Chapitre 7.

20 Octobre 2015


J'appuie sur la sonnette et attends impatiemment qu'il me réponde. Pourquoi personne n'ouvre ? Je sais qu'il y a quelqu'un, deux fenêtres sont ouvertes à l'étage et une voiture est garée dans l'allée. Sauf que ce n'est pas celle d'Adam. La sienne est grise et celle-ci est noire. Il l'a changée ?

Puis je me souviens que sa mère est arrivée vendredi soir, au moment où la porte s'ouvre sur une très belle femme, d'une quarantaine d'années environ, aux cheveux et aux yeux noirs d'encre. Aucun doutes, c'est bien leur mère !

- Bonjour, dit-elle en plissant les yeux, suspicieuse.

Je comprends ses doutes puisque je n'ai pas encore prononcé un mot et que je la dévisage presque. Je me reprends rapidement et lui souris poliment.

- Bonjour Madame, excusez-moi de vous déranger, je venais voir Stefan mais j'avais oublié qu'il m'avait dit que vous seriez là.

Adam arrive à cet instant et je jure voir des éclairs jaillir des ses yeux. Il prend néanmoins un air chaleureux et surpris. Si on m'avait dit, il y a deux mois, que cet homme jouait aussi bien la comédie, je serais partie en courant. Mais à la place, je l'ai laissé exercer ses dons d'acteur avec moi pendant quelques semaines. Je m'en veux tellement d'être si naïve !

- Anabelle ! Tu venais voir Stef ?

- Oh, c'est toi Ana ? s'exclame sa mère en souriant. Mon fils m'a beaucoup parlé de toi. Entre, il est dans le jardin.

Une part de moi ne peut s'empêcher de penser que quelques mois auparavant - et si j'avais une seule année de plus - ce ne serait pas Stefan qui lui aurait parlé de moi, mais Adam.

- Non non, je ne veux pas déranger, je le verrai demain. C'est pas urgent, ne vous en faites pas.

- Ne dis pas de bêtises, tu ne déranges pas du tout. N'est-ce pas Adam ?

Le regard qu'il me jette est dissuasif mais il confirme tout de même que ça ne le dérange pas et reprend son air impassible et ce regard impénétrable dont il est maitre. Je l'envie tellement de parvenir à cacher si bien ses émotions ! J'en aurais vraiment besoin quand je suis face à lui, en cours ou chez lui.

J'entre prudemment et les suit dans la maison. Stefan arrive au moment où je retire mes chaussures et me sourit de toutes ses dents.

- Hey ! Comment tu vas ? me demande-t-il en m'embrassant la joue.

- Ça peut aller et toi ?

Il ignore ma question et fronce les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Et qu'est-ce que tu fais là, d'ailleurs ? Tu ne devais pas voir Adrien aujourd'hui ?

Du coin de l'œil, je vois Adam relever sa tête qui était baissée et nous regarder, son frère et moi. Tiens, ça l'intéresse ? Étonnant.

- Je l'ai vu mais je...

Je jette un regard entendu à Stefan pour qu'il comprenne que je ne souhaite pas en parler devant sa mère, et surtout son frère.

- Maman, on revient, annonce-t-il en m'entrainant dans les escaliers.

Je ne peux m'empêcher de croiser le regard d'Adam lorsque je grimpe les marches. Il est sombre, comme d'habitude, et tout aussi glacial, mais il parait dubitatif. Qu'est-ce qu'il lui prend d'un seul coup ? Il entend que je suis sortie avec Adrien et il me porte soudainement de l'attention ? Très légère attention, mais suffisamment pour que je réussisse à la relever ! Suis-je désespérée à ce point ? Probablement.

- Tu as l'air perdue, remarque Stefan lorsqu'on arrive dans sa chambre. Tu es sûre que ça va ?

Oui, je suis un peu perdue, en effet. Entre l'histoire avec Adrien, Adam et sa mère, je ne m'y retrouve plus vraiment.

- Ouais ça va.

