Chapitre 8 : Adam.

Lorsque j'entre dans ma chambre, Anabelle est debout, seulement vêtue d'un tee-shirt comme quelques minutes auparavant et mon frère est face à elle. Quand je remarque que des larmes coulent sur ses joues, je me précipite vers elle dans l'intention de la prendre dans mes bras, mais elle repousse mes mains lorsque je les pose sur ses joues. Je fronce les sourcils, perdu.

- Qu'est-ce que...

- Tu le savais ? me coupe-t-elle d'un ton accusateur que je n'aime pas.

- Je savais quoi ?

Elle s'essuie rageusement les yeux et croise les bras sur sa poitrine en baissant la tête. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, puis je me souviens que mon frère est là, lui aussi.

- Qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogé-je brutalement.

- J'habite ici depuis quelques mois, je ne sais pas si tu es au courant.

- Tu m'as dit que tu restais chez Émilie ce week-end.

- Il y a eu un problème chez elle. Ses parents se sont engueulés alors on est venu ici.

Je bloque alors sur un terme de sa deuxième phrase. Un seul.

- On ? répété-je en haussant les sourcils.

Mon frère hoche la tête et je comprends alors ce qu'il se passe. Je croise à nouveau le regard d'Ana empli de déception, de colère et aussi de peur. Et merde...

- Oui, elle est là, s'exclame-t-elle énervée. Oui, je l'ai vue. Et elle aussi au passage. Donc elle est au courant maintenant. Mais ça, tu le savais déjà, n'est-ce pas ?

Je ne réponds pas, mais elle comprend parfaitement.

- Oui tu le savais, rit-elle nerveusement avant de passer à côté de moi en me bousculant volontairement. Bien sûr que tu le savais.

Je la laisse sortir de la pièce et j'entends la porte de la salle de bain claquer juste après. Je soupire et me passe les mains sur le visage avant de faire face à mon frère.

- Je t'avais dit qu'Ana venait ce week-end, Stef. T'aurais pu me prévenir, merde !

- Je pensais qu'elle venait la semaine prochaine ! Excuse-moi, j'ai mal compris.

- Ouais t'as mal compris, marmonné-je. Maintenant elle va flipper, putain.

- Je suis désolé, s'excuse à nouveau Stef.

- Tu fais chier, sérieux ! m'écrié-je en sortant de la chambre.

Je vais jusqu'à la salle de bain et appuie sur la poignée de la porte, qui est fermée. Bien entendu.

- Ana, ouvre s'il te plait.

Je toque à la porte et agite la poignée en répétant les mêmes mots. Ça dure cinq bonnes minutes et je commence vraiment à m'énerver, mais elle sort enfin en ne m'adressant même pas un regard et rejoins ma chambre.

- Ana, écoute-moi.

- Pourquoi ? s'écrit-elle en enfilant son pantalon. Pour me dire que tu n'étais pas au courant ? Ne me mens, Adam. J'ai vu le regard d'Émilie. Elle n'était pas surprise et elle savait pour nous deux. Je t'interdis de me mentir.

- Oui j'étais au courant, confirmé-je.

Elle m'offre un sourire faux et d'autres larmes s'échappent de ses yeux.

- Génial ! Tu ne mens pas aujourd'hui ! J'en ai de la chance, contrairement à ces derniers jours. Je croyais qu'on avait dit qu'il n'y aurait plus de mensonges ?

- Je n'ai pas...

- Menti ? m'interrompt-elle. L'omission c'est aussi du mensonge, Adam. Tu sais où ça nous a menés toutes ces conneries. On s'en ai mordu les doigts pendant un bout de temps et ça ne t'a pas suffit ? Tu recommences ?

Elle se tourne dos à moi et retire son tee-shirt avant d'attraper son soutien-gorge. Je sens que ça commence à dégénérer et j'ai peur de ne pas pouvoir gérer la situation. J'ignorais qu'elle allait s'emporter à ce point mais je vois qu'elle est très remontée et je ne sais pas trop comment gérer ça. Elle n'a jamais été en colère à ce point.

- Si je ne te l'ai pas dit, c'était pour ne pas te faire peur.

Je la regarde enfiler un tee-shirt, puis un pull, et elle reste là, devant moi, mais dos à moi. Ses bras le long de son corps tremblent légèrement et je sais qu'elle est en train de pleurer. Je déteste la voir pleurer et je déteste en être la cause. Je m'étais juré de ne plus la faire pleurer, et voilà que ses larmes coulent à nouveau à cause de mes conneries.

Je m'approche d'elle et pose ma main sur sa taille, la faisant sursauter au passage. Voyant qu'elle ne me repousse pas, je pose ma deuxième main de l'autre côté et colle mon torse contre son dos pour la serrer contre moi.

- Je suis désolé, murmuré-je en déposant un baiser sur son cou. J'avais peur que tu paniques, comme j'avais paniqué quand tu m'avais appris pour Théo. Émilie est fiable. Je te promet qu'elle ne dira rien.

Elle renifle bruyamment et pose ses deux mains sur les miennes. Elle caresse le dessus de mes mains avec ses doigts et laisse retomber sa tête contre moi. Lorsque je me dis que cette dispute désagréable est enfin terminée, elle chuchote quelques mots, pratiquement inaudibles.

