Chapitre 18 : Cœurs enchaînés
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Je suis toujours assis à l'arrière de la caisse des flics, mes mains menottées derrière mon dos. Et d'ailleurs, putain, ça fait mal.
Le moteur vrombit, mêlé à l'inquiétude qui m'étreint l'âme. Cette voiture peu rassurante qui traverse l'obscurité de la nuit crée une ambiance oppressante dans la jolie ville d'Avignon. J'tourne la tête pour regarder par la fenêtre, espérant apercevoir le seul visage qui a apporté un peu de lumière à ma sombre vie, celui de Sabie.
Mais rien, seulement une foule de passants qui me dévisage par la vitre.
Les rues défilent rapidement, comme si le temps lui-même était en fuite.
– Vous serez placé en détention provisoire jusqu'à la date de votre procès, au Centre pénitentiaire d'Avignon-Le Pontet.
Je ne réponds que par un grognement de frustration en fronçant les sourcils.
La colère toujours présente en moi me donne la force de m'accrocher, la force de tenir aussi longtemps qu'il le faudra avant ma libération.
L'espoir. C'est cette lueur fragile qui brûle dans mon cœur, qui me dit que j'ai peut-être une toute petite chance de m'en sortir.
– Nous sommes arrivés.
Je regarde droit devant moi et me retrouve face à un immense portail gris qui est, je ne vais pas mentir, très peu accueillant.
Je suppose que c'est le passage qui mène à mon Enfer.
Le portail s'ouvre pour laisser place à une longue allée entourée de grilles électrifiées, la voiture la parcoure et se gare tout au bout, aux côtés de nombreuses autres voitures de police parfaitement entretenues.
Je regarde autour de moi, et tout ce que je vois ne contribue qu'à renforcer mon stress.
De hauts murs gris en béton qui s'élèvent vers le ciel noir, surplombés de barbelés qui scintillent sinistrement sous la lueur de la lune qui se fait particulièrement forte ce soir.
L'entrée de cette prison me fait soudainement prendre conscience de l'ampleur de la situation, mes espoirs se brisent en mille morceaux que je ne pourrai potentiellement jamais recoller.
Les deux policiers sortent du véhicule et m'ouvrent la portière, m'incitant à sortir également.
Ils sont rapidement rejoints par un gardien, avec une posture rigide et un visage complètement neutre.
Le bruit de ses clés cliquette bruyamment contre sa ceinture, alors qu'il s'avance vers moi.
Je suis maintenu fermement par l'un des policiers, Quel con, comme si je pouvais m'enfuir maintenant.
Il ne sert à rien que je me débatte ou que je me tue à expliquer la vérité. Avec les années, j'ai bien compris que chacun choisit de comprendre ce qu'il a envie de comprendre.
Je suis conduit à l'intérieur de la prison, là où l'air est lourd de regrets.
Les sombres murs des couloirs m'oppressent tellement que j'ai l'impression qu'ils se resserrent sur moi, c'est peut-être le début de ma folie qui me fait halluciner.
– Voilà votre cellule, il y a tout le nécessaire. Vous trouverez un uniforme propre sur le lit, enfilez-le immédiatement après être entré.
Crache sèchement le gardien.
– La politesse, c'est pas votre fort à vous.
– T'es en prison, mon gars, tu ne vas pas te faire bichonner ici.
– Pauvre type.
Le gardien et les deux policiers me font rentrer dans cette cellule après m'avoir confisqué mes effets personnels tels que mon téléphone. Je m'avance dans cette cellule, enfin moi, j'aurais plutôt dit ce petit carré de béton avec des murs dégeulasses et tout craquelés.
Y'a des barreaux à la fenêtre, mais ça sert à rien, on voit rien d'autre que des grillages et des murs. J'aurais préféré une vue sur la mer, mais bon, on fait avec c'qu'on a.
Le lit, une planche en bois avec un matelas aussi fin qu'une pile de feuilles de papiers. Je soupçonne qu'il y a plus de ressorts que de matière là dedans.
