Chapitre 10 : Adam.

Trois semaines ont passé. Je pourrais traduire ces trois semaines en un seul et unique mot : INSUPPORTABLE. L'histoire se répète encore ; je la vois tous les jours mais ne peux l'approcher, encore moins la toucher ! Et ça me gonfle. Mais je lui ai dit que je l'attendrai, alors je le fais. Je patiente tout en étant impatient. J'ai déjà envie d'être le trois juillet et de voir son nom sur la liste des admissions mais je dois attendre. Juste attendre, sans rien faire et me contenter de la regarder de loin. Heureusement qu'elle ne vient presque plus à la maison ! J'aurais craqué depuis longtemps... Et quand je me dis que je vais céder et aller à nouveau escalader sa fenêtre, je relis le dernier message qu'elle m'a envoyé le soir où elle m'a quitté. Je le connais quasiment par cœur désormais.

Ana : Tu dois probablement m'en vouloir mais je fais ça pour te protéger Adam. Je sais aussi que tu dis toujours que tu n'as pas besoin d'être protégé, mais ce n'est pas ce que tu ferais toi aussi ? Me protéger ? Je t'aime, Adam. Je veux être auprès de toi plus que tout, mais je préfère cent fois attendre trois petits mois et vivre heureuse avec toi pendant des années plutôt que de rester avec toi durant trois mois et ne plus jamais te voir pendant des années. Ce n'est pas ce que tu veux ? Qu'on puisse être heureux ? On ne pourra jamais l'être si tu es derrière les barreaux, Adam. Bien entendu, tu peux ne jamais y aller, mais on ne peut pas le savoir. On a réussi à se retrouver alors qu'on pensait être détesté l'un par l'autre alors c'est certain qu'on se retrouvera dans trois mois puisque je sais que tu m'aimes, et tu sais que c'est réciproque. Mais j'ai besoin que tu me dises que tu m'attendras. J'ai confiance en toi et en nous, mais j'ai vraiment besoin que tu me le dises. Je t'en prie, Adam. Ne me déteste pas. On se revoit le trois juillet, n'est-ce pas ? Je viendrai chez toi et je te dirai un millier de fois que je t'aime. Et je t'embrasserai pendant des heures. Et on sera heureux, je te le promet mon Amour.

Je deviens un amoureux transi, totalement désespéré de retrouver celle que j'aime, mais je m'en fiche. Elle a raison. Je l'attendrai et elle m'attendra. C'est pour cela que je lui ai envoyé un message - même s'il m'a fallu deux jours, je l'ai fait. Pour la rassurer, pour qu'elle se sente bien et pour qu'elle aie davantage confiance en moi.

Mon frère me parle d'elle parfois. Je me retiens de l'assaillir de questions et me contente de l'aimer de loin, comme je suis censé le faire. J'accepte sa décision et je m'adapte à cette situation. Difficilement, mais je m'adapte. Pour elle.

Je me suis excusé auprès de Stef, aussi. Je n'avais pas à m'en prendre à lui après le départ d'Ana. Ce jour-là, j'ai vraiment pété un câble. J'ai bien failli le frapper et heureusement que je ne l'ai pas fait. Je m'en serais terriblement voulu. C'est mon petit frère et tout ce que je vis avec Anabelle est grâce à lui. Alors je lui en suis très reconnaissant. Même si je ne lui ai jamais dit.

La sonnette de la porte d'entrée retentit et me sort de mes pensées. Je pose la pile d'assiettes que j'ai entre les mains et sors de la cuisine. Je suis un peu stressé aujourd'hui. Ma mère vient me rendre visite pour le week-end mais elle n'est pas seule.

Lorsque j'appuie sur la poignée, je croise immédiatement le regard sombre, mais empli d'amour, de ma génitrice et elle me sourit déjà.

- Bonjour Maman.

Elle me prend dans ses bras et m'embrasse les deux joues avec beaucoup d'entrain puis elle se décale pour que je le vois, lui. Son nouveau mec.

- Je te présente Christopher.

