Chapitre 13 : Anabelle.

Un baiser sur ma joue me tire du sommeil profond dans lequel je suis plongée. Je laisse échapper un grognement digne d'un animal et me retourne en rabattant le drap sur ma tête. Mais bien sûr, Adam n'est pas de cet avis, comme pour les deux dernières fois où il m'a réveillée. Il retire mon abri de fortune et embrasse mon épaule nue.

- Réveille-toi, Petit Cœur.

- Laisse-moi dormir s'il te plait, marmonné-je.

- Pas envie.

- Moi si. Tu m'as manqué aussi mais tu m'épuises énormément, Adam. J'ai besoin d'un minimum de sommeil s'il te plait, réponds-je, les​ yeux toujours hermétiquement clos.

Un petit rire moqueur me parvient.

- Même si ce n'est pas l'envie qui manque, je ne te réveille pas pour faire l'amour. On verra ça après.

Il m'a réveillée deux fois cette nuit pour « rattraper le temps perdu », selon lui. En comptant en plus, les deux premières fois avant de dormir, je suis totalement exténuée.

- Je veux seulement te nourrir. Pour le moment, ajoute-t-il.

À la mention de nourriture, mon estomac se manifeste automatiquement.

- J'ai comme l'impression que tu as faim, remarque mon petit-ami amusé.

Je me tourne à nouveau pour lui faire face et découvre une vision paradisiaque. Adam, torse nu, seulement vêtu de son pantalon de survêtement noir qui lui sert de pyjama, un sourire irrésistible aux lèvres, et un immense plateau entre les mains. C'est seulement maintenant que je sens cette bonne odeur de café se dégager.

- Un petit déjeuner ? demandé-je en souriant, les yeux toujours demi-clos.

Il hoche la tête et je m'étire longuement avant de remarquer qu'un de ses tee-shirt est posé près de moi, sur le lit, plié et propre. Je m'en empare et l'enfile rapidement en regardant Adam s'asseoir.

- Tu as acheté des croissants ? noté-je.

- Oui. J'ai aussi préparé du café, des tartines de confiture, et même un verre de ton jus d'ananas imbuvable.

J'embrasse sa joue et le remercie.

- Installe-toi.

J'obéis et me recule pour m'adosser à la tête du lit. Adam pose le plateau entre nous deux et d'un signe de tête, m'invite à manger.

- Bon appétit.

- Merci. Bon appétit à toi aussi.

Je prends d'abord mon verre de jus d'ananas imbuvable. Il a toujours dit que cette boisson avait un goût de médicament mais il m'en achetait la plupart du temps. Stefan lui avait dit que j'adorais, alors il y en avait souvent une bouteille dans sa cuisine.

Lorsque je m'empare d'un croissant et que j'en casse un morceau pour l'enfourner dans ma bouche, je constate qu'Adam scrute le moindre de mes gestes avec attention.

- Tu ne manges pas ? lui demandé-je alors qu'il ne fait que me regarder depuis plusieurs minutes.

- Si je... Je vais manger.

J'ai soudainement un déclic et je ris doucement en m'emparant de ma tasse à café. Adam fait de même, difficilement, néanmoins. Je le sens tendu et crispé, mais j'en connais la raison.

- On pouvait prendre le petit-déjeuner dans la cuisine, tu sais.

- Je t'ai dit que tu ne sortirais pas de cette chambre.

J'éclate de rire.

- Tu respectes ta promesse au point de trahir tes principes ?

- Mes principes ? répète-t-il amusé.

- Ta maniaquerie compulsive, par exemple, fis-je en haussant un sourcil. Tu n'as pas changé en trois mois.

- Et ça te déplait ?

Je secoue la tête sans me départir de mon sourire. J'ai l'impression que rien n'a changé depuis notre séparation, hormis cette attraction qui est devenue plus forte que jamais entre nous. Et j'adore.

- Pas du tout. Je t'aime quand même, ne t'en fais pas.

- J'espère bien ! Fais seulement attention à ne pas en mettre partout, s'il te plait.

