Chapitre 2 : Adam.
Je claque la porte d'entrée et ne fais pas attention à mon frère qui me parle depuis le salon. Je me déchausse et grimpe les escaliers quatre à quatre.
Je suis épuisé. Ma réunion s'est éternisée, j'ai eu un problème sur le chemin du retour avec un abruti qui ne sait pas conduire et qui a accroché ma voiture qui est désormais rayée, il est vingt et une heure trente et j'en ai plus qu'assez de cette journée qui n'est pas prête de se terminer. Je sais qu'Ana va me parler de ce qu'elle a fait tout à l'heure, après les cours. Elle parvient difficilement à garder un secret.
- Coucou, m'interpelle une petite voix depuis la porte entrouverte.
Anabelle entre sans attendre et se retrouve rapidement près de moi. Assise sur le lit à mes côtés, elle dépose un baiser sur ma joue.
- Ça va ? Ta réunion était longue, me fait-elle remarquer.
- Pas tant que ça, soupiré-je lassé. Un mec à un feu ne sait visiblement pas différencier le vert du rouge.
- Tu as eu un accident ? s'exclame-t-elle horrifiée avant de m'inspecter sous tous les angles. Tu vas bien ? Tu es blessé ?
Son inquiétude me fait sourire et je la rassure rapidement.
- Non t'inquiète. Juste une rayure et une bosse sur ma voiture.
- Tu es sûr ?
- Oui, promis.
Elle souffle de soulagement et me sourit timidement. Son attitude est bizarre ; elle me cache quelque chose. Même si je sais déjà ce que c'est, je patiente, histoire de voir combien de temps elle va attendre avant de lâcher le morceau.
- Et toi, ça va ?
- Oui.
Réponse brève, rapide et spontanée. Si je ne l'avais pas aperçue disparaitre avec son crétin d'ex tout à l'heure, j'aurais immédiatement deviné que quelque chose n'allait pas. Et Anabelle étant Anabelle, l'aveu ne met que très peu de temps à sortir.
- Je dois te dire quelque chose, grimace-t-elle anxieuse.
- J'imagine.
Elle ouvre de grands yeux surpris et je parviens à déceler de la crainte. Je me mets alors à imaginer le pire. Je l'ai vue partir avec lui, mais je lui fais confiance. Ça ne veut rien dire, pas vrai ? Mais si ça ne veut rien dire, pourquoi est-elle aussi stressée ? Putain j'y connais rien moi en relation ! Elle a intérêt de parler avant que je me fasse des films parce que je vais finir par péter un plomb.
- Tu sais ?
- Je t'ai vue partir avec lui après les cours, dis-je simplement.
- Et tu crois que...
- Je ne crois rien du tout, la coupé-je immédiatement. Je veux simplement savoir ce que tu foutais avec lui.
Je n'ai pas envie d'être ce petit ami jaloux qui profère des accusations à partir de déductions sans fondements. Bien entendu, la jalousie est là : elle peut parler avec lui comme avec n'importe quel homme librement, mais pas avec moi. Pas en public. Mais je croirai ce qu'elle me dira, parce que j'ai confiance en elle, mais aussi parce qu'elle ne sait pas mentir. J'ignore d'ailleurs comment j'ai fait pour ne pas comprendre ses sentiments à mon égard durant la période où nous étions en froid. Peut-être parce que je ne voulais pas comprendre. Je n'en avais tout simplement pas envie. Je ne sais pas.
- On a simplement discuté, Adam. Je te le promet.
Elle est sincère, ça ne fait aucun doute. Mais je remarque aussi que ce n'est pas terminé. C'est dingue comme c'est facile de lire en elle lorsqu'elle est angoissée !
- Discuté de quoi ?
Elle soupire et baisse les yeux. Je lui fais alors relever la tête en posant ma main sur sa joue et je suis horrifié de constater qu'elle a les larmes aux yeux.
- Il sait, murmure-t-elle presque imperceptiblement.
- Il sait quoi ?
En posant cette question, je me rends compte qu'il n'y a qu'une réponse qui pourrait la mettre dans cet état-là. Un seule. Mais c'est impossible que ce soit ça. Je refuse que ce soit ce à quoi je pense.
- Ana, parle moi, ordonné-je sèchement.
- Il est au courant, Adam, me confirme-t-elle d'une voix tremblante. Il nous a entendu parler après le cours et il sait pour nous deux.
