Chapitre 4.

23 Septembre 2015

Deux semaines sont passées et je n'ai toujours pas eu cette fameuse discussion avec Adam, mais je pleure moins ces derniers temps. Il me manque toujours et le voir si proche de moi me fait toujours aussi mal, mais je n'ai pas le choix. Lui, a tourné la page, alors je dois le faire aussi, même si on continue de s'éviter mutuellement. Comme je le fais avec Théo. Je ne lui ai pas reparlé depuis notre dispute, et lui n'a pas chercher à le faire. Jusqu'à aujourd'hui.

Lisa et Malaury sont installées à côté en cours de physique alors mon ex petit-copain est mon voisin de table.

- Ça va ? demande-t-il simplement en plein milieu du cours.

- Oui.

- Tu l'as laissé tomber ? insiste-t-il.

- Ça ne te regarde pas.

- Les filles ne sont pas au courant, pas vrai ?

Je tourne la tête vers lui et le fusille du regard.

- T'as pas intérêt à leur en parler, le menacé-je.

- Réponds à ma question alors, sourit-il.

- Arrêtes ton chantage, ça ne marche pas avec moi, rétorqué-je en recopiant ce qui est écrit au tableau.

Il se pencha vers moi.

- Tu es sûre ? murmure-t-il.

Je soupire de lassitude.

- J'essaie de passer à autre chose, réponds-je finalement, le sachant parfaitement capable de parler aux filles de ce mystérieux gars.

- Tant mieux.

- Est-ce que tu joues avec Malaury ?

Je ne peux m'empêcher de lui poser cette question qui me trotte dans la tête depuis que j'ai appris que c'était pour me faire du mal qu'il avait couché avec elle. Même si mon ancienne amie m'a énormément déçue et blessée, je n'aimerais que Théo reproduise avec elle ce qu'il s'est passé avec moi.

- Non, répond-t-il simplement.

C'est à la fois blessant et rassurant mais c'est la réponse que je souhaitais.

En fin d'après-midi, après les cours je retrouve Stefan à l'arrêt de bus. On discute tout le long du trajet, puis il me mène jusqu'à chez lui pour travailler notre exposé d'histoire de l'art.

- Tu habites loin ? lui demandé-je alors qu'on vient de tourner dans une rue que je connais.

- C'est la deuxième maison, juste à droite, annonce-t-il.

Je m'arrête soudain de marcher. La deuxième ? J'ai dû mal comprendre, c'est impossible.

- Ana, tu viens ?

- Oui je... Désolée.

Je reprends la marche à ses côtés. Mes mains tremblent et mon rythme cardiaque s'accélère. Quand il avance dans l'allée de graviers, mon cœur me fait faux-bond et s'échappe littéralement de ma poitrine. Il ne peut pas vivre ici !

Eh bien si. Il sort ses clés et introduit celle qui ouvre la porte d'entrée dans la serrure.

- Entre.

J'avance mécaniquement un pied, puis l'autre et me fige dans l'entrée. Je n'ose plus bouger. J'ai peur.

- Ana ?

Je lève les yeux vers Stefan qui a le sourire aux lèvres et me reprends rapidement, me rappelant qu'il ne sait rien, et qu'il ne saura jamais rien. Surtout avec ce que je viens de découvrir ! Comment ai-je pu rater ça ?

- Désolée, je pensais à autre chose, dis-je en souriant.

- On peut y aller alors ? demande-t-il ironiquement.

Je hoche la tête et le suit jusqu'à l'étage après avoir retiré nos chaussures.

- Mon frère est très maniaque, m'annonce-t-il en riant. S'il apprend qu'on est monté avec nos chaussures, il fera un arrêt cardiaque.

Je sais déjà à quel point il a raison, et je ressens à nouveau ce pincement au cœur. J'esquisse tout de même un petit sourire et continue de le suivre.

On passe devant la première porte, à droite sur le palier, puis il pousse la seconde déjà entrouverte et pénètre dans la pièce. Je le suis et vois un gros chat aux longs poils blancs et aux immenses yeux bleus, dont l'un est plus foncé que l'autre. J'ai toujours trouvé ce chat magnifique, malgré son air hautain et légèrement princier.

