Chapitre 16 : Adam.
- Encore un interrogatoire ?
- Mon père m'a dit que non, répond Ana est grimaçant. Il aimerait... te connaitre.
J'éclate de rire à ces mots. Peut-être que ça pourrait être vrai. Peut-être que son père voudrait éventuellement me connaitre mais je ne suis pas certain que ce soit le cas de tout le monde.
- Et ta mère, elle est d'accord ?
- Oui.
Je hausse les sourcils, douteux, et elle rectifie sa réponse.
- Un peu.
- Je t'en prie Ana ! C'est presque si elle n'a pas applaudi ton frère quand il m'a frappé.
- Bon d'accord ! admet-elle. Elle n'est pas vraiment pour, mais elle a dit qu'elle essaierait. S'il te plait, fais-le pour moi.
- Ne joue pas cette carte-là, lui ordonné-je en m'asseyant sur mon lit.
- Pourquoi tu essaies d'argumenter alors que nous savons tous les deux que tu vas venir ?
Un point pour toi, Ana... Mais je tente néanmoins de la dissuader. Ou du moins : de lui faire croire que je pourrais dire non.
- Qu'est-ce qui te fait croire ça ? la défié-je.
- Je veux faire ce que mon père me demande pour lui prouver que tu es quelqu'un de bien.
- Ce n'est pas avec un nouvel interrogatoire que ça va fonctionner.
- Oui mais c'est ce qu'il veut.
- Et il veut quoi d'autre ? Que je sache à quoi m'en tenir.
Je pense que ce que nous venons de faire dans ce lit n'entre pas dans la catégorie de ce que souhaiterait le père d'Ana.
- Il veut que tu viennes dîner ce soir à la maison, que tu discutes avec lui, que tu sois aimable et souriant et que tu rentres chez toi ensuite.
- Je rentrerai chez moi avec toi ? demandé-je inutilement puisque je connais déjà la réponse.
- Non.
Je regarde ma petite-amie enfiler son tee-shirt et tends les bras pour poser mes mains sur ses cuisses, encore nues, et la rapproche de moi.
- Je vais devoir te séquestrer alors.
- Arrête, rit-elle en se dégageant de mon emprise. Ça ne me déplairait pas, mais on ne peut pas. Tu viens avec moi, Adam et tu n'as pas le choix.
- Sinon quoi ?
Je perds mon sourire lorsqu'elle baisse les yeux sur son corps à moitié nu et me fait comprendre par un seul regard que si je ne vais pas dans son sens, ce sera la dernière fois que j'aurai vu et embrassé chaque parcelle de sa peau délicieuse.
- Tu n'oserais pas, lâché-je en lui lançant un regard noir.
- Moi non. Mais mon père ne voudra plus que je te vois alors ça reviendra au même.
- Et tu obéis à ton père maintenant ?
- Oui.
Elle récupère sa jupe qui est au sol et l'enfile en me regardant toujours dans les yeux, me défiant du regard.
- On part dans combien de temps ? soupiré-je.
- Dix minutes, rit-elle.
- Ton frère sera là ?
- Non, heureusement. Je ne l'ai pas vu depuis ce qu'il t'a fait.
Son regard s'attarde alors sur ma joue qui a viré au violet foncé. Je ne l'admet pas, mais ça fait un mal de chien ! Il a de la force, ce con.
Je sens qu'Anabelle se retient de s'excuser à nouveau. Elle n'a pas cessé de le faire depuis qu'elle est arrivée en début d'après-midi. J'ai été obligée de la faire taire en l'embrassant. Ce qui a rapidement terminé ici, dans ma chambre. À notre plus grande joie, ça va de soit.
- Ton père va me faire l'autre joue ?
- Si tu me fais du mal, oui. Ce sont ses mots, pas les miens. Mais comme tu ne me feras pas de mal, tu ne risques plus rien.
- Comment ça se fait que ton père me fasse déjà confiance ? Il t'a dit quoi hier soir, quand on discutait au téléphone ?
En à peine une seconde, il n'y a plus aucune trace de ce joli sourire et Anabelle déglutit difficilement. Elle baisse les yeux et termine de nouer ses cheveux en une queue de cheval haute avant d'ouvrir la porte. Elle se tourne vers moi et prononce quelques mots avant de dévaler les escaliers.
