Chapitre 27 /
PDV Julia
Tu veux jouer, on va jouer...
Je suis remontée à bloc, et sens l'adrénaline grimper en moi à une vitesse folle. Ryan me dévisage quelques secondes, surpris par la façon dont je viens de l'appeler. Si je veux retrouver une relation purement professionnel sans écarts de comportement de sa part, c'est ainsi que je l'appellerai.
— "Monsieur Alvarez" ? répète-t-il, stupéfait. Je pense avoir été assez clair avec toi, tu peux me tutoyer et m'appeler par mon prénom.
— Et je pense également avoir été assez claire avec vous lorsque je vous ai dit que je ne souhaitais plus que vous ne m'adressiez la parole. Seulement professionnellement.
Il détourne son regard du mien et lâche un long soupire. Il semble ennuyé par la situation que lui-même a causée.
— Bon... je pense que tu n'as toujours pas oublié.
Le ton ennuyé qu'il emploie m'énerve encore plus que je ne le suis déjà. C'est comme s'il considérait notre dispute comme quelque chose de minime, de pas si grave que ça, alors que j'ai littéralement passé la nuit dernière à pleurer toutes les larmes de mon corps. Je décide alors de faire une courte impasse sur la règle de bienséance que j'ai créée pour lui expliquer clairement le fond de ma pensée. Une bonne fois pour toute.
— Comment diable veux-tu que j'oublie tout ça ?! m'apostrophai-je en le fusillant du regard.
Il paraît hésitant, et ouvre la bouche à plusieurs reprises avant de parler.
—Je... je sais pas. C'est pour ça que je suis là. Je veux m'expliquer avec to-
—Je n'ai très clairement pas besoin de tes explications, l'interrompais-je avec provocation car je sais pertinemment qu'il déteste cela.
Comme ce que je prévoyais, ses sourcils se froncent et témoignent de sa colère grandissante.
... ça ne sert à rien de vouloir faire le grand méchant loup avec moi.
... j'ai vu bien pire.
— Julia... Je comprends que tu sois déboussolée, mais ce n'est pas pour autant que tu es en droit de te permettre de m'interrompre de la sorte. Je suis ton patron, pas ton putain de pote.
Je deviens rouge tant la colère afflue en moi. Je sais pertinemment que je prends des risques en le défiant de la sorte, mais là maintenant, je m'en fiche. Royalement. Le voir de cette manière, comme s'il se considérait comme étant l'absolu en personne, et que tout devait lui être pardonné juste parce qu'il est Ryan Alvarez... ça me fout en rogne. Et je ne peux pas le contenir.
— Qu'est-ce que tu vas faire encore, hein ? Me traiter de pute ? Et puis, tu penses franchement que je suis seulement "déboussolée" ? m'exacerbai-je, excédée. Non, je suis déçue, et profondément blessée. Donc si tu n'es pas satisfait de mon comportement qui est -ma foi, tout à fait compréhensible, tu n'as qu'à me virer !
La haine se hisse en moi avec tellement de puissance qu'elle me donne l'effet d'être dopée. Le visage de Ryan se décompose, et il paraît sous le choc. Il semble perdu, et n'arrive pas à me répondre donc je continue, encore et encore.
— Vire-moi si ça te chante ! Car crois-moi quand je te dis que je ne changerais pas ! Tu m'as fait du mal, et tu t'étonnes de me voir énervée ?! Mais vas te faire foutre !
Il hésite tellement qu'il se met à pâlir. Je ne l'ai jamais vu si dépourvu de contrôle, c'en est limite jouissif à regarder.
"Tu ne m'as pas écouté malgré mes avertissements. Maintenant, tu sais ce qu'il va se passer Julia."
Tais-toi.
Tais-toi.
Tais-toi.
Tais-toi.
Tais-toi.
Ferme-la, bordel.
— Dorénavant, finis-je par dire d'une voix plus calme, ce sera comme ça. Si tu souhaites encore me garder, je te fournirai toujours un travail de grande qualité. Mais cette petite et sympathique accointance que nous avons partagée, elle est terminée. Définitivement. J'ai été assez claire maintenant. Donc si vous n'avez rien de plus à me dire, je vous pris de quitter mon bureau car j'ai beaucoup de travail qui m'attend.