Il me sourit mais je vois parfaitement qu'il est très stressé à l'idée qu'une petite miette de croissant ne tombe sur le lit. Si je fais cette erreur impardonnable, je sais qu'il va craquer. Il n'en est pas très loin d'ailleurs.

- Je fais attention, seulement si tu manges avec moi.

- Je n'ai pas faim.

- Je te jure que je le fais si tu ne manges rien, le préviens-je.

Il me lance son regard de défi et je hausse les sourcils comme pour maintenir ma menace.

- De toute façon, ajouté-je avant d'avaler un morceau de croissant, que des miettes tombent ou non, tu changeras les draps et tout ce qui couvre ce lit. Pas vrai ?

Il soupire et lève les yeux au ciel. Eh oui, je te connais toujours Adam. Je me redresse sur mes genoux, me penche vers lui et place un morceau de pain au chocolat devant ses lèvres qui s'étirent en un large sourire.

- Ouvre la bouche.

Il l'a garde hermétiquement close alors je mets ma menace à exécution et tends le bras au dessus du lit. Mon petit-ami attrape mon poignet et le ramène devant sa bouche, qu'il finit par ouvrir pour attraper le morceau que je tiens entre mes doigts.

- C'était si compliqué ? demandé-je amusée.

- Tu m'exaspères, tu le sais ?

Je pose mes deux mains sur ses joues et l'embrasse furtivement, mais il retire mes paumes de son visage.

- Tes mains sont grasses, grogne-t-il.

J'explose de rire ; il est tellement adorable quand il est grognon comme ça ! Qu'est-ce qu'il m'a manqué.

- Assieds-toi, tu me déconcentres, ordonne-t-il.

Je suis toujours sur mes genoux et constate que le tee-shirt que je porte ne couvre même pas la moitié de mes cuisses. Je pourrais même parier que ma culotte doit être visible pour Adam, ce qui serait donc la raison de sa déconcentration. Je fixe ces deux billes noires emplies de désir qui regardent intensément mes jambes nues. Il dégluti, passe sa langue sur ses lèvres avec envie et avant même que je n'ai le temps de prononcer le moindre mot, il nous débarrasse en envoyant valser le plateau au sol et m'embrasse avec fougue avant de me basculer sur le lit.

Finalement, je n'aurai pas eu le temps de manger grand chose.

***

Adam m'a autorisée à sortir de la chambre, mais seulement pour que je prenne ma douche. Le petit-déjeuner a été plutôt salissant et mon petit-ami m'a virée de la chambre pour qu'il puisse nettoyer la pièce. Il a failli faire une attaque en voyant l'ampleur des dégâts suite à cet assaut amoureux, mais il a admis que ça valait le coup. Ce que je ne peux que confirmer !

Je sors de la salle de bain une demi-heure plus tard et croise Adam qui s'apprête à y entrer, un tas de draps dans les bras.

- N'entre pas dans la chambre je viens de laver le sol, m'annonce-t-il. Je vais prendre une douche maintenant.

- J'ai l'autorisation de descendre alors ?

- Oui, rit-il avant de m'embrasser sur le front.

En bas des escaliers, j'attrape mon sac à main que j'ai laissé hier soir et en sors mon téléphone avant d'aller dans la cuisine. Je décide d'aller me servir un café puisque Adam est enfermé dans la salle de bain. Je serais bien entrée avec lui mais une douche à deux a toujours été prohibée. C'est encore pire qu'un petit déjeuner au lit ou que marcher dans la maison avec des chaussures.

Je m'installe donc à la table, une tasse fumante devant moi. J'en bois immédiatement une gorgée et ça fait un bien fou. Je déverrouille ensuite mon téléphone et je manque de recracher mon café en voyant l'heure : quinze heure vingt ? On a passé autant de temps enfermés dans sa chambre ? Je n'en reviens pas. J'ai totalement perdu la notion du temps. Mais pas mon frère ni Stefan visiblement. J'ai de nombreux messages de leur part à tous les deux.

