Chapitre 29 : Révélation

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Je laisse le corps trempé d'Alec se lover contre moi. La chaleur et le froid m'envahissent en même temps, comme si le feu et la glace partageaient une danse endiablée dans mon être.
Son souffle chaud, haletant à cause de ses récents sanglots, martèle mon cœur de douleurs insupportables. Chaque souffle semble être un rappel de la douleur qui habite en lui, comme si chaque respiration venait augmenter le poids de la tristesse qui l'enlace.
Le voir ainsi, dans un mal-être aussi profond que les abysses, m'est insoutenable.
Un frisson me parcourt en examinant de plus près son visage humide, car je sais qu'il ne l'est pas seulement à cause de la pluie.
Je serai capable de donner tout ce que j'ai de plus cher au monde, rien que pour lui enlever le poids du deuil.
Son visage pâle, autrefois empreint d'un sourire malicieux et d'un regard clair, ce visage là semble être comme un vieux souvenir qui s'efface. Un souvenir derrière lequel je cours à en perdre haleine, désespérée de le rattraper et de le raviver.

– Ça sera plus jamais pareil.

Dit Alec, avec de la nostalgie dans la voix.

– Disons que... Disons que ça sera différent...

– Ça fera toujours aussi mal. Putain.

Répond-il en relevant la tête, ses cheveux trempés qui tombent dans ses yeux.

– Le seul remède, c'est-

– L'temps.

Il ne le sait que trop bien, lui qui a déjà essuyé tant d'épreuves dans sa vie. La mort d'Owen sonne pour lui comme un second abandon, même si c'est différent.

– Exactement... En gardant sa mémoire vivante en toi, ça sera comme s'il n'était jamais parti...

– Comme si, ouais...

PDV Alec :

Je souris, mon cœur reste serré, aussi serré qu'un nœud, à vrai dire.
Une migraine venant tout droit des enfers s'est installée dans mon crâne, putain, décidément rien ne va aujourd'hui.

J'apprécie le fait que Sabie veuille m'aider, vraiment. Mais là, j'ai juste besoin d'être seul.

– Je sais que tu veux m'aider, mais j'ai besoin de temps, tu comprends ? J'veux pas que tu te sente mal, c'est juste... C'est juste que j'ai besoin de digérer tout ça.

Je la regarde, avec un regard perdu et rougis par les larmes versées pour Owen.

Elle hoche la tête, tristement.

— Je serais là si tu as besoin de parler, pleurer, hurler, ou quoi que ce soit... Prends tout le temps qu'il te faut.

Je lui souris faiblement, touché par sa compréhension. Elle me serre dans ses bras, je peux sentir sa chaleur m'entourer. Sa chaleur humaine efface un peu de la douleur qui me ronge, la pression de son corps contre le mien me fait sentir vivant, un sentiment que j'avais grandement besoin de ressentir après avoir côtoyé la mort d'un peu trop près à mon goût.

Je m'éloigne doucement, donnant une tape amicale sur l'épaule de Ross.
Ma première décision en tant que chef de gang sera de mettre en pause nos activités pendant quelques jours, simplement pour honorer la mémoire de notre ancien chef, peut-être aussi pour me donner le temps de retrouver le moral.

Je m'en veux de ne pas avoir passé plus de temps avec lui. Je m'en veux d'être venu en France. Si j'étais pas venu, Owen et les autres n'auraient pas pris la décision de me retrouver ici. Abelle ne l'aurait pas tué, Sabie ne serait pas en danger. Tout est de ma putain de faute.

Ma faute.

C'est à cause de moi.

C'est ma faute.

Les souvenirs d'Owen défilent dans ma tête alors que je me dirige vers ma chambre, des souvenirs qui paraissent comme un film en noir et blanc.
Nos rires, nos conneries, nos plans foireux, nos soirées à refaire le monde. Tout ça, c'est fini. Et ça fait putain de mal de réaliser ça.

J'entre dans ma chambre, elle est remplie d'une lourdeur que je ne peux pas expliquer. Les murs semblent se refermer sur moi. J'ai l'impression d'étouffer, de ne plus pouvoir respirer.

Mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression qu'il va exploser dans ma poitrine.
J'ai besoin de me calmer, tout de suite.

Je sors mon paquet de cigarettes de ma poche, avec une précision de mécanisme bien huilé. La boîte est aussi usée que moi. J'en attrape une, la porte à mes lèvres et sors mon briquet. Mon briquet, mon fidèle compagnon dans les moments de merde.
J'actionne le mécanisme et une flamme jaillit dans l'obscurité de la pièce, illuminant mon visage d'une lueur fugace. Je rapproche la flamme de l'extrémité de la cigarette, et elle s'embrase.

