Chapitre 2.

1er Janvier 2016

Sa mâchoire se décroche instantanément et elle porte une main à sa bouche. Le choc, la surprise, l'étonnement, la honte, le regret... Tout y passe !

Je sens qu'elle veut parler, mais elle se retient et écoute le message. En entier. Et vu l'expression abasourdie de son visage, elle ne se souvient absolument de rien.

Au fur et à mesure, son visage se décompose, commençant par un froncement de sourcils lorsqu'elle s'entend mentionner le prénom de ce Baptiste, puis elle se cache de ses deux mains quand elle apprend ce qu'elle a fait avec ce type. Lorsque qu'elle parle de l'état déplorable dans lequel elle est et de celui dans lequel elle comptait se mettre, elle relève la tête, honteuse, et garde les yeux rivés sur mon téléphone, s'attendant probablement à ce que cet objet lui annonce que tout ceci n'était qu'une farce. Mais rien n'arrive, bien entendu.

Puis elle s'entend dire qu'elle est amoureuse de moi. Qu'elle m'aime. J'ai l'impression de défaillir encore une fois lorsque sa voix prononce à nouveau ces mots. Ça m'atteint littéralement en plein cœur, comme cette nuit.

« Bonne année Adam. Je t'aime. »

La tristesse se perçoit aisément dans sa voix, bien que pâteuse et beaucoup plus grave que d'habitude, ce qui donne un arrière goût amer aux mots magnifiques qu'elle vient de prononcer. Je ne peux nier que j'aurais aimé les entendre dans un autre contexte, peut-être même dans une autre vie puisque celle-ci nous interdit tout ce que je souhaiterais.

Suite à cette dernière phrase, un silence de mort plane dans la pièce. Ses yeux sont rivés sur mon téléphone, les miens sur son visage en panique. Elle ne sait visiblement pas comment réagir et je crains plus que tout sa réaction. Qui vient quelques secondes plus tard.

Elle cache son visage rougi de honte dans ses mains et prend la parole d'une douce voix.

- Je suis vraiment, vraiment désolée. Je n'aurais jamais dû t'appeler pour te dire tout ça.

- Tu aurais surtout pas dû faire tout ce que tu m'as dit, rétorqué-je assez froidement, la faisant ainsi relever la tête.

- Ce que j'ai fait ne te regarde pas, répond-elle en fronçant les sourcils. Je ne sais même pas pourquoi je t'ai téléphoné, j'avais trop bu alors c'est pour ça que je tiens à m'excuser.

Elle s'excuse de m'avoir dérangé, et non de ce qu'elle a fait alors que ce sont ses actes qui me font péter un plomb. Elle ne s'en rend même pas compte.

Toutefois, je dois dire qu'elle a raison ; ça ne me concerne pas. Ou du moins, ça ne devrait pas me concerner, mais c'est plus fort que moi. Ana occupe mes pensées depuis des mois et je ne parviens pas à m'en défaire. Je crois que jamais je n'y parviendrai.

- Ça ne me dit toujours pas pourquoi tu es venu me chercher, ajoute-t-elle avec ironie.

Un rire nerveux sort de ma bouche et je me redresse sur ma chaise, posant les coudes sur la table tout en gardant mon regard planté dans le sien.

- Sérieusement ?

- Oui.

Elle me défie du regard et je n'aime pas ça. Je lui réponds quand même, tentant tant bien que mal de masquer ma colère.

- Tu te fiches de moi Ana ! Tu m'appelles pour me dire que tu es bourrée, que tu as failli coucher avec un mec que tu ne connais même pas et que finalement tu vas retourner le voir après t'être défoncée avec je ne sais quelle drogue et tu me demandes sérieusement pourquoi je suis venu te chercher ?

- Oui, répond-elle avec aplomb.

Je prends une grande inspiration pour essayer de me calmer.

