black Cobras m'ont mise à l'abri dans leur cave, sans aucune visibilité sur ce qui se passe à l'extérieur.
– Sabie, ça va aller. Il sait ce qu'il fait.
Ross tente de me rassurer, mais ses mots semblent vides, comme un écho dans une pièce vide.
Je tourne la tête vers lui, ma voix tremblante et mes membres fébriles.
– Elle est dangereuse... Elle ne recule devant rien pour obtenir ce qu'elle veut...
– Moi aussi, je suis inquiet. Tayden, est-tu vraiment sûr qu'il n'a pas besoin d'aide ?
Memphis semble partager mon inquiétude.
– Affirmatif, il veut gérer ça seul.
Tayden nous répond sans même prendre la peine de nous adresser un regard ou un geste rassurant.
– Abelle ne lui fera rien, tout le monde sait qu'elle a un penchant pour lui.
Lorsque Vahé grommelle cela, il se voit prendre un coup de coude de la part de Reece.
– Y a sa nana juste ici, un peu de respect !
— Je ne suis pas sure que ça me rassure...
Ma voix déraille, il n'en faut pas plus à Zack pour comprendre que la situation commence vraiment à me tuer lentement.
Il pose sa main sur mon épaule, avec réconfort.
– Il va revenir. Ne te prends pas la tête, ça va le faire.
Je ne l'entends pas vraiment. Mon esprit est déjà parti à la recherche d'Alec, là où je ne peux pas aller.
Je me demande si je vais le revoir, vivant. Et cette pensée m'enchaîne. Les larmes commencent à couler, les retenir était de toute façon une ambition vouée à l'échec.
Je refuse de te perdre une fois de plus, Alec...
Toi qui m'aime avec mes doutes, mon désespoir, toi qui m'aime depuis le plus sombre de toi-même, au cœur de tes lignes de faille, dans la pulsation de tes propres blessures.
PDV Alec :
– Tu n'as eu aucun mal à te recréer une famille, on dirait. La question est, ce marmot sera-t-il le même monstre que sa mère ?
Je crache, la rage éclatant dans ma voix. Je veux crier, frapper, mais je me fige. Je refuse de me laisser emporter, de lui laisser un quelconque pouvoir sur moi.
– Mon enfant sera à mon image, rusé et plein de ressources.
– Bah voyons.
– Ça aurait pu être le tien, si tu n'avais pas choisi d'être avec une bourgeoise mal fagotée. Un grand génie du crime comme toi, réduit à jouer le mec normal et ennuyeux que tu n'es pas... Quel gâchis.
– Il ne me semblait pas avoir demandé une analyse psy.
Elle hausse les épaules. Un geste qui m'irrite profondément.
– Je dis seulement que depuis ton évasion, tu t'es assagi. Tu es plus calme, moins impulsif, même ta façon de parler a changé. C'est de sa faute, elle t'a changée.
– Elle ne m'a pas changé, elle m'a aider.
– Ridicule...
– Ça s'appelle l'amour. Si pour toi, ton truc, c'est de coucher avec des touristes que tu connais à peine pour te faire engrosser, sache que moi, ça m'branche pas. Maintenant, casse-toi.
La grande brune aux yeux bleus nuits prend une moue déçue, avant de me tourner le dos, sa main toujours posée sur son ventre.
– Au fait, madame Davis a payée les flics pour qu'ils arrêtent de te chercher. Toi, et aussi le petit blond un peu con.
– Qu'est-ce que tu viens de dire ?
– Ouais, ça m'a surprise aussi. Sacrés keufs, un peu de thune et hop, fuck les criminels.
Pourquoi elle aurait fait ça ? Est-ce que le père de Sabie le sait ?
– Merci de l'info. Va-t'en maintenant, je ne veux plus jamais te revoir.
PDV Mère de Sabie :
Je me tiens au milieu du salon, attendant avec appréhension le retour de mon époux. J'aimerais tant être impatiente de le revoir, mais je ne sais que trop bien que ce que j'ai fait dans son dos ne m'apportera que plus de problèmes.
Il entre, le regard aussi noir qu'un orage prêt à éclater.
– Qu'est-ce que tu as fait ?
Sa voix gronde, chaque mot résonnant comme un coup de tonnerre. Je sais de quoi il parle, mais je préfère garder le silence, espérant qu'il se calme.
– Tu as payé la police pour qu'ils arrêtent de chercher ce... ce petit délinquant qui a empoisonné l'esprit de Sabie !
Il crache les mots comme s'ils avaient un goût acide. Je sens la tension se cristalliser autour de nous, une atmosphère électrisante où chaque seconde compte.
– Je l'ai fait pour notre fille. Elle souffrait sans lui, elle a besoin de lui.
Je rétorque, m'efforçant de garder ma voix aussi douce et calme qu'un fleuve.
– Et tu penses vraiment que lui, c'est celui qu'il lui faut ? Si cette sotte avait épousé Connor comme prévu, nous n'en serions point ici.
Il s'avance, son visage rouge de rage. Chaque mot qu'il prononce est une flèche tirée droit au cœur.
– Elle l'aime. Chéri, je suis fatiguée de rendre ma fille malheureuse. Je suis fatiguée de te laisser faire d'elle ta marionnette, de te laisser gâcher sa vie à cause de stupides principes moyenâgeux !
– Tu agis dans mon dos, je ne te pensais pas ainsi. Maintenant, je sais pourquoi notre jadis fille se comporte comme une dépravée, elle a de qui tenir.
Il secoue la tête, la voix pleine de mépris.
– Jadis...
– Je te l'ai dit, à mes yeux elle n'est plus rien.
Je le vois plonger ses doigts dans la poche de sa veste de costume, sans pour autant détacher son regard bleuté de ma silhouette tremblante.
– C'était une décision stupide.
– Octave, j'ai fait ça pour notre fille, pour nous et notre famille !
La peur s'infiltre peu à peu dans mes mots quand je le vois attraper quelque chose dans sa poche, quelque chose qu'il tient fermement en main.
– Pour nous ?
Il ricane, un rictus amer sur ses lèvres.
— Je ne... Je ne peux pas rester les bras croisés pendant que tu détruis tout !
Il sort sa main de sa poche d'un geste vif, presque brutal. Sagement posé entre ses doigts, un pistolet que je soupçonne malheureusement d'être chargé.
Je savais que mon mari avait une passion pour les armes dont il faisait la collection autrefois, cependant, je pensais qu'ils les avaient vendues.
... J'avais visiblement tort.
– Crois-tu vraiment que tirer sur moi résoudra quoi que ce soit ?
Mon corps entier est pris de violents et incontrôlables tremblements qu'il m'est impossible de contrôler. Octave me pointe de son arme, sans même cligner des yeux.
– Tu sais ce que mon père me disait toujours durant nos parties de chasse ?
Et puis, soudainement...
Un bruit sourd résonne dans la pièce. Je réalise à peine ce qui se produit, je ressens simplement la douleur qui m'envahit comme un feu qui se propage en moi. Je regarde celui qu'autrefois j'appelais l'homme à qui je dois tout, son visage est figé dans une expression de rage.
La pièce devient floue, les couleurs se mêlent dans un tourbillon sombre. Je sens la chaleur de mon sang sur ma peau.
Il suffisait d'une dispute un peu trop animée.
– Vise le cœur.
Dit-il.
Je m'effondre sur le sol en marbre, dans un silence lourd.
Et puis, il n'y a plus rien.
☆:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::☆
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top