Chapitre 18 : Adam.

Je prends une grande inspiration et appuie sur la poignée pour ouvrir la porte. Il est face à moi, comme il l'avait promis la veille et attend simplement en me fixant droit dans les yeux. Je me décale alors sur le côté et le laisse entrer. Il passe près de moi en soupirant. Je lui demande de retirer ses chaussures et l'invite à avancer jusqu'au salon. Il s'installe sans un mot et refuse d'un simple signe de tête que je lui serve à boire.

- Je vais la chercher alors, déclaré-je.

Je vais jusqu'au jardin où Ana m'attend. J'ai prétexté une envie pressante lorsque que j'ai reçu ce message m'indiquant son arrivée. J'attrape sa chemise blanche et la lui lance.

- Habille-toi.

- Pourquoi ?

- On a de la visite, annoncé-je.

Elle fronce les sourcils et enfile sa chemise par dessus son haut de maillot de bain rouge.

- C'est qui ? me questionne-t-elle en boutonnant son vêtement.

Elle rentre ensuite les pans de sa chemise dans son short en jean et je lui demande de me suivre.

- Ta mère ne doit pas venir que la semaine prochaine ?

- Ce n'est pas ma mère.

Je vois sur les traits de son visage qu'elle est perdue et qu'elle ne comprend pas. D'une pression sur le bas de son dos, je la fais avancer jusqu'au salon. Lorsqu'elle voit notre invité, elle en reste bouche-bée et ses yeux s'écarquillent.

- Thomas ?

Puis elle prend peur.

- Si tu viens pour me ramener à la maison, ça ne sert à rien, déclare-t-elle en croisant les bras sous sa poitrine, bien décidée à rester coute que coute. Je reste là, alors...

- Je suis venu pour parler avec toi, la coupe-t-il. Tu veux bien ?

  L'intonation douce de sa voix me surprend, et Ana aussi visiblement. Elle lève des yeux ébahis vers moi et je lui souris.

- Je serai dans le jardin, l'informé-je.

Je dépose un baiser sur son front et admire son sourire plein de reconnaissance avant de disparaitre à l'arrière de la maison. Elle a sans doute compris que j'étais en partie responsable de la présence de son frère sous mon toit et ça n'a pas l'air de l'avoir mise en colère. Tant mieux !

J'ai pris la décision d'aller voir Thomas il y a deux jours ; j'en avais assez de la voir triste à longueur de journée à cause de lui. Il refusait de lui parler et même de la voir sous prétexte que nous sortions ensemble. Je ne voulais pas que notre relation amoureuse empêche leur relation fraternelle.

Je suis donc allé lui parler hier après-midi, lorsqu'Ana était avec ses amies. Dans un premier temps, il m'a fermé la porte au nez. Mais j'ai décidé de mettre sa patience à rude épreuve en restant appuyé sur le bouton de la sonnette et en tapant à la porte comme un hystérique. Il a mis douze minutes avant de craquer et de manquer d'exploser le battant contre le mur en me faisant de nouveau face. D'emblée, je lui ai annoncé que sa sœur n'allait pas bien et je crois que sa curiosité et son inquiétude m'ont sauvé la vie. Ou plutôt mon nez ; il me l'aurait probablement écrasé, vu comme son poing était serré...

Je lui ai dit qu'elle n'était pas très bien ses derniers temps. Le fait qu'il ne lui adresse plus la parole combiné au départ de mon frère pèse beaucoup sur les épaules de ma petite-amie. Elle tente de le dissimuler, la plupart du temps, mais je sais qu'elle n'en peut plus.

J'ai demandé à Thomas de discuter avec sa sœur pour essayer de la comprendre afin d'accepter sa relation avec moi. Ces mots n'ont pas eu l'effet escompté puisqu'il s'est énervé en affirmant que je profitais de sa petite sœur.

Je comprends plus que tout son besoin de la protéger ainsi que son inquiétude mais il ne lui a même pas laissé le temps ni l'occasion de s'expliquer. Il n'a pas laissé à Ana le loisir de lui parler. Il ne sait même pas ce qu'elle ressent ni comment elle se sent. Alors comment peut-il oser prétendre prendre soin d'elle et vouloir son bonheur s'il ne se donne pas la peine de prendre de ses nouvelles ? C'est bien pour Anabelle que je viens le voir !

Je lui ai demandé plusieurs fois de passer à la maison pour la voir et lui parler. Il a voulu que je la ramène mais j'ai refusé. Catégoriquement. J'ai l'occasion d'avoir ma petite-amie rien que pour moi pendant deux semaines puisque ses parents sont partis en vacances, alors je compte bien en profiter. Et puis, à quoi ça servirait qu'elle retourne chez elle si c'est pour rester avec son frère qui l'ignore totalement ?

