Chapitre 7 : Anabelle.

J'ai peur. J'ai peur d'être vue, d'être reconnue, de faire quelque chose de mal, de dire quelque chose qu'il ne faut pas. De tellement de choses ! Et principalement de gâcher cette soirée à laquelle il tient tant. J'aimerais croire en lui, en nous. Mais je ne peux empêcher le stress de grimper progressivement en moi et la panique de m'envahir. C'est difficile de gérer tout cela, mais j'aimerais lui faire plaisir. Essayer de me détendre et savourer cette soirée entre nous. Parce que ce sera la seule avant quelques mois, je veux profiter au maximum.

- Quoi ?

Je tourne la tête vers Adam qui vient d'ouvrir la bouche et je fronce les sourcils sous son intonation exaspérée.

- Tu ne fais que soupirer depuis tout à l'heure et c'est assez agaçant ! me fait-il remarquer alors que je ne m'en étais même pas rendue compte.

- Désolée...

C'est alors à son tour de soupirer et il se tourne vers moi en s'arrêtant à un feu rouge.

- Je sais que je t'ai un peu forcé la main parce que je tiens beaucoup à cette soirée... Mais si tu veux vraiment que je fasse demi-tour, tu dois...

- Non. J'en ai envie, le coupé-je avant de rire doucement : Je panique seulement un petit peu.

- Moi aussi, crois moi, sourit-il avant démarrer et de poser sa main sur ma cuisse.

- Ah oui ? m'exclamé-je surprise.

- On est bientôt arrivé.

Je lui souris et serre sa main dans la mienne.

Il se gare quelques minutes plus tard et se tourne vers moi après avoir enclenché le frein à main. Ses mains encadrent mon visage et il s'approche de moi.

- Tu es prête ? murmure-t-il tout contre mes lèvres.

Je hoche la tête et l'embrasse amoureusement, puis nous sortons de la voiture et nous nous dirigeons vers l'entrée d'un restaurant d'une petite ville, bien éloignée de la nôtre, main dans la main. C'est étrange d'être à l'extérieur de sa maison et de ne pas être obligé de se tenir loin l'un de l'autre, mais c'est loin d'être désagréable. Au contraire !

En entrant dans le lieu de notre rendez-vous, je me rends compte que je meurs de faim. Cet endroit n'a rien d'un restaurant chic et gastronomique et ça m'arrange. Nous sommes dans une ville dont je ne connais même pas le nom, le lieu est calme et donne envie d'entrer. J'ai envie d'entrer. J'ai envie de dîner dans ce restaurant avec mon petit ami. Comme si nous étions un couple tout ce qu'il y a de plus normal. Il a raison, ça ne peut pas nous faire de mal.

J'entrecroise ses doigts avec les miens, prends une grande inspiration et lui souris sincèrement.

Lorsque nous passons la porte d'entrée, une femme d'une cinquantaine d'années, habillée de façon plutôt décontractée nous accueille chaleureusement.

- Une table pour deux ? nous questionne-t-elle, le sourire aux lèvres.

- Oui, s'il vous plait, répond Adam. Une table un peu reculée et à l'écart, si c'est possible.

- Bien sûr. Suivez moi.

Nous marchons derrière elle jusqu'à une table, tout au fond de la salle.

- Je vous apporte le menu.

Elle disparait quelques secondes et revient avec deux cartes qu'elle nous tend. Adam la remercie alors que j'observe la pièce où nous sommes.

C'est un petit restaurant, d'une douzaine de tables, dont seules six ou sept sont occupées. Une, par un couple de personnes âgées, une autre par ce qui me semble être une famille, et les autres par des personnes toutes plus âgées que nous deux. Et le plus important de tout : je ne connais aucun de ces individus. Je suis tellement soulagée.

- Ça te plait ? me demande Adam.

- Oui, souris-je. Beaucoup. Tu as très bien choisi.

- Tant mieux. Je suis venu ici avec ma mère cet été, avant de venir emménager près de chez toi. On s'était arrêté manger un morceau sur le chemin pour aller dans ce qui allait être ma nouvelle maison. Je me suis dit que c'était assez éloigné.

- Ça l'est. Et j'ai très faim !

Il s'esclaffe et me montre le menu d'un signe de tête.

- Dis-moi ce que tu choisis alors.

Je commence à lire les plats proposés et constate que ce ne sont que des choses simples et que rien n'est sophistiqué. Et ça me plait plus que bien.

Nous passons ensuite la commande et nous discutons paisiblement. J'en viens même à oublier de regarder autour de moi toutes les trois minutes. Je parviens à être détendue et j'en suis très heureuse.

- Tu ne regrettes pas, finalement ? demande Adam avec le sourire.

- Non, pas du tout.

- Ce n'est pas l'endroit parfait pour un rendez-vous, je le sais, mais...

- Si c'est parfait, le coupé-je en prenant sa main dans la mienne par dessus la table. Je n'aime pas vraiment les endroits où une tenue vestimentaire précise doit être appropriée.