Sur cette atrocité qui me sert de lit, un uniforme orange grossièrement plié.
L'uniforme n'est plus obligatoire dans les prisons françaises, mais je pense être tombé dans ce qui s'appelle un bahut de la vieille époque.
– C'est le moment de savoir si l'orange est ma couleur.
Je me déshabille rapidement et mes vêtements sont aussitôt emportés par le gardien, qui referme ma cellule à clé derrière lui. Les policiers tournent également les talons.
J'enfile ma nouvelle tenue orange : le comble du style.
Je m'assois sur le lit qui empeste d'une odeur âcre, un mélange entre sueur et cigarette.
– Depuis quand ça n'a pas été lavé, cette merde ?
— T'as même pas idée !
Une voix inconnue retentit depuis la cellule à gauche de la mienne, une voix d'homme qui semble avoir le même âge que moi, à simplement en juger par sa voix.
– T'es qui, toi ?
– Zack Amazias, et toi, frérot ?
– Alec Haven.
– Tu viens d'arriver, il me semble, tu verras, ce n'est pas si mal ici, faut juste choper l'habitude.
Ce mec a l'air plutôt sympa, mais je vais me méfier pour l'instant. Il faut que je tâte le terrain pour savoir qui est digne de confiance.
– Ça fait longtemps que t'es là ?
– 1 an, trafic de stup. T'as fait quoi, toi ?
– Beaucoup d'trucs. Mais j'ai été coffrer pour un truc que j'ai pas fait, en l'occurrence.
– La faute à pas d'chance, comme on dit.
– Ouais, on va dire ça.
Pitié les mecs, sortez-moi de là.
PDV Sabie :
Mes pensées sont emplies de souvenirs avec Alec, souvenirs qui menacent de le rester à jamais.
La voiture de police roule sur la route sombre qui mène jusqu'au manoir de mon père, autrement dit ma cage dorée.
Suzar est sur mes genoux, dans sa cage de transport, silencieux. Comme s'il ressentait ma peine.
La voiture s'arrête devant le manoir. Je retiens mon souffle, j'appréhende tellement ces retrouvailles avec mes parents. J'ai tellement de haine contre mon père d'avoir fait enfermer Alec, et contre ma mère de n'avoir rien fait, comme à son habitude.
La douleur de la perte d'Alec engloutit mon âme, chaque battement de mon cœur se fait plus fort et douloureux que le précédent.
J'ai l'impression de vivre un cauchemar éveillée. Alec, réveille-moi. Dit-moi que ce n'est pas vrai. Dit-moi que tu es là. Dit-moi que ça va aller.
– Votre père vous attend, bonne nuit, mademoiselle Davis.
Affirme le policier.
Mes mains tremblent et mes jambes flanchent alors que je m'extirpe hors du véhicule, la cage de Suzar et mes affaires en main.
Je ferme les yeux et respire profondément, le parfum d'Alec est encore là, imprégné dans les fibres de mon t-shirt.
Je marche jusqu'à l'imposante porte en bois massif du manoir et entre.
Le sol en marbre accueille mes pas, moi qui espérais ne jamais revoir ce marbre, me voilà terrifiée rien que d'y poser le pied dessus.
Ma mère est dans l'entrée, en train de remplir d'eau et de fleurs, avec précaution, ses vases en fine porcelaine.
Elle a pour habitude de se réveiller aux alentours de 4h30 ou 5h00 du matin, la voir réveillée n'est pas une surprise.
– Sabie.
La voix remplie de déception de ma mère me transperce comme une lame.
– Oui, mère...
– Sais-tu que j'étais morte d'inquiétude à ton sujet ?
– Pardon, mère, je voulais simplement échapper à l'emprise de papa, partir construire ma vie avec celui que j'aime...
Ma voix tremble sous l'angoisse, mes joues sont encore humides de larmes.
– On voit ce que ça a donné ! Un jeune homme en prison !