Après une bonne demi-heure d'argumentation et de débat interminable, il m'a dit qu'il réfléchirait et qu'il passerait. Peut-être. Je lui ai laissé mon numéro de téléphone et il n'a pas tardé à s'en servir. J'en suis plus que ravi. Il va enfin pouvoir discuter avec elle et j'espère de tout cœur que ça n'envenimera pas leur relation.

Une heure plus tard, je suis toujours au même endroit, dans le jardin, allongé sur une chaise longue en train de cuire sous le soleil de plomb. Je n'ai pas entendu de hurlements et Ana n'est pas venue me chercher. C'est donc que tout va bien. J'espère...

Je décide de patienter encore quelques minutes et au bout d'un quart d'heure supplémentaire, je me lève pour m'assurer que tout va bien. Le rire d'Ana me stoppe net alors que je suis sur le point d'entrer dans le salon. Ce n'est pas un éclat de rire joyeux et détendu, mais plutôt un petit rire timide et hésitant. Mais c'est toujours mieux que des sanglots et des larmes !

Comme je ne souhaite pas écouter leur conversation, j'entre dans le salon. Je capte immédiatement le regard émeraude de ma petite-amie, puis celui presque semblable de son frère. Il se lève presque instantanément.

- Je vais m'en aller.

- Tu peux rester, lui indiqué-je. Je venais seulement voir si vous ne vouliez pas à boire, ou quoique ce soit d'autre.

- Non merci. Je vais rentrer, Élise m'attend.

- D'accord. Comme tu veux.

Je repars dans la cuisine pour leur laisser le temps de se dire au revoir mais deux minutes plus tard, Thomas entre dans la pièce. Il parait gêné. Il a ce même tic nerveux que sa sœur lorsqu'elle angoisse ; il se mord l'intérieur de la joue.

- Merci d'être venu. Elle avait l'air heureuse, lui dis-je en m'adossant au plan de travail.

- Ouais. Je crois qu'elle est contente de m'avoir vue.

- C'est certain, souris-je. Tu lui manques beaucoup.

- C'est ce qu'elle m'a dit. Elle m'a manquée aussi.

Il baisse ensuite les yeux et se frotte le visage d'un air résigné, puis il s'avance vers moi et me tend la main. Je la lui serre et tente de masquer ma surprise lorsqu'il reprend la parole.

- Merci.

Il parait vraiment jeune à cet instant. Sa gêne est plus que palpable mais je suis vraiment content qu'il ait mis sa fierté de côté pour parler à sa sœur.

- Je ne lui ferai jamais de mal, lui garantis-je lorsqu'il relâche ma main.

- Tu n'as pas le choix.

Puis il sort sans se retourner. Lorsque j'entends la porte d'entrée claquer, je quitte la cuisine et dans le salon, je vois Anabelle, un sourire immense aux lèvres et des larmes de joie briller dans ses yeux. Elle ne met pas longtemps pour me sauter dans les bras et me remercier une bonne douzaine de fois. Nous nous installons ensuite sur le canapé où elle m'explique la conversation qu'elle a eu avec son frère de long en large.

Le plus important de tout, c'est qu'elle est réellement heureuse, parce que Thomas accepte enfin sa relation et qu'il lui a promis de ne plus jamais s'éloigner d'elle. Rien ne pourrait me réjouir davantage que de savoir Anabelle rassurée et joyeuse.

***

Ma petite-amie ne s'arrête plus de sourire et de rire. Elle est tellement sereine désormais qu'elle a insisté pour qu'on sorte tous les deux le lendemain. J'étais ravi alors bien entendu que j'ai accepté. Nous sommes sortis nous promener au parc où nous nous avions eu notre premier rendez-vous, puis nous sommes allés déjeuner dans un restaurant, en terrasse. Sans se cacher des passants. Sans angoisser à l'idée d'être vu. Comme un couple, tout ce qu'il y a de plus normal. C'est dingue le bien que ça fait, et le soulagement intense que je ressens est indescriptible.

Anabelle est là, face à moi, souriante et insouciante. L'acceptation de Thomas l'a apaisée d'une façon incroyable.

- J'adore quand tu souris comme ça ! m'exclamé-je en terminant la dernière bouchée de ma tartelettes à la framboise.

- J'ai l'air d'une imbécile, c'est ça ? rit-elle.

