Chapitre 16 /
PDV Julia
Nos regards ne se lâchent pas...
Je commence à sentir le rouge me monter aux joues, et plus il semble remarquer ce changement de teint sur ma peau, plus ses lèvres s'étirent en un sourire malicieux. Finalement, il lâche mon regard en se retournant pour quitter la scène. Je sens alors tout l'air que j'avais comprimé, retrouver sa place dans mes poumons.
Putain,
de,
merde.
C'est quoi ça ? Cette... tension entre nous ?
Ryan descend de scène, mais ne vient pas vers moi. Il se contente plutôt de se diriger vers le groupe de femme qui bavaient sur lui il y a quelques secondes, en leur lançant un sourire ravageur.
... d'un côté je préfère ça.
Avec ce qu'il vient de se passer à l'instant, je trouverais gênant de me retrouver avec lui. Autant qu'il aille tchatcher avec d'autres femmes.
... d'un autre pas trop.
Un jour il est distant,
froid,
arrogant,
coureur de jupons.
Un autre jour il est gentil,
attentionné,
ténébreux,
irrésistible.
Dans ce genre de moments-là, il me regarde d'une façon qui me donne l'impression d'être le centre de son monde. Comme ce qu'il vient de se passer avant qu'il ne continue de rôder autour de nouveaux objectifs.
Je finis par mettre ce qu'il vient de se passer de côté pour rester attentive à la suite de la soirée. Étant donné que Ryan était le dernier à passer, la musique reprend ses droits, et des couples se forment pour se mettre à danser.
Encore une fois, ce sentiment de ne pas me trouver à ma place refait surface. J'ai l'impression que tout le monde m'entoure, comme pour me prouver que ce sentiment est réel. Bien évidemment, je suis seule, et je n'ai pas vraiment envie de danser. Je finis par soupirer avant de marcher un peu plus loin pour m'éloigner.
C'est alors qu'à travers une porte entrebâillée, j'aperçois une bibliothèque.
Un immense sourire se forme sur mes lèvres, et tout mon sentiment de malaise s'estompe pour laisser place à de l'excitation. Je ne sais pas si j'ai le droit d'y entrer mais bon, je fonce !
J'entre et suis rapidement émerveillée face à la grandeur de la salle. Il y a tant de livres, c'est le rêve... J'effleure du bout des doigts de vieilles encyclopédies, et ai comme l'impression de toucher de l'or tant ces livres m'ont l'air précieux. Je ne savais pas que dans cet hôtel il pourrait y avoir une bibliothèque, mais une bibliothèque avec de tels bouquins !
J'attrape un livre entre mes mains, et regarde la première de couverture : « Orgueils et Préjugés ». Quelle coïncidence, c'est l'un de mes livres favoris. Je tourne les vieilles pages petit à petit, et m'arrête ensuite devant un extrait que je lis :
"Depuis le commencement, je pourrais dire dès le premier instant où je vous ai vu, j'ai été frappée par votre fierté, votre orgueil et votre mépris égoïste de sentiments d'autrui. Il n'y avait pas un mois que je vous connaissais et déjà je sentais que vous étiez le dernier homme du monde que je consentirais à épouser."
Je referme rapidement le livre, les sourcils froncés. Une phrase m'a frappé :
"Il n'y avait pas un mois que je vous connaissais et déjà je sentais que vous étiez le dernier homme du monde que je consentirais à épouser."
Mes joues chauffent lorsque mon esprit part dans diverses sous-entendus. Je claque alors ma main sur mon front, comme pour me punir d'avoir de telles pensées. Franchement, je me demande ce que j'ai en ce moment-
— Tu aimes la littérature ? me demande une voix que je reconnaîtrais entre mille derrière moi.
Je me retourne en sursaut, et fais tomber le livre au sol. Je fais face à Ryan qui me reluque un instant, les mains dans les poches.
— Euh... que fais-tu ici ? lui demandai-je d'une fois haletante.
