Chapitre 25 /
PDV Ryan (À partir du moment où ils sont installés dans l'avion, avant le "baiser")
Julia et moi sommes installés dans l'avion. Avec 3 putains d'heures de retard. Comment vous dire que je fulmine.
Je suis une personne ponctuelle, et n'apprécie aucune forme de retard. Encore moins quand ce retard est causé par un renversement idiot de valise en plein milieu de la rue. En plus de cela, j'ai une horrible gueule de bois à cause de la grosse cuite que je me suis faite hier soir. Je vous préviens, si une personne vient faire l'erreur de m'adresser la parole en ce moment, elle finira avec un visage à refaire.
Clairement.
Julia est assise en face de moi, ne faisant rien de spéciale. Elle se contente de regarder paisiblement le hublot à côté d'elle, et je devine qu'elle sait parfaitement l'humeur dans laquelle je suis. C'est sûrement pour cela qu'elle ne m'adresse pas la parole. Ou pour hier soir.
Pourquoi t'entêter à penser qu'elle en a quelque chose à faire, hein ? Toi-même a vu à quel point elle a agi normalement ce matin... comme si rien ne s'était passé.
C'est une chose que je déteste, qu'elle agisse comme une amnésique. Certes, hier était une soirée très mouvementée, et je mentirai si je disais que la voir dans un tel état ne m'a fait aucune peine.
Je suis un idiot pour avoir fait ça, mais je n'ai pu m'empêcher de m'en sentir réjoui.
Elle m'a affirmé ne pas être jalouse ou affectée, mais je ne la crois pas. Comment peut-elle dire ça après avoir pleuré, s'être énervée et enfuie ? C'est bien la preuve qu'elle éprouve un certain attachement à mon égard, non ? Voire plus ? Oui, je me sentais pitoyable pour l'avoir mise dans un état pareil, mais je n'ai pu m'empêcher d'éprouver un sentiment de jouissance à l'idée que, oui...
... je l'ai imprégnée.
Je ne comprends pas l'exactitude de ses sentiments à mon égard, et je m'en fiche royalement. La seule chose qui m'importe dorénavant est de savoir qu'elle et moi sommes liés.
Elle est à moi.
J'ai réussi à la séduire, alors la posséder corps et âme n'est qu'une question de temps maintenant.
Mais malgré tout cela, je n'arrête pas de réfléchir à m'en rendre fou, voire obsessionnel. Hier soir, j'ai vraiment eu l'impression de l'avoir atteinte, touchée profondément. Alors pourquoi agit-elle ainsi maintenant ?! Pourquoi agit-elle comme si rien ne venait de se passer, comme si elle me montrait clairement qu'elle n'est pas acquise et que je me fais des films. C'est bien pour cela que j'ai cette horrible impression qu'en fin de compte, elle n'en a strictement rien à faire de moi. Pourquoi ?!
Pourquoi inverser les rôles de cette manière ?!
Bref, je suis en colère, à cause de notre retard, de ma gueule de bois, et de mon comportement d'hier. Je ne devrais pas me laisser dompter par une gonzesse merde !
J'entends les vibrations d'un téléphone, et aperçois Julia sortant le sien de sa poche. Un grand sourire illumine son visage lorsqu'elle allume ce dernier, et je fronce les sourcils. Elle se met à taper frénétiquement sur son écran, et je me demande qui peut bien lui donner un si grand sourire... L'image de cet idiot de Nate Scott fait subitement surface dans mon esprit, et je rumine. Nate Scott ? Sérieux, ce type commence grièvement à me taper sur les nerfs avec ses airs de doudou tout mignon et gentil. Elle lâche de petits rires étouffés à plusieurs reprises, et je sens la frustration monter en moi comme du venin. Putain, mais a qui parle-t-elle ?! Je sais que je ne devrais pas me préoccuper de ça, mais c'est comme instinctif.
