Chapitre 10.

29 Octobre 2015

Plus tard dans la soirée, mon frère est venu me voir dans ma chambre pour me demander ce qui n'allait pas et me prévenir par la même occasion que Maman était très énervée et que je risquais probablement d'être punie jusqu'à la fin des temps. Je m'en fiche un peu, je viens de perdre mon meilleur ami, Lisa - la seule que je peux considérer comme ma meilleure amie - n'a d'yeux que pour Léo qui est désormais son petit ami et mon autre amie m'a trahie en couchant avec mon ex petit-ami. Alors être punie est le cadet de mes soucis !

Je raconte à Thomas que je me suis disputée avec Stef, sans entrer dans les détails et lui parle rapidement de la soirée sans aborder le sujet qui fâche, évidemment. Il démolirait mon prof de maths dans la seconde. Et moi ensuite.

Quand il quitte ma chambre pour aller se coucher, j'ai droit à un nouveau sermon de ma mère accompagné de « un mois sans sortie ! » et je profite de son départ pour tenter de joindre Stefan. Encore une fois, c'est un échec.

Le lendemain, pour la première fois depuis le début de l'année, Stefan n'est pas dans le bus. Je ne l'aperçois pas avant la fin de mon repas ce midi. Il mange souvent avec nous, mais pas aujourd'hui évidemment. Je le vois lorsque je quitte la cafétéria. Il est installé avec ses amis, loin de la table où j'étais. Lorsque je croise son regard, il le détourne aussitôt. Pour une fois, Lisa se rend compte du malaise.

- Il y a un problème ? s'enquiert-elle en fronçant les sourcils lorsqu'on quitte la pièce trop peuplée.

- On s'est un peu disputé, réponds-je vaguement en dissimulant la vérité.

J'aurais préféré qu'on se dispute. Je saurais alors ce qu'il a en tête, alors que là, il se contente de m'ignorer et ça, c'est encore plus blessant.

- Pourquoi ?

- Pour rien, t'inquiète.

- Vous vous entendiez bien à son anniversaire, non ? Vous avez même passé la nuit ensemble ! ricane-t-elle.

Malaury se tourne subitement vers moi. Stefan a dû raconter que j'étais aller me coucher. Mais ça veut dire qu'il le savait depuis la veille ? Peut-être nous a-t-il vu ensemble ? Oh mon Dieu. Il aurait entendu ? J'espère que non. J'espère sincèrement qu'il n'a pas été témoin de quoique ce soit.

- Encore ?

- Je t'arrête tout de suite ! la coupé-je. J'étais fatiguée alo-

- Il ne sort pas avec Émilie ?

Encore un détail que j'avais oublié. Il sont ensemble depuis quelques jours, et elle n'avait pas pu venir ce week-end. Pourvu qu'elle n'ait rien entendu d'ambigüe... Il faudra que j'aille lui parler.

- Si, soupiré-je. C'est pour ça que je ne veux aucune rumeur. Émilie est une fille géniale, Stefan est mon meilleur ami...

Ou « était », je ne sais plus.

- ... alors je ne veux pas qu'elle pense qu'il se passe quoique ce soit.

- Et qu'est-ce qu'il se passe exactement ? insiste Malaury.

- Rien du tout ! J'ai dormi, et c'est tout ! Où est le problème ?

- Ça va, ne t'énerve pas, tente de me calmer Lisa.

- Je ne m'énerve pas ! m'écrié-je.

Ou peut-être que si, finalement. Je soupire longuement et disparais en leur répétant qu'il n'y a rien de plus que de l'amitié entre nous. Je ne sais pas si elles me croient, même moi je ne suis pas convaincue par mes mots.

***

Quand j'entends la chaise à côté de moi racler sur le sol, mon cœur rate un battement. J'ai attendu le cours d'histoire de l'art toute la matinée. C'est ma seule occasion pour tenter de discuter avec Stef, sauf que la prof m'interrompt lorsque j'ouvre la bouche. J'écoute vaguement ses recommandations sur les exposés que nous devons présenter et patiente quelques minutes qu'elle commence son cours.

- Stefan... murmuré-je.

Il ne me répond pas et continue de prendre le cours en note.

- Stefan, on peut parler s'il te plait ?

Toujours rien. Je le supplie, la gorge serrée. Je sens que je ne vais pas tenir.

- Je t'en prie...

Il soupire et lâche son crayon sur la table.

- S'il te plait Stef, pardonne moi.

- Te pardonner quoi ? rétorque-t-il en me regardant durement.

- Je... Tu le sais très bien.

Je ne peux me résoudre à prononcer ces mots mais mon ami a très bien compris puisqu'il hoche la tête.

- En effet. Je le sais. Et tu comptais m'en parler quand que tu te tapais mon frère quand j'avais le dos tourné ? m'accuse-t-il brutalement.

Je déglutis difficilement. Je m'y attendais à celle-là et je mérite sa colère mais j'ignorais que ça ferait si mal.

- Non, ce n'est pas...

- Ce n'est pas ce que je crois, c'est ça ?