- Je ne peux plus.

Mon cœur rate un battement par peur d'avoir compris ce que ça voulait dire. Je dois me tromper. Elle parle d'autre chose, mais de quoi ? Bonne question.

- Qu'est-ce que tu ne peux plus ?

Ses doigts se resserrent autour des miens avant qu'elle ne réponde, toujours à voix basse.

- Théo. Ta mère. Émilie. Ce sera qui après ?

Non non non ! Tais-toi, Ana !

- Je ne peux plus, Adam. J'ai beaucoup trop peur.

Ce n'est qu'un murmure mais je l'ai entendu. Distinctement. Et il résonne pendant de longues secondes dans ma tête, désormais vide de toutes pensées cohérentes. Mes bras retombent le long de mon corps, comme si le sien me brûlait soudainement, et je m'éloigne d'un pas. Anabelle se retourne quelques instants plus tard et ce que je vois me détruit totalement.

- Tu abandonnes alors ? l'accusé-je calmement. Déjà ?

- Non, sanglote-t-elle en secouant la tête.

- Si, Ana. Tu es en train de me quitter en douceur.

- Non je...

Je n'ai pas besoin de l'interrompre, elle le fait elle-même lorsqu'elle se rend compte qu'elle me ment.

- Je t'ai connue plus courageuse.

- Ça n'a rien à voir avec du courage. J'ai peur, Adam. Est-ce que tu le comprends ?

- Oui je le comprends ! m'exclamé-je en m'arrachant littéralement les cheveux. Je suis impliqué alors bien sûr que je comprends ! Moi aussi j'ai peur, Ana. Moi aussi je panique. Mais on va y arriver. C'est toi qui l'a dit.

- J'en suis plus si sûre.

Je soupire et me retiens tant bien que mal d'exploser.

- Dis moi que c'est une blague !

Elle ne dit rien et esquive mon regard. Alors j'explose.

- Putain, non ! T'as pas le droit, Ana !

- Je suis désolée...

- Désolée ? crié-je. Tu te fous ma gueule ? Je me suis ouvert à toi, j'ai tout risqué pour toi, je t'ai parlé de Cassandre, je t'ai parlé de moi, je t'ai dit que je t'aimais, bordel ! Et toi, tu me jettes comme ça ?

- Je ne te jette pas Adam ! Je t'aime !

- Tu m'aimes mais tu me quittes.

Elle secoue lentement la tête de droite à gauche. Je ne tente même pas de dissimuler ce que je ressens. Je n'ai plus envie de porter un masque en sa présence. Même quand elle me détruit de la sorte. Elle a décidé de se venger de tout ce que je lui ai fait subir, seulement maintenant ? Eh bien c'est réussi.

- Je te quitte parce que je t'aime, dit-elle d'une voix chevrotante.

C'est la meilleure, ça ! Je t'aime alors casse-toi ? Eh bien soit. Qu'elle fasse ce qu'elle veut. Je suis fou d'elle mais je ne vais pas non plus me mettre à genoux pour la supplier. J'ai déjà donné pour la faire revenir auprès de moi, je ne peux pas plus.

- Ok, lâché-je difficilement.

Ses paupières se ferment automatiquement et d'autres larmes s'échappent des ses yeux. Je sais qu'elle souffre en ce moment, mais je ne peux pas la réconforter. C'est impossible. Elle me fait beaucoup trop de mal. Mais pourquoi me larguer si ça lui fait aussi mal, putain ? C'est totalement incohérent !

- Adam...

- Arrête, la coupé-je en baissant la tête. Va-t'en.

Elle ne m'obéit pas et me percute de plein fouet, entourant mon cou de ses deux bras pour nicher son visage contre moi et sangloter fortement. Je ne parviens même pas à la serrer contre moi. Mes bras restent ballants, le long de mon corps.

- Je t'aime, Adam, pleure-t-elle bruyamment. Je t'aime de tout mon coeur. Je te le jure.

Alors pourquoi tu te barres ! Merde. Je n'arrive même plus à bouger, ni même à parler tant c'est douloureux.

Elle se recule légèrement et s'empare de mon visage à deux mains. Ses yeux verts, et rouges désormais, sont rivés aux miens. Ils me supplient, m'implorent, m'aiment. Je le sais. Je sais qu'elle m'aime. Mais je ne comprends pas ce qu'elle fait !

- Attends-moi. Attends-moi, Adam. Le trois juillet, j'aurai mon bac. Attends-moi jusque là. Je t'en prie.

Non. Je n'ai pas envie d'attendre, je n'ai pas envie de recommencer comme avant. Merde Anabelle ! On était bien, non ? Tout était parfait, pourquoi tu lâches tout comme ça ? Pourquoi tu abandonnes ?

- Moi je t'attendrai. Je te le promet. Et le trois juillet, on pourra de nouveau être ensemble, d'accord ? Le trois juillet, on recommencera tout, depuis le début, et cette fois, on aura le droit d'être ensemble. Tu ne risqueras plus rien et on pourra s'aimer. En toute légalité.