Ceux de mon meilleur ami me font rire. Il me demande comment je vais, si j'ai rejoins Adam, mais que vu mon absence de réponse, il devine que oui et qu'il ne souhaite pas savoir ce qu'il se passe. Puis il m'annonce qu'il ne rentrera pas aujourd'hui pour nous laisser seuls. Je lui réponds alors que tout va bien et le remercie pour tout ce qu'il a fait pour moi et pour nous.

Puis je passe aux messages de Thomas qui ne sont pas aussi amusants. Il a l'air très inquiet. Il m'a appelé plusieurs et m'a laissé quelques messages vocaux. Je ne les écoute pas et lui téléphone directement. Il répond à la deuxième sonnerie.

- Ana ?

- Oui.

- Putain mais qu'est-ce que tu foutais ? s'écrit-il. Tu vas bien ?

- Oui, Thomas. Je dormais, alors...

- Tu dormais ? me coupe-t-il. En plein milieu de l'après-midi ?

J'entends mon père lui demander de se calmer mais il n'écoute pas. Je ne comprends pas pourquoi il s'énerve autant.

- Où es-tu ?

- Je suis rentrée tard Thomas.

Adam arrive dans la cuisine et je lui fais signe de ne pas faire de bruit. Ce n'est pas vraiment le moment qu'il apprenne chez qui je suis en ce moment.

Mon frère hurle dans le téléphone en me demandant où je suis pour venir me chercher mais mon père lui prend l'appareil.

- Ma chérie ?

- Qu'est-ce qui lui prend de s'énerver comme ça ?

- Il s'inquiétait, soupire mon père. Tout comme nous d'ailleurs.

- Pourquoi ?

- Il dit que tu es avec un garçon.

J'entends Thomas dire qu'il sait pertinemment que je suis avec un mec.

- Est-ce que c'est vrai ?

Je déglutis laborieusement.

- Non.

- Tu es avec qui ?

Je lève les yeux vers Adam, paniquée. Il fronce les sourcils, inquiet.

- Et dis-moi la vérité, Anabelle. Tu n'es pas avec Stefan, pas vrai ?

- Si, Papa.

J'essaie d'être convaincante mais c'est un échec.

- Je t'ai demandé la vérité, soupire-t-il las. Ton frère a aperçu Stefan tout à l'heure. Il était avec une fille mais ce n'était pas toi.

Adam s'installe à côté de moi et me prend la main. Je serre fort ses doigts et il comprend que quelque chose ne va pas. Et ça ne va pas du tout ! Évidemment que ces quelques heures de bonheur n'étaient qu'illusion ! Ça fait des mois que j'attends ce moment, pourquoi faut-il que tout foire d'un seul coup ?

- Est-ce qu'il a raison ? Est-ce que tu es chez un garçon ?

- Non.

- Alors où es-tu ?

- Chez Lisa, dis-je spontanément.

- Thomas a appelé Lisa et tu n'es pas avec elle.

- C'est une blague ! m'écrié-je subitement en me levant.

Je me mets à faire les cent pas, non plus triste, mais en colère. Contre mon frère, mon père et moi-même aussi. C'est du grand n'importe quoi.

- Est-ce que tu es avec...

- Oui ! le coupé-je vivement. Et je vais bien. Je vais bien, Papa, je te le promet et j'aimerais que tu me fasses confiance.

- Tu viens de me mentir plusieurs fois pendant cette conversation et tu me demandes de te faire confiance ? Où es-tu ?

Il était calme jusque là, mais l'intonation de sa voix vient subitement de prendre une octave. Il est énervé. Eh bien on est deux, comme ça ! Trois, si on compte Thomas.

- Je suis désolée de t'avoir menti. Mais s'il te plait Papa, fais-moi confiance. Je t'en prie.

Il s'en suit un silence lourd et pesant. Mon père soupire longuement et je l'imagine parfaitement se frotter le visage avec lassitude.

- Où es-tu Anabelle ?

Adam se lève et s'approche de moi. Il pose sa main sur ma joue et je lui souris en le regardant droit dans les yeux. Je voulais attendre, mais je ne peux plus faire demi-tour désormais. Nous n'avons passés qu'une nuit tous les deux et déjà, les problèmes s'immiscent entre nous. Pourquoi rien ne se passe comme je le veux ?

