Chapitre 12 : Adam.
J'ai entendu Stef téléphoner à Anabelle. Il l'a prévenue que j'étais rentré, bien que je ne lui ai pas demandé de le faire. Elle lui a dit qu'elle partirait bientôt et j'étais vraiment ravi mais le problème est qu'elle lui a annoncé ça à dix-huit heure vingt-deux. Dix-huit heure vingt-deux ! Ça fait bientôt cinq heures, bordel ! Qu'est-ce qu'elle fout ?
Je refuse de croire qu'elle a changé d'avis. Stef m'a bien dit à quel point elle était heureuse d'avoir vu son nom sur cette liste, alors pourquoi aurait-elle décidé de ne plus venir ? C'est insensé !
Elle a son bac, elle a dix-huit ans, où est le problème maintenant ? Elle m'a promis de revenir le trois juillet, aujourd'hui, alors elle est où ? Je l'attends depuis trois mois et demi. Il ne reste maintenant qu'une heure avant qu'on ne soit le quatre juillet. Moins d'une heure, même. Pourquoi elle n'est pas là ? Suis-je le seul à attendre ce moment avec impatience ?
Je soupire et tourne la tête vers le cadre photo qui repose sur ma table de nuit. Le cadeau qu'elle m'a offert le jour de mon anniversaire, et que je ne cesse de regarder. Je me souviens parfaitement avoir attendu minuit pile pour déchirer l'emballage en papier tel un enfant impatient. C'était une simple boîte en carton mais elle renfermait un petit trésor. Lorsque j'ai soulevé le couvercle, j'ai immédiatement croisé le regard amoureux d'Anabelle sur cette photo en noir et blanc. C'est elle qui prend la photo avec son téléphone qu'elle tient à bout de bras et elle sourit à l'objectif. Je suis avec elle sur ce cliché et je souris aussi tout en lui mordant la joue. Je reste toujours bouche bée devant cette façon que j'ai de la regarder. Rien que sur une photo, je peux voir à quel point je suis dingue de cette fille. Je l'admire comme si elle était la plus belle femme au monde, la plus importante à mes yeux. Et c'est le cas. Si j'ai ce regard pour elle chaque fois qu'elle entre dans mon champ de vision, comment se fait-il que personne - hormis ma mère, Émilie et Théo, bien entendu - ne se soit rendu compte de quoique ce soit ? C'est tout bonnement surprenant.
Je me souviens du moment où elle a prit cette photo. C'était quelques jours après que ma mère aie découvert notre relation. Ana avait passé l'après-midi à la maison et nous avions fini notre journée au lit. Même si ça ne se voit pas, je sais qu'elle est nue sur cette photo et rien que l'idée de savoir ça, remue quelque chose en moi. Elle me manque. Et depuis ce matin, je ne tiens plus en place. J'ai l'impression d'être redevenu adolescent et l'attente pour les résultats était interminable.
Lorsque le proviseur nous a tous réunis ce matin, je n'attendais qu'une seule chose : voir la liste des noms des terminales. Je n'ose même pas imaginer le sourire qui s'est dessiné sur mon visage lorsque j'ai vu le nom d'Anabelle. J'étais tellement heureux. Un de mes collègues m'a même félicité pour l'obtention du bac de mon frère et je me suis contenté de le remercier, alors que j'ignorais que Stef l'avais eu. J'étais focalisé sur le nom de ma petite amie.
Je suis content pour mon frère, bien sûr, mais j'attendais ce jour depuis plusieurs mois. L'admission d'Anabelle était primordiale pour nous deux. Mais ce soir, je commence à douter. Parce qu'elle ne vient pas. Les minutes défilent et elle n'est pas là. J'ai une confiance aveugle en elle mais le fait est qu'elle n'est toujours pas là.
Au moment où je me dis que je devrais peut-être lui téléphoner, la sonnette retentit. Je sursaute et saute littéralement de mon lit où j'étais allongé. Je descends les escaliers, lentement et me poste devant la porte d'entrée. Et si ce n'est pas elle, je fais quoi ? Qui ça pourrait être à cette heure ? Je regarde ma montre : vingt-trois heure vingt-huit.