- Je te présente le roi de la maison, Chipster.

Je sais comment il s'appelle, parce que ce n'est pas la première fois que je le vois. Tout comme cette maison ; je la connais déjà par cœur pour y avoir passé environ quatre semaines pratiquement chaque jour et plusieurs nuits.

- C'est le chat de mon frère, m'informe-t-il lorsque je m'assieds sur le lit près du félin. Il n'aime personne alors ne t'étonne pas si...

Il s'interrompt lorsqu'il voit la grosse boule de poils se lever pour s'installer sur mes genoux, levant la tête pour que je le câline.

- T'es chanceuse Ana ! s'exclame mon ami en riant. C'est rare qu'il laisse quelqu'un le toucher.

Je le sais aussi. Mais c'est vrai que j'ai eu de la chance avec Chipster. Dès la première fois que je suis venue ici, il s'est approprié mes cuisses, son lieu favori pour dormir lorsque je suis dans les parages.

Je sens déjà ses ronronnements sous ma main, et ça me fait sourire. J'adore ce chat, et je crois que je lui ai manqué vu l'accueil qu'il me fait en ce moment même.

- Je suis vraiment impressionné. Il faudra que je le dise à mon frère, il ne me croira pas !

Aïe. Son frère. Comment il va réagir en sachant que je suis amie avec Stefan ? Il doit surement le savoir, mais qu'est-ce que ça lui fera de savoir que je suis venue ?

Soudain j'ouvre les yeux en grand.

- Il est là ?

- Qui ?

- Ton frère.

- Non il travaille, répond-il en sortant de la pièce.

Il revient quelques secondes plus tard en faisant rouler une chaise de bureau qui, je le sais, appartient à la chambre voisine.

- T'inquiète, j'ai le droit d'inviter une fille dans ma chambre, plaisante-t-il. C'est l'avantage d'avoir des parents qui habitent loin.

Je me force à lui sourire.

Maintenant que j'y repense, Stefan ne m'a jamais vraiment parlé de son frère. Seulement qu'il vivait désormais avec lui après avoir passé plusieurs années séparés. Stefan vivait chez leur mère, pendant que son frère avait son propre appartement dans une autre ville, loin de chez lui. Mais, après tout, on ne se connait pas beaucoup tous les deux. Toutefois, il aurait quand même pu me faire part de sa profession. Je ne serais alors jamais venue ici de mon plein gré !

Je ne peux néanmoins pas en vouloir à mon ami : niveau cachotterie, je le bas haut la main. Et j'espère sincèrement qu'il ne s'en apercevra jamais.

- Tu viens ? On est venu pour bosser, pas pour caresser un chat ! rit-il, me coupant ainsi de mes pensées.

Je porte Chipster et le repose sur le lit pour m'installer sur la chaise qui venait de m'être apportée, près de Stefan. Il faudra que je pense à partir assez tôt de cette maison pour ne pas croiser son frère.

***

Pendant plusieurs heures, on navigue sur internet, cherchant des informations diverses et variées pour notre exposé d'histoire de l'art, qui porte sur l'impressionnisme. Sujet dudit exposé. On ne fait que plaisanter tout en étant sérieux de temps en temps, mais c'est très difficile de rester concentré lorsqu'il se met à chanter les paroles des chansons qui sont diffusées à la radio ! Je ne me rends même pas compte que l'après-midi défile aussi rapidement. Jusqu'à ce que la porte de la chambre s'ouvre en grand. On sursaute tous les deux et mon cœur se serre quand je vois qui vient de faire son apparition. Je savais que j'aurais dû partir beaucoup plus tôt. Ou mieux ; faire demi-tour en voyant la maison !

Il ne me voit pas dans l'immédiat.

- Je vais commander des pizzas, ça...

Il s'interrompt en remarquant que son frère n'est pas seul, mais se reprend très vite.

- Ça te va ?

- Ouais, répond Stef en continuant de taper sur son clavier. Tu prends comme d'habitude.

Son frère hoche la tête et va pour sortir mais revient sur ses pas et croise enfin mon regard, alors que je reste pétrifiée sur place.