La colère se dissipe en moi, et laisse place à un sentiment de panique. Son regard est glacial maintenant, et je commence à avoir peur pour ma carrière. Bordel de merde, JULIA ! Toujours obligée de faire ta DramaQueen !
Bon, au moins je garde un peu de dignité.
Ryan finit par se détourner de mon regard, la mâchoire tremblante d'agacement. C'est mieux comme ça, ne me regarde plus. Je ne veux plus te voir.
— Non, finit-il par dire d'une voix sèche et saccadée. Je n'ai rien pour le moment. Je t'enverrai un mail si besoin.
Je suis littéralement sous le choc. Attends, je rêve où il vient vraiment de me garder ? Même après lui avoir parlé de cette manière ? Et en plus de ça, il continue de me tutoyer ?!...
... mais que t'arrive-t-il, Ryan Alvarez ?
Il ne me laisse pas plus de temps pour parler et fait volte face sans daigner fermer la porte derrière lui. Le salaud. Je referme alors la porte un peu trop brusquement pour qu'elle émette un claquement, et retourne vers mon bureau. Une fois assise, un mal de tête incroyable me prend, et j'attrape ma tête entre mes mains. J'ai le cœur qui palpite frénétiquement, et les pensées qui se bousculent en moi me rendent folle.
Je n'arrête pas de repenser à notre dispute,
de repenser à son expression énervée,
de repenser à lui...
... et lui.
Je n'arrête pas de penser, penser, penser...
... j'en ai marre de penser.
... j'en ai marre de vous entendre.
"Je ne pensais pas que tu étais ce genre de fille facile Julia... Je pensais vraiment que tu étais différente de toutes ces putes que je côtoie !"
Je le vois en lui avec tellement de facilité que ça me donne envie de vomir.
"Tu le savais très bien... tu n'es qu'une pute. Rien qu'une fille facile qui lèche le cul des autres."
Je suis cassée.
Il m'a recassée.
Merci Ryan.
Merci d'avoir rouvert mes plaies intérieures, et d'avoir débridé de la même manière ces souvenirs que j'enfouissais au plus profond de mon être...
* * *
PDV Ryan
Putain !
Je rentre dans mon bureau, les nerfs ne tenant qu'à un maigre fil. La première. C'est la première fois qu'une femme... ou même qu'une personne en général me parle de la sorte. Cette Julia a un putain de fort caractère, c'est à la fois remarquable et agaçant ! Elle a même réussi à me clouer le bec bordel, c'est encore une première. Face à un comportement aussi impertinent et insolant, j'aurai très clairement dû la virer sans hésiter une seconde... mais non. Je me suis retrouvé face à elle comme un gosse qu'on gronde, sans la moindre possibilité de répliquer. Pour être honnête avec vous...
... j'étais incapable de la virer.
... même si elle le mérite amplement car je ne recrute que l'excellence.
La virer, c'est ne plus la voir, c'est la quitter à jamais. Et, même si ça m'embête de l'admettre, je veux la voir. Tous les jours. Je veux lui parler, même si en contrepartie je dois arrêter d'imposer mon désir pour elle entre nous.
Peut-être que j'avais tord, peut-être qu'il y a quelque chose en moi de plus puissant que ce désir vorace.
Mais quoi ? Ça je ne sais pas...
... ou tu ne veux juste
pas te l'admettre.
Cette simple pensée me met encore davantage en rogne. J'ai l'impression de perdre tout contrôle de ma personne à cause d'elle, c'est à la fois perturbant et... délicieux. Et c'est bien ça le problème : je me rends compte de tout ça à la dernière minute. Je me rends compte que ce désir que j'ai pour elle va peut-être au-delà de la simple courbure de son corps. Que ce désir que j'ai est quelque chose de plus profond.
Je ne le veux pas et le veux en même temps.
Quelle douce contradiction.