– Ce n'est peut-être pas l'homme au comportement le plus idéal, mais avec moi, il a toujours su y faire...
– Je sais cela... Je sais que ton père a manigancé et fait jouer ses relations pour te faire passer pour une victime sous l'emprise d'Alec et le faire enfermer.
Si mes parents étaient au courant de toutes les actions d'Alec et de son gang, mon père n'aurait pas dû créer ce tissu de mensonges pour le faire incarcérer. Le gang ! Si seulement les autres membres pouvaient apporter leur aide à Alec, de toute manière... C'est son seul espoir ; peut-être pourrais-je même essayer de les contacter afin de leur expliquer la situation... Non... À quoi je pense... Je ne ferai sûrement qu'aggraver la situation...
– C'est monstrueux, de m'avoir enlevé mon seul amour...
– Tu me donnes mal à la tête avec tes plaintes. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même ! File dans ta chambre, ton père est trop fatigué pour te recevoir maintenant, il t'houspillera au petit déjeuner, je présume.
Comment ma propre mère peut-elle être aussi dure et injuste.
Je tourne le dos à ma mère et monte les escaliers jusqu'à ma chambre. Le manoir est plongé dans un silence parfait, et pourtant, la voix d'Alec résonne encore à plein volume dans ma tête.
Je laisse Suzar dans sa volière et mes affaires parterre,trop lessivée pour ranger maintenant.
Je m'assois sur mon lit, la tête baissée vers le sol, avec un sentiment d'impuissance qui grandit en moi.
Ma chambre, censée être le refuge pour tous les adolescents, devient maintenant la tour d'ivoire dans laquelle je suis enfermée.
Même dans la pénombre de ma chambre, les démons de mon esprit ne me quittent pas et refusent de me laisser trouver le sommeil dont j'ai désespérément besoin après avoir pleurée pendant des heures.
Il est 4h39, mes yeux sont cernés de larmes et de rougeur, et l'amour de ma vie est en prison.
8h25
J'ai regardée les heures défiler devant mes yeux, sans pouvoir me reposer ne serait-ce qu'une demi-heure.
Je me décide à enfin sortir de mon lit pour affronter ce dimanche qui s'annonce être le pire de mon existence.
Ma grand-mère ne peut certainement plus venir me voir, ma mère n'essaye même pas de comprendre ma souffrance, et mon père s'apprête à me faire regretter de ne pas avoir pris la fuite plutôt que de rentrer au manoir.
Je sors de mon lit et arrange convenablement les draps, puis nourris mon cacatoès qui est maintenant de retour dans sa grande volière intérieure.
– Je te ferai sortir après le petit-déjeuner, c'est promis...
– Sabie forte ! Sabie va s'en sortir !
S'écrie mon cacatoès avec enthousiasme, ce qui me fait monter les larmes de nouveau.
Il commence à déguster ses graines et fruits, de mon côté, je descends avec hésitation les marches d'escaliers qui mènent jusqu'à l'entrée du manoir.
Je me dirige ensuite en direction de la salle à manger, avec une mine de déterrée.
Ma mère est dans son grand fauteuil en velours, entrain de lire un livre de psychologie, mon père, lui, se tient debout face à la porte-fenêtre qui mène au jardin du manoir, sa tasse de café en porcelaine bleu cobalt et à motifs fleuris dans la main.
– Bonjour, Sabie.
La voix au ton glacial de mon père me tend.
Je tremble instantanément rien que de l'entendre.
– B... Bonjour...
– Alors, comment était-ce ? Ta petite escapade nocturne.
– Parfait... Tout était parfait... Jusqu'à votre intervention.
Je pince la peau de mon coude du bout des doigts, comme pour essayer de m'échapper d'un rêve, ou plutôt d'un cauchemar.
– Il fallait bien trouver une solution pour t'éloigner de lui. Mentir peut parfois rendre un grand service dans notre société.
– La vérité finira par éclater. Je démentirai tout ce que vous avez pu dire lors de son procès.