- Non. Pas pour moi en tout cas. Peut-être pour les autres, je ne sais pas.

Elle s'esclaffe, bien loin de se douter que quelques personnes nous regarde mais je ne lui dis rien. Si elle a envie de rire, elle en a tous les droits.

Elle continue ensuite de manger sa coupe de glace tout en me parlant mais je n'entends plus rien. Je n'écoute plus. Non pas parce que je ne le veux pas, mais c'est tout bonnement impossible. Du coin de l'œil, j'aperçois un visage familier qui fait partir en fumée mon sourire. Ce n'est pas possible...

Je tourne franchement la tête vers elle. Elle ne me voit pas. Focalisée sur son téléphone, assise sur le rebord de la fontaine, elle semble préoccupée par son écran. Elle lève les yeux une seconde pour jeter un œil devant elle mais rebaisse la tête. Merde. C'est bien elle. Je reconnais parfaitement son visage, bien que sa couleur de cheveux soit différente. Ils sont bruns foncés désormais.

- Adam !

Je tourne la tête en provenance de la voix ; c'est Anabelle. Elle a l'air inquiète.

- Tout va bien ? On dirait que tu as vu un fantôme.

Elle tend la main par dessus la table et la pose sur la mienne pour la serrer fermement. Mon regard dévie immédiatement de ses beaux yeux verts pour se poser sur l'autre femme, un peu plus loin.

- Tu la connais ? demande Ana.

Elle a dû suivre mon regard et se rendre compte de ce qui m'accaparait de la sorte.

Le femme se lève et range son portable dans son sac à main puis sourit de toutes ses dents. Quand je découvre le pourquoi de ce sourire, je fronce les sourcils. Un gosse. Un gamin de huit ou dix ans. Il mange une glace italienne et s'approche de la brune qui pose une main sur son épaule. Elle lui parle tout en souriant, puis ils se mettent à marcher. Vers nous. Ils font quelques pas, mais la femme s'arrête subitement lorsqu'elle croise mon regard. Ses yeux s'écarquillent de stupeur.

Je suis arraché de force à cet échange silencieux lorsqu'Ana s'empare de mon visage à deux mains et m'oblige à la regarder elle.

- Qu'est-ce qu'il a Adam ? Tu me fais peur...

J'attrape ses poignets pour pouvoir tourner à nouveau la tête. Elle a continué d'avancer vers nous. Je me lève immédiatement et sors de la terrasse, Ana sur mes talons, et me plante face à elle.

- Adam, dit-elle en levant le menton, fière et méprisante. Comment vas-tu ?

- Parfaitement bien, lâché-je acerbe.

Une petite main attrape la mienne et nos doigts sont rapidement entremêlés. J'ai l'impression qu'ils vont être réduits en bouillie tellement Anabelle les comprime.

- C'est qui Maman ? questionne le gosse.

Je m'attarde alors sur lui et il me fixe timidement. Deux billes noires me scrutent. Aussi noires que de l'encre de Chine. Aussi noires que les plumes d'un corbeau. Aussi noires que les yeux de mon frère. Et que les miens.

Soudain, l'angoisse me prend aux tripes. Ses yeux noirs, ses cheveux noirs, sa taille, son âge... Merde, il a quel âge ce gosse ?

- Il a quel âge ? demandé-je paniqué.

Un sourire et un rire moqueur me répondent en premier, puis c'est sa voix que j'entends. Mes yeux sont toujours rivés à ceux du gamin.

- Huit ans.

- Et demi, ajoute fièrement l'enfant.

Mon souffle se coupe et mon cœur bat à toute allure. Huit ans et demi ? C'est une blague ! Est-ce possible que... Non !

Putain c'est une blague !

Cette fois-ci ; ce n'est plus un petit rire mais un éclat de rire franc. Puis elle se baisse vers le môme, lui murmure quelque chose à l'oreille et il part en sautillant jusqu'à un banc un peu plus loin.

- Détends-toi, il n'est pas de toi !

- Tu as dit qu'il avait...

- Huit ans, oui. Mais il n'est pas de toi.

- Donc en plus d'être une menteuse et une manipulatrice, tu ajoutes salope à ton actif ?

- Il se trouve que tu ne me suffisais pas.

Anabelle se tend à côté de moi et je bous intérieurement. Pas à cause de ce qu'elle m'a dit. Ça, je m'en fiche totalement. Ça ne m'étonne même pas qu'elle m'aie trompée et je m'en fiche éperdument aujourd'hui.

- Tu as dû bien t'ennuyer alors dans cette école de filles.