Réveille-toi Ryan. Tu veux la baiser, c'est tout. Alors on s'en fiche d'avec qui elle peut bien parler. Mais malgré cela, cette sensation reste toujours présente, et ça m'inquiète... je deviens dépendant d'elle ou quoi ?
Comme répondant à mes pensées, elle fait ce truc qui me rend complètement dingue. Elle se mord la lèvre. Sûrement pour étouffer un rire, je le sais, mais je sens quand bien même la température grimper dans mon corps. J'ai envie de l'embrasser comme un fou. Je veux la rendre dingue comme elle me rend dingue, jusqu'à ce qu'elle me conjure de la baiser.
Je veux la prendre brutalement dans cet avion.
Cette simple pensée me ravie car je me rends compte qu'en réalité, rien n'est plus fort que mon désir pour Julia. Je ne ressens jamais rien pour elle d'aussi puissant que cette volonté ardente de la posséder jusqu'à l'obsession. Pas d'amour. Rien. Mon cas n'est pas si désespéré que ça, en fin de compte. Certes, il m'arrive certaines fois d'apprécier sa compagnie, mais c'est tout. Rien n'est plus abondant et absolu que mon désir pour elle.
Je veux la baiser, rien d'autre.
Je suis dans l'incapacité de la lâcher du regard et de stopper les milles et une salacités qui me passent par l'esprit. Je pourrais passer pour un malade, mais je m'en fiche complètement. Elle éteint enfin son téléphone, le pose à côté d'elle, et lève la tête. Elle paraît perturbée lorsque j'ancre profondément mon regard dans le sien, et se met à rougir.
— Tu parlais avec qui ? lui demandai-je soudainement.
Je veux la baiser, rien d'autre. Mais j'aimerai quand même savoir...
— Euh, mon frère.
— Mmh.
Un grand élan de soulagement me prend, mais je l'ignore. Ce n'est rien d'alarmant. Je me tais et continue de la fixer, elle et son regard azuré. Je sais pertinemment que si je n'avais pas une once de contrôle en moi, elle serait très certainement entrain de crier mon nom à ce moment même. Quelques minutes passent, et je vois bien que mon regard la déstabilise au point où elle détourne le sien.
— Euh... j-je vais aller me chercher un café, bredouille-t-elle.
Elle se lève tellement rapidement que je perds son regard.
— Je t'accompagne, fis-je précipitamment en me levant à mon tour.
Je ne contrôle même plus mes actions, c'est comme si mon corps avait bougé tout seul. Nous nous retrouvons rapidement très proches, et comme mené par des pulsions, je m'avance encore plus. L'espace entre nous est si infime que même une feuille de papier serait plus épaisse. Mes doigts glissent sur sa peau ivoire, et viennent poser ma main sur sa taille bien formée. Son regard bleu plonge et se fige dans le mien, électrisant tout mon être. Je pourrais implorer ces yeux qui s'ouvrent à moi comme un ciel à l'aurore. Doucement, mon visage s'approche du sien, comme contrôlé magnétiquement. Elle se laisse faire, et je me réjouie de sa docilité.
J'avais raison.
Elle est à moi, toute entière.
Je l'ai imprégnée, corps et âme.
Je me laisse alors guider par cette aversion cupide que mes lèvres ont pour les siennes, et ne rêve que de leur goût si subtil. Je l'ai déjà goûté, et y suis aussi addict qu'un accro à la came-
Soudain, elle me repousse brutalement et tourne la tête, m'empêchant de voir son visage. Mes mains se détachent à contrecœur de sa taille, et je reste stupéfait quelques secondes. Je rêve ou elle vient de me rejeter ?
Sans le contrôler, je sens les impressions de tout à l'heure affluer dans mon esprit. Elle m'a rejeté, très clairement. Elle était complètement maîtresse de ses moyens, donc c'était sincère à 100%.
Elle n'en a rien à faire de ma petite personne.
Elle ne ressent rien.
Je me suis fait des films.
Tous ces regards, ces impressions qu'elle m'a données...