Mais comme dit auparavant, c'est trop tard maintenant. Si j'avais arrêté de me mentir à moi-même plus rapidement, j'aurai évité toute cette merde. C'est ma faute, j'ai merdé. Sur le moment, je n'arrivai plus à penser correctement, et ne voyais en Julia que cette simple envie de sexe. Rien d'autre. Je savais que ça allait la blesser, je le savais pertinemment...
... mais je ne savais pas que ça allait également me blesser.
Je ne pensais pas que cette histoire allait autant m'affecter... que m'arrive-t-il ? Dans mon esprit, cette histoire allait se régler rapidement : elle allait pleurer, m'engueuler et je l'aurai rapidement virée. Je veux dire, ce n'est qu'une simple femme que j'ai envie de baiser, non ?
Mais non, je me trompais sur toute la ligne. La voir dans un état si lamentable m'a profondément mortifié. Tellement que j'ai cru en mourir. Jamais les larmes et la tristesse d'une femme ne m'ont autant affecté qu'avec elle. Et ainsi, j'étais dans la plus absolue incapacité de la virer. J'éprouve un... attachement si puissant pour elle que sa souffrance était devenue mienne.
Quelle situation ridicule.
Une situation ridicule, certes, mais insondablement douloureuse.
La voir me traiter de connard, la voir me considérer comme un monstre... voir toutes ces horreurs dans ses yeux.
Oui, c'est vrai, je suis un gros connard.
Voir ce reflet de moi-même en elle me rend ignoble à un point où j'en viens à me m'auto-mépriser. Comment ai-je osé dire des choses aussi ignobles à Julia ? J'ai osé la traiter de pute pour ma seule erreur, je suis un monstre. Mais bien que j'admets l'être, je ne peux m'empêcher de souhaiter un retour dans le passé. J'aimerais tellement qu'elle oublie tout...
... juste pour ne plus jamais recroiser ce regard froid et dégoûté qu'elle m'adresse.
Dans un excès de colère, je balance ma main dans le vide, mais elle percute un vase qui s'écrase au sol en un bruit assourdissant. Putain il m'a coûté la peau des fesses...
Je m'assieds sur le canapé de mon bureau et attrape ma tête entre mes mains. Comment je peux faire ?
* * *
PDV Julia
À midi, Vic et moi rejoignons Lydia chez Giuseppe's -AKA notre petit cocon à nous. Encore une fois, j'ai vraiment besoin de me confier à elles. Leurs conseils ont toujours été bons à prendre, et j'ai la nécessité d'extérioriser en compagnie d'une présence féminine.
— Alors tu avais quelque chose à nous dire ? me demande Lydia une fois que nous sommes installées à notre table favorite.
Je souffle un bon coup et finis par leur raconter l'histoire dans son intégrité. J'adopte un ton neutre, comme si toute cette merde ne m'attenait pas. L'admettre devant elle serait on ne peut plus humiliant. Elles m'écoutent avec attention tout en intervenant quelques fois, mais lorsque j'arrive à la fin de l'histoire, un gros blanc s'installe entre nous. Les filles semblent choquées horripilées. C'est compréhensible.
— Attends... commence Lydia en ne nous regardant pas, elle semble réfléchir. Au début tout était cool, t'as rencontré une nouvelle pote, t'as revu Nate, t'es allée à la plage, t'as bien travaillé, t'as rencontré le meilleur pote de Ryan, et t'as passé du temps avec ce dernier... Tout ça là, pour qu'il finisse par te lâcher ça ?! s'énerve-t-elle, les yeux exorbités.
— Oui, malheureusement. C'était un peu trop beau pour être vrai.
Elle s'apprête à sortir de table, énervée, comme si... oh merde. Je la retiens rapidement par le poignet.
— Wow wow wow, on se calme Lydia ! la calmai-je en l'incitant à se rassoir. Tu ne vas rien faire à cet idiot d'Alvarez, compris ?
Elle rumine mais finit par accepter. Dès fois, j'ai vraiment l'impression que les gens oublient le statu de Ryan. Certes, c'est un connard de première classe, mais c'est également un homme doté d'une richesse et d'une influence dans le monde juste exorbitante. Défiez-le et vous en paierez les plus douloureuses conséquences.