Il hausse les sourcils, amusé.

- Moi non plus, je t'assure. Je suis vraiment content que tu apprécies alors. Je ne suis jamais vraiment sûr de moi lorsqu'il s'agit de nous deux, tu le sais. Et jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai entrepris n'a pas foiré. Enfin presque, ajoute-t-il en riant. C'était dur de te convaincre, mais je te remercie de m'avoir fait confiance.

Je ne m'étais pas rendue compte à quel point il était stressé et angoissé à l'idée de passer une soirée tous les deux. A l'idée d'agir comme un couple. Il est vrai qu'il n'a jamais été en couple depuis ses dix-huit ans, alors ça doit lui paraitre bizarre d'être avec une fille, ailleurs que dans un lit. Et surtout d'être amoureux. Il fait des efforts énormes et je lui en suis très reconnaissante.

Lorsque nous étions ensemble, cet été, c'était encore différent. Nous passions beaucoup de temps ensemble, la plupart du temps chez lui, le reste du temps à se balader hors de la ville. Je lui demandais toujours d'aller ailleurs que vers chez moi ; je ne voulais pas que mes parents soient au courant que j'avais un petit ami. D'abord parce que je lui avais menti et ensuite parce que Adam était plus âgé que moi. Ça n'aurait certainement pas plu à mes parents et à Thomas.

D'ailleurs, j'appréhende toujours le jour où je devrai réellement annoncer que j'ai un copain. Mais ce n'est pas pour maintenant, alors il me reste encore un peu de temps. Quoiqu'il se passe avec eux, je défendrai Adam et ma relation avec lui, au moment voulu. Pour le moment, je me contente d'être heureuse, et avec lui.

- Ne t'inquiète pas, le rassuré-je en souriant. Tout est parfait.

- Je te promet que quand tout sera fini, tu auras droit à un vrai rendez-vous amoureux. Romantique et tout. Dans un grand restaurant, je t'offrirai une jolie robe, je porterai même un costume si tu veux et...

- Et un bouquet de roses ? ajouté-je en me retenant de rire devant l'absurdité de ses propos.

Ma remarque le stoppe net pendant quelques secondes avant qu'il n'acquiesce vivement.

- Oui. Tout ce que tu veux.

- Une limousine ? continué-je.

Là, il fronce les sourcils, incrédule.

- Tu te moques de moi, c'est ça ?

Cette fois-ci, je ne retiens pas mon rire, mais je m'en veux parce que je vois Adam se renfrogner dans la seconde. Il s'adosse à sa chaise, croise les bras sur son torse, ne sourit plus et me fixe de ce regard que je n'aime pas, où il dissimule ce qu'il ressent. Et puis il a ce rictus étrange avec sa bouche. Comme quand il est agacé.

- Pardon, m'excusé-je immédiatement en cessant de rire.

- Ouais, marmonne-t-il en fuyant mon regard. Si tu veux.

- Excuse-moi, repris-je sincèrement. C'est juste que...

- Non ça va, me coupe-t-il brusquement. Tu trouves ça complètement con, c'est cool. Ça me fera du fric en moins à dépenser.

Je ferme les paupières avec force. Ce que je peux être stupide parfois !

Je me lève et m'approche de lui mais il me repousse et demande l'addition.

- Non j'aimerais un café s'il vous plait, annoncé-je immédiatement à la femme qui nous avait accueilli.

Elle hoche la tête et disparait sans ouvrir la bouche. J'en profite alors pour m'installer sur les genoux d'Adam et pose mes deux mains sur ses joues.

- Je veux seulement te faire comprendre que tu n'as pas besoin de faire tout ça. Je t'assure que cette soirée est parfaite. La nuit où tu es venu chez moi, avec ton cadeau magnifique et cette rose, j'ai été très surprise mais j'ai adoré. Là aussi c'était parfait. Vraiment. Mais tu n'es pas obligé de faire tout ça pour que je tombe amoureuse de toi. Je suis déjà amoureuse de toi.

Il soupire et décroise ses bras, son regard toujours ancré dans le mien.

- Et si j'ai envie que tu retombes amoureuse de moi ? Encore et encore.

Mes lèvres s'étirent en un large sourire.

- Et si j'ai envie de faire les choses bien, pour une fois ? Et si j'ai envie de reproduire tout ces trucs que j'ai vu dans des films romantiques que j'ai regardé avec ma mère quand j'étais gosse, ou que l'autre garce me forçait à regarder ? Et si j'ai envie d'être quelqu'un de bien avec toi ? Pour toi ? Et si j'ai envie de tout faire pour que tu sois heureuse ?

Au fur et à mesure de ses questions, les larmes me sont montées aux yeux et elles ont roulé sur mes joues à la dernière phrase. Adam essuie ma joue de son pouce et reprend son regard aimant et attentionné avant que je ne réponde à chacune de ses questions.