... elle a joué de moi.
Elle voulait que moi Ryan Alvarez, je la désire. Elle voulait se sentir puissante à cette idée.
La garce.
Je ne peux plus rien contrôler dans mon esprit. C'est la première fois que je ressens quelque chose d'aussi fort pour une femme. Et c'est la première fois que je me fais repousser par une femme.
C'est magnifiquement cruel.
La colère accoure et se déverse en moi avec tellement d'acerbité que je ne contrôle même plus mon expression. Julia lève la tête vers moi, et me dévisage en apercevant la colère grandissante se lisant sur mon visage. Encore une fois, comme si mon corps bougeait tout seul, le coin de mes lèvres s'étire en un rictus mauvais, et je lâche un rire amer. Elle me dévisage encore davantage, et je marche lentement vers le buffet, comme pour me détendre.
— Euh... Ryan ?
Je sors une bouteille de brandy, et m'en sers un verre que j'avale cul-sec. Je me sens en colère, trop même. Comment peut-elle me rejeter ?! Moi ?! Après tout ce que j'ai fait, tout ce qu'elle a fait ?! Pourquoi est-elle aussi... vicieuse ! J'ai besoin de décompresser davantage, sinon je sens que je vais finir par exploser. Et j'ai besoin de réponses. Donc je me tourne vers elle, et la reluque avec voracité.
— Alors comme ça... tu me repousses maintenant ? lançai-je amèrement, un rictus toujours planté sur mes lèvres. Tu veux te faire désirer ? C'est ça ?
— Mais je... quoi ?
Elle a l'air complètement perdue, mais je l'ignore.
— Tu as très bien compris, Julia.
Elle me dévisage, incrédule. Le fait-elle exprès ?
— Tu serais capable d'embrasser des inconnus, mais lorsqu'il s'agit de moi tu refuses ? lui reprochai-je amèrement. Pourquoi tous ces regards, tous ces sous-entendus ? Pour qui te prends-tu, hein ? Tu penses que c'est en te faisant désirer que tu te sentiras mieux dans ta misérable vie ? Tu me fais vraiment de la peine.
Elle ouvre la bouche à plusieurs surprises, déstabilisée. Son visage a changé du tout au tout, ses traits sont tirés et témoignent de la colère qui nait en elle.
— Mais... qu'est-ce qui te prends pour dire des choses pareilles ? Certes, certaines... choses se sont passées entre nous, mais je te rappelle que c'est toi qui m'as rappelée sans cesses que tu es mon patron ! C'est toi qui m'as dite d'oublier, de passer à autre chose ! Si je n'ai pas envie de t'embrasser, je ne le ferais pas et n'ai pas à me justifier pour cela ! s'exclame-t-elle en faisant de grands gestes. Et puis, je n'embrasse pas d'inconnus, bordel ! Qu'est-ce que tu racontes ?!
Je suis à deux doigts de tout lui cracher à la figure...
— Ne fais pas ton innocente Julia ! lui criai-je dessus.
Elle paraît surprise face au ton que j'emploie. Malgré ma réputation de patron sévère, je n'ai jamais parlé à Julia de la sorte. Cela doit donc la surprendre, mais elle se ressaisit rapidement.
— Et par-dessus tout, ne me provoque pas... Je pourrais-
— Je n'embrasse pas d'inconnus, merde ! m'interrompt-elle encore plus fort. Mais qui es-tu ?! Te faire rejeter te fais si mal à l'égo que tu te sens obligé d'être si cruel ?! Tu n'es pas absolu Ryan !
Ça y est, c'en est trop pour moi, je vais lâcher une bombe. C'en est trop pour moi car je sais au fond que ce qu'elle dit n'est pas totalement faux. Mais le fait qu'elle le dise à voix haute, qu'elle prend conscience de cette juvénilité m'énerve encore plus. Je me sens pathétique, humilié, je ne contrôle plus ma bouche.
