Partie 1 - Anabelle. Chapitre 1.
1er Septembre 2015
Je téléphone à Adam pour la quatrième fois, tout en sonnant à sa porte, et pour la quatrième fois, je tombe sur sa messagerie.
- Adam, si tu ne voulais pas qu'on se voit tu aurais peut-être pu me le dire avant que je bouge quand même ! Si jamais tu changes d'avis, appelle-moi.
Je raccroche brutalement et fais demi-tour pour rentrer chez moi. Je ne comprends pas ; sa voiture est dans l'allée et les volets sont ouverts. Il devrait être là.
En ouvrant la porte d'entrée de ma maison, mon frère m'accueille poliment.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu étais censée ne pas être à la maison je te rappelle.
- Pourquoi ? Tu comptais faire une fête ? le questionné-je en retirant mes chaussures.
- Avec Élise, ouais.
Je grimace face au sourire lascif de Thomas.
- Fais comme si je n'étais pas là. Je m'enferme dans ma chambre et je n'en sors plus ! m'exclamé-je en grimpant les escaliers quatre à quatre.
Élise est la petite amie de mon frère, et je l'aime beaucoup même si elle peut paraitre exubérante au premier abord. Mais mon frère est heureux, alors peu importe.
Une fois dans ma chambre, j'allume mon ordinateur. Le temps que ce vieil appareil se mette en route, je vais faire un tour sur les réseaux sociaux pour vérifier si Adam est connecté. Non pas que je le traque, mais j'aimerais seulement savoir ce qu'il se passe. Je ne vois aucune trace de lui. Je tape alors son prénom dans la barre de recherche et une fois encore, je ne le trouve pas. On a pourtant discuté hier soir. Je vérifie sur les autres sites, et ne le trouve nul part. Je lui envoie un message.
Moi : Tu t'es fait piraté tous tes comptes ou tu m'as simplement bloquée ?
Je commence à m'énerver. Mais plus encore, je ne comprends pas. On s'est vu hier après-midi et tout allait bien, alors qu'est-ce qui lui prend de me bloquer comme ça ? Je ne me souviens pas avoir dit ou fait quelque chose de mal.
Bien entendu, je ne reçois aucune réponse et rien n'indique qu'il l'a lu, contrairement à d'habitude.
Je laisse mon téléphone de côté après l'avoir mis sur sonnerie pour ne rater aucun message - si Adam se réveillait, évidemment - et démarre un épisode d'une série.
Je ne suis pas tellement concentrée sur l'épisode puisque mes pensées divaguent vers Adam et ça m'agace. Il m'agace !
***
Vers dix-huit heure, je décide de le rappeler mais tombe immédiatement sur sa messagerie. Adam n'éteint jamais son téléphone. C'est donc qu'il m'a bloqué ici aussi. Génial...
J'ignore totalement ce qu'il a, mais s'il fait la gueule, qu'il la fasse. J'irai le voir demain après-midi. Si toutefois il acceptera de venir m'ouvrir !
- Ana ! hurle mon frère en entrant dans ma chambre sans prendre la peine de frapper.
Surprise, je sursaute et fais tomber mon téléphone.
- Eh bien petite sœur, tu as des secrets à cacher pour sursauter comme ça ? rétorque-t-il en avançant dans ma chambre, les yeux rivés sur mon portable.
- Pas du tout, répliqué-je en attrapant l'objet avant lui.
Il fronce les sourcils.
- Je ne suis pas très convaincu...
- Je m'en fiche. Qu'est-ce que tu veux ?
- Papa m'a demandé d'aller faire des courses, capitule-t-il en soupirant. Tu viens avec moi ?
- Il t'a dit que je devais venir ?
- Non, mais je ne veux pas y aller tout seul. C'est chiant.
Sous son regard de chien battu, je baisse les armes et le suis jusqu'à sa voiture après avoir éteint mon ordinateur.
- Prête pour demain ? me questionne Thomas en s'attendant probablement à ce que je lui réponde le sourire aux lèvres en sautant de joie.
Je soupire de lassitude. Comment pourrais-je être surexcitée à l'idée de reprendre les cours le lendemain ? C'est impossible. D'autant plus impossible que ça perturberait sans conteste ma relation avec Adam. J'en suis certaine, et j'appréhende beaucoup le moment où il se rendra compte que j'ai deux ans de moins que ce que je lui avais dit plusieurs semaines auparavant. Ce n'était que deux années après tout, pas de quoi en faire tout un plat, pas vrai ? Ce serait le cas si ces deux années en question ne changeaient pas mon statut, passant de majeure à mineure...