Je prends une grande inspiration et expire longuement avant d'appuyer sur la poignée et d'ouvrir la porte. Il fait très sombre, seul le lampadaire situé à une dizaine de mètres me permet de voir qui est face à moi. Et je sais pertinemment que c'est elle.
Je reconnais sa silhouette dans le noir. Et son parfum. Cette odeur qui m'enivre et que j'adore. L'odeur d'Anabelle. Elle est là, elle est venue. Elle a respecté sa promesse. Tardivement, mais elle est respectée.
Je m'écarte pour la laisser entrer et allume la lumière de l'entrée lorsque la porte est fermée. Il me faut beaucoup de volonté pour me pas attraper son visage et l'embrasser fougueusement, pour ne pas la soulever dans mes bras et sentir son corps contre le mien. Pour ne pas lui dire combien je l'aime.
À la place, je la regarde attentivement, sans bouger. Anabelle se mord la lèvre et triture nerveusement ses doigts devant elle. Lorsque je vois sa tenue, un sourire se dessine instantanément sur mes lèvres.
- C'est la robe que tu portais la première fois qu'on s'est rencontré.
Ce n'est pas une question, c'est une constatation. Anabelle hoche néanmoins la tête et me confirme ainsi que j'ai raison. Je vois qu'elle est heureuse que je l'ai remarqué. Mais comment aurais-je pu rater ce détail ? Elle porte cette jolie robe rouge, comme ce premier jour. Elle est tellement belle.
Son regard est d'ailleurs pratiquement le même que ce jour-là : anxieux, timide et indécis. Sauf qu'il brille de quelque chose de nouveau ce soir, comparé à l'année dernière. Je vois tout l'amour qu'elle éprouve pour moi dans les deux perles émeraudes qui me fixent. Anabelle m'aime toujours. Même si je le savais déjà, le voir me rend d'autant plus heureux.
Je remarque aussi que, par rapport au jour de notre rencontre, ses cheveux sont différents. Ils sont lâchés et ondulés, exactement comme je les aime. Elle sait que j'adore ses cheveux lorsqu'ils tombent sur ses épaules et son dos. Ça lui donne un air plus décontracté, moins stricte. Je la trouve beaucoup mieux comme ça, et j'aime le fait de pouvoir passer mes doigts dans sa chevelure brune et magnifique. J'ai hâte de retrouver cette sensation.
- J'ai pensé que c'était un bon début pour tout recommencer, dit-elle timidement.
Tout recommencer. Je perds mon sourire et fixe ses beaux yeux verts plein d'espoirs, de ce regard que j'espère dépourvu de toute émotion. Elle m'a fait flipper en arrivant aussi tard alors je vais lui rendre la pareille. Mais amoindrie bien entendu.
- Je ne sais pas trop si j'ai envie de tout recommencer.
Et c'est la vérité ! Je n'ai pas la moindre envie de tout reprendre à zéro.
Son sourire disparait dans la seconde et ses lèvres s'entrouvrent alors que ses yeux s'écarquillent légèrement de stupeur. Désolé mon Cœur.
- Quoi ? s'étrangle-t-elle stupéfaite.
- Je n'en ai pas envie.
- Mais... Tu as dit que... Que tu attendrais.
Je hausse les épaules avec nonchalance.
- D'accord, souffle-t-elle en baissant la tête.
Mon Dieu, elle va pleurer... J'abrège alors ses souffrances et m'approche d'elle. D'une main sous son menton, je lui fais relever la tête. Ses yeux sont déjà embrumés ; je suis allé trop loin. Merde...
Je sais à quel point elle est sensible, mais je ne pensais pas qu'elle me croirait !
- Si on recommence tout depuis le début, on va être obligé d'attendre une journée complète avant d'avoir notre premier baiser, puis deux jours pour avoir le deuxième. Et encore quelques jours de plus avant notre première fois. Je n'ai pas envie de tout recommencer. Je veux reprendre là où on s'est arrêté. Là, tout de suite, j'ai seulement envie de te prendre dans mes bras et de t'embrasser, puis de te retirer cette robe qui te va parfaitement bien et que j'adore et de t'emmener à l'étage pour nous enfermer dans ma chambre jusqu'au lendemain. Peut-être même jusqu'au surlendemain. J'ai seulement envie de t'aimer, et de te le montrer. De te le dire et te le répéter. Encore et encore.