- Tu te trompes, je...

- Arrête.

La prof hurle nos prénoms en nous ordonnant de nous taire.

- Laisse-moi t'expliquer, lui demandé-je à nouveau quelques minutes plus tard.

Il se tourne vers moi et me dévisage un long, très long moment avant de finir par capituler. Il ne le dit pas mais je le vois dans ses yeux.

- Accorde-moi juste une chance, je t'en prie.

Il souffle et son regard se radoucit considérable. Il me reste peut-être une infime chance de récupérer mon meilleur ami et mon cœur se réchauffe un peu lorsqu'il prononce ces deux mots :

- Une seule.

***

Lorsqu'on descend du bus, l'ambiance entre nous deux est tendue jusqu'à chez moi. Il salue mon père et mon frère qui regardent la télé et nous montons dans ma chambre. Il s'assied sur mon lit et je sors un sachet de M&M's du tiroir de mon bureau - j'en garde toujours un ou deux au cas où mon meilleur ami passerais à l'improviste, comme aujourd'hui. Il ne retient pas son petit sourire lorsque je lui tends le sachet.

- N'essaie pas de m'amadouer.

- Je mets toutes les chances de mon côté, souris-je faiblement.

Il redevient soudain sérieux et dépose le sachet de ses chocolats préférés sur le lit. S'il refuse des M&M's, c'est que la situation est grave. Et je sais qu'elle l'est.

- Explique-moi.

Je m'installe près de lui et lui explique tout sans attendre ; notre rencontre virtuelle sur Facebook, suivie de cette rencontre réelle et de ce premier baiser. Je lui passe les détails des nuits que nous avons passées ensemble et m'attarde sur le fait que lui comme moi, ignorions ce que nous faisions dans la vie. Je lui raconte mon mensonge, le sien, la découverte désastreuse de ces vérités cachées et notre relation interrompue. Je lui dis et répète que nous avons passé notre temps à nous ignorer et qu'il ne s'est rien passé entre nous. Jusqu'à ce week-end. Stefan me confirme alors que j'avais raison ; il avait entendu notre conversation. Il était monté pour venir me chercher, puisque je prenais trop de temps et s'était arrêté en nous entendant parler. Il m'avoue avoir été réellement surpris, ce que je comprends tout à fait.

Une fois mon monologue terminé, j'attends qu'il se manifeste. Il met bien trop longtemps mais finit par ouvrir la bouche en me regardant droit dans les yeux.

- Tu l'aimes.

Ces trois mots suffisent à me faire fondre en larmes. J'ai réussi à tenir depuis tout à l'heure mais cette simple phrase m'a achevée et mon meilleur ami a visiblement pitié de moi puisqu'il me prend dans ses bras et me caresse affectueusement le dos.

- Je t'en prie, pardonne-moi, sangloté-je lamentablement. J'avais peur, je ne savais pas comment tu allais réagir et je ne voulais pas te perdre.

Je me redresse pour voir son visage et il m'essuie tendrement les joues à l'aide de ses pouces pendant que je continue mon monologue, totalement désespérée.

- Je sais que je n'aurais pas dû te cacher quelque chose d'aussi important que ça, mais je pensais sincèrement qu'il ne se passerait rien. J'ai tourné la page, Stefan. Enfin, j'essaie. J'essaie réellement. Mais je te promet que ça ne se reproduira plus. Plus jamais. Je ne lui adresserai même plus la parole si c'est ce que tu veux. Mais ne me déteste pas, je t'en prie. Je sais qu'à cause de moi, ton frère risque beaucoup. Si quelqu'un l'apprend, je préfère ne pas imaginer ce qu'il va lui arriver. Je m'en veux tellement si tu savais, mais ne me déteste pas.

Il se contente de me fixer, ses mains toujours plaquées sur mes joues humides.

- Dis quelque chose. N'importe quoi.

Il soupire et laisse tomber ses mains sur ses cuisses, sans toutefois quitter mes yeux.

- C'est lui l'homme mystérieux dont tu m'as parlé et duquel tu restes malgré tout amoureuse ?

Je me contente de hocher lentement la tête.

- Donc ça fait deux mois que tu me parles de mon frère ?

J'acquiesce à nouveau.

- Et ça fait deux mois que je déteste mon frère pour faire souffrir ma meilleure amie ?

- Je suis toujours ta meilleure amie alors ? demandé-je d'une toute petite voix.

A ma grande surprise, il s'esclaffe doucement.

- Bien sûr. J'ai seulement été... choqué. Surpris. Et déçu aussi. Surtout déçu.

- Que je te l'ai caché, compris-je en grimaçant.

- Oui. Je pensais que si tu ne m'avais jamais dit son nom c'était parce que ça te faisait du mal de penser à lui.

Je lui offre un sourire qui se transforme en un rictus étrange.

- Tu l'aimes à ce point ? me questionne-t-il.

- Même un peu plus.