– Tu ne seras pas présente au procès, seul notre avocat le sera, il te représentera et dira exactement ce que je lui aurait dit de dire. Après tout, une personne malade mentalement n'est pas en mesure de témoigner à un procès.
– Mais je ne suis pas malade !
– Ce n'est qu'un détail, ça.
Ricane mon père, en s'approchant de moi.
- Papa, tu n'es qu'un connard !
Mon père leva sa main avant de l'abattre sur ma joue. Le claquement résonne dans la pièce, suivi d'un silence pesant.
Choquée, je porte une main à ma joue endolorie.
Mon innocence vient d'être ébranlée, encore une fois.
– Ne t'avise plus jamais de me manquer de respect comme cela.
Mon père continue son café comme si de rien n'était, tandis que ma mère se contente de prendre une profonde respiration en continuant sa lecture, s'enfonçant un peu plus dans son fauteuil.
Devant mon silence, Mon père décide de prendre la parole à nouveau.
– Maintenant que tu t'es calmée, je dois t'annoncer que tu ne sortiras plus de chez nous. Tu suivras tes cours du lycée à distance, pour des raisons qui nous semblent justes.
– Mais...
– Je n'ai pas fini. L'année prochaine, ton mariage avec Connor aura lieu. Je refuse de laisser tes rêves et tes désirs individuels entraver notre tradition et la réputation de notre famille. Tu seras une femme respectueuse et soumise, comme il se doit. Fini les choix personnels, fini les aspirations.
Je reste figée, incapable de trouver les mots pour exprimer le choc qui m'envahit.
Je me sens trahie, incomprise, perdue.
Il me traite comme un objet, comme sa chose dont il fait ce qu'il lui plaît.
PDV Alec :
Je suis adossé à un mur en béton gris, clope en bouche, depuis une bonne dizaine de minutes.
J'ai pris mon premier repas de détenu, et j'ai bien cru gerber tellement c'était immonde. Je suis sûr que même les graines de l'oiseau de Sabie ont meilleur goût.
– Pas trop déprimé ?
Me demande Zack, qui fume également non loin de là.
– Ça va, j'tiens le coup.
Pour le gang et pour Sabie.
– Aller courage, mon pote, t'es un grand gaillard, ce n'est pas ça qui va te déstabiliser !
– Tu ne crois pas si bien dire.
Il sourit et s'éloigne alors que je regarde la fumée de ma cigarette s'élever dans l'air.
J'inhale profondément et pose mon regard au loin, bien au-delà de la grille métallique de la prison, et soudainement j'aperçois des silhouettes familières.
Mes yeux s'écarquillent et un soupir de soulagement m'échappe en me rendant compte que les membres de mon gang sont à l'extérieur de la prison et me regardent. Ma famille, ils sont là pour me donner la force d'affronter toutes les embûches.
Ils se tiennent là, silhouettes sombres dans la pénombre, échangeant des mots à voix basse. Leurs gestes sont furtifs, leurs regards scrutateurs.
Mes héros dans ce moment-là.
La gratitude que j'ai pour eux ne fait que grandir, et même si je sais qu'élaborer un plan d'évasion sera long et difficile, ils ne lâcheront rien. Ils ne m'abandonneront pas, mes frères d'âme.
Je peux lire toute l'empathie et la détermination sur leurs sept visages, et ils peuvent lire un appel à l'aide sur le mien.
PDV Sabie :
Je m'apprête à fondre en larmes à nouveau, sous le dur regard de mon père.
– Va te doucher. Tu empeste l'homme, espèce de traînée. Et habille-toi convenablement, nous avons de la visite pour midi.
– De la... visite... ?
– Tu ne seras pas déçue.
Les battements de mon cœur s'accélèrent, tambourinant dans mes tempes comme un avertissement.
Un mauvais pressentiment s'immisce instantanément en moi, alors que ma mère m'accompagne à la salle de bain pour me préparer.
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