Une larme coule sur sa joue et ses yeux reprennent cet éclat de joie que j'aime tant. Je lui offre un sourire en guise d'excuses et elle ouvre enfin la bouche.
- Tu m'as fichu la trouille, imbécile ! s'exclame-t-elle avant de se jeter à mon cou et de m'embrasser fougueusement.
Je n'hésite pas une seule seconde et réponds ardemment à ce baiser. Ça fait un bien fou ! Je respire enfin et mon cœur s'affole de ce trop-plein d'émotions. Un tourbillon de sensations s'immisce en moi et je suis heureux. Anabelle est revenue, comme elle me l'avait promis. Et je l'ai attendue, comme elle me l'avait demandé. Et on s'est enfin retrouvé. Plus jamais je ne le laisserai partir.
Lorsque je la soulève, elle noue immédiatement ses jambes autour de ma taille et je grimpe les escaliers, sans quitter ses lèvres une seule seconde afin de nous enfermer dans ma chambre, au moins pour les douze prochaines heures. Nous avons du temps à rattraper tous les deux.
***
Une de mes mains caresse ses cheveux, l'autre son dos nu. Je ne pourrais pas aller mieux aujourd'hui. Les doigts d'Anabelle dessinent lentement des lignes imaginaires sur mon ventre alors que sa tête repose sur mon torse, tout près de mon cœur, qui se remet enfin à battre normalement.
- Je ne t'ai même pas félicitée, me rappelé-je soudainement. Alors félicitations Anabelle.
- Merci, rit-elle.
- J'ai vu que tu avais même eu la mention très bien. Tu m'expliques pourquoi j'ai autant stressé ?
- Je ne sais pas, s'esclaffe-t-elle en relevant la tête pour me regarder, du bonheur plein les yeux. Moi aussi j'étais énormément angoissée, je t'assure. Alors que j'avais la quasi certitude que j'aurais mon bac !
- Combien de moyenne ?
- Seize virgule sept.
En effet... Pas de quoi paniquer !
- Et dix-sept en maths, Monsieur ! s'exclame-t-elle fièrement.
- Plus de « Monsieur », s'il te plait, l'imploré-je en riant.
Elle grimpe sur moi à califourchon et m'embrasse chastement avant de me sourire sensuellement tout en me jetant ce regard aguicheur.
- Vous n'aimez pas, Monsieur ?
- Non.
- Vous êtes sûr, Monsieur ?
- Certain.
- Bien, Monsieur. Comme vous voudrez.
Ces quelques mots font courir de doux frissons le long de mon épine dorsale, mais je fais mon possible pour les réprimer. À quel point est-ce tordu d'apprécier un échange comme celui-ci, où elle ne cesse de répéter des « Monsieur » à tout bout de champ ? Est-ce que c'est si... malsain ? Bizarre ? Certainement.
Je ne sais pas trop en fait... En cours, lorsqu'elle m'appelait ainsi, je me surprenais à aimer ça. Parce que ce mot cache tellement de choses, tellement de secrets que c'en est presque érotique. Alors ici, dans mon lit, où elle est nue et sur moi ; je ne l'admet pas à voix haute, mais j'adore. Surtout lorsqu'elle me regarde amoureusement comme elle le fait actuellement.
Lorsque je sors de ma rêverie et de ce fantasme étrange - dont je lui ferai peut-être part un jour - je croise le regard d'Anabelle, soudain devenu sérieux. Elle trace le contour de mon visage du bout des doigts et ne sourit plus.
- Tu m'as vraiment fait peur tout à l'heure, affirme-t-elle.
- Toi aussi. J'ai cru que tu ne viendrais jamais. Pourquoi tu as mis si longtemps à arriver ? J'ai entendu Stef te dire au téléphone que j'étais rentré. Et je ne suis pas un ours au passage, ajouté-je en fronçant les sourcils.
Même si c'est un peu vrai... J'ai hiberné pendant trois mois ! Au sens propre du terme.
Ma remarque la fait doucement rire, mais elle redevient vite sérieuse lorsque je pose ma question suivante.