Il pince les lèvres en baissant la tête, puis replonge son regard dans le mien.
— C'est plutôt à moi de te poser cette question.
Je ramasse maladroitement le livre que je viens de faire tomber, et lisse ma robe pour me donner meilleure mine.
— Eh bien, j'ai vu la bibliothèque et ça m'a intrigué. Je suis alors... allée voir, lui expliquai-je en me triturant les ongles.
Il sourit et se rapproche de moi de sa démarche à la fois bestiale et élégante. J'en perds ma voix.
— Tu aimes les livres ? me demande-t-il en m'adressant un sourire.
— Hum... oui. Enfin, je t'en avais déjà parlé.
Un silence gênant s'installe, où lui essaye de capter mon regard tandis que moi, lutte pour ne pas lui faire face.
— Quel livre ? me demande-t-il en pointant du doigt le roman que je porte entre mes mains.
Je m'empresse de lui montrer la couverture indiquant le titre de l'œuvre.
— « Orgueils et Préjugés », de Jane Austen.
Il hausse les sourcils, apparemment étonné.
— Tu apprécies ce genre de livres, toi ?
— Hum, oui effectivement. C'est même l'un de mes romans préférés. J'ai toujours été une grande fan de la littéraire anglaise, des romances anciennes aux fins tragiques... Un peu comme « Les Hauts de Hurlevent », d'Emily Brontë.
— Oh je vois... je peux ? me demande-t-il en tendant sa main vers le livre.
J'hoche la tête, et le lui tends rapidement tout en évitant le moindre contact physique entre nos deux mains. Il tourne les pages en silence, et quelques secondes plus tard, referme le livre en me lançant un regard.
— J'avoue que je n'aurais pas parié sur ce genre de livres pour toi, m'avoue-t-il d'un air résigné.
— Ah bon ? Sur quoi alors ?
Il fait quelques pas pour briser la distance énorme entre nous, et plonge son regard dans le mien avant même que je ne puisse détourner les yeux. Comme toujours, j'ai cette agréable impression de me noyer dans un océan aux vagues grises, agité par une tempête de ténèbres...
... c'est douloureusement bon.
— Je penchais plus pour des romans contemporains, pimentés d'une pointe de fantastique.
— Et... pourquoi cela ?
Il se pince les lèvres, puis se les mordit en affichant une tête penseuse. C'est tout bonnement craquant.
— Qui dit fantastique, dit irréel. J'ai toujours un peu l'impression que tu n'as jamais les deux pieds sur terre. Que tu es toujours un peu perdue. Bien sûr, ce n'est que une impression, mais j'ai toujours eu un don pour lire dans les expressions.
Moi ? Perdue ?
Les larmes,
les cris,
les souvenirs,
l'angoisse...
... son regard,
d'un sombre bleu,
toujours et à jamais gravé de force en moi.
Absolument pas.
— Tout ça pour dire que tu donnes l'impression de préférer ce genre de romans. Le fantastique pourrait t'aider à t'évader en t'emmenant dans un autre espace.
Il est vrai que ce qu'il dit est logique. Beaucoup trop logique. Néanmoins, je suis ravie de le contredire.
— Eh bien... je dirais que tu n'es pas un si bon observateur que ça.
Je ne peux m'empêcher de sourire quand il fait mine d'être déçu.
— C'est assez surprenant parce que j'ai l'habitude qu'on me dise le contraire, avouai-je en rougissant.
Il me rend ensuite le livre avec un sourire malicieux, et je le range à sa place.
— Pourquoi es-tu partie ? me demande-t-il soudainement en levant les yeux.
Je lance un regard à la bibliothèque et soupire.
— ... tout le monde dansait, et j'étais seule. Alors je me baladais et suis tombée sur cette bibliothèque.
— Mmh...
Je fixe mes pieds, un peu gênée par le silence lourd qui s'installe entre nous.