- Pas très convainquant comme réponse, ironise-t-il en se jetant sur son lit. Comment ça a été ton rendez-vous avec Adrien ? Il s'est terminé rapidement !

Il regarde son téléphone qui affiche dix-sept heure neuf.

- Je l'ai un peu écourté. J'étais trop mal à l'aise, avoué-je en me tordant nerveusement les doigts.

Un large sourire illumine le visage de mon meilleur ami.

- Je t'interdis de rire, le préviens immédiatement.

Cette phrase déclenche immédiatement son hilarité. J'attends donc patiemment qu'il se calme. Ça dure deux bonnes minutes mais il parvient tout de même à retrouver sa respiration.

- J'en déduis que tu ne sors pas avec lui ?

- Non. Je lui avais déjà dit hier soir mais il est têtu, c'est dingue !

- Ce n'est pas comme si tu l'avais repoussé lorsqu'il t'a embrassée, s'esclaffe Stefan.

Je lui ai téléphoné ce matin pour lui raconter ma soirée catastrophique et déjà là, il ne s'était pas privé de se moquer. Pourquoi je suis amie avec lui déjà ?

- Donc tu as lâchement fuit, conclut-t-il.

- Oui. Et je ne sais pas encore comment je vais réussir à l'éviter au lycée !

- J'ai hâte de voir ça !

Je raconte ensuite ma journée embarrassante à Stefan, durant laquelle j'ai dû esquiver de nombreuses questions concernant « ma dernière relation qui ne s'est pas très bien terminée et que j'ai du mal à oublier » mais j'ai aussi appris à connaitre Adrien et vice-versa. C'est un garçon très gentil mais je ne veux rien de plus qu'une relation amicale avec lui et ça, il ne parvient pas à le comprendre. Ou il fait semblant de ne pas comprendre. Cette seconde solution me parait plus plausible.

Je sais que je ne parviendrai pas à être avec lui sans penser à Adam jour après jour. D'autant plus lorsque je risquerais de le croiser dans les couloirs du lycée alors que je serai main dans la main avec mon nouveau petit-ami. Ce serait beaucoup trop déstabilisant. Pour moi, en tout cas. Lui, je sais qu'il n'en aura que faire. Même si toutefois, sa réaction d'aujourd'hui m'a beaucoup surprise. Je ne réussirai jamais à le comprendre.

Une fois que j'ai terminé de raconter mon après-midi à mon meilleur ami, ce dernier me parle de son anniversaire qu'il fêtera le week-end prochain. Il m'explique que c'est pour cela que sa mère est venue passer deux jours chez lui étant donné qu'elle ne pourra pas être présente pour fêter les dix-huit ans de son fils à cause de son travail. Selon Stefan, « ce sera une fête mémorable à laquelle je ne dois pas échapper » ! Voilà un argument qui ne m'accorde aucune réflexion.

Lorsqu'on redescendant rejoindre Adam et sa mère dans le salon près d'une heure plus tard, cette dernière me demande si je veux manger avec eux. Je décline poliment, ne souhaitant pas m'immiscer davantage dans cette réunion de famille, mais reste tout de même le temps de boire un café avec eux. Je réponds à quelques questions concernant ma relation avec Stefan - qui est et restera purement et simplement amicale contrairement à ce que souhaite sa mère -, d'autres à propos de mes cours et certaines sur mon prof de maths - que j'aurais préféré éviter.

- Ça doit te faire bizarre de voir ton prof en dehors des cours, non ? me questionne-t-elle naïvement.

Si vous saviez !

- Je m'habitue, ris-je nerveusement pour cacher mon malaise.

Je décide alors de m'éclipser rapidement. Je n'ai pas du tout envie de voir jusqu'où cette discussion va nous mener et rejoins rapidement ma maison.

- Tu étais encore chez Stefan ? me questionne ma mère lorsque je la rejoins dans la cuisine.