— Pourtant, si je me rappelle bien... ce mec dans l'ascenseur n'était pas une de tes connaissances, hein ? lui lançai-je à la figure soudainement. C'était un inconnu, non ?
Elle se fige et écarquille les yeux. Son teint pâlit lorsqu'elle comprend de quoi je parle, comme prise la main dans le sac.
— Tu... enfin... qu'est-ce que tu r-racontes ? bégaye-t-elle en feignant l'ignorance.
— Ne joues pas la carte de l'ignorance avec moi, Julia. Ce fameux jour, avant ta viré au Millenium, tu étais encore à l'entreprise, pas vrai ? Et c'est là que tu as embrassé un inconnu dans un ascenseur en panne. Un inconnu dont tu ne connais toujours pas l'identité au jour d'aujourd'hui puisque vous étiez tous les deux plongés dans le noir !
Elle se met à rougir violemment. Je suis tellement en colère que je pourrais lui lâcher tout et n'importe quoi à la figure.
— Mais enfin, c-comment... comment aurais-tu pu assister à tout ça ? Enfin...
— Et bien, figure-toi que cet inconnu, c'était moi bordel !
Elle se fige en entendant mes propos. Son visage se décompose, et elle me regarde comme si elle ne me connaissait pas. Comme si elle me découvrait.
Non, qu'elle découvrait cette nouvelle facette de moi. Cette facette que je déteste mais que je ne peux pas réprimer.
— T-toi ?!
- Ouais moi ! m'énervai-je. Franchement, je ne pensais pas que tu étais ce genre de fille facile Julia... Et ton comportement me le prouve encore plus. Lorsque c'est un inconnu, tu n'hésites pas à lui sauter au cou et à lui donner pleinement ton corps ! Et qui me dit que tu n'aurais pas terminé notre petite affaire si l'ascenseur ne c'était pas remis soudainement en marche ?! Moi franchement, je m'en fiche puisque baiser des putains fait parti de mon quotidien, mais toi... En plus de ça, lorsque c'est une personne que tu connais plus ou moins, alors là non ! Jamais de la vie ! C'est sûr sûr que tu ne veux pas salir ta réputation de sainte-nitouche ! Je pensais vraiment que tu étais différente de toutes ces putes que je côtoie, mais là, je commence à hésiter ! Et ou-
Je me coupe lorsque je croise le regard de Julia. Attends, mais que dis-je...
... quel regard ?
Elle semble mortifiée, attristée et humiliée. Je n'ai jamais vu une telle expression chez elle. En plongeant dans son regard, je ne vois que le reflet d'un monstre cruel et sanguinaire, qui se délecte de la terreur qu'il répand derrière lui.
Ce n'est pas moi.
Ce n'est pas elle.
C'est de ma faute.
J'ai l'impression d'avoir brisé quelque chose en elle. En nous. Mais pourquoi parler de nous, même ? Il n'y a jamais rien eu, et dans tous les cas, tout est carbonisé. Ce fil si précieux qui nous reliait corps et âme, qui reliait nos deux lèvres dans cette étreinte si agréable et singulière...
... a été coupée
avec une facilité à la fois déconcertante et abominable.
J'ai fais une grosse boulette...
* * *
PDV Julia
Je suis littéralement pétrifiée sur place. Aucun mot ne sort de ma bouche, et ma gorge est aussi asséchée que la tension entre nous.
Une tension que lui a instauré.
Je me sens trahie, trompée et humiliée. J'ai l'impression que de l'acide a remplacé le sang de mes veines, et qu'à chacune de mes inspirations, à chacune de mes crispations, à chaque secondes qui passent...
... mon cœur me lâche.
... il m'abandonne, fait valise.
... cet afflux de douleur.
... c'est trop pour lui.
... trop pour moi.
Je n'arrive plus à reconnaître la personne en face de moi, à imaginer ce que j'ai bien pu lui trouver. Je ne vois plus une once d'étincelle dans son regard mort à mes yeux. Je n'y vois que ténèbres et noirceur.