— Tu veux danser ? me demande-t-il soudainement en me tendant sa main.
Mon regard se lève soudainement vers lui, et je cligne plusieurs fois des yeux devant sa proposition, incrédule. Quoi ? C'est quoi ce changement de sujet ? Danser avec... lui ?!
Non avec un concombre ! s'exclame ma conscience.
J'avoue que quelques fois, j'aimerais que cette conscience de merde disparaisse...
— Euh... mais je suis nulle en danse.
En réalité, je dois admettre que je me débrouille plutôt bien. Mais autant avoir le plus d'excuses pour dévier sa proposition.
— Peu importe. Tu dis que tu étais seule, mais maintenant tu ne l'es plus. De plus, on entend la musique d'ici, alors, où est le problème ?
Je suis piégée.
— Bon... ok, acceptai-je après quelques secondes.
Il me sourit, et d'un geste rapide, attrape ma main qu'il enferme dans la sienne. Un long frisson parcourt mon échine lorsqu'il pose son autre main dans le bas de mon dos, et qu'il y exerce une pression afin de coller nos deux corps.
Nos deux visages se retrouvent proches...
... je peux sentir son souffle chaud sur mes lèvres.
Doucement, nous nous déplaçons au rythme de la musique. La mélodie est douce, et ses basses donnent au tout une pointe de sensualité qui se reflète dans la danse que m'offre Ryan. Nos yeux ne se détachent pas une seule fois, et sont tellement ancrés l'un dans l'autre qu'ils donnent l'impression d'avoir créé des chaînes traduisant leur passion. Sans me prévenir, le bras de mon partenaire me fait tourner sur moi-même. Ne m'y attendant pas, je tourne avec la même grâce qu'un enfant apprenant à marcher, et me mords la lèvre pour ne pas céder à l'hilarité.
Néanmoins, dès lors que je me retrouve face à lui, et que les chaînes passionnés de nos regards retrouvent leur place, je m'arrête de sourire.
Mon cœur bat si vite que j'ai l'impression qu'il n'est plus sous mon contrôle...
... mais sous son contrôle,
sous le contrôle de cette tension,
cette tension qui ne cesse de me surprendre.
Juste en un regard,
elle apparaît entre nous...
... et détruit tout les restes de mon self-control.
Doucement, il s'avance vers moi et fait basculer mon buste vers l'arrière. Il me tient fermement par les hanches pour qu'ainsi je ne tombe pas (multimédia). Nous restons dans la position le temps de quelques secondes qui me semblent durer une éternité, comme si je ne pesais rien...
... comme s'il ne se rendait pas compte du feu incandescent qu'il provoque dans mon organisme, juste de part son regard.
Lorsqu'il me soulève pour me remettre droite, nous nous retrouvons cette fois-ci encore plus proches que jamais.
... nous ne bougeons plus,
la danse est finie,
mais nous n'essayons pas de nous écarter l'un de l'autre.
Au contraire, ses yeux faisant la navette entre les miens et mes lèvres me prouvent qu'il souhaite s'approcher davantage.
Son visage réduit les millimètres nous séparant, et me laisse sentir sa respiration d'une haletante douceur.
Sa main glisse sur mon corps,
en effleurant mon bras,
en coulant sur mon épaule,
en caressant ma clavicule,
en se posant sur ma joue,
puis en titillant de son pouce...
... la lèvre que je tiens toujours entre mes dents.
Il fait tout cela en laissant encore et toujours son visage aller vers le mien.
La distance entre nous est si infime que nos lèvres s'effleurent.
Je ne sais plus quoi faire.
Je n'arrive plus à discerner le bien du mal.
La seule chose que je sais, c'est que je ne contrôle plus rien-
- Mesdames et messieurs ! Veuillez-vous installer sur les sièges mis à votre disposition pour le début des ventes aux enchères ! s'écrie une voix dans la salle du gala.