Un mois que je sors avec Adam et je n'ai toujours pas trouvé le courage de le lui dire. Si je ne le fais pas, il s'en rendra compte lui-même et ce sera pire. Et plus je repousse ce moment, plus il sera en colère. C'est ce que je redoute beaucoup. J'ai peur qu'il le prenne mal et qu'il me fuit. Qu'il m'abandonne. Je n'ai que dix-sept ans et lui vingt-trois. Il aurait des raisons de fuir, non ?
- Oh ça va, je plaisantais, protesta Thomas devant mon absence de réponse. Je me doute que tu préfères les vacances.
- Exactement.
- Aller, plus qu'une année et tu pourras sortir de là.
- Facile à dire pour toi. Tu as finis depuis très longtemps !
- Je ne suis pas si vieux, tu es au courant ?
Il s'en suivie une dispute très puérile sur l'âge très avancé qu'a mon frère. Il n'a que vingt ans, et en soit, ce n'est pas énorme, mais j'aime le taquiner là-dessus, tout comme il adore me prendre pour une gamine.
Arrivés au supermarché, on parcourt chaque rayon pour acheter ce que nos parents souhaitent et je ne cesse de jeter des coups d'œil à mon téléphone. L'attitude d'Adam commence un peu à me faire peur et je me demande de plus en plus ce que j'ai pu faire de mal pour qu'il coupe tout contact du jour au lendemain. Ou alors, il a eu vent, par je ne sais quel moyen de mon petit mensonge. Mais c'est impossible, il ne connait pas mes amis.
- Tu attends un message ? me questionne Thomas en arrivant à la caisse.
- Oui. Lisa ne m'a pas répondu depuis tout à l'heure.
Je suis obligée de mentir ; mon frère, comme tout autre personne de mon entourage, ne sait rien de mon petit-ami. Thomas le tuerait probablement s'il savait. Et me tuerait moi ensuite.
On termine donc de faire les courses et on retourne chez nous, où ma mère est rentrée et est en train de faire la cuisine. Je l'embrasse rapidement et remonte dans ma chambre pour me jeter sur mon lit. Quelques minutes plus tard, mon portable vibre, me faisant faire un bond phénoménal. Je me dépêche de le déverrouiller dans l'espoir de voir un message d'Adam, mais ma déception prend le relai. Ce n'est que Lisa qui me demande si je prends le bus demain matin.
***
Mon réveil sonne trop tôt ce matin. Bien trop tôt. Et mon portable n'affiche aucun message, ni aucun appel, comme je m'y attendais, mais je me résigne tout de même à me lever. Après une douche rapide, je me retrouve attablée, seule, dans la cuisine pour mon petit déjeuner.
Quand je reçois le message de Lisa, je me dépêche d'enfiler mes chaussures et la rejoins devant chez moi. Elle est accompagnée d'Andréa, sa petite sœur, qui fait son entrée au lycée.
- Ana ? m'interpelle Lisa alors qu'on prend le chemin pour aller à l'arrêt de bus.
- Oui ?
- Tu as dormi cette nuit ? Tu as des cernes immenses.
- Pas vraiment. Mais merci de souligner ce détail ! dis-je en me feignant d'un sourire hypocrite.
- Je t'en pris, sourit-elle gracieusement.
Le bus est bondé de lycéens surexcités ce matin. Dès sept heure et demi, ce n'est pas humain. Andréa retrouve une de ses amies, et je reste avec Lisa. Toutes les deux, on ne prend les cours qu'à dix heure, mais elle voulait être là pour la rentrée de sa sœur, alors en bonne amie que je suis, je lui tiens compagnie.
Une fois au lycée, Andréa, qui paraissait très détendue jusqu'à maintenant, commence à stresser. Elle ne connait aucun nom sur la liste affichée devant elle, et mon amie a fait une grimace peu aimable en entendant le nom de son professeur principal.
- Qu'est-ce qu'il a ce prof ? demande-t-elle affolée.
- Ce n'est rien, la rassuré-je. Il est seulement un peu sévère.
- Un peu ? s'exclame Lisa. On n'a pas dû avoir le même prof alors !
- Vas-y, effraie encore un peu ta sœur ! Elle va finir par partir en courant.
Je soupire et me tourne à nouveau vers Andréa.
- Elle dit ça parce qu'elle ne faisait jamais ses devoirs, alors forcément, il ne l'aimait pas tellement. Mais t'es plus intelligente qu'elle alors ça devrait le faire, lui souris-je en lui faisant un clin d'œil.