— Alors c'était toi ?
Ma voix est faible, épuisée. J'ai tellement mal que je n'arrive même pas à pleurer, et me demande sérieusement si mon corps fonctionne toujours. Pour une fois dans ma vie, j'arrive à le regarder pleinement dans les yeux. Son regard s'est légèrement calmé, et a remplacé la colère par de l'angoisse. Je ne parviens même pas à me sentir peinée pour lui tant il m'inspire de dégoût. Il semble s'être rendu compte de la gravité de ses paroles, mais c'est trop tard. Il reste silencieux longtemps, trop longtemps, en subissant mon regard meurtri avec impuissance. C'en est trop, je vais craquer.
— C'était toi dans ce putain d'ascenseur ?! lui demandai-je plus fort, les yeux picotant.
— Julia... je peux tout t'expliquer-
— Que veux-tu m'expliquer Ryan ?! m'écriai-je en étouffant un sanglot.
Ça y est, je ne peux plus contrôler mes larmes. Ces dernières coulent et roulent sur mes joues, avec tellement de délicatesse et de chaleur que je me demande un instant la raison pour laquelle elles apparaissent lorsque nous sommes détruits. Elles bercent et apaisent mon âme contusionnée, en enroulant le contour de ma peau de leur chaleureux étau. Elles me soutiennent, tout en sachant que je ne devrais pas me mettre dans de tels états. Pas pour lui.
Mais sincèrement, lorsque quelqu'un que vous portiez profondément dans votre cœur vous dit ce genre d'atrocités, ne seriez-vous pas également détruit à ce point ?
Je sens alors un autre sentiment prendre place en moi, remplaçant la douleur de mon être par un sentiment abrupt et hargneux qui s'insinue dans chaque parcelle de mon être. La chaleur de mes larmes prend la forme d'un incendie qui m'enflamme, et j'ai pour seul raison d'haïr cet homme.
— Tu n'es qu'un monstre, lui crachai-je à la figure. Pendant tout ce temps, je me torturais l'esprit en me demandant mainte et mainte fois l'identité de cet homme ! Alors que c'était toi ! Toi qui jouais de moi pendant tout ce temps ! Toi qui me laissais remuer le couteau dans sa plaie ! Toi qui te délectais de m'avoir comme petit jouet ! Mais... tu n'es vraiment qu'un connard !
Je ne contrôle plus mes paroles, tellement que j'en oublie son identité. Mes larmes se sont transformées en une avalanche de douleur qui rebondit sur mon cœur, et détruit tout l'amour que j'ai pu lui porter. Ryan se met à froncer les sourcils, et je comprends que mes paroles ne lui plaisent pas.
— Julia, n'oublies pas que je suis ton patron. Alors ne me parle pas sur ce ton.
Je ne peux ravaler mon rire qui résonne entre nous avec amertume, tout en s'harmonisant avec beauté à ce pathétique spectacle.
— La bonne blague ! C'est sûr que c'est vraiment le comportement d'un patron d'embrasser ses employées, puis de les traiter de fille facile en retour ! Franchement je vous applaudis Monsieur Alvarez !
Il paraît déstabilisé, tellement qu'il s'appuie sur le buffet pour ne pas tanguer. Au fond de moi, j'espère qu'il tangue, tombe et s'écrase le plus profondément possible.
— Était-ce pour cela que tu te montrais si aimable avec moi ? lui demandai-je d'une voix plus calme. Tu voulais m'apprivoiser, ou me tester comme dans cet ascenseur et les autres baisers ? Et moi, comme une conne j'y ai cru...
Ma lèvre inférieure se met à furieusement trembler, d'une manière aussi irrégulière que mes sentiments. La colère s'est dissipée pour à nouveau laisser sa place à la tristesse. C'est limite si une pièce de théâtre n'est pas entrain de se dérouler dans mon esprit.