La voix nous fige tous les deux, et me remets les pieds sur terre. Un froid immense se propage en moi tandis que Ryan se dégage tellement rapidement de mon corps que j'en suis déboussolée. Les joues rosies, et l'estomac en vrac, je détourne le regard de mon patron qui se passe la main dans les cheveux, lui aussi troublé.
— Les... ventes aux enchères vont... c-commencer, balbutiai-je.
Il se contente d'hocher la tête, et sans plus de paroles, tourne rapidement les talons pour s'en aller. De mon côté, je m'adosse à la bibliothèque, et prends quelques secondes pour respirer.
Il vient de se passer quoi là ?
Je ne suis pas sûre d'avoir pigée ce truc entre nous, mais... allait-on s'embrasser ? Non. On a failli s'embrasser. Mais heureusement, nous nous sommes arrêtés.
Heureusement ou malheureusement ? me murmure ma conscience coquine.
Je claque ma main sur mon front. Mais merde, c'est mon patron ! Peut-être même que je me fais simplement des idées, et que pour lui, tout ceci n'était qu'une simple danse ? Oui, c'est sûrement ça. J'ai juste les hormones en feux.
Tu essayes de faire croire ça à qui, hein ?
En chassant toutes ces mauvaises pensées de mon esprit, je lisse ma robe et me donne une petite claque pour me remettre les idées en place. Concentration !
Je sors de la bibliothèque, et me dirige d'un pas mal assuré dans la grande salle du gala, à la recherche d'une chaise pour m'installer. J'ai encore les jambes toutes tremblantes à cause de tout à l'heure... Je trouve une table seule, et m'assieds en soufflant un bon coup. Un serveur vient me proposer une coupe de champagne, et après un moment d'hésitation, je l'accepte. Il est vrai que je ne souhaitais pas boire pour me concentrer le plus possible sur la soirée, mais là tout de suite, c'est exactement ce dont j'ai besoin. De l'alcool et de la tranquillité...
Alors que je sirote ma coupe de champagne, un huissier d'un certain âge monte soudainement sur scène, et se place devant le micro.
- Bonsoir Mesdames et messieurs ! lance-t-il avec le sourire. Je suis Gérard Deupardiable, et serait l'huissier pour cette soirée. Nous allons maintenant procéder aux ventes aux enchères !
Le public applaudit, et j'en fais de même en tenant à bout de doigt mon verre.
— Vous avez sur vos tables des plaquettes avec des numéros. Veuillez les prendre, je vous en prie. Si vous voulez enchérir, levez votre plaquette en disant à haute voix le prix que vous souhaitez proposer !
Je constate que j'ai également une plaquette face à moi. Je la prends dans ma main libre, au cas où quelque chose pourrait m'intéresser. L'huissier se frotte les mains, apparemment excité.
— Nous allons commencer les enchères avec un jet ski/bateau privé ! Le prix de départ est de 20 000 $ ! Qui dit plus ?
Je m'étouffe avec ma boisson, et tousse comme une idiote. Les yeux écarquillés, je constate que quelques personnes autour de moi me dévisagent, et fais alors mine d'être sereine. Néanmoins, dans ma tête tout part en vrac. 20 000 $ ?! Mais c'est hors de prix !
Ironiquement, et comme pour répondre à ma surprise, les plaquettes se lèvent instantanément. Des prix faisant mal à ma carte bancaire fusent, et ma surprise s'estompe lorsque je me rappelle que toutes les personnes ici ne viennent pas du monde auquel j'appartiens. Je regarde autour de moi, et aperçois Ryan, assis à une table. Il est en compagnie de Monsieur Vass et d'autres personnes que je ne connais pas. Il y a aussi beaucoup de femmes. Bien évidemment, mon patron ne se retient pas de leur faire les yeux doux, et toutes tombent sous son charme.