Lisa marmonne quelque chose dans mon dos et je la tire par le bras pour qu'elle nous suive jusqu'à la salle de sa sœur.
- Tu es vraiment stupide, fis-je à l'adresse de mon amie en redescendant les escaliers après avoir déposé Andréa.
- Oui bon ça va. Ce n'était pas la peine de m'afficher devant elle non plus.
- Ce n'est pas comme si elle était du genre à cafter à ta mère.
- Ce n'est pas une raison.
Elle me tire la langue de façon puérile et on sort du lycée pour aller boire un café. Une fois assise, j'en profite pour vérifier à nouveau mon téléphone. Toujours rien. Je décide de lui renvoyer un message pour voir si, par le plus grand des hasards, il m'aurait débloquée, mais comme hier, le texte n'arrive pas à destination. Je soupire de lassitude.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me questionne Lisa.
- C'est la rentrée, que veux-tu qu'il y ait ?
- Ouais, c'est vrai.
Le serveur dépose nos boissons et repart en direction du bar.
- Malaury nous rejoint dans une heure, m'indique la blonde qui parait bien trop excitée à l'annonce de cette information.
- Génial, rétorqué-je sans en penser un mot.
- Vous allez vous faire la gueule encore longtemps ? On dirait deux gamines.
- Elle a couché avec mon ex alors que, je te le rappelle, je sortais toujours avec ! m'exclamé-je indignée.
- Et alors ? Tu savais qu'il allait te larguer de toute façon. Et puis c'était il y a des mois. Il y a prescription.
- Ce n'était pas une raison pour lui sauter dessus, bougonné-je.
- Tu es toujours amoureuse de lui ?
Elle me défie du regard. En fait, je me fiche complètement qu'elle sorte encore avec lui à l'heure d'aujourd'hui, mais c'est seulement par principe. Je sortais avec Théo, et il m'a trompée avec elle, qui était censée être mon amie, soit dit en passant. Je n'ai que faire de lui aujourd'hui puisque je sors avec Adam - du moins ; c'était le cas hier encore - mais elle n'avait pas à faire ça. Et le fait que Lisa la défende m'exaspère.
- Non, lâché-je froidement. Et le sujet est clos.
- Ana, tu...
- C'est bon ! m'écrié-je. Arrête un peu de la défendre !
- Tu parais bien énervée aujourd'hui.
S'il y a bien une chose à ne pas dire à quelqu'un qui s'énerve, c'est bien ça. Oui je suis énervée. Adam ne me répond pas, je ne sais pas pourquoi, je vais bientôt devoir tout lui dire sur mes mensonges et ça me fait peur, et en plus de ça, il est huit heure du matin, il fait déjà beaucoup trop chaud, et c'est la rentrée. Comment ne pas en avoir assez !
Je ne lui réponds pas et regarde encore une fois mon téléphone. Je devrais l'éteindre, ça reviendrait au même. Ça ne fait que m'inquiéter de plus en plus.
- J'espère qu'on sera dans la même classe, continue Lisa comme si rien ne s'était passé.
- Mmh.
J'ai beau ne pas émettre le moindre sentiment de joie à cette idée, je suis de son avis. Ca fait déjà deux ans qu'on est ensemble en cours, alors je ne voudrais pas que ça change. Même si parfois, elle peut être insupportable. Comme aujourd'hui, par exemple.
- On ne s'est pas beaucoup vues pendant ces vacances, ajoute-t-elle.
- Tu te demandes pourquoi ? lancé-je en relevant le nez de ma tasse.
Ce à quoi elle répond par un soupir qui s'apparenterait à du désespoir. Toutefois, je m'en veux un peu de lui faire ces reproches. Certes, elle avait passée presque toutes ses vacances avec Malaury que je ne voulais pas voir. Mais pendant ce temps, j'étais avec Adam, et elle n'en savait rien. Elle ignore que j'ai un petit ami, et si elle l'apprend par quelqu'un d'autre que moi, elle me décapitera. Il faudra que je lui dise un jour ou l'autre, mais j'ai peur de sa réaction sur mes mensonges.
Quelques dizaines de minutes plus tard, on ressort du café pour rejoindre Malaury devant le lycée, main dans la main avec le beau brun dont j'avais cru être tombée amoureuse. J'avais cru, quand je sortais avec lui, que je l'aimais. Mais depuis quelques semaines, je connais ce que c'est d'aimer quelqu'un profondément, et ça n'a jamais été comme ça avec Théo.