Il m'ouvre grand ses bras et je retourne m'y lover avec plaisir alors qu'il se laisse tomber en arrière pour s'allonger sur mon lit. Je me décale un peu pour le laisser étendre ses jambes sur le matelas et pose ma tête sur son torse.

- Il me déteste, tu sais, avoué-je dans un murmure.

- Je ne pense pas.

Je ris nerveusement en secouant la tête.

- Qu'est-ce qui te fais dire ça ?

- J'ai entendu votre discussion et je crois qu'il est jaloux de notre relation. Il a même pensé qu'il y avait plus que de l'amitié.

- Tout le monde pense ça, Stef.

- C'est vrai, admet-il.

Je me redresse sur un coude pour le regarder.

- Tu essaies de me remonter le moral ?

Il hausse les épaules.

- Ça ne sert à rien. Ton frère me méprise depuis le premier jour de cours et je le sais très bien. Il a d'ailleurs toutes les raisons du monde de me détester ; je lui ai menti et je risque de lui faire perdre son travail. Et même plus.

- D'après ce que tu m'as dit, tu n'es pas la seule à avoir menti et à ce que j'ai compris de votre discussion de ce week-end, tu ne lui as pas forcé la main pour... Hum... Oh mon Dieu, c'est terriblement gênant, cette conversation.

J'explose de rire et cache mon visage contre son torse, rouge de honte. Je suis tout de même contente de pouvoir en discuter enfin avec Stefan. Ça fait beaucoup de bien et je me sens soulagée d'un poids énorme qui pesait sur mes épaules.

- On parle d'autre chose ?

- Avec plaisir ! rétorque-t-il en soupirant.

Nous passons le reste de la soirée à discuter de tout, sauf d'Adam et moi. Je suis plus qu'heureuse de me rendre compte que mon meilleur ami est toujours le même qu'avant, même si je sais qu'il m'en voudra toujours un peu d'avoir dissimulé la vérité. Ce que je comprends tout à fait.

Un peu plus tard dans la soirée, mon frère entre dans ma chambre sans avoir frappé et nous surprend Stefan et moi confortablement installés dans mon lit. Je m'écarte, à nouveau rouge de honte et bredouille à mon frère qu'on ne faisait que discuter. Celui-ci n'a pas l'air très convaincu et je sais qu'une discussion déplaisante m'attend. Mais je m'en fiche, j'ai récupéré mon meilleur ami donc plus rien n'importe.

Stefan reste dîner avec nous malgré le regard sombre de ma mère qui semble me dire « Je te rappelle que tu es punie ! ». Oui, mais je suis punie de sortie, pas de voir mon meilleur ami. Heureusement, mon père me vient en aide et l'autorise à rester et nous retournons ensuite dans ma chambre. Je me souviens alors que je ne l'ai toujours pas remercié.

- Pourquoi tu me dis merci ? m'interroge-t-il en fronçant les sourcils.

- Pour ce week-end. Tu as dit aux autres que j'étais partie me coucher.

- Je ne pouvais pas leur dire la vérité et...

- Oh mon Dieu ! m'exclamé-je soudainement en me rappelant d'un détail important. J'espère qu'Émilie ne s'est pas fait de fausses idées parce qu'on a soi-disant dormi ensemble.

- J'espère pas non plus, ça fait cinq jours qu'on est ensemble et je t'assure que je n'ai pas envie que ça se termine aussi rapidement.

- J'irai lui parler, lui promis-je.

Il me certifie que ce n'est pas la peine et qu'il pourra se débrouiller mais je le ferai quand même. Je ne veux pas qu'ils se séparent à cause de moi, ils sont tellement mignons tous les deux et Stefan a sincèrement l'air de beaucoup l'apprécier. Peut-être même un peu plus. Quand je lui pose la question, il se contente de sourire faiblement et de hausser les épaules.

- Je l'aime beaucoup et elle me plait plus que tu ne le penses, mais je ne peux pas encore te dire s'il y a plus.

- Tu me le dirais, n'est-ce pas ?

- Évidemment.

Il s'en va quelques minutes plus tard et me prend dans ses bras devant chez moi.

- Je t'aime, Ana. Ne me cache plus jamais rien s'il te plait.

- Promis.

- Même si ce que tu as fait est mal, et même si tu refais une erreur, dis le moi. Je ne te détesterai pas. Je crois je ne pourrai jamais te détester.

- Merci Stefan, souris-je sincèrement. J'ai vraiment eu peur que tu ne veuilles plus jamais me voir, tu sais.

- Et risquer de faire mon exposé sur l'impressionnisme tout seul ? Jamais.

Je le frappe à l'épaule en riant et le laisse m'embrasser sur la joue.

- Anabelle ! hurle ma mère depuis le salon.

- C'est vrai que je suis censée être punie.

- Tu es punie de sortie et tu n'es même pas sortie de ton jardin !

- Dis ça à ma mère, ris-je.

Il me sourit alors et avance de quelques pas avant de se tourner vers moi.

- Tu sais, je commence à comprendre pourquoi Adam tire la gueule depuis que je suis revenu. Ma mère avait raison ; il était heureux cet été.

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