Donc il essaye de m'embrasser, puis part draguer d'autres demoiselles ? Non, je me trompe. Il n'a rien essayé avec moi, c'est seulement mes hormones qui deviennent folles. Il a le droit de faire ce qu'il veut avec autant de femmes qu'il le souhaite, je ne vois pas pourquoi...
... ça me tiraille le cœur.
— Adjugé pour 30 000 $ !
Mon attention se retourne vite vers les enchères, et je fais les gros yeux en prenant une longue gorgée de champagne. Bordel de... ça fait beaucoup de billets, là. Lors de la seule vente aux enchères à laquelle j'ai participé, j'y ai acheté un grille-pain (cassé en plus). Cela me prouve alors davantage que je ne suis pas à ma place ici. Je me ratatine sur mon siège, et observe l'huissier continuer ses enchères, toujours plus chères.
Soudain, j'écarquille les yeux lorsqu'une une jeune femme passe sur scène. C'est une jolie blonde, portant une ravissante robe noire mettant en valeur ses fines gambettes. Elle lance un regard aguicheur à la salle. Un regard surtout destiné aux hommes. Mais que fait-elle sur scène ?
... attendez. Ne me dites pas que...
— Cette fois-ci ! Nous allons passer aux choses sérieuses... Qui serait prêt à payer une nuit de folie avec cette charmante jeune femme aux doigts de fée ? demande l'huissier en pointant du doigt la jeune femme.
C'est une blague ?! Comme pour encore plus me choquer, la blonde suce son doigt aux yeux de tous, et cela ne semble choquer personnes. Les femmes rigolent, et les hommes hurlent d'excitation. Je suis apparemment la seule choquée, comme s'ils étaient tous habitués à voir une femme se faire vendre pour du sexe de cette manière.
— Les enchères commencent à 1 000 $! Qui dit plus ?!
Alors là... Les plaquettes se lèvent encore plus vites qu'avant, avec plus de hargne et de détermination. Des prix affolants sont hurlés, et je prends quelques secondes pour vérifier s'il ne s'agit pas là d'une caméra cachée.
— Allez ! Soyez plus généreux ! Cette nuit sera inoubliable ! J'entends 3 000 $ ?!
Je balaye la salle du regard, et trouve indigne que des hommes soient prêt à...
... je me fige en voyant Ryan, la plaquette levée.
— Je dis 4 000 $ !
Nan mais c'est quoi cette blague ?! Donc le gars ne lève pas une fois sa plaque depuis le début des enchères, et dès le moment où une jolie femme pointe le bout de son nez avec la promesse d'une nuit de sexe, il fait valser les prix ? Je savais qu'il était du genre coureur de jupons, mais là...
... c'est trop pour moi.
Ce monde si différent du mien, ce faux baiser qui s'ensuit d'un Ryan flirtant avec d'autres femmes, cette vente aux enchères, et cette blonde...
... c'est trop pour moi.
Finalement, lorsque je vois Ryan se tourner vers son voisin, et se mettre à ricaner tel un gosse en matant le derrière de la blonde, je craque. Je me lève soudainement, soulève ma robe, et marche vers la sortie furieusement. Avant de sortir, je jette un dernier regard derrière moi, et aperçois Ryan qui me fixe d'un regard que je ne parviens pas à déchiffrer. L'esprit embrumé par le champagne ne m'aide pas.
Dans tous les cas, il reste un con.
Comment peut-on mettre en enchères ce genre de trucs, puis prétexter que c'est pour le bien de l'Afrique ?
Une fois en dehors de l'hôtel, je me mets à grelotter. Ça m'apprendra à ne pas prendre de veste ! Je frotte mes bras avec mes mains pour me réchauffer, en attendant qu'un taxi passe pour pouvoir le stopper.
— Julia ? fait une voix derrière moi.
Je sursaute, et mon sang ne fait qu'un tour. Ne me dites pas que c'est lui... En me retournant, je constate en fin de compte qu'il s'agit de Clark. Je soupire de soulagement et lui souris faiblement.
