Chapitre 27 : Adieu, mon frère
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J'ai à peine le temps de cligner des yeux que les portières de la Mercedes s'ouvrent. Alec dépose un baiser au coin de mes lèvres puis monte à bord du véhicule.
— Je serai prudent, t'inquiète pas pour moi.
Affirme-t-il, en m'adressant un regard rempli d'amour.
Ses paroles, pourtant prononcées avec une intonation de voix si rassurante, n'apaisent pas complètement mon anxiété.
Tout ce que je souhaite, c'est le retrouver au lit ce soir, sain et sauf. Je veux sentir ses bras autour de moi, réentendre sa voix chaude.
– Aiden et Vahé, vous resterez là tout les deux. Je ne veux pas laisser Zack et Sabie sans protection.
Ordonne Alec avec de l'urgence dans la voix, avant de fermer la portière.
Par la vitre ouverte de la voiture, je remarque que les traits de son visage reflètent une profonde inquiétude, presque de la peur.
Comme s'il avait senti mon regard sur lui, il soupire et remonte sa vitre, m'empêchant à présent de le voir. C'est typique d'Alec, toujours vouloir censurer ses émotions et ne pas laisser les autres voir ses faiblesses.
Les autres membres des Black cobras le rejoignent dans la Mercedes Vito, à l'exception d'Aiden et Vahé qui sont chargés de me protéger.
Le premier, Vahé, a les traits durs et une aura de danger qui émane de lui. Ses yeux bruns scrutent chaque mouvement, chaque bruit, comme s'il anticipait le moindre signe de danger. Son regard fixe semble dissimuler une profonde méfiance envers le monde qui l'entoure. Ses muscles semblent quelque peu tendus.
Le second, Aiden, arbore un calme apparent qui contraste avec l'intensité de son regard. Ses yeux clairs semblent percer mon âme, scrutant mes moindres pensées. Son visage impassible dissimule une intelligence aiguisée, une capacité à anticiper et à réagir avec une précision chirurgicale. Il est l'ombre silencieuse qui observe et analyse sans relâche. Certes, il est le plus jeune de la bande, mais avoir bénéficié d'un mentor comme Alec contribua très certainement à faire de lui l'excellent membre de gang qu'il est.
Même s'ils n'ont que peu d'écart d'âge, je me demande si le jeune Blondinet ne voit pas en Alec plus qu'un frère de cœur, peut-être plutôt une sorte de père spirituel.
L'obéissance et la loyauté que ces hommes portent à Alec est épatante. Il n'est pourtant pas leur chef, cependant l'autorité naturelle qu'il a sur eux en donne presque l'impression.
– Sabie, tu ferais mieux de retourner dans la maison. Cette folle d'Abelle pourrait revenir et continuer sur sa lancée.
Me fais remarquer Vahé, les bras croisés.
– Je vais rentrer avec elle, ça ne sert à rien de vouloir la protéger si on ne le fait pas correctement.
Répond Aiden.
- C'est pas tellement qu'on VEUT, c'est surtout que Big Boss numéro deux ne nous a pas laissé le choix !
Lance Vahé en me dévisageant.
Je me sens à la fois en sécurité et oppressée, prise au piège dans un ballet silencieux d'ombres et de fermeté.
– Alec sait ce qu'il fait. S'il pense que Sabie est en danger, c'est certainement légitime...
– Je ne remets pas sa décision en cause, loin de moi cette idée. C'est simplement que j'ai passé l'âge de jouer les baby-sitters.
– J'ai eu dix-huit ans cette année, je ne suis pas une enfant à qui il vous faut lire une histoire avant de dormir.
Je rétorque sèchement et vogue vers l'intérieur de la maison.
– Je ne sais pas c'qui me retient de lui en coller une.
Grommelle Vahé en me fusillant du regard.
– Peut-être que ça a un rapport avec le fait que ton meilleur pote se la tape, et que si tu tiens un tantinet, soit peu, à ta vie, tu as grand intérêt à ne pas toucher à un seul de ses cheveux ?