- Il sait toute la vérité.
***
Quelle ambiance de merde ! Ça fait dix minutes que le repas a commencé et que personne ne parle. Seuls les couverts tintent contre les assiettes et ça devient angoissant. La salade composée est bonne, c'est tout ce que je peux dire. Et je le dis à voix haute.
- C'est très bon.
Je n'aurais rien dit, ça aurait eu le même effet !
Quoique... J'ignore si c'est parce que j'ai ouvert la bouche, mais le père d'Ana se jette enfin à l'eau.
- Depuis quand es-tu prof ?
- Cette année seulement.
- Et tu aimes ton métier ?
- Beaucoup.
Tuez-moi.
Qu'est-ce que je fous là, bordel ? Pourquoi est-ce que j'ai posé mon cul sur cette chaise ? Ah oui... Je sais pourquoi. Pour Anabelle. Je suis là pour elle. Seulement pour elle.
Le plat principal arrive quelques minutes plus tard et le père relance la conversation.
- Que fais-tu de ton temps libre, en dehors des cours ?
- Honnêtement, pas grand chose.
Ma voisine de table rit doucement à cette réponse. Nous nous tournons tous les trois vers elle et je fronce les sourcils.
- Qu'est-ce qui te fait rire ? lui demandé-je.
- Il passe son temps à nettoyer sa maison, dit-elle en levant la tête, le sourire aux lèvres.
Le silence s'installe, encore.
- Ce n'est pas mon passe-temps favori, riposté-je.
- J'en doute.
À quoi joue-t-elle ?
- Ah oui ? Qu'est-ce que tu faisais quand je suis arrivée tout à l'heure ? me défit-elle en souriant.
- Je passais l'aspirateur, et alors ? J'aime que ma maison soit propre, où est le problème ?
- Ça me fait rire, voilà tout.
Puis elle se tourne vers ses parents.
- On pourrait manger par terre, leur dit-elle.
- Ça ne va pas ! C'est beaucoup trop sale.
Cette fois, elle explose de rire et annonce à ses parents que je suis l'être le plus maniaque du monde. Puis elle énonce tout ce qui peut me qualifier de ce terme : la vaisselle que je m'applique à faire briller avant de la mettre dans le lave-vaisselle, l'aspirateur que je passe matin et soir, la poussière que j'élimine chaque jour et l'interdiction formelle de dépasser l'entrée avec une paire de chaussures aux pieds.
Sa joie me fait rire mais je ne comprends pas la raison qu'elle a de dévoiler tout ça, jusqu'à ce que je remarque un léger sourire sur le visage de son père. Elle fait tout pour détendre l'atmosphère et ça commence à marcher. Même si pour cela on doit en passer par mes petites manies, ça ne me dérange pas vraiment.
- La maison est grande en plus, remarque l'homme face à moi. Tu dois en passer du temps.
- Un peu oui, admets-je.
- Elle est à toi ?
- Non, elle est à ma mère. Elle l'a héritée à la mort de ses parents mais elle n'y vit pas, donc elle me l'a laissée.
- Et tu vas continuer d'enseigner ici, en septembre ?
J'acquiesce.
- Anabelle nous a dit que ton frère partait faire ses études à Paris. Je devine qu'il ne vivra plus avec toi ?
- Non. Et je dois admettre que c'est vraiment dommage. Même s'il peut être exaspérant, voire même insupportable parfois, j'aime le fait qu'il vive avec moi.
- Pourquoi il ne vivait pas avec ta mère ?
- Elle est très souvent en déplacement alors je lui ai demandé si elle voulait que je m'occupe de lui.
- Et ton père ?
Je grimace.
- Mon père a foutu le camp quand j'avais quatre ou cinq ans. Et le père de Stef a fait pareil même s'il a attendu un peu plus longtemps pour se tirer.
Le père de famille écarquille les yeux.
- Oh... Je suis désolé d'avoir posé la question. Excuse moi.
Il paraît vraiment embêté mais je le rassure d'un sourire sincère.
- Aucun problème. Ma mère a très bien su gérer sans eux.