- Eh bien la prochaine fois que tu veux te retrouver dans le lit d'un mec, complètement défoncée, ne me dérange pas en plein milieu de la nuit. Je n'ai pas que ça à faire de m'occuper d'une gamine.

Le ton cinglant que je viens d'employer l'atteint en plein cœur. Je le vois. Et pourtant, je ne fais rien pour revenir sur mes mots, bien que l'envie de me gifler moi-même me traverse l'esprit. Je me déteste tellement dans ces moments et j'ignore totalement pourquoi je persiste à vouloir réagir de la sorte.

Elle pince furieusement ses lèvres et se relève brusquement, faisant tomber sa chaise au sol. Les mains à plat sur la table, elle se penche vers moi et répond sur le même ton haineux.

- Je suis peut-être une gamine, mais en attendant, ça ne te dérangeait pas de t'occuper de moi quand c'était dans ton lit que j'étais.

Je l'ai mérité, mais putain ce que ça fait mal.

Elle sourit malicieusement et m'achève avant de quitter la pièce.

- Je me demande chaque jour comment je fais pour être amoureuse de toi. T'es qu'un enfoiré Adam.

Je ne laisse rien paraitre, comme à mon habitude, mais je bous intérieurement. Elle vient de le dire de vive voix : elle est amoureuse de moi.

C'est seulement au moment où elle disparait de mon champs de vision que mes poings se resserrent, que ma mâchoire se crispe, et que je manque d'attraper la table pour la retourner et de frapper sur le mur jusqu'à ce que mes phalanges se brisent. Peut-être que ça me ferait enfin ouvrir les yeux.

Elle. Est. Amoureuse. De. Moi.

Bordel, mais comment elle fait ? J'ai tout fait pour qu'elle me déteste mais j'obtiens le contraire ! Non, en fait, elle parvient et à m'aimer, et à me détester. Je ne comprends pas.

Quand j'entends ses pas dans les escaliers, les mots de mon frère résonnent dans ma tête.

« Ne fais pas tout foirer pour une fois. »

C'est ce que j'essaie de faire depuis quatre mois, figure-toi, mais ça ne marche pas. Rien ne marche. Rien du tout. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé, puisque j'ai absolument tout essayé. Sauf une chose. Une chose à laquelle je ne peux céder. Une chose à laquelle je ne dois pas céder. Je n'en ai pas le droit.

Les escaliers craquent à nouveau, signe qu'elle redescend.

« Ne fais pas tout foirer pour une fois. »

Je ne réfléchis pas et me précipite pour la rejoindre. Elle enfile ses chaussures et Chipster lui tourne autour, comme pour la retenir. Anabelle ne lève même pas les yeux vers moi.

- J'ai pris une veste à ton frère. Je lui ai envoyé un message pour le prévenir, m'annonce-t-elle en commençant à enfiler le vêtement.

- Ana, attends.

- Excusez-moi de vous avoir dérangé, Monsieur Chorlay, me sourit-elle hypocritement.

- Arrête Ana, soupiré-je. Je suis désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Ce n'est pas grave, ne vous en faites pas, rétorque-t-elle sur le même ton.

- Arrête de me vouvoyer ! m'énervé-je.

S'il y a bien quelque chose que je ne supporte pas c'est bien quand elle me vouvoie. C'est tout simplement insupportable.

Elle perd immédiatement son sourire et remonte la fermeture éclair de sa veste.

- Pourquoi ? C'est pourtant ce que je dois faire, non ?

Non !

- Tu es mon prof Adam. Tu n'es que mon prof. Rien d'autre.

C'est un fait, mais pourtant je ne peux m'empêcher de la contredire dans ma tête. Je ne peux le nier : elle est bien plus que mon élève, même quand je ne le souhaite pas.

- Je ne suis qu'une enfant, et toi, un adulte responsable que je respecte malgré tout.