Aiden hausse les épaules avant de me rejoindre, nous rentrons tout deux dans le salon, tandis que Vahé se roule un joint dans le jardin. Je l'observe par la fenêtre et me fais la réflexion que cet homme est vraiment tout sauf aimable.
– Pardon pour ça, il est plus amical d'habitude.
M'affirme le jeune blond, en regardant son ami par la fenêtre.
– J'ai conscience que ma présence suscite quelques tensions...
– Dans l'immédiat, je pense que c'est essentiellement l'état de santé d'Owen qui agit sur son humeur...
– C'est vrai... ? Je veux dire... Votre chef va vraiment...
– Mourir ?
Ses yeux trahissent une douleur muette. Je peux entrevoir les larmes étincelantes au coin de ses yeux, le chagrin semble avoir capturé son âme.
– Oui, sa fin approche... L'ombre de la mort plane sur notre pilier à tous, c'est inévitable... C'est putain d'inévitable... !
Dit-il, en tentant de dissimuler ses larmes avec ses mains.
Les mots s'égarent devant sa peine profonde, me rendant incapable de trouver les mots justes pour consoler le jeune homme.
PDV Alec :
Nous voilà maintenant, tous les cinq, les yeux rivés sur le Centre Hospitalier d'Avignon qui se trouve à quelques mètres de nous.
Ce lieu qui m'inspire une bonne ambiance morbide, où tout semble froid et oppressant.
Ces longs couloirs aux couleurs pâles, dans lesquels résonnent les échos de beaucoup de joies, mais aussi énormément de souffrance.
L'atmosphère pesante qui règne autour de cet endroit me donne la chair de poule. Comme si tous les malheurs que cet hôpital avait essuyés venaient de se faufiler dans mes veines, aussi rapidement qu'un serpent qui traque sa proie.
Je ne me suis jamais rendu dans un tel endroit, j'aurais aimé que ça reste comme ça d'ailleurs.
J'inspire profondément, la vision légèrement trouble. Je me prépare à entrer dans ce putain de lieu, après tout, c'est certainement la dernière fois que je verrais Owen en vie. Alors hôpital ou non, qu'importe, du moment que je peux remercier une dernière fois celui qui m'a traité comme son véritable frère. Celui qui m'a pris sous son aile, qui m'a enseigné l'art de la criminalité, qui m'a donné une famille, un foyer. Jamais les mots ne suffiront à exprimer la reconnaissance que j'ai envers Owen, jamais.
– Venez, les gars, allons le voir avant qu'il ne soit trop tard...
Marmonne Memphis en regardant ses pieds. Je ne sais que trop bien qu'il fait ça quand il est vraiment malheureux. Et Dieu sait que ça n'arrive pas souvent.
Je serre les dents et marche dans la direction du centre hospitalier, essayant de lutter contre la peine qui menace de m'engloutir. Mes confrères me suivent, dans un silence digne d'un enterrement.
Nous passons les portes de l'hôpital. Le parfum distinctif de désinfectant flotte dans l'air, mêlé à une touche de café et de larmes. Nos pas résonnent sur le sol carrelé, accompagnés du murmure étouffé des voix qui se refusent à rompre le silence funèbre qui enveloppe notre petit cortège. Chacun de nous semble porté par le poids de l'incertitude et de la tristesse qui plane, comme si le simple fait d'avancer dans ces couloirs immaculés nous rapprochait un peu plus d'une putain de réalité insoutenable. Nos ombres s'étirent le long des murs blanchis à la chaux, je cherche du regard le couloir des chambres, quand soudainement Ross s'arrête devant un couloir assez étroit. C'est à se demander s'ils n'avait pas assez de budget pour le faire plus large.
Tout au fond de ce couloir immaculé avec un sol luisant et des murs d'un blanc éblouissant, une porte.
Même aux travers de mes lunettes de soleil, j'arrive à percevoir les visages dépités de mes quatre frères d'âme et, là, je comprends que nous ne sommes pas devant n'importe quelle porte. Mais bien devant celle de la chambre d'hôpital où agonise notre autre frère.