Je me contrefous de cette putain de légalité ! Je te veux toi ! Toi et puis c'est tout !

- Dis-moi que tu m'attendras, me supplie-t-elle encore.

Et moi, je la regarde simplement, sans rien dire, sans bouger, sans même cligner des yeux. Je bloque totalement.

Elle me sourit tendrement à travers ses larmes et fait remonter ses deux mains dans mes cheveux. Je ne parviens même pas à me réjouir de ce contact. Je n'arrive même pas à sentir cet agréable frisson qui me parcours d'habitude. Tout a disparu et elle aussi, bientôt. Elle emporte mes émotions avec elle.

- Moi je t'attendrai.

Elle dépose ensuite un baiser sur mes lèvres, simple et chaste. Je ne ressens pas la chaleur de ses lèvres, ni la saveur de sa bouche. Pourtant j'aimerais ! J'aimerais ressentir ce doux contact étant donné que c'est le dernier qu'elle accepte de m'offrir. Le dernier. Et je n'en profite même pas.

- Je t'aime, murmure-t-elle contre moi.

Puis elle s'écarte, recule, prend ses affaires et quitte ma chambre. J'entends les marches de l'escalier craquer, la porte d'entrée claquer et mon cœur se briser. Ça y est, elle m'a quitté. La seule femme que j'ai laissé entrer dans ma vie, la seule qui puisse me comprendre, la seule que j'ai réellement aimée... Elle est partie. Envolée. Je l'aime, je lui ai ouvert mon cœur, et elle est partie avec.

Il y a quelques semaines, j'étais celui qui pétait un plomb lorsque j'ai appris que son ex était au courant. Et là, maintenant que la copine de mon frère sait, c'est la fin du monde ? J'ai largement plus confiance en elle qu'en l'autre abruti ! Alors pourquoi elle abandonne comme ça ? J'ai fait quelque chose de mal ? Probablement... Elle ne peut pas me quitter seulement pour ça.

Je fais quoi maintenant, moi ? Je suis là, comme un con, les bras ballants et le cœur en miettes, au milieu de ma chambre désormais vide. Tout allait bien hier, tout était parfait ce matin, alors d'où vient ce revirement de situation ? Je me reprends enfin après de longues minutes lorsque je comprends la raison de cette rupture, et la colère m'envahis totalement. Entièrement. Elle prend possession de tout mon être, me contrôle. Moi, je ne contrôle plus ce que je ressens.

Tout ça à cause d'une seule et unique personne. Un seul abruti qui ne peut pas s'empêcher de déjouer mes ordres et de n'en faire qu'à sa tête.

Je cligne enfin des yeux et sort de ma chambre pour entrer dans celle attenante. La porte claque contre le mur, je crois que j'entends quelque chose tomber au sol mais je m'en fiche. Je me précipite sur mon frère, l'attrape par le col de son tee-shirt et le plaque brutalement contre un mur.

- Espèce de...

- Non ! hurle Émilie en tentant de se mettre entre lui et moi. Ce n'est pas de sa faute ! C'est moi, Adam. Je ne supportais plus que mes parents s'engueulent alors je lui ai demandé si on pouvait venir ici. Tout est de ma faute, ne t'en prend pas à lui, s'il te plait.

J'entends ses paroles mais je ne bouge pas d'un poil. Stef non plus. Nous nous jaugeons du regard. Le mien se fait dur et froid, le sien est désolé. Ma mâchoire se crispe, mon poing libre se resserre fortement. Je meurs d'envie de le frapper, de me défouler, de me libérer, mais je sais au fond de moi qu'il n'y est pour rien. Je sais que ce n'est pas de sa faute. Si Ana ne l'avait pas appris aujourd'hui, elle l'aurait su un autre jour.

La colère disparait aussi subitement qu'elle est apparue et une douleur atroce prend sa place. J'ai mal. Putain j'ai mal ! Cette même douleur que j'avais ressenti lorsque j'avais cru qu'elle s'était foutu de ma gueule, en septembre, mais en cent fois pire. Mille, dix mille, cent mille fois pire.

- Elle est partie, avoué-je à mon frère.

En prononçant ces mots, je me rends compte que c'est encore plus douloureux. Je me rends compte que c'est vrai, qu'elle m'a vraiment quitté et qu'elle ne reviendra pas. Et quelque chose de nouveau se produit en moi. Quelque chose qui ne s'est pas produit depuis des années et qui ne m'avait pas manqué.

Ma vision se trouble.

- Elle reviendra, murmure mon frère.

Je le relâche enfin et me rends compte qu'il n'a pas esquissé le moindre geste pour m'empêcher de m'en prendre à lui. Il a simplement subit ma colère. Il n'aurait même pas tenté de riposter si je l'avais frappé.

- Qu'elle revienne, lancé-je. Je n'en ai plus rien à foutre.

Je ne le laisse pas répliquer et encore moins voir cette seule et unique larme couler sur ma joue ; je sors de sa chambre et retourne dans la mienne. J'attrape mes clés de voiture, dévale les escaliers et m'éloigne le plus loin possible de cette ville. Le plus loin possible d'elle.

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