J'aimerais être cet adulte responsable qu'elle imagine que je suis, mais je n'y parviens pas. C'est impossible lorsqu'elle est face à moi. Je n'ai qu'une envie, c'est de la prendre dans mes bras et de lui demander pardon pour tout le mal que je lui ai fait. Et voir cette larme glisser sur sa joue me brise le cœur. Elle a raison, je ne suis qu'un enfoiré. Je le savais depuis longtemps, mais l'entendre de sa bouche est quelque chose de bien pire.

J'aimerais effacer cette perle d'eau salée mais elle le fait elle-même et baisse les yeux avant de se retourner. Lorsqu'elle pose la main sur la poignée, mon corps ne m'obéit plus et s'approche d'elle. Je pose ma main contre le battant de la porte pour qu'elle ne puisse pas l'ouvrir et je l'entends soupirer, soudainement beaucoup moins sûre d'elle que quelques minutes auparavant dans la cuisine.

- Laisse-moi partir s'il te plait, murmure-t-elle désespérée.

Je devrais, mais je n'en ai pas envie. Je ne le peux pas.

- Attends.

Elle se retourne alors vivement et me fusille du regard.

- Pourquoi tu continues de jouer avec moi ? me questionne-t-elle désormais lassée de tout. Après tout ce que tu as entendu cette nuit...

Et voilà que je la refais pleurer. Je suis vraiment une ordure.

Je lève instinctivement la main dans l'idée d'essuyer ses larmes mais ses mots me percutent de plein fouet : « Ne me touche plus jamais. ». Ce soir-là, j'ai eu l'impression qu'elle m'arrachait le coeur à main nue, mais une fois de plus, c'était mérité. Elle aurait pu piétiner mon organe vital, son action aurait été justifiée. Je me suis alors promis de ne plus jamais la toucher sans son accord. Cette nuit faisant exception puisqu'elle était inconsciente et que j'y étais obligé.

- Depuis le premier jour, depuis notre première sortie, je suis tombée amoureuse de toi, commence-t-elle en gardant ses yeux humides rivés aux miens, dépourvus de la moindre émotion. Et je ne regrette pas. Parce que pour moi, ce qu'on a vécu était magique. Pour toi, ça ne rimait sûrement à rien, mais pour moi, si. Et ça tu ne veux pas le comprendre. Tu ne veux pas comprendre à quel point je tenais à toi. A quel point je tiens toujours à toi.

Elle essuie ses joues avec la manche de sa veste et renifle bruyamment. Je ne sais pas quoi faire, quoi dire ou comment agir. Ça me tue de la voir comme ça.

Son regard se fait soudain plus confiant et elle me semble plus sûre d'elle lorsqu'elle reprend la parole.

- Je ne suis qu'une gamine qui tombe amoureuse trop rapidement, alors j'espère que je parviendrai à t'oublier un jour. Comme j'ai réussi à oublier Théo grâce à toi. Me connaissant, je retomberai amoureuse, et je finirai encore par pleurer, mais tant pis. Tant que j'arrive à ne plus penser à toi, ça me va. Il me reste seulement six mois à te voir tous les jours et après je m'en irai. Après je t'oublierai.

C'est seulement après ce monologue qu'elle baisse les yeux et je me sens terriblement coupable de la mettre dans cet état. Je sais qu'elle souffre. J'en suis plus que conscient, mais je ne parviens pas à la laisser s'éloigner. C'est trop difficile.

Elle ne mérite pas autant de douleur. Elle ne mérite pas tout cela. Je ne la mérite pas. Alors pourquoi je ne veux pas la laisser s'en aller ? Pourquoi je veux la prendre dans mes bras et l'embrasser jusqu'à en perdre la raison ? Essuyer ses larmes et ne plus jamais les laisser couler ?

- Merci pour tout Adam, termine-t-elle finalement. Et encore désolée pour cette nuit. Ça ne se reproduira plus.