- S'occuper de deux garçons n'a pas dû être facile, comprend-il en souriant.
- Je ne vous le fait pas dire, ris-je. Mais elle s'est très bien débrouillée et je l'admire énormément pour ça.
Même si j'ai été insupportable ces huit dernières années, ma génitrice a beaucoup de mérite.
- Je vais chercher le dessert, déclare la mère d'Ana en se levant subitement.
D'un regard entendu, elle fait comprendre à son mari de la suivre. Je ne comprends pas trop ce qu'il vient de se passer... Je me tourne vers Ana lorsque ses parents disparaissent.
- J'ai dit quelque chose de mal ?
- Non je ne pense pas, me sourit-elle. Ma mère doit probablement mal prendre le fait que mon père accepte de discuter avec toi.
- Oh. Ok.
- Tu es parfait, ne t'inquiète pas, murmure-t-elle avant d'embrasser ma joue.
Elle baisse ensuite la tête et joue avec sa cuillère en la faisant taper contre la table. Quelque chose cloche. Elle paraît triste, tout le contraire de tout à l'heure lorsqu'elle a commencé à se moquer de moi. Je pose ma main sur sa cuisse et la presse doucement.
- Ça va ?
Elle hoche la tête mais son sourire n'atteint pas ses yeux. Je ne m'attarde toutefois pas vraiment là-dessus puisque ses parents seront bientôt de retour et tente de la faire rire :
- Tu sais, tu n'étais pas obligée de leur faire part de mes petites manies.
- C'était pour lancer un sujet de conversation, rit-elle nerveusement. C'était trop calme. Tu m'en veux ?
- Non pas du tout. Tant que tu ne dis pas que je vais même jusqu'à repasser mes boxers... ajouté-je en marmonnant.
- Tu repasses tes boxers ? répète-t-elle incrédule.
Je vois dans ses yeux qu'elle est réellement surprise. Elle ne le savait pas ? Je pensais qu'elle était au courant... Merde. Voilà, maintenant je vais avoir l'air con.
- Non c'était pour rire, lancé-je avec nonchalance.
Bien entendu, elle ne me croit pas et explose de rire. Un rire vrai et sincère qui m'avait terriblement manqué ces derniers mois.
Je l'entendais rire et je la voyais sourire avec ses amis dans les couloirs du lycée et ça me réchauffait le cœur quelques instants. Mais ce sentiment disparaissait bien vite lorsque je me rappelais que ce n'était plus moi qui la rendait heureuse.
Mais désormais, tout est rentré dans l'ordre. Enfin, presque...
- Quand Stefan apprendra ça...
- Ne lui dit jamais ! lui ordonné-je. Il se fichera de moi jusqu'à la fin de mes jours. Même s'il part le mois prochain, ce n'est pas une raison.
L'arrivée de ses parents coupe notre conversation et Ana ne sourit déjà plus. Elle remercie brièvement son père qui dépose une coupe de mousse au chocolat fait maison devant nous, et je fais de même.
Ma discussion avec l'homme installé face à moi continue alors que les deux femmes à la table restent silencieuses. Je jette quelques coups d'œil inquiets à ma petite-amie mais elle s'applique à m'ignorer.
Après le repas qui s'est bien mieux déroulé que ce que j'imaginais, Anabelle demande à ses parents si nous pouvons monter dans sa chambre. Étonnamment, son père accepte. Avec une restriction, bien sûr.
- La porte reste grande ouverte, bien entendu.
Je me demande quand je serai autorisé à dormir à nouveau avec ma petite-amie... J'ai l'impression que ce n'est pas près d'arriver !
Je m'installe sur son lit lorsque nous entrons dans sa chambre. Je note mentalement que le lit n'est pas vraiment fait, qu'un gilet a été oublié sur le dossier de la chaise de bureau et qu'une fine pellicule de poussière recouvre l'étagère à ma droite. Mais globalement, la pièce est rangée.
Le comportement d'Anabelle est vraiment étrange. Elle paraît triste et j'ignore pourquoi. Je décide alors de m'allonger sur le lit et l'invite à venir près de moi. Elle n'hésite pas et vient se blottir contre moi, sa tête posée sur mon torse et une de ses jambes par dessus les miennes. Je referme mon bras sur ses épaules et embrasse ses cheveux.