- Est-ce que tu hésitais à venir ?
- Non ! Non, pas du tout.
- Alors pourquoi tu as attendu le dernier moment de cette journée du trois juillet ? À une demi-heure près, c'était terminé.
- Je serais arrivée le lendemain, tu aurais refusé ? demande-t-elle timidement en retrouvant la surface du matelas.
Elle ramène pudiquement le drap sur sa poitrine, comme pour instaurer une sorte de barrière entre nous. Et je n'aime pas ça.
Je balaye les mèches de cheveux qui lui barre le visage et lui souris tendrement.
- Je n'ai pas arrêté de me dire que si tu ne venais pas aujourd'hui, je n'attendrais pas plus. Mais je sais que je n'aurais pas tenu. Tu serais arrivée demain, le sourire aux lèvres, je n'aurais rien pu faire d'autre que t'embrasser.
Elle parait extrêmement rassurée et satisfaite de ma réponse, mais moi, je n'ai pas eu la mienne.
- Pourquoi tu n'es pas venue plus tôt, si tu n'as pas hésité ?
Elle pique un fard et détourne son regard du mien en se laissant tomber en arrière pour s'allonger sur le dos.
- Ana ?
Elle mordille sa lèvre et remonte le drap sur son visage pour se cacher de moi. Je me redresse pour m'asseoir et retire brusquement le drap, révélant son visage mais aussi toute la partie supérieure de son corps. Je me soustrais à cette vue très appréciable et attrape son visage au creux de ma main pour qu'elle me réponde.
- Qu'est-ce qui t'a empêchée de venir ?
Elle inspire longuement et murmure faiblement sa réponse.
- Je me suis endormie.
Je cligne rapidement des yeux, pas vraiment certain d'avoir compris ce qu'elle venait de dire.
- Quoi ?
Elle repousse ma main et tire à nouveau le drap jusqu'à son cou.
- Je me suis endormie, ok ? s'exclame-t-elle. Je n'ai pas dormi de la nuit, j'étais beaucoup trop stressée pour y parvenir ! Quand ton frère m'a téléphoné, je me suis dit que j'allais seulement attendre quelques minutes, le temps que tu t'installes chez toi, alors je me suis allongée sur mon lit et je me suis endormie. Je n'en avais pas l'intention, je te le promet ! Mais avec tout ce stress qui venait de retomber, j'étais épuisée. Heureusement que mon frère m'a réveillée. Je lui avais dit que je sortais ce soir et il s'est moqué de moi en me réveillant, mais je suis contente qu'il l'ait fait. Je suis désolée de t'avoir fait paniquer pour rien, mais je suis là maintenant, non ?
J'écarquille les yeux, ébahi. Tout ce que j'ai retenu de ce monologue, c'est qu'elle s'est endormie. Elle s'est endormie ? Alors que j'angoissais comme un malade ? Elle se fout de ma gueule ? On dirait bien que non vu l'air désolé qu'affiche son visage.
Alors j'ai paniqué pour presque dix-sept de moyenne à son bac et aussi pour une sieste ? Je ne vais pas tarder à péter un câble si elle continue comme ça. Je soupire longuement en remarquant qu'elle attend ma réponse.
- Tu as de la chance que je t'aime.
Elle explose de rire et est tout de suite rassurée.
- Redis-le, m'ordonne-t-elle en souriant.
Je l'attrape par la taille et la fait à nouveau basculer sur moi. Elle enfonce son visage contre mon cou et j'entoure sa taille de mes deux bras.
- Je t'aime Anabelle. Merci d'avoir tenu ta promesse. Et merci pour tout.
- Tu m'as tellement manqué, Adam. Je n'ai pas cessé de penser à toi.
- À qui la faute ?
Elle se redresse un peu et m'embrasse la joue.
- Tu m'en veux ?
- Je t'en ai voulu, admets-je. Mais je comprends pour tu as fait ça. Et je ne t'en veux plus.
Elle m'offre un sourire éblouissant empli d'amour et murmure contre mes lèvres à quel point elle m'aime. Et moi, je décide de lui montrer encore une fois qu'elle m'a cruellement manquée.
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