Elle me tourne le dos et repose la main sur la poignée. Chipster miaule à ses pieds et lui tourne autour, comme pour la retenir de s'en aller. Mon cœur me dit que je devrais faire pareil, que je devrais parler, que je devrais la retenir. Mais ma tête me rappelle que je n'en ai pas le droit. Que c'est interdit. Que je risque de la détruire davantage et que je ne dois pas être égoïste. Je dois la laisser partir.

« Ne fais pas tout foirer pour une fois. »

Stef, qu'est-ce que tu voulais dire par là ? Je dois la laisser partir ou la retenir ? Tu n'aurais pas pu être plus explicite dans tes paroles ?

Je n'ai plus le temps de tergiverser. Ana vient d'entrouvrir la porte et s'apprête à disparaitre. Encore. Je referme alors le battant en posant à nouveau - un peu trop brutalement - ma main sur la porte.

- Je ne veux pas que tu m'oublies, murmuré-je.

Un silence pesant s'installe entre nous. Son corps n'est qu'à quelques centimètres du mien et je ne sais pas ce qui me retient de la prendre dans mes bras. Ou plutôt ; si, je le sais. Seuls ses mots m'en empêchent : « Ne me touche plus jamais. ».

Une longue minute s'écoule avant qu'elle ne me dise dans un souffle à peine perceptible :

- Pourquoi ?

Je me le demande aussi, figure-toi, et je ne suis pas certain de la réponse. En fait, je crois que j'ai peur de la réponse.

Elle est mon élève, bordel ! Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Elle a huit ans de moins que moi, à quoi je joue ?

- J'ai besoin de toi.

Je suis surpris d'avoir réussi sortir ces mots de ma bouche et d'enfin l'admettre à voix haute et surtout face à elle. Elle est tout aussi étonnée puisqu'elle se retourne presque immédiatement pour tenter de lire quelque chose dans mes yeux.

Anabelle me bouleverse totalement. Je me suis promis de ne plus jamais m'attacher à qui que ce soit, mais elle est entrée dans ma vie, et je ne parviens pas à l'en faire sortir. J'ai essayé. Oh oui, j'ai essayé ! Mais j'en viens toujours à la même conclusion : je la veux auprès de moi alors que je suis loin de la mériter.

Sous son regard surpris et totalement désemparé, je fais la chose que je n'aurais jamais ne serait-ce qu'imaginé : je baisse les armes. Je fais disparaitre mon masque et la laisse lire en moi. Même si je ne le devrais pas.

- J'ai besoin de toi, Ana, répété-je à nouveau.

Mais elle ne me croit pas. A quoi je m'attendais en même temps ? Je lui ai fait croire que je m'amusais d'elle, pourquoi elle me ferait confiance maintenant ?

Elle secoue alors la tête, complètement lasse.

- Je n'en peux plus Adam, sanglote-t-elle maintenant. Je t'en prie, cesse de jouer avec moi. Je t'aime et toi tu...

- Je ne joue pas, la coupé-je avant qu'elle ne m'accuse à nouveau.

- Si !

Elle pleure réellement maintenant. Ce ne sont plus de faibles sanglots, mais de la détresse désormais. Je voudrais la prendre dans mes bras mais je ne le peux pas. Je m'écarte alors un tout petit peu d'elle pour la laisser tenter de reprendre son souffle mais elle se laisse glisser au sol et remonte les genoux contre sa poitrine, tout en pleurant de plus belle.

Elle craque littéralement. C'est beaucoup trop pour elle ; ce qu'il s'est passé la veille, l'alcool, son réveil dans ma chambre, notre discussion, les méchancetés que je lui ai dit... Elle n'en peut plus, tout simplement.

Mon cœur se serre et je ne tiens plus. Je me laisse tomber à genoux devant elle et tends les bras vers elle mais je me ravise au dernier moment.

- Ana...

Elle relève la tête et tente de réfréner ses larmes. Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que je lui ai fait ?

- Viens là, murmuré-je en lui ouvrant mes bras.