— C'est fou ça, tu as eu la même réaction que mon frère, remarquai-je en souriant.
Sans que je ne comprenne pourquoi, le teint de Lydia vire au pâle. Ah oui... j'avais oublié ça. Pour faire simple, Lydia et mon frère sont sortis ensemble au lycée durant un bon bout de temps. Leur relation était tout à fait incroyable, ils partageaient une fusion juste unique. Ils était le premier amour de l'autre, et ont même fait leur première fois ensemble...
Beurk... Imaginer mon frère le faire...
Enfin bref. Ils partageaient le parfait amour jusqu'à ce qu'ils se séparèrent soudainement, pour des raisons assez floues. Mon frère m'avait raconté brièvement que ça commençait à soi-disant devenir "compliqué" entre eux, et qu'ils ont décidé d'en finir. Mais sincèrement, je ne l'ai jamais cru. Je suis sûre à 100% que quelque chose s'est passé, mais qu'ils ne veulent pas m'en faire part... Je veux dire, c'est tout bonnement impossible ! Leur couple était juste parfait, et encore je pèse mes mots. Les disputes se faisaient rares, et ils semblaient définitivement être des âmes sœurs. Je n'aurais jamais pensé qu'ils finiraient par définitivement se séparer. De son côté, Lydia n'a jamais voulu me raconter ce qu'il s'était passé. Je sais seulement qu'elle était éperdument amoureuse de lui, et que leur rupture l'a bouleversée à un tel point qu'elle n'arrêtait pas de pleurer jour et nuit. Une romance tragique, donc. M'enfin, je sais pertinemment que Lydia ressent toujours un petit truc pour mon frère, mais ai bien peur qu'elle soit la seule dans cette situation...
— Ton... frère ? répète-t-elle avec ahurissement.
— Oui, mon frère. Il est venu me rendre visite à New-York, et m'a vu lorsque je pleurais-
— Tu pleurais ? m'interrompt soudainement Vic.
Oups... Je me mets à rougir violemment en m'enfonçant dans mon siège. Bordel, moi qui voulais agir comme si cette histoire ne m'attenait pas, je suis prise la main dans le sac. En voyant ma réaction, les filles s'agitent.
— Wooow Julia ! Tu nous caches quelque chose là, non ? s'exclament-elles en même temps.
Je veux mourir, c'est tellement humiliant.
— Pourquoi as-tu pleuré ? me questionne Vic en plissant les yeux. Tu pleurais à cause de lui ? T'as des sentiments ?!
Bordel de...
— Mais euh, NON ! B-bien sûr que non ! m'exclamai-je en me levant. Ahah, jamais !
Mon mensonge est si mauvais que même mon chien pourrait mieux faire. J'ai crié si fort en me levant que toutes les personnes aux alentours se sont retournées. Tout le monde me toise, et je me rassieds bien sagement en rougissant. Je bredouille de maigres excuses, et les filles finissent par se moquer ouvertement de moi.
— Ah ah ah... Trop drôle les filles.
— Moue, rigole Vic en posant ses coudes sur la table, mais c'est ta réaction à ma question qui elle, m'intéresse.
Elles ont beau être mes meilleures amies, je suis dans l'incapacité la plus totale de leur répondre. Je veux dire, c'est tellement flou en moi ! Je n'arrive même pas à comprendre ce que je ressens...
... tu l'ai-
... ou du moins, je n'arrive pas à me l'avouer.
... je ne veux pas me l'avouer.
— Hum... il est quel heure enfaite ? dis-je subitement pour changer de discussion.
Vic lève les yeux aux ciel, et finit par jeter un coup d'œil à sa montre. Elle reste bloquée quelques secondes face à l'heure, et écarquille soudainement les yeux en se levant avec précipitation.
— Bordel de crotte de... on est en retard ! nous annonce-t-elle avec panique. On ferait mieux de rapidement se bouger si on ne peut pas se faire licencier !
Je me lève à mon tour avec autant de panique qu'elle. Putain, ce n'est pas le moment de me faire remarquer !