— Oh, Clark...
— Que faites-vous ici ? me demande-t-il d'une voix légèrement inquiète.
— Je... je veux rentrer.
— Comment ça ?
Vite un mensonge...
— Je... me sens mal.
En y réfléchissant, ce n'est pas tout à fait faux. "Je ne me sens pas à ma place" seraient les bons mots.
— Mais... Monsieur Alvarez est au courant ? me demande-t-il en se passant une main dans les cheveux.
Et merde.
— ... non.
Il hausse un sourcil. Il ne doit pas comprendre la situation, fidèle au Boss Alvarez qu'il est.
— Êtes-vous au courant que vous devez quitter la soirée avec lui ?
— Oui.
Il paraît d'autant plus surpris par mon ton. Il semble comprendre que je me fiche de cette éventualité.
— Mais du coup, comment comptez-vous rentrer ?
— En... taxi ?
Il se gratte le menton, réfléchissant. Je grelotte toujours, et même si je n'ai vu aucun taxi pour le moment, hors de question de retourner dans cette antre de riches.
— ... je ne sais pas si je peux vous ramener chez vous, étant donné que Monsieur Alvarez n'est pas au courant. Néanmoins, je ne peux pas vous laisser seule dans les rues de New-York si tard, qui sait ce qu'il pourrait se passer...
Quel gentleman.
— Ce n'est pas grave Monsi-... hum, c'est quoi votre prénom enfaite ?
— Max, me répond-il avec un grand sourire.
— Bien, ce n'est pas grave Max. Je sais me défendre, et puis je trouverais bien un taxi-
— Julia ! me hèle une voix dans mon dos.
Eh merde... Cette fois-ci, lorsque je me retourne c'est Ryan que j'aperçois. Il marche vers nous d'un pas rapide, les sourcils froncés.
— Tu peux m'expliquer ce que diable tu fais ici ?! me demande-t-il d'un ton furieux. Es-tu au courant que la soirée n'est pas terminée ?!
Il vient de me poser la même question que Max, mais pas de la même façon. Dans tous les cas, qu'il n'aille pas croire qu'il est le seul énervé ici. En soufflant un bon coup, je prends mon courage à deux mains :
— Je veux juste rentrer.
— Ah ouais c'est génial, mais est-ce que je t'y ai seulement autorisé ?! me demande-t-il sévèrement.
Mais... ce n'est pas mon père quand même ! Étonnement, même si Ryan m'impressionne toujours, je n'ai pas peur de lui. En temps normal, je serais déjà entrain de me faire dessus, alors que là je lui tiens tête. Cette simple pensée suffit à me donner le courage nécessaire pour lui dire :
— Non je sais, mais... je ne me sens pas bien. Et puis j'ai bien le droit de rentrer lorsque je le souhaite ! Ne vas pas croire que tu as tous les droits sur moi !
Le mélange alcool + colère me fait dire des choses impensables. J'en oublierai presque que c'est à mon patron que je m'adresse. Ryan devient rouge de colère, et serre les poings.
— Oh que si, j'ai tous les droits sur toi puisque je suis ton patron ! Et toi, tu es mon assistante personnelle ! Tu te dois donc de m'assister dans mon travail, qu'importe l'heure ou la situation !
Ah oui, donc son travail c'est se payer une pute, bien sûr.
— C'est moi qui te donne l'argent nécessaire pour vivre, donc je vais te demander de baisser rapidement d'un ton avant que je ne fasse quelque chose que tu pourrais regretter !
Cette phrase suffit à calmer ma colère. Bon, il a raison je ne devrais pas m'exciter de la sorte, et lui parler de ce ton. Néanmoins, ce n'est pas pour autant que je vais fléchir mes défenses ; c'est décidé, je rentre chez moi.