- Ça s'est bien passé finalement.
- Oui.
Cette fois, c'est certain ; quelque chose cloche.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Rien.
- S'il te plaît, dis-moi. Je vois bien que tu es triste. J'ai fait quelque chose de mal ? la questionné-je en caressant son avant bras qui est posé en travers de mon ventre.
- Oui.
Lorsque mon corps se tend à l'entente de sa réponse, elle se reprend.
- Ce n'est pas de ta faute, Adam. C'est juste que... Avec toute cette histoire avec mon bac, mes parents, mon frère et tout ce qui va avec, j'avais oublié que ton frère partait bientôt.
Oh, c'est pour ça ? C'est vrai que j'ai mentionné ceci sans vraiment y faire attention et je n'avais pas imaginé que ça puisse l'affecter à ce point.
- Tu sais, il reviendra de temps en temps.
- Oui mais je ne le verrai plus tous les jours. Il va beaucoup me manquer.
Lorsque je l'entends renifler, je resserre mon emprise sur elle. Ma petite-amie est vraiment très émotive et je devine facilement que voir son meilleur ami partir lui fait beaucoup de mal.
- Je sais. Mais on pourra aller lui rendre visite pendant les vacances.
Elle se redresse et vient nicher son visage contre mon cou. Elle pleure. Et comme à chaque fois, je déteste ça.
- Hé... Tu le reverras mon Cœur. Et vous serez toujours amis.
- Je sais mais je ne veux pas qu'il parte, sanglote-t-elle.
Je passe ma main sur sa nuque et caresse la naissance de ses cheveux. De longues minutes s'écoulent avant qu'elle ne reprenne la parole.
- Il m'a dit que s'il n'y avait pas eu Émilie, il serait resté. Et si tu n'avais pas été là, je l'aurais sans doute suivi.
Cet aveux me réchauffe le cœur ; elle reste pour moi. Mais d'un autre côté, ça me fait mal parce qu'elle aurait aimé partir.
Quand mon frère m'a annoncé qu'il irait à la fac à Paris au lieu d'aller à celle près de chez nous comme Ana, je n'ai pas compris dans l'immédiat. Mais il s'avère que sa copine a été acceptée dans l'école de commerce qu'elle souhaitait, dans la capitale. Stef a longuement hésité et a fini par décider de la suivre. Par amour. Et Ana l'aurait aussi suivi, par amour.
- Tu l'aimes beaucoup, dis-je à voix basse.
- Oui.
Cette confirmation est assez douloureuse. Elle doit le sentir puisqu'elle ajoute :
- Mais seulement en tant qu'ami. Jamais je ne l'ai aimé comme je t'aime. Toi, je t'aime inconditionnellement, murmure-t-elle en levant la tête pour me regarder dans les yeux.
Je caresse sa joue du bout des doigts et lui avoue quelque chose que j'ai toujours détesté ressentir mais que je ressens depuis le premier jour.
- J'ai toujours été jaloux de lui. Il était avec toi, il te faisait rire alors que je te faisais pleurer. Tu dormais avec lui et il ne t'a jamais fait de mal.
Elle me sourit tendrement.
- Maintenant tu es là et tu me rends heureuse. Tout le reste n'a plus aucune importance.
- Pour moi ça en a. Et ça en aura toujours.
Comme elle sait pertinemment que ça ne sert à rien d'argumenter sur ce sujet qui fait polémique entre nous depuis un moment, elle décide de couper court et d'embrasser mes lèvres.
- Merci pour ce soir. Tu as été parfait.
Ces mots me font beaucoup de bien et je suis incroyablement soulagé.
- Je sais.
Elle éclate de rire et me traite de prétentieux, mais je m'en fiche. J'ai entendu son rire alors tout va bien.
- Je pensais vraiment que ton père me ferait l'autre joue, avoué-je.
- À cause de ce que je lui ai dit ?
- Ouais.
- Je pense qu'il a envie de te laisser une chance, malgré tout.
- Tant mieux, parce que je ne compte pas la laisser passer, cette chance. Je suis avec toi maintenant, je ne te laisserai plus jamais t'en aller.
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