Je regarde cet homme attentivement. Ou plutôt : je l'étudie. Il est grand, légèrement plus que moi. Une quarantaine d'années, des yeux bleus perçants, de courts cheveux blonds foncés, une barbe plutôt fournie, quelques rides à peine visibles sur un visage légèrement carré. Il a du charisme, je dois l'avouer, et il doit plaire aux femmes de son âge. Comme ma mère, par exemple.

Quand elle m'a appelé la semaine dernière pour prendre de mes nouvelles, elle m'a aussi dit qu'elle avait rencontré quelqu'un. C'est la première fois qu'elle me parle d'un homme depuis le père de Stef. J'ignore si elle a eu d'autres mecs depuis, et je ne veux pas le savoir. Si elle ne m'a rien dit, c'est que ce n'était pas sérieux alors je ne veux rien entendre du tout. Mais je connais ma mère ; si elle estime pouvoir me présenter cet homme, c'est qu'elle a confiance en lui. Je dois au moins lui accorder le bénéfice du doute.

Après quelques secondes de silence, je tends la main devant moi. Il la serre avec le sourire.

- Tu dois être Adam ?

- Oui. Entrez, l'invité-je en m'écartant pour le laisser passer.

Je leur demande de retirer leurs chaussures et les emmène jusqu'au salon. Quand ma mère me demande où est Stef, je lui annonce que je vais le chercher.

Je grimpe les escaliers et frappe à sa porte, même si je doute qu'il puisse entendre quoique ce soit à cause de la musique assourdissante qui me parvient depuis le couloir. J'ouvre alors la porte et soupire en voyant mon frère, torse nu, sa copine assise à califourchon sur ses cuisses en train de l'embrasser comme si c'était la dernière fois. Heureusement qu'elle est encore habillée ! Mais plus pour longtemps je crois... Je m'empresse d'éteindre la chaine Hi-Fi qui est juste à ma droite et les deux amants sursautent. Émilie saute immédiatement sur ses deux pieds et est déjà rouge de honte. Elle baisse les yeux pour ne pas croiser les miens, quant à Stef, il me lance un regard meurtrier.

- Quoi ?

- Maman est là.

- Déjà ? s'étonne-t-il en se levant pour regarder l'heure sur son téléphone.

- Oui déjà. Vous descendez maintenant ou je lui dis que vous êtes occupés ? plaisanté-je.

C'est Émilie qui me répond qu'ils vont descendre et mon frère m'interrompt lorsque je sors de la chambre.

- Il est comment ?

- Normal, à première vue.

Mon frère grimace et attrape son tee-shirt pour l'enfiler.

- Bon eh bien c'est parti !

Il embrasse sa copine sur le front, murmure quelques mots à son oreille qui la font sourire tendrement et nous sortons de la chambre. Stef présente Émilie, ma mère fait de même avec Christopher, puis nous passons à table pour le déjeuner. Les discussions vont de bon train. Émilie est très à l'aise, ma mère a l'air de l'apprécier, son mec a de la conversation, et moi j'écoute, principalement, tout en me disant que j'aimerais moi aussi avoir ma petite-amie à mes côtés.​ Mais je décide que c'en est assez et je veux connaitre un peu plus l'homme que ma mère côtoie.

- Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? le questionné-je en posant le dessert sur la table.

- Je suis gendarme.

Cet aveux me coupe le souffle et je fais tomber le couteau avec lequel je m'apprêtais à couper le gâteau que ma mère a apporté. Un flic ? Ma mère ramène un flic chez moi ? C'est pour ça qu'elle ne m'a pas demandé de nouvelles d'Ana ! Génial. Tout est parfait.

Christopher explose de rire en voyant ma réaction.

- Ne t'en fais pas, je ne suis pas en service.

- Je ne m'en fais pas, marmonné-je.

Je m'installe sur ma chaise et coupe le gâteau au chocolat. Je jette un œil à ma mère qui m'offre un sourire d'excuse. C'est ça... Essaie de m'amadouer.

- Ta mère m'a dit que tu étais prof. Ce n'est pas trop difficile ?