Je prends une longue bouffée, laissant la fumée s'engouffrer dans mes poumons. C'est comme si chaque inhalation venait m'apporter un peu de réconfort, un peu de soulagement. Les volutes de fumée s'échappent de ma bouche, formant des arabesques éphémères dans l'air.
Je savoure la sensation de la nicotine qui se répand dans mon corps, apaisant mes nerfs à vif.
Peut-être que cette étreinte de nicotine m'apportera un peu de la paix dont j'ai besoin, ou peut-être que je me bousille juste la santé pour que dalle au final.

Je ne sais plus quoi faire, quoi penser.

Pour la première fois de ma vie, je me sens perdu.

Perdu, je ne connaissai même pas le sens de ce mot avant.

PDV Mère de Sabie :

                
                       21h04, Manoir Davis.

Voilà maintenant des heures que je suis lamentablement recroquevillée dans mon lit double, enveloppée dans mes draps de soie. Ces étoffes qui jadis berçaient ma fille, ma tendre enfant, lorsqu'elle était affligée et cherchait en moi le réconfort que j'ai toujours été impuissante à lui offrir.

Je constate avec une profonde tristesse les répercussions que nos actions, celles de mon époux et les miennes, ont eues dans nos vies, ainsi que dans celle de Sabie. Si j'avais su que mon inertie aurait conduit à la perte de mon unique enfant, jamais, ô grand jamais, je ne me serais laissée reléguer à l'ombre de mon époux.
Mon incompétence en tant que mère et mon inefficacité à comprendre les sentiments de mon enfant m'ont valu la pire punition qui puisse résider sur cette terre, la fuite de Sabie.

Telle est ma sentence pour avoir laissé mon mari me manipuler tel une marionnette.

Le grincement de la porte qui s'ouvre me tire de mes rêveries, attirant mon regard vers la silhouette qui pénètre dans la pièce.

– Ma tendre épouse, Cézanne. Pleures-tu encore sur la disparition de la traînée qui nous sert de descendance ? Allons, allons.

M'affirme mon époux, avec une condescendance digne des plus grands rustres du vingt-et-unième siècle.

– Octave, Dieu sait à quel point je te respecte. Je te dois tant.

– Ça, je ne te le fais pas dire. Tu imagines quel destin pitoyable t'aurait été accordé, si tu avais épousé ton amour de jeunesse, comment s'appelait-il d'ailleurs... Ah, la mémoire me revient. C'était ce brave Hippolyte Vasseur.

Hippolyte Vasseur... Dieu tout puissant, la vie éternelle pourrait m'être accordée sans que jamais je n'oublierai ce nom. Un frisson parcoure mon échine rien que de repenser à cet homme, à ses cheveux blonds vénitiens, ses yeux ambrés portant la couleur du miel, sa peau vanille élégamment parsemée de taches de rousseur... Je me le rappelle, j'en étais folle d'amour.
Mais c'est Octave Davis qui me fut promis en époux, je m'y suis faite... Avec le temps.

– Il ne s'agit pas d'Hippolyte dont je veux te parler. Tu es mon époux, mais je ne peux tolérer tes paroles lorsque tu traite ma fille de traînée, de salope !

– Surveille ton langage et tes manières ! Une femme de la haute doit se comporter avec grâce et pudeur !

Pétrifiée par la rage que son regard m'adresse, je m'enfonce un peu plus dans le lit.

– Ne lève pas la voix sur moi... Tu sais que je déteste cela...

Ma faible voix tremble, mon corps en fait de même.

Octave fronce les sourcils, faisant monter en moi une angoisse sourde.

— Dors, pauvre sotte.

Sur ces paroles tranchantes qui me frappent bien plus fort que si elles étaient une douleur physique, il claque la porte, me faussant compagnie une fois de plus.

Je plonge ma tête lourde de remords dans mes oreillers tout en dentelle et, je m'abandonne à un chagrin insondable.
Mon mari me traite comme un objet de décoration, Sabie a fui loin de moi, ma mère me tient pour responsable de la disparition de ma fille. L'éclat de notre foyer fut emporté avec tout cela, emporté avec ma fille.
Son absence, telle une blessure béante, me plonge dans un abîme de désespoir où seules mes pensées tourmentées trouvent écho.

