Chapitre 19 : Loin des yeux
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Je monte les marches avec une boule au ventre incessante, une peur grandissante qui me gagne et m'assassine de l'intérieur.
Ma mère ne semble pas le moins du monde réceptive à ma détresse, elle est comme moi, la marionnette de papa.
Il ne mérite même plus que je l'appelle ainsi, il ne mérite pas non plus que je lui adresse la parole à nouveau. Mais je n'ai pas le choix.
Ma mère se tient droite face à la porte de salle de bain et l'ouvre, avant de m'y faire entrer en silence.
Le sol est recouvert d'un tapis moelleux, absorbant le contact de chaque pas.
Les serviettes sont soigneusement pliées auprès de la baignoire en porcelaine blanche.
La douche est nichée dans un coin de la pièce, avec quelques plantes grasses disposées sur des étagères en bois sombre tout autour.
Un grand miroir en bois sculpté accroché au mur vient mettre en valeur le comptoir et l'évier blanc.
Ma mère me met un savon au lait d'ânesse et une lotion pour le corps dans la main, avant de me fixer de ses yeux verts.
– Nous allons te choisir une tenue convenable pour le dîner. Une fois la tenue choisie, je te laisserais seule pour que tu te douches et revêtisses tes habits. Je reviendrai simplement pour te coiffer et te maquiller légèrement. Tu sais que ton père n'aime pas les maquillages trop tape-à-l'œil.
Elle soupire après avoir terminée sa phrase et s'en va, me laissant seule avec mes angoisses.
Comme si m'enlever Alec ne suffisait pas, me voilà maintenant promise en mariage à l'homme qui m'a droguée et que je déteste le plus au monde.
L'angoisse se faufile tel un serpent venimeux dans les recoins les plus sombres de mon esprit, je me sens prise au piège dans ma propre demeure et dans mon propre corps.
Ma mère revient vers moi, m'extirpant ainsi de mes pensées. Elle s'approche de moi avec une robe et d'autres choses dans les bras.
Elle pose le tout sur le comptoir et m'adresse un regard.
– Voilà, tu porteras cela.
– Pourquoi tant d'efforts vestimentaires... Qui sera à ce dîner... ?
– Ton père veut préserver la surprise.
– Je ne suis pas d'humeur pour les surprises, mère...
– Bien, il s'agit de Connor.
La tension dans la pièce devient palpable. Mes émotions se brouillent dans ma tête, ma respiration s'accélère et mes mains tremblent sans s'arrêter.
– Pourquoi s'entêter à vouloir me marier à cet homme... Je ne l'aime pas, j'aime Alec !
– Je comprends que cela puisse être difficile à accepter, ma fille, mais c'est dans ton intérêt. Cet homme vient d'une bonne famille et il pourra te donner une vie confortable et stable.
— ... VOUS ÊTES AUSSI MONSTRUEUX L'UN QUE L'AUTRE !
Je me sens à la fois triste et frustrée.
Dans un excès de colère, je jette la robe à terre et me mets à hurler sur ma mère avec une rage folle.
- VOUS AVEZ FAIT METTRE CELUI QUE J'AIME EN PRISON, PAPA ME VIOLENTE ET M'INSULTE DE TRAÎNÉE À LONGUEUR DE JOURNÉE, VOUS M'INTERDISEZ DE SORTIR ET MAINTENANT LE MARIAGE ARRANGÉ ! EST-CE QUE JE DOIS MOURIR POUR ÊTRE ENFIN LIBRE ?!
– Sabie, baisse d'un ton ! Je suis ta mère et tu n'as pas le droit de-
- TU OSE ENCORE TE PROCLAMER MA MÈRE ?!
Sans voix, ma mère passe une main dans ses cheveux roux aux reflets dorés et évite mon regard.
- ... Prends un bain plutôt qu'une douche, tu te sentiras plus détendue pour le dîner.
Elle tourne les talons et m'abandonne avec ma tristesse, sans même se retourner, sans même se raviser.
