Chapitre 6 : Adam.

  Émilie Est au courant elle aussi. Mon frère lui a dit, mais seulement parce qu'elle avait de gros soupçons. Elle a promis de ne rien dire, mais ça me gonfle qu'une troisième personne sache.

Anabelle et moi ne nous voyons que chez moi, dans ma maison. Et il se trouve qu'Émilie était sous mon toit alors que je n'étais pas au courant. Il serait bien que mon frère me prévienne quand sa copine vient. Elle nous a vu au moment où je l'embrassais sur le front alors elle en a parlé à mon frère, qui lui a confirmé. Il ne pouvait pas lui mentir alors qu'elle nous avait vus.

Ma petite amie ne sait pas, et c'est beaucoup mieux ainsi. Elle paniquerait totalement alors je préfère lui cacher. Je prie seulement pour que ça ne me revienne pas en pleine gueule.

- Tu corriges des copies ? m'interroge Ana en entrant dans ma chambre.

- Oui, celles de ta classe d'ailleurs, réponds-je en me tournant vers elle. Alors sors d'ici s'il te plait.

Elle s'approche de moi, le sourire aux lèvres.

- Tu as corrigé la mienne ? J'ai eu combien ?

Neuf sur vingt ! Qu'est-ce que tu as foutu ?

- Pas encore corrigée.

- Menteur, rit-elle avant de m'embrasser.

- Coupable ! Mais ce n'est pas pour ça que tu sauras.

- Je sais. J'attends que tu termines alors, annonce-t-elle en s'allongeant sur mon lit.

- Je n'en ai pas pour longtemps.

Quelques minutes plus tard, j'inscris la dernière note sur la dernière copie et range le tas de feuilles dans une pochette, puis me tourne vers Anabelle qui attend patiemment, son téléphone dans les mains.

- Stef est parti ? lui demandé-je.

- Oui.

Elle se lève et vient s'installer sur mes genoux, un sourire ultra sexy sur son joli visage et des yeux brillants d'un désir immense. Elle passe ensuite ses doigts dans mes cheveux et je me retrouve à sourire instinctivement.

- Tu as d'autres copies à corriger ? me questionne-t-elle d'une voix suave qui manque de me faire craquer.

Je secoue négativement la tête.

- Alors qu'est-ce que tu as envie de faire ?

Je ne réponds pas et me contente de la regarder, lorsqu'elle se penche vers moi pour m'embrasser dans le cou. Je la laisse y déposer quelques baisers qui ne font qu'augmenter mon désir irrémédiable pour elle mais je la repousse après quelques secondes. A grands regrets ! Mais j'ai d'autres plans pour ce soir.

- Moi aussi j'ai envie de ça, crois-moi. Mais j'avais une autre idée.

- Ah oui ? Quelque chose de mieux j'espère ? me taquine-t-elle en déboutonnant le haut de ma chemise.

- Mieux, je ne pense pas. Mais nouveau, ça c'est sûr.

Je parviens à susciter de la curiosité chez elle et elle fronce les sourcils. Je ne la laisse pas poser de questions, reboutonne ma chemise, embrasse furtivement ses lèvres, l'incite à se lever, et lui demande de s'habiller.

- M'habiller ? répète-t-elle incrédule en baissant les yeux sur sa tenue. Je suis habillée. Au cas où tu ne l'avais pas remarqué.

- T'habiller pour sortir, Anabelle. Avec une veste et des chaussures, par exemple.

Je tente d'être détendu en prononçant ces quelques mots mais je dois avouer que ça me stresse un peu de mettre les pieds dehors en sa compagnie.

- Tu me mets dehors ? s'exclame-t-elle étonnée et totalement perdue. Je... J'ai fait quelque chose de mal ? Adam, si je t'ai contrarié ou...

- Non ! la coupé-je rapidement en riant. Je ne te mets pas dehors.

Je lui prends la main et nous sortons de ma chambre.

- Je ne comprends pas, me dit-elle lorsque nous arrivons au rez-de-chaussée.

- On sort tous les deux, avoué-je finalement.

Son regard terrifié parle pour elle et je tente de la rassurer. Je pose mes deux mains sur ses joues et la regarde dans les yeux :

- Tu me fais confiance ?

- Non, répond-elle immédiatement ce qui me fait rire.

- S'il te plait. Je te promet que...

- C'est hors de question, m'interrompt-elle en retirant brusquement mes mains de ses joues.