— Oh non ! Je voulais encore discuter ! se plaint Lydia en chouinant. La discussion devenait si... croustillante !
Je rougis, mais l'ignore en emballant mes affaire et en enfilant ma veste... la chaleur de LA me manque !
— T'inquiète, meuf ! Je vous invite demain soir chez moi pour une petite soirée cocooning entre filles ! lui proposai-je sur un coup de tête.
— Et pourquoi pas ce soir ? me propose Vic en enfilant son charmant béret.
— J'ai un truc de prévu avec mon frère ce soir, donc c'est mort.
À l'entente de mes mots, Lydia blêmit encore une fois. Elle semble vraiment piquée, je la plains...
... dit-elle.
— Théo-... enfin ton frère est encore chez toi ? me demande-t-elle en se tortillant les doigts.
— Oui. Il loge chez moi le temps de son séjour ici.
— Ok... bon bah salut les filles !
J'essaye de lui répondre sans lui faire remarquer que son état est assez flagrant. Elle est déjà assez mal comme ça, autant ne pas en rajouter une couche.
* * *
La fin de journée arrive rapidement. Ryan ne m'a plus adressée la parole, et a uniquement communiqué avec moi par mail. Il était toujours très bref et sec, pas comme d'habitude, mais c'est ce que je voulais. C'est assez perturbant de devenir ainsi, mais lui parler est la dernière chose que je veux en ce moment.
Il est 18h30 lorsque je rentre chez moi. Je n'ai pas reçu de message de la part de mon frère, et ne sais donc pas s'il se trouve à la maison. En ouvrant la porte, je constate que les lumières sont éteintes, et devine rapidement que Théo ne doit en fin de compte pas être ici. Un match de rugby est censé être diffusé à la télé en ce moment, donc s'il serait là, je l'aurai d'ores et déjà entendu insulter les joueurs et l'arbitre.
Je marche doucement, assez perturbée par l'obscurité. Être dans le noir m'a toujours angoissé, c'est tellement sinistre. Ne plus rien voir laisse libre recourt à mes pensées qui sont généralement... effrayantes. Je ne peux m'empêcher de ressasser des souvenirs enfouis, et je panique.
"— Je t'en supplie... laisse-moi, je ne le referai plus je te jure ! l'implorai-je d'une voix affaiblie et accablée.
Couchée au sol, je n'arrive pas à détacher mon regard de ses iris frigides et glacials. Je suis sans défenses, et il est maître de ma vie.
— Je t'avais prévenue Julia, fait-il d'une voix grave en retirant sa ceinture."
Un frisson d'effroi parcourt mon échine lorsque je me remémore-
BANG.
Putain de bordel de crotte de zut de saperlipopette...
— AAaaaïïïeuuuhh !
J'attrape mon pied entre mes mains, et masse mes doigts de pieds endolories en gémissant. Ça fait putain de mal ! Je me suis cognée l'orteil avec ma table basse, qui a eu l'idée de mettre ce meuble ici ?!
Bah... toi.
C'est vrai je suis un peu conne...
Néanmoins, je ne peux m'empêcher d'être soulagée. La douleur a accaparé tout mon esprit, tellement que mes mauvais souvenirs ont disparu. Du moins, pour le moment.
— Wow ! Il s'est passé quoi ?! s'écrie une voix derrière moi.
Je sursaute quand la lumière s'allume, et constate qu'il ne s'agit que de Théo lorsque je me retourne. Attends... wow.
Dans ma longue vie... Ô dans ma longue vie je n'ai jamais eu la si douce occasion de voir mon frère habillé avec autant de classe... Putain ! Il arbore un costard noir, une chemise blanche étonnement bien repassée, une cravate assortie à son costard, et le tout accompagné de... chaussures italiennes ?! Mais qui est donc cet homme qui a remplacé mon stupide frère ? Lui qui ne porte habituellement que des baskets et des joggings. Il a les mains posées sur sa cravate, et je devine qu'il tente de serrer sa cravate dans le miroir. Il est figé dans cette position et pose un regard dégoûté sur moi à travers le miroir. C'est sûr que je fais pitié. Finalement, il éclate de rire en voyant une larme de douleur couler le long de ma joue. Je m'agace rapidement, et me relève -avec beaucoup de difficultés, pour lui asséner une claque derrière le crâne.