Mes doigts effleurent délicatement le tissu soyeux alors que mes épaules tremblent sous le poids de mes sanglots. Un rayon de lune filtre à travers les rideaux, éclairant faiblement la pièce, soulignant les contours familiers de ma chambre qui semble à présent empreinte d'une mélancolie nouvelle.
Mes yeux se perdent dans le vide, cherchant désespérément du regard chaque petite chose qui pourrait m'évoquer la présence de Sabie, un souvenir, n'importe lequel pourrait m'apporter une infime parcelle de réconfort.

Je m'agrippe à l'oreiller, cherchant en son contact le soutien qui m'est refusé par mon mari. Hélas, rien n'y fait.

– Je suis une horrible mère, que l'on m'accorde le pardon...

PDV Alec :

J'entame ma quatrième clope, les jambes tremblantes à cause de la fatigue qui pèse dans tout mon corps.

La baraque est plongée dans un silence, une absence parfaite de sons qui me permet de laisser mes souvenirs avec Owen affluer.
Les voix de mes souvenirs occupent tout l'espace dans ma tête, impossible de trouver le sommeil avec tout ce bordel.

L'air froid de la nuit qui s'incruste dans la pièce m'apporte une bouffée d'air frais, m'aidant enfin à respirer un peu mieux.

Enfin, si seulement la sonnerie de mon téléphone n'était pas en train de littéralement me donner des acouphènes, peut-être que je pourrai aller mieux.
Mon regard se fige sur l'écran, hésitant entre décrocher et ignorer. Mais quelque chose me pousse à répondre, une curiosité malsaine qui me dévore de l'intérieur.
J'amène le combiné à mon oreille, sans savoir qui se tient au bout du fil.

– C'est qui.

Je prends une nouvelle bouffée de tabac en attendant une réponse.

– Alors Alec, toujours en train de te morfondre dans ton coin sombre ?

Abelle, prête à déverser son venin. Comment ose-t-elle, après tout ce qu'elle a fait.

Son ton acerbe me fait grincer des dents, mais je refuse de faire preuve de faiblesse et encore moins de la montrer.
Je me redresse, la fumée de ma cigarette s'échappant de mes narines comme un avertissement silencieux.

– Comment tu peux encore regarder ta sale gueule dans un miroir après c'que t'as fait.

Je rétorque, d'une voix glaciale.

– Oh Alec, ce n'est pas une façon de s'adresser à une femme.

– On a dit femme, ouais, mais pas chienne.

Elle éclate de rire, un rire désagréable qui résonne dans le combiné.

– Contrairement aux autres hommes que j'ai pu côtoyer dans ma vie, toi, tu as du mordant. J'aime ça.

Dit-elle d'une voix mielleuse.

Je me mords la lèvre, la rage bouillonnant en moi. Je prends une dernière inspiration de ma cigarette, la brûlure du tabac envahissant mes poumons.

– J'vais me faire un plaisir de te descendre, crois-moi.

– Tu m'en veux encore d'avoir buté ton mentor ? Roh, passe à autre chose, c'est du passé maintenant.

– C'était ce matin.

– Oui, bon admettons.

Ma cigarette se consume entre mes doigts, alors que je reste là, debout.

– Tout ce que tu mérites, c'est que je te mette une balle dans la tête. Ni plus, ni moins. Et c'est ce que je ferais, dès que j'aurais trouvé où tu te caches.

– Tu n'oserais pas faire de mal à une femme enceinte.

Un ricanement amusé m'échappe.

– Tu bluffes. Qui voudrait de toi comme mère de ses enfants.

– Visiblement un très beau touriste italien d'une vingtaine d'années. Dommage qu'il ait quitté la France avant que je n'ai pu lui annoncer. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je t'aurais choisi comme père, mais tant que tu es avec Sabie, alias miss j'ai un balais dans le cul...

Cette fois, c'est trop.

- FERME TA GUEULE, FERME TA GRANDE GUEULE ! T'AS TUÉ TON PROPRE DEMI-FRÈRE, POUR UNE SIMPLE HISTOIRE DE FAMILLE !

– Et ce n'est que le début, mon chou.

– Ne t'approche plus de Sabie, ni du putain de gang. Si tu as des comptes à régler, c'est avec moi et moi seul.

Abelle soupire, mais je peux presque voir son large sourire à travers l'écran.

– Qu'est-ce que j'aurais aimée que mon futur enfant ait ce caractère de feu. Tu me rends toute émoustillée !

– Va t'faire foutre !

Je crache sèchement, complètement enragé.

Elle raccroche, le silence de la pièce s'installe à nouveau.

Mes poings tremblent de rage et mon cœur pompe si fort que mon torse vibre.

– Connasse va. Je dois prévenir les gars.

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