Avoir l'objet de tout mes désirs sous les yeux ? Non, ça n'a rien de difficile, quelle idée !

- Quelques fois, mais ça me plait. C'est ma première année et ça ne m'a pas encore dégouté.

- Et tu as une petite-amie ?

- Non.

Ce petit mot est plus douloureux que ce que je ne le pensais.

- Comment ça se fait qu'un jeune homme comme toi n'aie personne ?

Ça commence sérieusement à me gonfler. Je lui offre un sourire ironique et mens. J'espère seulement que ma mère comprendra que je ne veux pas parler d'Ana devant un parfait inconnu, et flic de surplus.

- J'ai dit que je n'avais pas de petite-amie, pas que je n'avais personne. Je suis encore jeune alors je préfère m'amuser.

C'est la réponse que j'aurais donné avant de connaître Ana et j'arrive parfaitement à masquer ce pincement désagréable que je ressens dans le cœur.

- Je comprends, ricane-t-il.

- Et vous, vous avez des enfants ? demandé-je pour détourner l'attention.

- J'ai trois filles. Des jumelles de vingt ans et la plus grande a vingt-cinq ans.

Je hoche la tête et me retiens de lui demander de me présenter sa fille aînée, juste pour l'emmerder. Mais lui demander ça après lui avoir dit que je profitais des filles, je ne pense pas qu'il apprécierait. J'avoue toutefois que ça pourrait être drôle.

Il y a quelque chose chez ce type que je n'apprécie pas. Je ne saurais même pas dire quoi, mais quelque chose me dérange. Je lui laisse tout de même le bénéfice du doute. Pour ma mère. Seulement pour ma mère.

La discussion dérive ensuite et c'est mon frère qui se retrouve à discuter avec lui alors que nous buvons un café. Je me pers rapidement dans mes pensées et me remémore le dix-huitième anniversaire d'Anabelle. Son sourire lorsque je lui ai offert ce collier reste gravé dans ma mémoire et la voir le porter à son cou chaque jour me réchauffe le cœur. Tant qu'elle le portera, tout ira bien et je ne perdrai pas espoir.

Toutefois, le soir où nous étions allés au restaurant, elle m'avait promis de me trouver un cadeau à la hauteur du mien. Bien que je me fiche parfaitement d'avoir ou non un cadeau, j'aurais aimé pouvoir la voir, juste une journée. Juste pour mon anniversaire. Sa seule présence me suffirait en guise de cadeau. Mais je ne peux pas. Nous ne sommes pas le trois juillet. Je passerai donc mon anniversaire seul demain, avec ma mère et son mec. Un collègue m'avait proposé de sortir boire un coup mais j'ai refusé, et repoussé jusqu'au week-end prochain. Ça fait d'ailleurs un bon moment que je ne suis pas sorti ! Il faut dire que mes sorties, l'année dernière, avaient pour but de trouver n'importe qu'elle fille afin de finir la soirée chez elle. Ce n'est plus le cas maintenant, et ça ne le sera plus. Nous sortirons seulement entre potes. Pour ma part en tout cas ! Si lui veut une fille, je m'en fiche totalement. Moi, je rentrerai chez moi et seul. Pas seulement pour respecter ma promesse, mais par respect avec celle que j'aime et aussi parce que jamais je ne serais capable de la trahir. Même si nous ne sommes plus ensemble, c'est comme si je la tromperais. Et je ne peux pas. Je n'en ai même pas envie. Je n'en avais déjà pas envie lorsque je pensais la détester alors maintenant que je l'aime, c'est tout bonnement impossible ! Il n'y a qu'elle que je veux.

- Adam ? m'interpelle soudain ma mère.

Je relève brusquement la tête et constate que nous ne sommes plus que tous les deux. Ces moments d'absence m'arrivent souvent ces derniers temps. Je me demande bien qui en est la cause !

- Ouais ?

- Comment tu vas ?

- Bien.

Ses yeux noirs me scrutent attentivement et semblent me sonder. Elle est inquiète, je le vois, mais je ne supporte plus ce regard alors je baisse les yeux.