J'entends mon père discuter avec ma mère non loin de la porte, certainement que ce dernier nous a entendus nous disputer et vient demander des explications à ma mère.
J'ignore leur conversation et puis, de toute façon, je n'arrive pas à entendre ce qu'ils disent.
Je soupire, puis me dévêtis et me fais couler un bon bain chaud.
Je m'assoi par terre en attendant que l'eau monte, envahie par diverses émotions.
– Oh, Alec... Si seulement, si seulement tu étais là...
Mon cœur est lourd, les larmes coulent sur mon visage alors que je me rappelle tous les moments avec Alec. Seulement, quelques jours passés avec lui m'ont fait reprendre goût à la vie, m'ont fait connaître la vraie vie, la liberté.
La tristesse déborde de chaque pore de ma peau, je suis tellement vide et malheureuse sans lui.
Mon cœur se serre douloureusement en pensant à la solitude qu'il doit ressentir, isolé derrière les murs froids de la prison.
Avec lui, j'étais comme dans une bulle d'amour, je me sentais tellement en sécurité avec lui.
Mais maintenant, cette bulle a éclatée, me laissant juste un vide immense, un trou dans mon cœur qui ne fait que s'agrandir à chaque seconde qui passe sans lui.
PDV Alec :
Il est bientôt l'heure du repas de midi, alors pour passer le temps, je me suis rendu dans le coin sport de la prison. Peut-être que cela me permettra d'oublier que je suis enfermé pour une durée indéterminée et que je suis à des kilomètres de Sabie.
Je m'avance dans cette salle de sport, et je sens que ça va devenir mon endroit préféré.
Le son des poids qui s'entrechoquent et des respirations lourdes remplit l'air. Les détenus se soutiennent mutuellement, s'encourageant à repousser leurs limites au-delà de leurs compétences.
Les murs sont en béton brut, ni peint ni décoré.
L'atmosphère est lugubre, certainement à cause du manque de luminosité par endroit, volontaire ou alors quelqu'un a oublié de payer l'EDF, que sais-je.
De nombreux tapis de courses sont disposés le long des murs, des haltères sont déposées dans un coin d'la pièce, près des machines de cardio.
Je retrouve Zack qui s'arrête de soulever ses haltères en me voyant, il me sourit et me fait un signe de la main.
Maintenant que ma vision n'est plus brouillée par l'angoisse et les larmes que je retenais de couler, je vois enfin nettement à quoi il ressemble.
Une peau couleur vanille, parsemée de taches de rousseurs discrètes.
Des yeux d'un bleu rêveur, des cheveux blonds et brillants rappelant le sable clair de la plage.
Il arbore un piercing au nez exactement comme le mien, et un tatouage d'une rose à l'encre rouge sur le poignet.
– Salut, mec ! Tu viens te défouler un peu ?
Me demande Zack.
– Yes, je crois que j'en ai bien besoin.
– Viens, on va aller soulever quelques haltères, ça va te remettre le moral à donf.
– Tu lis dans mes pensées, Zack.
Il me tapote l'épaule comme un soutient et je m'avance rapidement avec lui vers les haltères.
Je me tiens bien droit et prends une haltère de 15 kg dans chaque main. J'avais pour habitude de faire pas mal de sport à Londres, dans un gang il faut entretenir sa force physique après tout.
Je garde les bras bien tendus le long de mon corps puis soulève individuellement les haltères jusqu'à mes épaules, répétant ce mouvement une bonne vingtaine de fois sous le regard impressionné de Zack.
– Zack, c'est quoi ces yeux qu'tu me fais là ?
– Putain, ça fait 1 an que j'essaye d'aller au-delà de 10 kg par bras et toi, t'arrive, tu fais 15 kg en mode easy !
Je ricane et pose les haltères avant de me frotter les mains.
– Va falloir que j'entraîne ton physique et ton mental alors !
- J'dis pas non ! Si je veux m'évader d'ici un jour, il va me falloir prendre de la force.