— Tu sais quoi... oui, j'étais jalouse quand je t'ai vu avec cette blonde hier, finis-je par dire sous ses yeux stupéfaits. J'étais jalouse, car je me sentais spéciale à tes yeux, désirée pour celle que je suis, et c'était douloureux de te voir ainsi. C'était un sentiment si inédit, mais si interdit à la fois que je ne savais quoi faire, je n'ai jamais su quoi faire... d-donc oui, peut-être que je sentais, enfin...
Je perds mes moyens, et sens les larmes remonter dangereusement. D'après son expression, je comprends qu'il semble perdu. Assez logique vu mes changements d'émotions...
... bordel, pourquoi cela fait-il si mal ?
Parce que tu l'a-
— Julia, je suis tellement-
- Et après... Tu oses dire que je ne suis qu'une pute... dis-je en baissant la tête, sentant les larmes dans le coin de mon œil.
Tout le monde s'interrompt, cessez, cessez, cessez...
— Je n'ai pas dit que tu étais une pute Julia !
Mes lèvres s'étirent en un sourire.
— Tu ne l'as pas dit, mais tu le pensais si fort dans ton esprit que je n'ai pu me résoudre à comprendre autre chose.
Les larmes coulent, tellement abondamment. Je n'arrive plus à contrôler mes émotions, c'est comme s'il avait déposé une bombe dans mon cerveau...
... pourquoi cela fait-il si mal ?
Parce que tu l'ai-
— Julia, murmure-t-il d'une voix presque inaudible.
Son visage se décompose en voyant ma douleur. Quelle ironique situation.
— Et moi qui commençais à t'apprécier... peut-être un peu trop. Tout ça pour finir déçue, blessée... oui.
Je relève ma tête vers lui, et lui lance le regard le plus glacial de ma vie...
... pourquoi cela fait-il si mal bordel ?!
Parce que tu l'aim-
— Je t'en pris, Julia...
Admets-le, admets-le, admets-le...
Non, il n'en vaut pas la peine.
Nous n'en valons pas la peine.
Ma bouche ne mérite pas de gaspiller autant de salive.
— Oui, tu m'as incroyablement déçue et blessée Ryan Alvarez. Dorénavant, ne m'adresse plus la parole en dehors du travail.
Je fais volte-face, les larmes coulant sur mes joues, et détruisant mon maquillage. Je sens soudainement sa main s'enrouler autour de mon poignet tendu, et me tirer vers lui. Comme un instinct, je me tourne brutalement, tire mon poignet pour qu'il le lâche, et envoie ma main vers sa joue. La claque émet un bruit assourdissant.
- NE ME TOUCHE PAS CONNARD !!
Il reste figé par la claque, et je m'enfuie à toute vitesse. J'entre dans la première porte se présentant à moi, et suis soulagée de voir une seconde pièce avec des sièges. Je m'assieds sur le premier siège face à moi, et éclate en sanglot. Ma bouche s'enroule autour de mon poignet que je mords légèrement pour étouffer un cri.
C'est exactement là que sa main m'a attrapée.
J'ai alors l'impression de ressentir une brûlure à ce même endroit, une brûlure incandescente qui consume chaque parcelle de ma peau. Mes dents viennent alors instinctivement se serrer davantage, encore et encore, à un tel point que la douleur disparaît...
... ça fait trop mal, pourquoi ?
Parce que tu l'ai-
Je pleure, encore et encore... et pour qui, me diriez-vous ?
Tout simplement pour un connard qui restera toujours un connard.
* * *
New-York.
En sortant de l'avion, j'ignore Ryan et ses regards désespérés. Lorsque nous arrivons devant l'entrée de l'aéroport, je coupe l'autre connard avant qu'il n'ouvre la bouche.
— Je vais prendre un taxi.
Je ne lui adresse aucun regard, aucune attention. Je ne veux pas passer une seconde de plus avec lui, alors un trajet entier face à face dans la voiture, c'est non. J'attrape ma valise avant que Max ne la prenne, et m'en vais à toute vitesse.