- J'ai déjà l'impression de retomber amoureuse de toi chaque jour. Tu fais les choses bien, Adam. Plus que bien même. Regarde ce soir : c'est parfait. Tu es quelqu'un de bien, imparfait aux yeux des autres, mais parfait pour moi. Et je suis heureuse. Tu me rends heureuse. Mais si tu as envie de reproduire ces trucs romantiques, si tu as envie qu'on aille au restaurant lorsqu'on en aura le droit, alors j'accepterai avec joie. Et je te promet que je ne me moquerai plus jamais. Je ne voulais pas de blesser. J'ai seulement été surprise, je te demande pardon. Ce que tu souhaites n'a rien de stupide, c'est seulement que je n'ai pas l'habitude. Mais j'accepterai tout de toi. Même cette facette romantique de ta personnalité, que je commence tout juste à entrevoir et qui me plait beaucoup.

Nous nous regardons dans les yeux pendant de longues secondes suite à ce monologue, puis il soupire et retient un sourire, avant d'enfouir son visage contre mon cou en entourant ma taille de ses bras.

- Ah oui ! ajouté-je comme si je me rappelais de quelque chose : Je t'aime.

Un rire étouffé me parvient et j'embrasse ses cheveux en y enfouissant mes mains. Il relève ensuite la tête et ses yeux noirs pétillent à nouveau de joie. J'aime ce regard-là. Il dépose alors un baiser sur mes lèvres et me murmure un « Je t'aime ». J'adore quand il prononce ces mots-là.

- Tu as vraiment envie d'un café ou c'était seulement pour m'obliger à rester ? demande-t-il amusé.

Je secoue la tête et lui confirme que je n'en ai pas la moindre envie.

- Tu m'en veux ? le questionné-je alors.

- Il va falloir te faire pardonner, voilà tout.

- Avec joie.

J'explose de rire et me lève de ses genoux. Je découvre alors que la tasse à café a été apportée et que l'addition est sur la table, mais je n'y touche pas et enfile ma veste.

- Tout ce dont j'ai envie maintenant, c'est d'être seule avec toi. Cette soirée était géniale mais on a de la route à faire et je dois me faire pardonner.

Je m'approche de lui qui s'est levé et me hisse sur la pointe des pieds pour approcher ma bouche de son oreille.

- Et j'ai très envie de toi.

***

Le lendemain matin, je suis étonnée de constater qu'Adam dort toujours. Ce qui est extrêmement rare. J'en profite alors pour le regarder pendant de longues minutes, mais je sursaute lorsqu'il me prévient qu'il ne dort pas.

- Idiot ! Tu m'as fait peur.

- Attends, je vais me faire pardonner, rit-il en posant sa main sur ma taille, son corps surplombant désormais le mien.

Il embrasse mes lèvres, puis ma joue, ma mâchoire, et s'attaque férocement à mon cou. Mais mon ventre grogne et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. Ça gâche l'ambiance au passage mais il change alors d'avis et de façon de se faire pardonner, étant donné qu'il n'a plus le choix. Il décide de me préparer un petit déjeuner.

Il prend une douche et descend à la cuisine pendant que je prends la mienne. Lorsque je le rejoins, il termine tout juste de dresser la table. J'étais si longue que ça pour qu'il aie le temps de faire des gaufres ? Il faut croire que oui.

Je m'installe et nous mangeons tout en discutant, puis il commence à faire la vaisselle pendant que je range ce qui encombre la table.

- Stefan rentre à quelle heure ? lui demandé-je.

- Dans l'après-midi ou ce soir. Je ne sais pas exactement. Pourquoi ?

Je hausse les épaules en riant.

- Pour éviter qu'il nous surprenne encore une fois, si tu vois ce que je veux dire.

- Je vois parfaitement, sourit-il. Va t'habiller alors. Je n'aimerais pas qu'il te voit dans cette tenue. Même si je l'adore.

Je baisse les yeux sur l'unique tee-shirt que je porte et qui lui appartient, avant d'acquiescer. Je sors de la cuisine et grimpe les escaliers. J'arrive à l'étage lorsqu'une porte s'ouvre brusquement et qu'un rire féminin résonne près de moi. Une demie seconde plus tard, je me retrouve nez à nez avec Émilie, qui sort de la chambre de Stefan. Son sourire se fige lorsqu'elle croise mon regard, puis elle baisse les yeux sur ma tenue, avant de les relever vers les miens et de m'offrir un sourire embarrassé.

Elle est surprise de me voir ici, dans cette tenue, mais elle est plus gênée que choquée. Et ça, c'est étrange. Elle croise la meilleure amie de son copain qui s'apprête à entrer dans la chambre de son frère, en petite tenue, et ça ne la choque pas ? Juste un sourire gêné, comme si... Comme si elle s'y attendait. Stefan arrive ensuite derrière elle et la panique envahi son visage lorsqu'il me voit.

C'est alors que je comprends.

  Émilie sait.

Et c'est Stefan qui lui a dit.

Je suis en plein cauchemar.

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