- Stef a encore ouvert sa bouche, c'est ça ? soupiré-je.

Ma mère ne savait rien de ma séparation avec Anabelle, je ne lui en avais pas parlé, mais vu son regard, ce n'est plus le cas.

- C'est terminé alors ?

- Pour le moment.

- C'est peut-être mieux comme ça, Adam.

Je sais qu'elle a raison mais ça n'empêche pas que je préfèrerais être à ses côtés plutôt qu'endurer cette séparation.

- Je ne sais pas.

- Si, Adam. Tu sais, même si j'étais heureuse que tu sois enfin avec une fille que tu aimais, je n'en étais pas moins inquiète. Chaque jour, j'avais peur pour toi.

- Eh bien maintenant je ne crains plus rien, Maman, affirmé-je avec ironie.

- Je préfère que ça se passe comme ça.

Je ris jaune et m'affale contre le dossier de la chaise.

- Je croyais que tu aimais me voir heureux.

- Parce que tu ne l'es plus ?

Je hausse les épaules.

- Tu devrais. Elle t'a promis de t'attendre, non ?

- Oui, et je lui fais confiance.

- Alors où est le problème ? Vous vous retrouverez, non ?

Le problème est que j'ai besoin d'elle et que trois mois c'est très long. Mais je n'ai pas le choix. J'attends.

- J'ai hâte, admets-je, le sourire aux lèvres. Mais elle me manque.

Ma réponse lui convient parfaitement parce que je vois ses yeux briller d'admiration. Et ça fait du bien. Ça fait du bien de retrouver ma mère, comme avant. De discuter à nouveau avec elle, et de lui parler d'Ana. Elle aussi ça lui fait beaucoup de bien de m'entendre m'ouvrir à elle. De plus, elle voit, elle sait que même loin d'elle, je suis toujours heureux. Parce qu'elle m'attend et que je la retrouverai.

- Où est ton mec ? la questionné-je soudainement.

Par son regard désapprobateur, je comprends que ce mot ne lui convient pas, mais elle ne relève pas.

- Avec ton frère. Christopher est encore un enfant lorsqu'il s'agit de jeux vidéo, rit-elle.

Je suis surpris. J'imagine très mal cet homme, une manette à la main aux côtés de Stef.

- J'ai l'impression que tu ne l'apprécies pas, ajoute ma mère.

- Quelque chose chez lui me dérange.

- Le fait qu'il soit policier, peut-être ?

- Non, ça je m'en fiche. Tu aurais tout de même pu me prévenir, mais ce n'est pas ça le problème.

- Alors qu'est-ce que c'est ?

- Je n'en sais rien, réponds-je sincèrement. Fais attention, d'accord ?

Elle m'offre un sourire de reconnaissance et hoche la tête. J'ai beau avoir passé huit ans à m'éloigner d'elle au maximum, à la rejeter pour que jamais elle ne sache, je m'inquiète pour elle. C'est ma mère, je m'inquiéterai toujours pour elle. Exactement comme elle s'inquiète pour moi.

Je me rends alors compte que je pourrais lui parler. Tout lui avouer sur la raison de mon éloignement. Je sais qu'elle ne me jugerait pas. Elle me reprocherait peut-être de lui avoir dissimuler la vérité et d'avoir préféré faire appel à mon père, mais rien de plus. Je pourrais, mais je n'y parviens pas. Pas encore. Sans Anabelle, j'ai l'impression de ne plus pouvoir rien faire. De ne plus être capable de rien. J'attends donc qu'elle revienne. Avec impatience, mais j'attends.

Le soir, au moment d'aller me coucher, je suis pire qu'un gamin le soir de Noël. C'est avec surprise que je découvre un paquet cadeau de la taille d'une boite à chaussures sur mon bureau, emballé dans un joli papier rouge. Une feuille blanche avec quelques instructions inscrites de cette écriture que je connais par cœur est placée sur le paquet. Je souris avant même de lire ces mots et les respecte à la lettre.

Interdiction formelle de l'ouvrir avant le jour J.
Joyeux anniversaire, Adam.
Je t'aime.
A

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