Ma main retombe mollement sur ma cuisse et je me lève du lit, le souffle court et des images de mon passé plein la tête. Les flics, la prison, l'angoisse, la peur... Putain ça va recommencer. Mais en pire cette fois puisqu'ils vont me retirer Anabelle. Ils vont me retirer ce pourquoi j'ai accepté de tout donner, jusqu'à mon cœur que j'avais cru disparu à jamais.
Un enfer. Je vais vivre un véritable enfer. Mes doigts se crispent dans mes cheveux alors que je presse très fort mes paupières. C'est un cauchemar, n'est-ce pas ? Je me suis assoupi pendant la réunion et je suis en plein cauchemar, pas vrai ?
- Adam...
Non. Je suis bel et bien réveillé. Mon poing s'écrase brutalement contre la porte et je respire bruyamment. Merde ! Ça ne peut pas recommencer ! Pas encore ! Pas Ana. Pas elle. Tout sauf elle.
Sa main se pose sur le bas de mon dos et c'est à cet instant que j'explose.
- Putain mais tu te fous de ma gueule ? C'est une blague c'est ça ?
- Il m'a promis de ne rien dire.
J'éclate d'un rire nerveux et lui fais face :
- Mais bien sur ! Et tu le crois en plus ?
- Oui.
- Je savais que t'étais naïve mais à ce point là, je l'aurais jamais imaginé !
Je m'éloigne d'elle et fait les cent pas dans ma chambre.
- Je te jure qu'il ne dira rien ! s'exclame-t-elle avec assurance. Je lui ai tout expliqué et...
- Parce qu'en plus, tu lui as raconté ta vie ? Notre vie ? Tu plaisantes j'espère !
- Il voulait te dénoncer pour abus d'autorité et pire encore ! Tu voulais que je fasse quoi ? Que je le laisse faire ?
C'est quoi la prochaine étape ? « J'ai fait ça pour te protéger » ? Elle se fout de ma gueule, c'est pas possible autrement !
- Tu penses réellement qu'il va garder ça pour lui ?
- Je lui fais confiance.
- Ça c'est la meilleure ! ris-je avec ironie. Tu fais confiance au mec qui t'a trompé, je te rappelle.
- Je fais bien confiance à celui qui m'a humiliée et rabaissée, je ne vois pas où est le problème, rétorque-t-elle sur le même ton haineux que j'ai adopté.
Putain ce que ça fait mal. Cette remarque à le don de me calmer instantanément.
- Ouais, t'as raison.
Ses yeux se ferment quelques secondes avant de se rouvrir.
- Pardon je...
- Ça va, la coupé-je. C'était mérité.
Elle secoue frénétiquement la tête.
- Non. Je suis désolée, Adam. Ce n'est pas ce que je voulais dire.
- Si, c'est exactement ce que tu voulais dire. Mais c'est pas grave.
Et je le pense réellement. Anabelle a parfaitement raison et sa naïveté la perdra.
- Je te demande pardon, s'excuse-t-elle à nouveau, une lueur de culpabilité dans les yeux.
Je prends une grande inspiration et tire nerveusement sur mes cheveux. Je dois me calmer. Ca ne sert à rien de rejeter la faute sur elle puisque c'est cause de moi. C'est moi qui l'aie fait rester après le cours et qui aie tenu à l'embrasser. Et puis, je ne peux rien faire. A part écouter. Attendre Et éventuellement prier. Bien que je sois loin d'être croyant.
- Je veux savoir tout ce qu'il s'est passé.
- Je vais tout te dire, m'assure-t-elle.
Elle me prend alors par la main et nous nous asseyons à nouveau sur le lit. Elle commence immédiatement ses explications.
Ça commence par ce qu'il s'est produit après notre rupture en septembre. Théo avait été, selon elle, le seul à se rendre compte qu'elle passait ses journées à pleurer. Il avait aussi compris que c'était un cause d'un mec. Il lui a alors conseillé de laisser tomber et lui aussi a fini par abandonner. Jusqu'à aujourd'hui, apparemment.
- Tu le sais bien, je ne sais pas cacher quoique ce soit. Alors il a très vite compris que j'avais quelqu'un ce midi. Il a alors voulu qu'on parle mais j'ai refusé. C'est pour ça qu'il m'attendait après le cours de maths et qu'il a tout entendu de notre conversation.