En voyant mon air déterminé, je sens qu'il veut s'énerver et me crier dessus. Mais étonnement, il s'abstient. Après quelques secondes d'hésitation, il se tourne vers Max qui nous fixe d'un air ahurit. Ça doit être la première fois qu'il voit un employé se rebeller de la sorte avec Alvarez.
— Clark, on y va, lui ordonne-t-il d'un ton exaspéré. On passera la ramener chez elle.
Max acquiesce d'un hochement de tête, et nous partons vers la limousine. Surprise, je fixe Ryan m'ouvrir la portière, alors que je pensais qu'il m'ordonnerai de revenir dans l'antre de riches. Je finis par rentrer dans la voiture, et mon patron y pénètre quelques secondes plus tard. Assis, je constate qu'il me fixe d'un regard que je ne saurais décrire, et je détourne rapidement les yeux. Je ne souhaite l'affronter. Max s'installe à sa place de conducteur, et nous partons.
Pendant le trajet, Ryan pose plusieurs fois son regard sur moi, et je parviens finalement à le décrire...
... c'est un regard exprimant colère, et admiration.
* * *
La limousine s'arrête devant mon appartement. Pendant un moment, l'habitacle est plongé dans le silence, et je finis par poser ma main sur la poignée.
— Je monte avec toi, m'informe Ryan d'un ton formel.
Je me tourne rapidement vers lui, choquée par ses paroles. Grossière erreur, car je recroise son regard gris.
— Q-Quoi ?!
Pourquoi veut-il venir avec moi ?
— Je t'accompagne seulement. Je ne compte pas rester.
N'ayant aucune excuse pour refuser, je souffle et ouvre la portière. Ryan en fait de même, et avant de sortir, se tourne vers Max :
— Attendez-moi.
Son chauffeur hoche de la tête, et nous partons en direction de mon immeuble. Seul le bruit de mes escarpins, et de la respiration de Ryan se font entendre. Lorsque j'ouvre la grille extérieure, je constate que le regard d'une brûlante froideur de Ryan est sur moi. Je sens la gêne affluer petit à petit en moi, jusqu'à arriver sur mes joues qu'elle fait rougir. Je ne comprends pas vraiment sa soudaine envie de monter avec moi, mais évite de me poser trop de questions.
Il veut juste m'accompagner jusqu'à ma porte, question de sécurité.
Nous montons les escaliers dans un silence pesant, et lorsque nous nous trouvons devant ma porte, je me tourne vers Ryan pour le saluer. Étrangement, il me regarde dans les yeux, comme s'il attendait quelque chose. En voyant que je ne bouge pas, il montre ma porte de la tête.
— Ouvre, m'ordonne-t-il.
Attends, il veut même venir chez moi ? Question sécurité, c'est assez poussé...
D'une main tremblante, j'ouvre ma porte et nous entrons. C'est avec horreur que je vois Ninja se ruer vers nous, et sauter sur Ryan. Oh non... Heureusement pour moi, Ryan sourit et le caresse avec tendresse.
— Euh... Je te présente mon chien... Ninja.
Ryan lâche un rire devant le nom de mon chien, mais ne fait aucun commentaire. Ninja laisse tranquille mon patron, et se dirige d'une drôle de marche vers sa gamelle. Alvarez observe les lieux, les mains dans les poches, et je ne sais pas quoi faire. C'est un peu irréel de le voir ici... Je jette mon sac sur mon canapé, enlève mes escarpins, détache mes cheveux qui tombent sur mes épaules et me tourne vers Ryan, les bras croisés.
— Alors ? lui dis-je.
Il se tourne vers moi et me dévisage. Ses yeux roulent un instant sur mes cheveux que je viens de détacher, et je rougis devant son insistance.
— Alors quoi ?
— Si tu es venu chez moi, c'est bien parce qu'il y a une raison, non ?
— Effectivement.
Il s'approche de moi, et par reflexe je recule. Mon geste le fait sourire pour une raison que j'ignore.