- Anabelle, tu manges ici ?

L'intonation qu'il utilise pour prononcer mon prénom est la même qu'en cours. Froide et dénuée de tout sentiment. Quand nous étions ensemble j'aimais sa façon de m'appeler, c'était totalement différent d'aujourd'hui. Tellement plus doux et délicat, c'était loin d'être le cas en ce moment.

- Je... Non, dis-je en secouant la tête. Merci.

- Si, tu restes, conteste Stefan. Comme ça, on pourra continuer de travailler un peu.

Je regarde mon ami.

- Tu veux quoi comme pizza ? demande-t-il avec un sourire amusé.

- Je... Hum... Je ne veux pas déranger.

- Si je te propose c'est que tu ne déranges pas.

Je ne pense pas que son frère soit de son avis mais qu'importe. Si lui arrive à faire comme si de rien n'était, je devrais y parvenir moi aussi. Je me tourne vers lui et lui réponds avec un petit sourire.

- Alors j'en veux bien une végétarienne, s'il vous plait.

Il hoche une fois la tête et referme la porte derrière lui, alors que j'entends déjà Stefan rire. Je lui jette un regard que je voudrais sombre, mais ne parviens seulement à le faire éclater de rire.

- Tu ne crois pas que tu aurais pu me prévenir ? l'accusé-je alors que je suis au courant depuis mon arrivée dans cette maison.

- C'était trop drôle, Ana ! s'esclaffe-t-il. La tête que tu as fait quand tu l'as vu !

- C'est normal ! m'indigné-je. C'est mon prof de maths.

Et mon ex-copain, accessoirement. Mais ça, je me garde bien de le lui dire. D'autant plus maintenant que je sais qu'ils sont de la même famille ! Comment ai-je pu ne pas me rendre compte de l'évidence ? Ils se ressemblent tellement, c'est vraiment flagrant désormais.

- Oh ça va... soupire-t-il. Qu'est-ce que ça aurait changé ? Tu serais quand même venue aujourd'hui, non ?

Certainement pas ! Et en plus, je vais manger avec lui ! Le calvaire...

Adam et Stefan sont donc de la même famille... Je comprends alors pourquoi j'ai trouvé Stefan séduisant la première fois que je l'ai vu, dans la salle de classe, et pourquoi ses yeux sombres me rappelaient à ce point ceux de son frère. Parce qu'ils ont les mêmes géniteurs. Toutefois, un détail m'échappe.

- Vous n'avez pas le même nom de famille.

- On n'a pas le même père. Son père s'est barré quand il était petit mais je ne sais pas pourquoi, il n'a jamais voulu changer de nom de famille et prendre celui de notre mère.

Adam a déjà abordé le sujet de son père avec moi, mais très brièvement. Comme l'a fait son frère, en fait. J'avais essayé d'en savoir plus quand nous étions encore ensemble, mais il s'était braqué et je ne lui avais alors plus posé de question. Je m'étais dit que je patienterais un peu et lui laisserai le temps de vouloir se dévoiler lui-même, mais c'est trop tard maintenant.

- Tu aurais pu me le dire, me renfrogné-je.

- Je n'aurais jamais pu rire comme ça si je te l'avais dit ! se défend-il.

Je ne réponds pas à sa remarque.

Heureusement que je n'ai jamais parlé de cette histoire avec Stefan. Certes, son frère n'est en rien coupable vis-à-vis de la loi puisque lui et moi, c'était avant qu'il ne devienne mon professeur, mais j'ai quand même un doute à propos du jugement de mon ami. Peut-être m'en voudrait-il d'avoir menti à son frère, peut-être me trouverait-il idiote d'être toujours amoureuse de lui malgré le fait que plus rien ne soit possible entre nous. Je n'espère plus, mais je ne peux m'empêcher de penser à lui, encore et toujours. Je l'aime et parfois je me dis que ce serait bien que quelqu'un me retire cet amour, ce sentiment qui me fait mal. J'ai déjà ressenti cette douleur dans ma poitrine, mais jamais à ce point. Adam est différent. Et complètement inaccessible.