Je vois dans ses yeux qu'elle en crève d'envie et qu'elle en a besoin mais elle hésite. Je ne lui en veux pas, je la comprends. Ce que je ne comprends pas par contre, c'est pourquoi elle ne m'a pas encore giflé et insulté de tous les noms.

Parce qu'elle m'aime.

Et c'est aussi parce qu'elle m'aime qu'elle finit par se jeter dans mes bras pour pleurer ce qu'il lui reste de larmes. Je la serre contre moi. Fort, très fort. Instinctivement, je hume sa délicieuse odeur qui me manque tellement et je savoure le contact de sa peau parce que dans quelques minutes elle sera partie.

Je me mets à la bercer doucement tout en murmurant contre son oreille. Je ne sais pas si elle m'entend mais je continue :

- Je suis désolé. Tellement désolé, Ana. Je m'en veux de te faire souffrir comme ça, et ce n'était pas mon intention, je te le promet. Je te demande pardon, Anabelle. Je te demande pardon.

Je me met immédiatement à regretter d'avoir couché avec elle lorsqu'elle était devenue mon élève, parce que je viens de comprendre qu'elle m'aimait déjà. Elle m'aime depuis le début, et moi, en gros connard que je suis, j'ai profité d'elle. Tout ça parce que mon corps réclamait le sien. Je ne sais même pas ce que moi, je ressens pour elle. Je ne sais pas si je l'aime de la façon dont elle, elle m'aime. Tout ce que je sais en ce moment, c'est que j'ai besoin d'elle. Plus que tout.

Après de longues minutes, le seul bruit qui rompt le calme de la pièce est le reniflement régulier de mon élève. Elle ne pleure plus et est à bout de force. Je le sens. Ses doigts ne sont plus crispés sur mon tee-shirt trempé, et sa tête repose mollement contre mon cœur.

Je ne résiste pas et embrasse ses cheveux humides. C'est probablement ce qui l'a fait réagir puisqu'elle se recule légèrement et ne prend pas la peine d'essuyer ses joues. Elles sont déjà sèches.

Lorsqu'elle relève les yeux, je vois qu'elle me supplie de l'épargner. Elle ne peut plus lutter désormais. Je lui ai arraché toute la force qu'il lui restait.

- Je vais y aller, dit-elle finalement d'une voix cassée.

- Reste.

Elle soupire et lève les yeux au ciel avant de se passer la main sur le visage.

- Ne recommence pas, je t'en supplie.

- Je ne joue pas, Ana. Je sais que tu ne me crois pas mais je t'assure que je ne joue pas. Reste avec moi s'il te plait.

- Je suis fatiguée Adam, soupire-t-elle en se relevant difficilement.

Je reste à genoux face à elle et lève les yeux.

- Reste dormir avec moi. Je sais que je n'ai pas le droit de te demander ça, à cause de mon statut et de tout le mal que je t'ai fait mais je te promet que je ne joue pas. Je ne me moque pas de toi, je suis sérieux. J'ai vraiment besoin de toi.

Je me rends compte que je suis la pire des ordures de la supplier de la sorte après l'avoir traitée comme je l'ai fait mais je ne peux me résoudre à la laisser s'en aller, surtout dans l'état dans lequel elle est.

- Je veux seulement dormir auprès de toi. Comme avant.

A ces mots, ses yeux quittent les miens pour regarder autour d'elle afin d'esquiver mon regard par tout les moyens et elle se mord la lèvre inférieure avec force.

- Pourquoi tu me dis ça maintenant ?

Parce que moi aussi je suis à bout. Parce que tout comme toi je n'en peux plus.

- Je ne sais même pas pourquoi je suis toujours là Adam alors que je sais très bien comment ça va finir, m'accuse-t-elle.

Je me redresse lentement et me mets debout face à elle. Je lève ma main à hauteur de sa joue et la laisse à quelques centimètres de sa peau.

- Je peux ?

Elle fronce les sourcils à ma demande, et ne comprends visiblement pas pourquoi je lui demande l'autorisation.

- S'il te plait ? insisté-je.