— Julia ! m'appelle Ryan d'une voix affligée.
Je l'ignore sous le regard scandalisé de Max. C'est compréhensible, il n'est pas au courant de la dispute.
Il n'est juste pas au courant pour nous...
... quel "nous", même ?
* * *
J'arrive dans mon petit chez moi que je suis soulagée de revoir. Être ici me ramène à la réalité, c'est agréable. En entrant, je ne prends pas la peine d'aller voir mon chien ou autre, et me dirige directement vers cette salle. La salle.
J'ouvre la porte, et le vois.
Mon magnifique piano à queue, qui m'a coûté un bras.
Cette pièce est assez spéciale à mes yeux, car elle regroupe en ses maigres mètres carrés une grande quantité de souvenirs. Pas les meilleurs, certes.
Ça fait très longtemps que je n'ai pas joué du piano. Ça me rappelle bien trop de mauvaises choses, alors j'y joue seulement quand mes émotions sont au bord du gouffre, tellement qu'ils dépassent ces souvenirs. C'est Jamie qui m'a enseigné le piano durant le temps où nous sortions ensemble. Je n'ai jamais réussi à atteindre son niveau, mais j'ai appris à transposer mes sentiments et pensées à travers les notes.
C'était pour lui toute l'essence même de la musique.
Le piano est mon remède.
Il me sert à guérir et panser les blessures de mon âme.
J'enlève ma veste qui s'échoue au sol, suivie par mon sac, et viens m'asseoir sur le siège en cuir. Mes doigts se posent délicatement sur les touches en ivoires, les caressent et viennent glisser dessus pour me placer.
Et je commence à jouer.
Je joue, me laisse emporter et transporter par cette mélodie qui m'emmène loin, et ferme les yeux pour y plonger complètement. Je lui laisse ma tristesse et ma rancœur pour qu'elle les exprime dans toute leur splendeur.
"Come on skinny love, just last the year,
Pour a little salt, we were never here,
My, my, my, my, my, my, my, my,
Staring at the sink of blood and crushed veneer..."
Je joue, je chante, je suis dans un autre monde, dans une autre dimension. Je ne suis plus qu'une voix, une mélodie, et j'oublie tout ce qui m'entoure.
"And I told you to be patient,
And I told you to be fine,
And I told you to be balanced,
And I told you to be kind..."
Les dernières notes se font entendre, et j'éclate en sanglots. Pour la énième fois. Je ne sais pas pourquoi je pleure encore, mais je ne contrôle plus rien. Je le fais, je rejette tous les sentiments que j'éprouve, tout.
Je me sens trahie. Tellement.
Tout cela n'était qu'une illusion, cette impression de me sentir spéciale à ses yeux...
Peut-être que oui, peut-être que je l'aimais.
Peut-être que mes sentiments pour lui sont arrivés à ce stade-là.
Tu ne peux pas être si mal sans antécédents.
Peut-être que j'ai succombé à lui sans même m'en rendre compte.
Mais c'est terminé dorénavant. Ça s'est terminé dès lorsqu'il l'a dit. Lorsqu'il a dit que j'étais similaire aux putes qu'il côtoyait. Là...
... il m'a rappelé quelqu'un.
J'étais révulsées de le voir à travers Ryan, mais n'ai pu le contrôler. C'était trop, mais ce n'est pas pour rien. Les larmes coulent encore, et je me sens petit à petit attirer vers les bras de Morphée...
Loin de ce monde,
et loin de Ryan Alvarez.
4311 mots / Relu et Corrigé
* * *
Yoo les p'tits poulpes! 🐙
Chapitre triste, non? Je vous avais prévenu qu'il allait être mouvementé!
J'ai pas trop de choses à dire, seulement, mettez vos avis et suppositions en commentaires, ça me fait toujours énormément plaisir de vous lire et de vous répondre!
Bye les bébés poulpes! 🐙
de HamidaSwan qui vous kiff, Teehee.
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