Je me décide à m'avancer, puis pousse cette lourde porte grinçante.
Le crépuscule envahit la chambre et l'assombrit, rendant compliqué de distinguer le corps a peine en mouvement d'Owen, allongé sur son lit.
– Chef...
Je murmure d'une voix à peine audible, sentant un poids écrasant peser sur mes épaules.
– Approche, petit frère...
Sa voix, autrefois puissante, est maintenant un murmure fragile, mais empreint d'une autorité inchangée. Ross, Tayden, Memphis et Reece demeurent à l'encadrement de la porte, m'offrant un moment privilégié avec Owen, un dernier échange.
– Tu choisis ton moment pour casser ta pipe, toi, hein...
Je plaisante dans un rire nerveux alors que mon regard brille d'émotions. J'ai bien peur que retenir mes larmes s'annonce être plus compliqué que ce que j'aimerais.
– Allons, Alec... Tu ne vas quand même pas me pleurer ?
Murmure Owen d'un ton humoristique.
– Je ne te ferais pas ce cadeau.
Je lui réponds, un petit sourire aux lèvres.
Il utilise le peu de force qu'il possède encore pour serrer mon poing dans le creux de sa main. Je peux sentir son corps trembler de toute part, certainement à cause de la douleur.
– Avant... Avant que je ne rende les armes, il me reste une chose à te dire...
– Owen, doucement...
– Non, c'est important... Je veux... Je veux que tu prenne ma place.
J'entrevois un éclair de gratitude traverser les yeux fatigués de notre chef, un sourire fugace se dessinant sur ses lèvres pâles.
– La morphine te fait déconner... Je n'ai certainement pas l'étoffe d'un leader.
– Oh que si, tu l'as... Tu es le seul à ne pas t'en rendre compte, Alec...
Je scrute discrètement mes frères du coin de l'œil, captant le léger mouvement de leurs têtes qui confirme leur accord avec la décision d'Owen. Leurs hochements de tête complices expriment silencieusement leur soutien inébranlable.
– Crois-moi quand je te dis que j'y ai mûrement réfléchi...
Ses paroles sont lourdes de sens, chargées d'une émotion indicible. Les autres gars échangent des regards empreints de tristesse et de reconnaissance, une lueur de détermination brille dans leurs yeux.
- ... Je ferais de mon mieux pour ne pas te décevoir.
Je marmotte ces mots dans un sanglot qui m'échappe.
– Je n'ai aucun regret, aucune amertume. Vous avez été ma famille, ma force...
Je ressens sa main se relâcher peu à peu dans la mienne, pendant que son regard papillonne. Ses paupières tremblent doucement, tandis que son souffle s'apaise, ce qui provoque en moi un sentiment que je hais... L'impuissance.
Autour de lui, l'atmosphère semble se figer, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Ses traits, autrefois empreints de vie, se figent comme dans de la pierre. Chaque battement de son cœur devient plus ténu, je les entends de moins en moins, d'ailleurs je n'entends plus grand chose, à part sa respiration qui ralentit.
Mon cœur se serre, incapable d'accepter la réalité qui se déroule sous mes yeux. Mes mains tremblent, alors que le moniteur patient émet un bip sonore à m'en arracher les tympans.
Les paupières d'Owen se ferment, cette fois pas pour une simple nuit. Ross m'entraîne de force hors de la chambre, tandis que les médecins et les infirmières se précipitent autour du lit médical. Bientôt, le vacarme des machines se mêle aux cris déchirants de Tayden, aux sanglots de Memphis et aux imprécations de Reece, qui extériorise sa douleur par la colère. Je suis plongé dans un état de choc, complètement paralysé, incapable de faire face à ce chaos.
– Pas lui...
Je balbutie, d'une voix cassée par l'émotion.
Le temps semble se figer alors que je vois le corps d'Owen qui ne réagit plus. Je me sens comme dans un cauchemar, d'ailleurs, j'aimerais que tout ça ne soit pas réel.
Mais malheureusement, ça l'est.
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