Elle hoche doucement la tête tout en gardant ses yeux ancrés dans les miens et je pose enfin ma main sur son visage avec délicatesse. Un faible soupire d'aise sort de ses lèvres et je fais un pas vers elle pour déposer mes lèvres sur son front.

- Je suis tellement désolé, soufflé-je désespéré.

Je ne me serais jamais autant excusé de toute ma vie mais toutes les excuses du monde ne suffiront pas à lui faire comprendre à quel point je suis désolé.

De mon autre main, je m'empare de la sienne et garde mes lèvres sur son front en mêlant mes doigts aux siens. Nous restons immobiles, tous les deux, pendant de très longues secondes, avant que je ne lui fasse doucement relever la tête pour fixer ses jolies iris vertes. Ses yeux verts ne montrent aucune trace de joie ou de bonheur que je pouvais voir cet été. Seulement du chagrin et de la tristesse. Pas de haine pour aujourd'hui, contrairement à ces derniers mois. Peut-être aurais-je préféré qu'elle me déteste. Ça aurait été moins difficile pour elle de me haïr plutôt que de m'aimer.

J'ai toujours trouvé ses yeux fascinants ; ils sont tellement communicatifs qu'aujourd'hui encore, j'en reste surpris. Et je sais avant qu'elle ne le dise, qu'elle va accepter. Quelques secondes supplémentaires s'écoulent lentement puis un petit mot passe la barrière de ses lèvres :

- D'accord.

Mes paupières se ferment, je suis soulagé.

Je ne perds pas de temps - au risque qu'elle change d'avis - et l'entraine derrière moi. Nous grimpons les escaliers dans le silence, sa main toujours ancrée dans la mienne et j'ouvre la porte de ma chambre. Je ne retiens pas mon petit sourire lorsque je vois qu'Anabelle a fait le lit en se levant tout à l'heure. Il n'est pas bien fait mais l'intention est touchante. Je la revois encore se moquer de moi, quelques mois auparavant, parce que l'oreiller n'était pas à la bonne place ou qu'un pli était visible sur le drap. J'aimais qu'elle rit de moi de la sorte. J'aimais la voir heureuse et insouciante. Ce qui n'est plus le cas désormais. Par ma faute.

Je m'assois sur le lit, tends la main vers sa veste et tire sur la fermeture éclair mais ses doigts se referment immédiatement sur les miens. Ses yeux me jettent un regard plein de détresse et de peur.

- Tu vas mourir de chaud, Ana, dis-je pour ôter toute ambiguïté dans sa tête.

Ses joues se teintent joliment d'une couleur rose et elle esquive mon regard, gênée. Bien que ce ne soit pas l'envie qui manque, je ne veux rien de plus que dormir en ce moment. Et je viens tout juste de décider qu'on devra avoir une conversation à notre réveil, pour mettre tout ça au clair.

Elle relâche ma main et se recule pour retirer la veste elle-même et la poser sur le dossier de ma chaise de bureau. Je ne peux m'empêcher de poser les yeux sur la robe noire qu'elle porte : elle lui va vraiment bien même si je ne remarque que trop bien qu'elle a perdu du poids.

Elle fait ensuite le tour de mon lit et retire ses chaussures. Je me fais violence - vraiment ! - pour ne pas les prendre et les ranger au rez-de-chaussée, mais Ana soulève la couverture pour s'asseoir, alors j'essaie d'oublier ce détail. Je m'allonge près d'elle et tends un bras dans sa direction.

- Viens là.

Elle n'hésite qu'une seule seconde et finit par se blottir contre moi. À mon plus grand bonheur. Je referme mon bras autour de ses épaules et ne peux m'empêcher de déposer un baiser sur son front.

Ça fait tellement de bien de l'avoir dans mes bras, de sentir son odeur et son souffle chaud sur ma peau, que je ne mets pas longtemps à m'endormir, préférant ne pas me soucier des conséquences de mon geste inconscient.

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