— Ha-ha, c'est trop drôle.
Il essaye d'articuler des mots qui se perdent dans ses rires, et je le tape encore. Après s'être calmé, il lâche sa cravate maintenant serrée pour s'approcher vers moi. Je repose mon pied à terre une fois que la douleur s'est estompée, et le reluque de la tête aux pieds. Une fois près, je remarque qu'il a également coiffé ses cheveux en les plaquant à l'arrière avec du gel. Oh mon dieu... que c'est rare de le voir ainsi !
— Théodore Alexandre Jones ? Est-ce vraiment vous ? me moquai-je en touchant ses cheveux dur comme du béton.
Ses cheveux sont habituellement si désordonnés que je devine qu'il a dû user d'une grande quantité de gel pour parvenir à ses fins... ça explique leur texture dur comme de la roche. J'esquisse un sourire moqueur à cette pensée, et il fronce les sourcils.
— Julia... Je t'ai déjà dit que je n'aime pas quand on m'appelle par mon nom entier.
J'éclate de rire, et il soupire longuement. Il fait le gars énervé alors qu'il y a de cela moins de deux minutes, il s'amusait bien lorsque les rôles étaient inversés.
— Tu te gènes pas pour m'appeler grandes-dents donc : la ferme.
Il lève les yeux au ciel et je rigole encore. Je finis par reposer mon regard sur son costard que je reluque longtemps.
— Plus sérieusement... pourquoi ? lui demandai-je en pointant du doigt sa tenue avec un air d'incompréhension.
— Je t'ai prévenue. Je nous ai préparés quelque chose pour ce soir, c'est à dire... me répond-t-il en mimant un roulement de tambours, on va au restaurant !
Mes lèvres se fendent en un sourire, et il rigole. Il semble fier de lui-même, le con.
— Théo, vraiment il fallait pas-
— Ta gueule, me coupe-t-il en me pinçant la joue. Tu peux déjà crier de joie, je te connais par cœur.
Mon sourire d'agrandit encore davantage et comme prévu, je hurle comme une cinglée. Nous finissons par nous battre comme des gosses.
— Aaah Julia !! Tu vas froisser ma tenue !! s'exclame-t-il avec panique en essayant de s'éloigner de moi.
J'éclate de rire et finis par le laisser tranquille en le sifflant comme un gars.
— Une vraie gonzesse, il manque plus que le cul de rêve.
— Je l'ai déjà, rétorque-t-il en se tournant pour me le montrer.
Je détourne le regard en feignant vomir et il rigole. Le con.
— Bref, je vais me préparer.
Ne lui laissant pas le temps de dire une énième bêtise, je m'en vais vers ma chambre. En chemin, je me demande sérieusement la raison pour laquelle il s'est habillé avec autant de classe... je veux dire, ok on va au restaurant, mais une simple chemise et un jeans auraient suffis. À part s'il compte voir une fille par la même occasion ? Le visage peiné de Lydia refait alors surface dans mon esprit, et je me sens triste pour elle.
C'est alors que je me fige en arrivant dans ma chambre. Oh bordel de... Une magnifique robe noire ornée de motifs colorés et tissés avec perfection est étendue sur mon lit. Je constate également une paire d'escarpins placée à ses côtés, ainsi qu'un manteau. C'est juste... sublime ! Je m'approche de cette dernière, et touche le tissu du bout des doigts comme s'il s'agissait d'une pierre précieuse.
— Oh, j'ai oublié de te dire ! fait subitement la voix de Théo dans mon dos. Ce restaurant est un resto très chic, donc tenues classe obligées.
Je me tourne vers lui, ébahie.
— Je rêve où tu m'as acheté cette robe pour la soirée ? lui demandai-je avec choc.
Mais où est le Théo qui me volait de l'argent pour s'acheter des chupa-chups ?!