Une délicieuse odeur de sauce carbonara embaume la pièce. J'en ai déjà l'eau à la bouche, ce qui m'étonne beaucoup étant donné que je ne mange plus vraiment depuis quelques semaines. Toute cette histoire avec Adam m'a coupé l'appétit pendant les premiers jours qui ont suivi notre « rupture » et je n'ai pas encore retrouvé l'envie de manger. Le pire reste le déjeuner ! Je croise Adam tous les midis et le voir face à moi me bloque à tel point que je ne peux rien avaler. J'essaie réellement de passer au dessus cette relation, mais c'est vraiment difficile. J'ai beau le détester, le haïr et lui en vouloir d'avoir joué avec moi à ce point, je continue de l'aimer, ce qui me met en colère. Je suis en colère contre lui mais plus encore contre moi-même. Comment je fais pour rester amoureuse de lui malgré tout ? Mes sentiments me dépassent et je ne parviens plus à les comprendre.

Je réussi à ne plus passer mes nuits à pleurer mais certains jours, je pense à lui et à la relation que nous aurions pu avoir ensemble et je me sens terriblement idiote.

Je secoue discrètement la tête pour chasser tout cela de ma tête et réponds à ma mère :

- Oui. D'ailleurs, il fête son anniversaire le week-end prochain. Je peux y aller ?

- Ana... soupire-t-elle en reposant la cuillère sur le plan de travail pour se tourner vers moi.

Et je sais d'avance ce qui va suivre.

- Tu sors tous les week-ends en ce moment.

- S'il te plait ! la supplié-je comme je le faisais étant enfant.

- Non, tranche-t-elle immédiatement. Tu es déjà rentrée tard hier et tu as passé ta journée d'aujourd'hui dehors.

Si j'avais su que sortir avec Adrien m'empêcherait de fêter l'anniversaire de Stefan, jamais je n'aurais mis un pied dehors !

- Mais c'est son anniversaire ! m'exclamé-je.

- L'anniversaire de qui ? demande Thomas en entrant dans la cuisine.

- Stefan. Ta sœur veut encore sortir samedi prochain, me dénonce ma mère.

- Je pourrai aller la chercher si tu veux, propose-t-il en haussant les épaules.

Cette réponse lui vaut un regard noir de la part de ma mère qu'il ne remarque même pas puisqu'il est trop occupé à inspecter le contenu des plats qui sont sur le feu.

- En fait, je comptais dormir sur place, grimacé-je.

- Eh bien c'est parfait ! me sourit mon frère.

- Non ce n'est pas parfait ! s'énerve ma mère. Thomas, je viens juste de lui dire qu'elle n'irait pas alors ne vient pas me contredire !

Il lève les deux mains en signe de reddition et s'excuse en disant qu'il n'était pas au courant, avant de quitter la pièce. Je lance un regard suppliant à ma mère.

- Non, Anabelle.

Et d'après le ton qu'elle vient d'utiliser, je sais que je ne peux plus argumenter. Je prends alors le même chemin que mon frère et le rejoins dans sa chambre. Il est allongé sur son lit, son téléphone en main.

- Tu veux que j'aille en parler avec Papa quand il sera rentré ? me questionne-t-il alors que je n'ai même pas ouvert la bouche.

- S'il te plait, lui souris-je.

Il soupire et je sais que j'ai gagné. Je me précipite pour sauter sur son lit et le prendre dans mes bras.

- Tu sais que je t'aime ?

- Tu sais que tu m'étouffes ?

- Je sais, m'esclaffé-je.

Je le remercie et l'embrasse sur la joue.

- Tu m'en dois une, me rappelle-t-il alors que j'appuie sur la poignée de la porte pour sortir.

- Je ne suis pas encore chez Stefan.

- Tu y seras, t'inquiète ! dit-il en me faisant un clin d'œil.

Je sais qu'il a entièrement raison. Sous son air strict et impassible, ma mère capitule presque toujours face à mon père qui, contrairement à elle, nous cède toujours tout à Thomas et moi. Quand ça reste dans la limite du raisonnable, bien entendu.

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