Elle se recule de deux pas et croise les bras sur sa poitrine. Je sens que la convaincre va être plus difficile que prévu. Mais j'ai cette idée en tête depuis quelques jours et je ne m'en départirai pas.

- Ana...

Elle secoue frénétiquement la tête.

- Non. Je refuse Adam. Je refuse de prendre le risque que quelqu'un nous voit.

- C'est pour ça qu'on va aller dans un endroit où personne ne nous verra.

- Parce que tu connais l'emploi du temps de tout le monde peut-être ? demande-t-elle avec ironie.

- Non mais...

- Très bien, affaire réglée alors.

Elle se retourne et grimpe les escaliers quatre à quatre. Je soupire longuement et prend le même chemin qu'elle.

- Je ne changerai pas d'avis, annonce-t-elle vivement. Je ne veux pas être vue à côté de toi, je ne veux pas croiser quelqu'un qui posera des questions et je ne veux pas mettre un pied dehors avec toi tant qu'on ne sera pas le trois juillet et que je n'aurai pas mon bac en poche !

- Je te fais honte à ce point ? grimacé-je.

Elle me coule un regard blasé, que je mérite. Ce n'était pas drôle, je l'avoue.

- Tu sais bien que non... marmonne-t-elle en baissant les yeux.

Je m'approche du lit ou elle est assise en tailleur et lui fais relever la tête. Elle a les larmes aux yeux et ça me brise le cœur de constater que notre relation la terrifie à ce point. J'aimerais que ce soit plus simple, vraiment. Mais c'est impossible.

- On passe nos weekend​s enfermés chez moi. Quand on peut se voir, bien entendu. Alors j'ai envie de prendre l'air un petit peu. Sortir avec toi. Comme font les couples normaux. Enfin je suppose... Je ne sais pas trop ce que les gens font de spécial mais je pense que ça en fait partie.

- Tu oublies seulement qu'on n'est pas un couple normal, me rappelle-t-elle.

- Non je ne l'oublie pas. Mais pour ce soir, j'ai envie d'oublier. Juste une fois. Pour voir ce que ça fait.

- On est déjà sorti tous les deux alors tu sais ce que ça fait, me contredit-elle.

J'ai comme l'impression qu'elle va parvenir à trouver un argument à tout ce que je lui dirai !

- Oui, mais ce n'était pas la même chose.

- Non c'est vrai. Avant c'était légal, plus maintenant.

Je ferme les paupières et soupire en laissant retomber mes mains sur ses cuisses.

- Tu sais que tu es chiante quand tu t'y met ?

- C'est faux, je fais seulement ce que ta mère nous demande : être prudents. Tu ne veux pas l'être alors je le suis pour deux.

- Je serai prudent, promis, lui assuré-je.

- Tu le seras si on reste ici.

- Tu n'as pas envie de sortir parfois ?

Elle me sourit timidement et lève la main pour caresser ma joue avec tendresse.

- Si. Tout le temps. J'aimerais pouvoir me promener dans la rue avec toi, te présenter à mes parents, leur parler de toi, t'embrasser sans culpabiliser, ne plus craindre quoique ce soit. Mais c'est impossible, Adam.

Je sais qu'elle a raison. Comme la fois où Théo a découvert que nous étions ensemble, là aussi elle avait raison. Je sais que c'est risqué mais je ne suis pas fou ; je ne vais pas l'emmener au cinéma du centre ville !

Je n'en peux plus de rester enfermé, j'ai besoin de sortir. Avec elle. J'ai envie de voir ce que ça fait d'avoir une sortie en amoureux. Je n'en ai jamais eu. Même avec l'autre garce, on ne sortait jamais que tous les deux. On était constamment avec notre bande de potes, et lorsque nous étions seuls, c'était chez moi. Alors aujourd'hui, j'ai envie de sortir avec Anabelle.

Nous sommes déjà sortis, mais ce n'était pas le même chose. Il y avait trop de mensonges et toute cette relation était trop floue pour moi. Maintenant que je suis moi, que je sais que je l'aime, je veux le montrer. C'est peut-être égoïste, mais j'ai besoin de montrer que je suis heureux, même à des personnes que je ne connais pas et qui n'ont que faire de ma vie.

- S'il te plait, la supplié-je à nouveau. Pour ton anniversaire.

- C'était la semaine dernière, rit-elle.