- J'peux pas trop en dire pour l'instant, mais crois-moi, je vais pas faire long feu ici.
Je titille la curiosité de Zack qui me chuchote pour ne pas attirer l'attention.
– T'as un plan ?
– Le moment venu, et surtout, si je te fais suffisamment confiance, je t'en parlerai.
Je sourit légèrement.
– Je sens que tu as hâte de sortir, peut-être même plus que moi !
– À vrai dire, il y a quelqu'un que j'ai particulièrement hâte de revoir.
– Ça sent la meuf, ton histoire !
Il me fait un clin d'œil en me donnant un gentil coup de coude dans le bras.
– J'aurais jamais cru dire ça, mais putain, elle me manque.
– La mienne aussi me manque... Elle a beau venir me voir toutes les semaines au parloir, c'est pas pareil... Ses yeux noisettes ne me voient qu'à travers une vitre, ses bras ne m'enlacent plus, ses lèvres légèrement gercées que je trouvais si charismatique ne m'embrassent plus...
– Elle s'appelle comment, au fait ?
– Ruth, et la tienne ?
Me questionne Zack, alors qu'un éclat de tristesse se forme dans son regard.
– Sabie.
– Elle a de la chance d'avoir un gars aussi piqué d'elle.
– C'est surtout moi, qui ai de la chance de l'avoir.
Un nœud se forme dans ma gorge, ça ne m'était encore jamais arrivé, en tout cas pas si fort.
Sabie me manque, je n'ai plus rien d'elle, seulement la présence de son absence.
PDV Sabie :
12h01
Je pensais que prendre un bain me délesterai d'un peu de peine, j'avais tort, je me sens toujours aussi vide.
Maintenant habillée, coiffée et maquillée par les soins de la mère, j'attends l'arrivée de celui qui va participer à mon retrait de liberté : Connor.
Mon père et ma mère se tiennent là, de chaque côté de moi.
Mon père sourit malicieusement, tandis que ma mère baisse la tête pour regarder ses pieds.
La porte s'ouvre, pour laisser se faire voir devant moi, Connor.
Il salue mes parents poliment et fait quelques pas en ma direction, en plongeant une main dans la poche de son costume couleur Champagne.
Le voir aussi proche de moi m'est insupportable, j'ai envie de lui hurler toutes les injures possibles et inimaginables, pour ensuite le flanquer dehors avec un grand coup de pied dans le derrière.
– Ma tendre Sabie, tu es radieuse !
Je fronce les sourcils et tourne la tête, ne voulant pas lui répondre.
Il ressort sa main de sa poche, il tient une boîte en velours rouge dans celle-ci.
– Je souhaitais faire les choses dans les règles de l'art malgré tout. Mademoiselle Davis.
Après avoir dit cela, il pose un genou à terre et me regarde d'un air satisfait.
Il ouvre cette fameuse boîte, contenant, sans grande surprise, une bague à plusieurs milliers d'euros.
– Veux-tu m'épouser ?
Je recule, prise d'un sentiment de dégoût et d'angoisse profonde.
Je regarde mes parents et les supplie du regard pour qu'ils arrêtent cette mascarade, qu'ils me laissent être avec Alec, qu'on me laisse faire mes propres choix.
Impatient d'avoir ma réponse, Connor avance un peu plus la bague en ma direction, ce qui m'angoisse davantage.
Le visage jusqu'à présent neutre de Connor se déforme lentement en un sourire mauvais et cruel.
– Tu n'as pas d'autre choix que d'accepter ma proposition. Tu finiras par m'aimer, que tu le veuilles ou non. Je peux te rendre la vie belle ou un véritable enfer. Réfléchis bien avant de me rejeter.
La colère monte soudainement en moi et bouillonne dans mes yeux.
– Je ne peux pas t'aimer simplement parce que tu le veux. Je ne peux pas accepter ta proposition de mariage.
– Je vais te faire regretter d'avoir dit ça.
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