- Non, pas vraiment, sourit-elle avec arrogance. Grâce à toi, mes parents m'ont reniée et j'ai dégagé de cette école très rapidement puisque j'attendais mon fils. Qui, je le répète, n'est pas de toi.

- Comment tu peux le savoir ?

- Tu ne crois pas que la première chose que j'ai fait à sa naissance c'est un test de paternité ?

Je ris jaune. A la fois amusé, rassuré, et plein de pitié pour cette fille que j'ai osé aimer autrefois.

- Il devait y avoir tellement de pères potentiels !

- Je suis bien heureuse que ce ne soit pas ton fils ! s'exclame-t-elle avant de soupirer de soulagement.

- Et moi j'espère que cet enfant n'héritera pas des gènes de sa mère, rétorque Anabelle.

Nous nous tournons tout deux vers elle. Elle n'est même pas en colère, seulement blessée et triste pour ce gamin.

- Ta copine, je suppose ? me sourit Cassandre.

- Qu'est-ce que tu fais dans cette ville ? demandé-je en ignorant sa question. Tu vis ici ?

- Je rends seulement visite à une amie. Ne t'inquiète pas, on ne se recroisera plus.

Heureusement !

- On peut s'en aller ? me demande Anabelle.

Je hoche la tête et la tire par la main pour retourner sur la terrasse, sans un regard pour mon ex. Nous récupérons nos affaires et je vais payer avant de déguerpir au plus vite. C'est le silence complet pendant plusieurs minutes et nous marchons dans la rue, main dans la main. Au bout d'un moment, elle s'arrête et je suis obligé de faire de même. Je me tourne vers elle et elle vient entourer mon cou de ses deux bras pour y nicher son visage.

Elle a dû se rendre compte de mon trouble mais je lui fais tout de même part de ma réaction en resserrant mon emprise autour de sa taille.

- J'ai cru que...

- Je sais, me coupe-t-elle. Mais ce n'est pas le cas.

- Heureusement, ricané-je. J'aurais détruit la vie de cette garce si ça avait été le cas.

Elle se recule alors un peu et garde ses mains sur ma nuque tout en me regardant.

- Tu aurais aimé que ce soit ton fils ?

- Non. Mais seulement parce qu'elle m'aurait privé de lui pendant huit ans.

- Tu veux des enfants, alors ? me sourit-elle amoureusement.

Elle me fait rire et oublier ce tourment. Sa joie de vivre pourrait me faire tout oublier.

- Peut-être un jour. Mais pas maintenant !

- Certainement pas. Si je dis à ma mère que je suis enceinte aujourd'hui, on se retrouve tous les deux au cimetière, s'esclaffe-t-elle.

- Plus tard alors ?

- Beaucoup plus tard !

- Ça marche.

Je dépose un baiser sur ses lèvres et nous reprenons notre marche. Quelle était la probabilité pour que nous la croisions le seul jour où nous sortons tous les deux ? C'était vraiment un manque de chance...

- Oublie la, me dit Anabelle quelques secondes plus tard.

- Que j'oublie qui ? la questionné-je en fronçant les sourcils.

- Personne !

  Ça faisait longtemps que je n'avais plus penser à elle, et je ne compte plus jamais y penser. Cassandre fait parti de mon passé et je n'ai pas l'intention de le ressasser encore et encore. Elle est mon passé, et mon futur est à mes côtés. Tout près. Elle me tient la main en ce moment même. Elle marche près de moi. Avec moi.

Il m'a fallu des années pour la trouver, des mois pour la retrouver, et des semaines à l'attendre, mais elle est là aujourd'hui. Et plus jamais je ne la laisserai s'en aller.

Tout a commencé avec des mensonges et des non-dits. Puis l'ignorance suite à la vérité a laissé sa place à la colère. Colère, désir, haine, amour. Tout ces sentiments mélangés, mêlés et entremêlés ont fichu un sacré bordel dans ma tête et dans mon cœur. J'ai compris ensuite que je ferais n'importe quoi pour elle, alors je l'ai aimée et adorée. Mais elle m'a quitté, pour me protéger. J'ai patienté et je l'ai retrouvée. Plus jamais elle ne partira. Plus jamais je ne la quitterai.

- On peut rentrer ? Je crois que j'ai assez vu le monde extérieur aujourd'hui, soupire-t-elle.

- D'accord. On rentre à la maison.

*****

Hello !

Voici le dernier chapitre de cette histoire. J'espère qu'elle vous aura plu jusqu'au bout et on se revoit bientôt pour l'épilogue ;)

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