J'avais prévu une nuit magique de retrouvailles, et c'est chose faite. Le petit-déjeuner, bien que rapide, fut tout aussi merveilleux. Mais c'est tout. Il n'y a pas eu cette journée en amoureux que j'avais imaginé, où nous aurions discuté de tout et de rien, comme avant. Je compte bien passer cette journée avec Adam, mais la conversation avec mon frère et mon père ont un peu plombé mon moral. Surtout après l'aveu que je suis obligée de faire.

- Je vais bien, je te le promet. Je suis chez mon petit-ami. À demain, Papa.

Je raccroche et pose mon téléphone sur la table avant qu'il ne rétorque quoique ce soit et fais désormais face à Adam, qui a les yeux écarquillés de stupeur.

- Tu viens de dire à ton père que...

Je hoche la tête ce qui l'interrompt.

- Il savait que je n'étais ni avec ton frère, ni avec Lisa et aussi que je lui mentais. Je n'avais plus vraiment le choix.

J'entoure son cou de mes deux bras et embrasse ses lèvres.

- Mais je ne lui parlerai pas de toi maintenant. C'est trop tôt.

- Donc tu vas me cacher pendant... Combien de temps exactement ?

- Je ne sais pas. Mais ça ne fait qu'une seule journée que tu n'es plus mon prof alors... C'est un peu compliqué.

- Donc tu vas attendre quelques semaines, et après ? Ça reviendra au même, Ana. Tes parents sauront qu'on est ensemble depuis aujourd'hui. Ils sauront que ton copain est ton ancien prof de maths depuis le jour d'obtention de ton bac.

Je soupire et me rapproche un peu plus d'Adam pour qu'il me serre dans ses bras. Ma tête repose sur le haut de son torse et il caresse affectueusement mon dos avant d'embrasser mes cheveux.

- Je ne sais pas quoi faire, Adam.

- Tu devrais rentrer chez toi et parler avec eux.

- Non. Je reste avec toi aujourd'hui encore.

- Et si j'ai d'autres choses à faire plutôt que rester avec toi ?

Je m'écarte pour le regarder.

- Je ne te donne pas le choix, murmuré-je contre ses lèvres.

- Si j'y suis obligé...

- Comme si ça te dérangeait, ris-je.

- On retourne dans la chambre ?

Il me prend la main et commence à s'avancer vers la porte de la cuisine, me tirant derrière lui, mais je l'arrête.

- Tout à l'heure. Je suis le point de mourir de faim en ce moment.

- Il fallait manger ce que je t'ai apporté tout à l'heure au lieu de me narguer.

- C'est de ta faute !

Je retire ma main de la sienne et ouvre le réfrigérateur pour trouver quelque chose à manger. Mon téléphone vibre sur la table mais je l'ignore. Ça doit être mon frère qui a encore des questions à me poser. Je suis étonnée que le vibreur se stoppe très rapidement.

- Allô ?

Je fais volte-face en comprenant qu'Adam vient de répondre. Je tends la main pour reprendre mon portable mais il se recule et c'est à son tour de m'ordonner le silence.

- Oui, c'est moi.

- Met le haut-parleur, murmuré-je.

Il secoue négativement la tête et j'entends son interlocuteur s'énerver. C'est sûr et certain que c'est mon frère.

- Écoute, je... commence-t-il avant d'être interrompu, visiblement.

Il pince les lèvres et je m'approche pour écouter mais il tend le bras pour me maintenir éloignée, ce qui a le don de m'exaspérer.

- Non, je ne la force pas à rester.

Le silence s'installe ensuite. Soit mon frère a baissé d'un ton, soit il ne parle plus du tout. Je devine que la première possibilité est la bonne puisqu'Adam hoche la tête et parle.

- Très bien.

Puis il raccroche et me rend mon portable. Je vais dans l'historique des appels et vois le nom de mon frère en tête de liste. Adam ne me laisse pas poser de questions et prend immédiatement la parole.

- Va te préparer, on va chez toi.

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