— Non non, elle est pour Ninja.
Je le fusille du regard, et il rigole avant d'acquiescer.
— Oh mon dieu, Théo ! m'écriai-je en lui sautant dans les bras. Bordel, mais il fallait vraiment pas ! J'ai des robes dans mon armoire, ça aurait vraiment pu faire l'affaire !
— Considère cette robe comme un cadeau de ma part. Je commence à avoir beaucoup de succès avec le rugby, et gagne généreusement bien ma vie grâce à ma promotion. Donc disons que je peux dorénavant me permettre des p'tites folies comme celle-ci.
Une lueur de malice passe dans son regard, et il ne me laisse pas le temps de le remercier qu'il sort rapidement de ma chambre. Je souris toute seule comme une idiote pendant quelques secondes avant de me préparer. J'enfile la robe qui est juste sublime (multimédia), laisse mes cheveux au naturel, et finis par ne pas me maquiller après un moment d'hésitation. Lovemyself. En m'habillant, je ne peux m'empêcher de repenser au gala d'il y a un mois, lorsque Ryan m'avait acheté une robe hors de prix. Cette dernière est toujours dans mon armoire, et je songe un instant à la brûler. Mes pensées se perdent alors dans les souvenirs de cette soirée mouvementée, et l'image des chaudes lèvres de mon patron sur les miennes refait surface. Je chasse frénétiquement ce souvenir de ma tête, bien que je sens d'ores et déjà une chaleur mettre mon bas-ventre en feux...
... Julia, ce n'est pas le moment.
Une fois les idées claires, je me permets finalement une petite touche de gloss. J'attrape le reste de mes affaires avant de sortir de ma chambre. J'aperçois Théo en compagnie de Ninja dans le salon, et mon frère tourne sa tête vers moi lorsqu'il entend le claquement de mes talons sur le sol. Il me complimente rapidement et nous sortons de l'appartement.
* * *
Nous arrivons devant un magnifique restaurant, sûrement le plus chic du quartier... il a misé fort le p'tit Théodore ! Nous entrons ensemble, bras dessus bras dessous tout en rigolant aux blagues lourdes de mon frère. Nous nous installons à une table pour deux, et je ne cesse de regarder autour de moi tant les lieux sont sublimes. Les gens assis aux tables alentours sont tous habillés avec plus de classe les uns que les autres, c'est limite angoissant...
... ça me rappelle le gala, encore.
... et ça me rappelle Ryan, encore.
— Alors ? Ça te plaît ? m'extirpe mon frère de mes pensées.
Je reviens rapidement à la réalité et me tourne vers lui. Il semble vraiment fier de lui, c'est beau à voir.
— Oui beaucoup ! Tu as misé très loin dis donc...
Il rigole et un serveur vient prendre nos commandes. Le reste du repas, nous discutons de nos deux vies. Je lui raconte rapidement comment s'est passé ma journée, en n'omettant pas ma rencontre avec Ryan. Comme d'habitude, Théo ne fait que l'insulter... En dehors de ça, mon frère m'explique sa fulgurante ascension sportive des derniers mois. Il a réussi à se faire remarquer par de grandes équipes un peu partout dans le monde grâce à ses exploits, ce qui explique sa récente promotion. Il a même pu se permettre d'arrêter le boulot qu'il avait dans un bar pour combler les vides financiers qui n'existent plus dorénavant. Niveau amour, il me raconte son indécision sentimentale en citant le nom des 27 filles avec lesquelles il est sorties. Ah oui. Il n'a jamais réussi à se poser pour de bon avec elles bien qu'elles soient vraiment charmantes. Apparemment, il ne se sentait pas complètement à l'aise avec elle. Il me fait un peu de peine, j'aimerai vraiment qu'il se pose avec quelqu'un, il le mérite. C'est alors que l'image de Lydia refait encore surface dans mon esprit... il faut que j'essaye de les recaser ensemble.
Nous sommes subitement coupés dans notre discussion par les incessants vibrements de son téléphone. Il le sort alors de sa poche, et affiche un sourire progressif en voyant ce qu'il y est affiché. Je le questionne du regard.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Il y a des promotions UberEats, ou...