- Je le sais.

Je baisse alors les yeux sur le cadeau que je lui ai offert et qu'elle porte tous les jours. Je suis content qu'elle l'apprécie ; j'ai quand même passé près d'une heure dans cette bijouterie ! Et j'ai aimé dire à la vendeuse que c'était pour ma petite amie. Je suis persuadé qu'elle a entendu la fierté dans ma voix lorsque j'ai prononcé ces mots. Je ne peux pas les dire souvent, alors j'en profite !

Le soir de son anniversaire, lorsque je lui ai rendu une petite visite nocturne, j'ai réellement craint que mon cadeau ne lui plaise pas. Je disais la vérité quand je lui ai avoué ne jamais faire de cadeau. A partir du moment où j'ai commencé à travailler, je me contentais d'envoyer de l'argent à Stef et d'entrer chez un fleuriste en demandant simplement un bouquet de fleurs pour ma mère. Je ne choisissais même pas les fleurs. Alors entrer dans une bijouterie et choisir moi-même ce collier parmi les dizaines présents en magasin, c'était très compliqué pour moi. Je voulais que ça lui plaise, je voulais la voir sourire en découvrant mon cadeau. Pour la première fois, j'ai eu envie de rendre quelqu'un heureux en offrant un cadeau.

J'ai toujours entendu parler du plaisir d'offrir et j'ai toujours trouvé ça complètement con. Mais quoi de plus agréable de voir Anabelle porter ce collier chaque jour ? Parmi ces pendentifs en forme de cœur, ceux avec des petits diamants de toutes les couleurs, ces chaines en or ou en argent... J'avais beaucoup trop de choix ! Ça avait déjà été difficile de choisir entre un collier et un bracelet alors faire un choix plus précis s'avérait d'autant plus compliqué ! Surtout qu'Ana ne portait jamais de bijoux... Désormais, elle en portait un. Un seul et unique bijou : le mien.

Cette soirée, la semaine dernière, j'aurais préféré qu'elle se déroule autrement. J'avais voulu l'emmener au restaurant et faire de son dix-huitième anniversaire, le meilleur de tous, mais je n'avais pas pu. Alors je veux rectifier les choses ce soir.

- Mais je n'ai pas pu faire tout ce que j'avais prévu, ajouté-je. Donc je veux le faire ce soir. S'il te plait, Ana, juste une fois.

Elle baisse à nouveau la tête et c'est presque si j'entends les rouages de son cerveau s'activer pour prendre une décision. Je sais qu'elle a envie d'accepter, mais cette peur en elle l'en empêche. Je la comprends parfaitement, mais je devine aussi qu'elle en meurt d'envie.

Je connais sa réponse avant même qu'elle la dise lorsque son regard capte de nouveau le mien. Mes lèvres s'étirent d'elles-même et elle comprend que j'ai encore une fois deviné ce qu'elle avait en tête. C'est pourquoi Anabelle me frappe gentiment la cuisse, ce qui me fait rire.

- Ne te moque pas de moi ! s'insurge-t-elle. Tu m'énerves.

- Je t'aime.

- Pas moi, marmonne-t-elle en se levant.

Je la retiens par la main et l'attire contre moi pour l'embrasser tendrement.

- Merci.

- Je te préviens que si quelqu'un nous voit, je te tue moi-même.

- Marché conclu ! On peut y aller ?

Une dizaine de minutes plus tard, nous sommes en voiture et ma petite amie est plus stressée que jamais. Je le suis presque autant, mais je ne le montre pas. Je ne voudrais pas qu'elle comprenne que je suis en train de me demander si j'ai bien fait.

Dès que nous avons quitté la ville, et que nous avons roulé pendant presque une heure, Anabelle se détend enfin et cesse de se ratatiner sur son siège. Et elle ouvre enfin la bouche.

- Où est-ce qu'on va ?

- Tu verras.

- En tout cas, je te remercie de m'emmener aussi loin, soupire-t-elle. Il y en a encore pour longtemps ?

- Encore une vingtaine de minutes, environ.

Je l'entends ensuite s'esclaffer et lui jette un coup d'oeil furtif.

- Qu'est-ce qui te fait rire ?

- Une heure et quart de route pour notre deuxième premier rendez-vous, tu te rends compte ?

- Tu aurais préféré trois minutes à pied ? lancé-je avec ironie.

- Certainement pas.

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