Moi qui pensait être prudent, je me suis trompé sur toute la ligne et Anabelle avait raison. Entièrement raison.
- A la pause, il voulait aller voir le proviseur et tout lui dire. J'ai réussi à le convaincre de m'écouter. Mais il a exigé les moindres détails, c'est pour ça que je lui ai tout dit.
- Tout ? Absolument tout ? m'exclamé-je surpris.
Elle se met alors à rougir et esquive mon regard.
- Bien sûr que non. Seulement les grandes lignes, Adam. Et surtout que je t'aimais plus que tout. Je lui ai répété je ne sais pas combien de fois d'ailleurs. Il m'a traitée d'inconsciente.
- Et moi j'ai eu droit à quels qualificatifs ?
- Je pense pas que j'aurai le temps de tous les énoncer, dit-elle en grimaçant.
Avec cette remarque, elle parvient à m'extorquer un sourire. Léger, mais un sourire tout de même.
- Il te déteste maintenant, mais je te promet qu'il ne dira rien. Sauf si tu me fais du mal. Ce sont ses mots, pas les miens.
- Tu es en train de me dire que je suis obligé de rester avec toi alors ?
Elle rit doucement en hochant la tête. Je comptais bien rester avec elle ! Toutefois, quelque chose me pose problème dans tout ce qu'elle m'a dévoilé aujourd'hui.
- Pourquoi il se préoccupe autant de toi ?
- Je ne sais pas. Il tient à moi, je suppose, répond-elle hésitante en haussant les épaules.
- Ou il t'aime toujours.
- Certainement pas ! s'esclaffe-t-elle. Il ne m'a jamais aimée. Appréciée, peut-être un jour. Mais rien de plus.
Je ne suis que très peu convaincu mais ne réponds pas.
- Il ne faut plus que tu m'embrasses ni que tu me parles comme ça au lycée, Adam. J'ai eu tellement peur, avoue-t-elle en serrant ma main. C'est beaucoup trop risqué. Imagine si ça avait été un autre élève. Ou pire, un prof ou le proviseur qui se promenait dans les couloirs. On doit être plus prudent.
- Je sais, soupiré-je. J'ai été stupide.
Elle hoche la tête avec conviction pour approuver mes dires. Un peu de compassion ? Pour quoi faire !
- Il ne dira rien, répète-t-elle pour la énième fois.
- J'ai pas d'autre choix que de lui faire confiance à mon tour, pas vrai ?
Ana hausse les épaules.
- Il n'a rien dit à tes autres potes, rassure moi ?
- A personne. Il le gardera pour lui.
Je soupire longuement et place ma tête dans mes mains, mes coudes bien ancrés dans mes cuisses. Remettre ma vie entre les mains de Théo ne me plait pas. Absolument pas. Je serai constamment en état de stress, je le sais. Et si un jour il en avait assez de garder le secret ? Et si, sur un coup de tête, il décidait de tout balancer ? Est-ce qu'il serait capable de me faire du chantage ? Quelques points en plus sur ses devoirs en échange de son silence ? J'ignore totalement ce que je ferai si un jour il se rabaissait à ça. Risquer de perdre Anabelle me parait inconcevable et céder à ce genre de chantage serait insensé. Je suis totalement perdu.
- Tout va bien se passer, murmure-t-elle en entourant mon buste de ses bras. On va y arriver, n'est-ce pas ?
- On n'a pas trop le choix, réponds-je en tournant légèrement la tête.
Elle dépose un petit baiser sur mes lèvres et me sourit.
- Je t'aime.
Ana dégage rapidement mes bras pour pouvoir passer les siens autour de mon cou.
- Je vous aime Monsieur Chorlay.
- Je déteste quand tu me vouvoies, grogné-je.
- Je sais, rit-elle.
Je me recule pour pouvoir l'embrasser fougueusement et elle se retrouve rapidement allongée sur mon lit, mon corps recouvrant le sien. J'ai besoin d'elle. Tellement besoin d'elle après tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui.
Ses mains s'immiscent sous mon tee-shirt pour me caresser le dos, puis le ventre et le torse. Je ne perds pas de temps et me redresse pour retirer mon vêtement et ôter sa chemise par la suite. C'est dingue : un instant je panique au point d'être à la limite de la crise d'angoisse, et l'instant d'après, me voilà heureux et empli d'un désir incontrôlable. Anabelle et ses pouvoirs magiques me fascineront toujours.