Il éteint son téléphone et le pose sur la table en affichant un grand sourire niais. Il joint ses mains entre elles et me regarde dans les yeux avec un air de malice.
— J'ai oublié de te dire quelque chose...
J'hausse un sourcil, pas sûre de comprendre ce qu'il veut dire par là. J'attends silencieusement qu'il poursuive.
— Je ne suis pas venu à New-York juste pour toi.
Cette fois, je fronce les sourcils et le dévisage.
— Je t'ai bien expliqué que plusieurs équipes de rugby m'ont remarqué, non ? me demande-t-il en se retenant de sourire.
— Oui oui... Je sais, et alors ?
— J'ai commencé à m'intéresser aux différentes équipes proposées sans m'obstiner avec l'Espagne histoire d'éventuellement changer d'air... et l'équipe de New-York m'a tapé dans l'œil.
Oh mon dieu.
— J'ai intégré l'équipe de NYC bordel !! s'écrie-t-il avec un sourire béat planté sur ses lèvres.
Putain de bordel de merde. Je ne sais même pas quoi dire tant je suis choquée.
— Maintenant que j'ai intégré cette équipe, j'ai décidé de venir m'installer ici par la même occasion. C'est pas comme si ma p'tite grandes-dents habitait ici aussi, hein...
Un énorme sourire fend mes lèvres et j'écarquille les yeux. C'est pas possible... il va vraiment venir habiter ici du coup ?!
— Enfaite, continue-t-il en sortant son téléphone pour regarder une deuxième fois le message qu'il vient de recevoir, je viens de recevoir un message de l'agent immobilier qui m'a fait visiter un appart ce matin. Il m'a informé que tous les papiers sont bouclés, et que je peux dès maintenant m'installer dans mon nouvel appart, à New-York.
Mon sourire s'agrandit encore plus, mon cœur se gonfle de bonheur, et je me lève pour lui sauter dans les bras. Mon attitude pourrait passer pour débile, je le sais, mais Théo et moi avons traversé tant d'épreuves...
"Je l'implore tellement que c'en est devenu une chanson qui berce mes cauchemars. Qu'il cesse, je ne veux pas souffrir davantage.
— Je t'en supplie... gémissais-je en pleurant, le ton désespéré et l'espoir anéanti."
... que vivre sans lui en est devenu douloureux. Le mot "proche" n'est même pas assez puissant pour décrire à quel point nous sommes soudés, liés.
Soudain, j'entends des applaudissements et des sifflements autour de moi. Je lève la tête et aperçois des personnes du restaurant qui nous crient des "Félicitations !". Mais ils sont cons ou quoi ?
Théo et moi nous mettons à rigoler et nous finissons par nous séparer. J'essuie ma petite larme tandis que mon frère se tourne vers notre petit public.
— C'est ma sœur, leur dit-il en me pointant du doigt.
Notre petit public s'arrête brusquement d'applaudir, et s'enfoncent dans leurs chaises avec gêne. J'entends même quelques rires, les pauvres.
— Putain... et moi qui ne me doutais de rien !
— C'est le but d'une surprise.
Je le fusille du regard, et nous rigolons légèrement. J'ai limite les mains qui tremblent tant je suis heureuse. Rien ne pourra gâcher ma journée dorénavant.
— Enfin bref, en dehors de-
Mon frère se coupe dans sa phrase, et fixe avec insistance quelque chose derrière moi en fronçant les sourcils. Alors que j'essaye de me tourner pour voir la raison de son trouble, une main d'homme se pose sur mon épaule.
Putain, me dis pas que...
5173 mots / Relu et corrigé
* * *
Heeeeyyy les p'tits poulpes! 🐙
Alouuurs! J'espère que le chapitre vous a plu!
J'ai essayé de faire un long chapitre pour m'excuser pour l'absence!
Que pensez vous du tournant que prend l'histoire?
Mettez touts vos avis et suppositions en commentaires!
Bref bye mes amouuuurs!
de HamidaSwan qui vous kiff, Teehee.
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