— Je suis ici pour connaître les vraies raisons expliquant ta soudaine envie de quitter si tôt le gala. Et sans mon autorisation.
— Je...
— Dis-moi si je me trompe... tu ne te sentais pas "mal", non ?
Je vois que je suis toujours aussi nulle en mensonge...
— ... tu as raison, avouai-je.
— Et alors ?
— J-je ne me sentais pas juste... pas à ma place.
Il fronce ses sourcils, intrigué.
— C'est-à-dire ?
— Je ne suis tout simplement pas du même monde que toi, Ryan. Toute cette richesse, et cette vente aux enchères improbable !
Je lâche un rire jaune.
— Ah, et qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? me demande-t-il, énervé. Tu n'es plus une enfant Julia, et m'accompagner dans mon travail est ton métier dorénavant. Je te pensais un peu plus mature, et j'arrive difficilement à croire que c'est seulement pour ça que tu es partie.
Je me tais car il a raison. Ce n'est pas pour ça que je suis partie, mais je ne peux l'admettre de mon propre grès. Malheureusement pour moi, Ryan semble comprendre. Il lâche un rire sarcastique, et j'ai littéralement envie de disparaître.
— ... C'est à cause de la fille, hein ?
Je plante mon regard dans le sien, pour le détourner de suite.
— Pas vraiment...
C'est faux. C'est littéralement ça qui m'a fait craquer. Ça et le voir flirter avec d'autres femmes, alors que quelques minutes auparavant, il essayait littéralement de m'embrasser.
Je ne comprends plus rien, je suis perdue.
Je ne sais pas si c'est juste moi qui m'imagine des choses, ou si j'ai raison.
J'invente donc une excuse bidon, même si elle est un peu vraie :
— ... tu m'as expliqué clairement que tu mettais tout ton argent, et toutes tes forces en jeux pour sauver les gens en détresse dans ce monde. Mais te voir agir de la sorte, et te voir dépenser 4 000 $ pour une nuit... je ne sais pas.
Il me dévisage, et s'approche encore plus de moi.
— Julia. Écoute, même si j'adore mon travail et la cause pour laquelle je me bats... eh bien, j'ai de l'argent, et j'en profite aussi ! Tu vas sûrement te dire que je ne suis qu'un connard, mais en soi, c'est ce que je suis. Je le sais, et je l'assume. 4 000 $ ne sont littéralement rien pour moi, et c'est même avec plaisir que je les dépenserai pour une partie de jambes en l'air.
Cette phrase me fait mal au cœur, et je baisse les yeux. Oh et puis merde, ce n'est pas mon problème, je ne devrais pas m'en mêler !
— Tu es jalouse ou quoi ?
Oui. Non. Je ne sais pas, putain. Je relève rapidement mon regard vers lui, rouge comme une pivoine, et croise son regard amusé. Bien évidemment, je compte nier ce que moi-même je ne sais pas.
— Mais non non non ! m'exclamai-je, ce qui le fait ricaner.
J'en ai marre, je me fais toujours avoir comme une idiote. Au moins, même si je suis extrêmement gênée, l'ambiance semble s'être détendue.
— B-bon. Oublions cette histoire, finis-je par dire.
Ryan se calme, et plante son regard dans le mien. Tandis que je le sens de plus en plus plonger en moi, je sens cette tension revenir. Mes jambes se mettent à trembler, et je vois son regard passer d'une brûlante froideur, à une ardente chaleur.
Pour cacher ma gêne, je me mords la lèvre inférieure en baissant le regard, et entends Ryan prendre une grande inspiration.
— Julia ? me murmure-t-il d'une voix à peine audible.
— Oui Ry-
Sans crier gare, il s'approche rapidement de moi, et ses lèvres s'écrasent brutalement aux miennes.
4957 mots / Relu et Corrigé
* * *
Salut les bébés poulpes ! 🐙❤️
Oooh ! Le premier baiser !
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