Même s'ils m'insupportent autant l'un que l'autre, je leur fais la bise par politesse et on se dirige vers les listes de noms des classes de Terminales scientifiques. On est tous les quatre dans la même filière. Et dans la même classe, visiblement. Que pourrais-je demander de mieux !
- Par contre, je ne connais pas le nom de notre prof, ajoute Lisa.
- C'est un nouveau. Il remplace le prof de maths qu'on avait l'année dernière, nous apprend Malaury.
- Comment tu sais ça ? demande mon amie.
- Je l'ai entendu en parler avec le proviseur à la fin de l'année dernière. Apparemment c'est un jeune qui le remplace. J'espère qu'il est mignon ! s'exclame Malaury en riant.
Cette remarque lui vaut un regard noir de son petit ami.
- Ça va mon chéri, je plaisante, répond-elle avant de l'embrasser sur la joue.
Je soupire discrètement.
- Bon, on y va ? les questionné-je. Je ne veux pas me retrouver au premier rang.
Sans attendre leur réponse, je me dirige vers les escaliers et grimpe jusqu'au deuxième étage pour aller dans la salle deux cent douze. Quelques élèves attendent déjà devant et la porte est grande ouverte sur une salle de classe vide. Théo passe la tête dans l'encadrement de la porte et demande si on peut entrer. Je n'entends pas la réponse du prof, mais Malaury le suit dans la salle, Lisa aussi, alors je fais de même. Tous les autres entrent après moi.
Les tourtereaux prennent place sur le dernier rang côté fenêtre et Lisa m'entraine vers les deux tables devant eux. Je m'installe donc du côté de l'allée.
Devant nous, deux garçons qui étaient dans ma classe l'année précédente et avec qui je trainais souvent s'installent et tournent leur chaise vers nous pour discuter. Ils nous parlent de leur vacances respectives et un brouhaha insupportable prend de plus en plus d'ampleur dans la salle. Des rires, des cris, des voix, des raclements de chaises, de tables, la porte de la salle qui claque et le prof, qui interrompt tout ça après quelques minutes.
- Silence s'il vous plait !
Sa puissante voix instaure le silence demandé en seulement quelques secondes. Mais le silence n'est présent que dans la salle. Dans mon corps, c'est le carnaval de Rio. Ma respiration se bloque, mon cœur s'affole et bat à une vitesse hallucinante, mon épiderme se recouvre de chaire de poule, faisant hérisser les poils de mes bras. J'ai froid, j'ai chaud, je tremble. Je sens une goutte de sueur couler le long de ma nuque, mes joues doivent être écarlates et mes mains sont crispées au rebord de la table.
Je n'ose pas lever les yeux. Je connais cette voix. Je la connais trop bien.
C'est impossible. Il ne peut pas être là. Il ne doit pas être là. Comment le pourrait-il ?
Je sais que c'est lui. J'en suis sûre. J'ai entendu sa voix pratiquement chaque jour du mois dernier. Que fait-il là ?
J'ai peur. Peur d'avoir raison. Et je le sais que j'ai raison. Je ne peux pas me tromper là-dessus. Encore moins quand la phrase suivante parvint jusqu'à mes oreilles.
- Bonjour à tous, je suis Monsieur Chorlay, votre professeur principal et professeur de maths.
Chorlay. Adam Chorlay. Celui avec qui je parle depuis presque deux mois. Celui qui est mon petit ami depuis le mois dernier. Celui qui ne donne plus signe de vie depuis hier. Celui que j'aime. Celui dont je suis tombée raide dingue amoureuse.
Je me fais violence et finis par lever les yeux.
Mon cœur se brise. Il explose et disparait de ma poitrine quand je pose les yeux sur lui. Quelqu'un vient de le faire éclater en mille morceaux. J'ai mal. Mes yeux me brûlent. J'ai envie de pleurer.
Il est là, devant moi. Adam est debout dans cette salle de classe, entre le tableau blanc et les rangées d'élèves qui l'écoutent attentivement. Il est debout à la place du professeur et parcourt la salle du regard tout en parlant. Ses lèvres bougent, mais aucun son n'en sort. C'est le silence complet autour de moi. Je n'entends plus rien, je ne comprends plus rien. C'est le néant total autour de moi.
Il ne m'accorde pas un seul regard, même accidentel mais il sait que je suis là. Je le sens. Il évite de tourner la tête vers le fond de la classe, à droite, là où je suis. Il sait.
C'est finit. Un mois de relation vient de voler en éclat.
Il aura fallu un seul après-midi pour que je tombe amoureuse de lui, et moins d'une minute pour tout détruire.
Plus de nous.
Définitivement.
J'ai mal.
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