- Tu m'en veux à ce point ? s'inquiète Stefan en voyant que je ne réponds pas, perdue dans mes pensées.

- Non, dis-je en secouant la tête. C'est juste que je me dis que je ne t'ai jamais vu parler avec lui au lycée.

- Je le vois assez ici ! plaisante-t-il. Et puis toi aussi tu vas le voir souvent étant donné que maintenant, je te suis indispensable.

Génial. Tout est parfait alors !

***

Je descends une marche après l'autre, espérant me casser une cheville ou me fracturer le crâne en tombant, peu importe. Tant que je n'assiste pas à ce maudit repas ! Mais c'est peine perdue puisque j'arrive saine et sauve dans la cuisine où Adam est en train de sortir des verres du placard. Qu'est-ce qui m'a prit d'accepter ?

- Mon frère est tellement maniaque qu'on doit être les seuls au monde à manger des pizzas sur une table, avec une assiette et des couverts.

Adam soupire et prends une bouteille d'eau et une de soda dans le réfrigérateur pendant que son frère ouvre les boites en carton et place les pizzas dans trois assiettes differentes. Je m'assoie donc à la place qu'il m'a assigné, c'est à dire, en face du maitre de maison.

- Tu veux de l'eau ? me demande-t-il en se servant.

- Oui je veux bien s'il te... s'il vous plait.

Je dois avoir l'air tellement stupide à bafouiller de la sorte, mais j'ignore comment je dois me comporter. Mon ami me le fait bien comprendre puisqu'il commence à rire.

- Tu peux le tutoyer ici, n'est-ce pas Adam ?

Ce dernier hoche la tête, aussi impassible que d'habitude.

- Tu vois ? Ne t'inquiète pas, il n'est pas aussi barbant que quand il parle de maths, plaisante Stefan. Mais si ce soir, ça en a tout l'air.

- Ferme la, Stef, réplique son frère en ne prenant même pas la peine de le regarder.

Mon ami me fait un clin d'œil, le sourire aux lèvres puis mord avidement dans sa part de pizza.

- Tes couverts, lui rappelle Adam.

Stefan lève les yeux au ciel et relâche immédiatement sa part en nous disant, la bouche pleine, qu'il revient dans une minute puisqu'il a oublié son téléphone dans sa chambre. Je commence donc à lever les yeux timidement vers Adam lorsque son frère quitte la pièce. Il termine son verre d'eau et ancre son regard dans le mien avant de me parler pour la première fois depuis notre « rupture ».

- Je n'ai pas besoin de te dire qu'il ne doit rien savoir.

Pure question rhétorique à laquelle je réponds tout de même en secouant négativement la tête.

- Bien, dit-il en reprenant une part de pizza.

Je déglutis difficilement. Prenant mon courage à deux mains, je jette un œil à l'entrée de la cuisine pour m'assurer que mon ami n'est pas là, avant d'ouvrir la bouche.

- On doit parler, Adam.

- Il n'y a rien a dire.

- Si, et tu le sais.

- Tu m'as mentis, m'accuse-t-il en levant ses yeux vers moi. La discussion s'arrête là.

Un rire nerveux sort de ma bouche.

- Ne repose pas la faute sur moi. Toi aussi tu es fautif. Toi aussi tu...

- Tais-toi, m'ordonne-t-il sèchement.

Je suis sur le point de parler mais des bruits de pas, pas très loin de nous, m'en dissuadent. Il m'a coupé la parole pour que son frère n'entende rien alors je ne peux rien redire là-dessus, même si toutefois, il aurait pu être moins froid.

C'est étrange de voir Adam comme ça. Si distant, si nonchalant, si désagréable. Quand on était ensemble, je le voyais rire à longueur de journée, et il n'avait pas ce regard si sombre. Ce Adam là, me fait un peu peur. Je ne parviens pas à comprendre ce qu'il se passe en lui, ce qu'il pense de toute cette situation. Mais ça, finalement, ça ne change pas de d'habitude. Même durant le mois dernier, je n'étais jamais parvenue à lire quoique ce soit en lui. C'est la seule chose qui n'a pas changé chez lui. Hormis cela, je ne suis plus face à la même personne.

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