Je me penche à nouveau sur elle et embrasse son ventre plat et délicieux, lorsque la sonnette de la porte d'entrée retentit, mais ce n'est pas pour autant que je cesse ce que je suis en train de faire. Ma petite amie n'est pas de cet avis, bien sur.
- Adam...
- Stef a des jambes, il ouvrira, marmonné-je contre sa peau.
- Tu attends quelqu'un ? demande-t-elle le souffle court.
- C'est sûrement Émilie, réponds-je vaguement en déboutonnant son jean.
- Non, elle est chez sa sœur.
- Donc c'est personne. Tant mieux.
Je la sens gigoter sous moi mais je tire tout de même sur la braguette de son pantalon, juste avant qu'elle ne me repousse.
- Et si c'est quelqu'un du lycée ?
Je souris lascivement en lui répondant :
- Parfait ! Tu seras séquestrée dans ma chambre alors.
- Je suis sérieuse. Va voir s'il te plait.
Voyant que je ne bouge pas, et que je suis loin d'en avoir envie, elle croise les bras sur sa poitrine seulement dissimulée par un soutien-gorge pourpre et je lis de la détermination dans ses yeux. Il semblerait qu'elle soit en train de me dire « Il ne se passera rien tant que tu n'iras pas voir. ». Son attitude est formelle et moi, je vais craquer.
Je soupire d'agacement et me lève du lit en attrapant mon tee-shirt au passage. J'ouvre ensuite la porte en lui jetant un regard noir et me dirige vers les escaliers dans l'intention de me débarrasser au plus vite de cet intrus, sauf qu'une voix que je connais parfaitement bien me stoppe dans mon élan. Je le savais que cette journée allait être interminable, mais pas à ce point ! Mon cœur ne va jamais suivre la cadence, c'est certain.
Je rebrousse rapidement le chemin, m'empare des affaires d'Anabelle pour les mettre dans la chambre d'à côté sous son regard perdu. Je reviens ensuite la chercher et lui fais signe de se taire avant de nous enfermer dans la chambre de Stef.
- C'est qui ? demande-t-elle en chuchotant.
- Ma mère. Reste là.
Je la plante ici sans plus d'explications et descends les escaliers pour accueillir ma génitrice qui m'ouvre grand ses bras. Je n'ai jamais été aussi tendu de toute ma vie !
- Adam ! Comment tu vas ?
Je la serre dans mes bras et croise le regard entendu de Stef, qui semble lui aussi un peu confus.
- Ça va et toi ? réponds-je en m'écartant d'elle pour voir son sourire, présent en toutes circonstances.
- Je vais bien, merci. Ça ne te dérange pas que je reste quelques jours, j'espère ? Je suis désolée, je sais que je te mets au pied du mur. Ce n'était pas prévu. Je t'ai téléphoné tout à l'heure mais tu n'as pas répondu.
Elle semble sincèrement gênée de ne pas me laisser le choix.
- Non pas du tout. Tu sais que tu peux rester autant que tu veux, lui souris-je tout en étant crispé.
Je suis content de voir ma mère mais j'aurais tout de même préféré qu'elle me rende visite le week-end dernier. Anabelle n'était pas là, c'était parfait. Alors que là... Je ne sais pas trop quoi faire.
- Bonsoir, salue une voix enjouée depuis l'entrée du salon.
- Ana, c'est ça ? s'exclame immédiatement ma mère en s'approchant d'elle pour lui faire la bise comme si elle la connaissait depuis des années.
Ce n'est que la seconde fois qu'elle la voit, mais elle semble l'apprécier. Cette constatation me donne le sourire, avant que je ne me souvienne que je ne peux pas la présenter comme ma petite amie. Ma mère serait ravie d'apprendre que je suis en couple, mais sa joie disparaitrait probablement rapidement en sache avec qui. Anabelle est censée être la meilleure amie de mon frère, rien de plus à mes yeux.
Je les écoute distraitement discuter avant d'annoncer que je vais commander quelque chose à manger, les laissant tous les trois en grande conversation. Je me sens beaucoup trop mal à l'aise.
Cette soirée a vraiment été un ascenseur émotionnel particulièrement intense : la colère pour ma voiture, l'angoisse de l'aveu d'Ana, le désir ressenti pour elle et enfin la peur que ma mère soit au courant. Je sens déjà le mal de crâne arriver et je redoute vraiment ce week-end.
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