Chapitre 2


La factrice me souhaite une nouvelle fois de passer ses vœux de bon rétablissement à ma maman avant de reprendre sa tournée. J'entre dans la loge, située au rez-de-chaussée et qui fait la liaison entre le hall de l'immeuble et l'appartement que j'occupe à présent, et dépose une pile de lettres sur le guéridon de ma mère. Il faudra que je lui apporte cette après-midi lors de ma visite à l'hôpital. Je retourne dans le hall lorsque qu'une petite mamie s'approche de moi.

― Madame Pipot, quatrième gauche, se présente-elle.

― Bonjour ?

― Auriez-vous la gentillesse de me monter mon courrier ? Vous savez, avec la canne et mon cabas, ce n'est pas très facile. Madame Rose le fait tout le temps, elle.

― Ah ? Bon, très bien.

J'attrape la clef qu'elle me tend et ouvre sa boite aux lettres pour en retirer son contenu. Je la suis dans les escaliers. Effectivement, la montée se fait lentement. Très lentement. Vers le milieu du premier étage, j'ai déjà récupéré le cabas en plus du courrier et offert mon bras en complément de la canne. Une fois à destination, je l'aide à ouvrir sa porte et dépose ses affaires sur la petite table de la cuisine, comme elle le souhaite.

― Dites-moi, ma petite. Votre maman, Rose, est tellement gentille... Elle se propose souvent de descendre ma poubelle lorsque c'est le jour de passage.

Elle me fixe de son regard perçant et m'adresse un sourire de son dentier, sur lequel le dentiste a certainement collé plus de dents que nécessaire. J'ai comme l'impression de me faire avoir, là. J'obtempère malgré tout et lui souhaite une agréable journée.

Je grommèle en descendant les escaliers, la poubelle malodorante au bout du bras. Au tournant du troisième étage, j'aperçois Clark Kent en charmante compagnie. Il a ouvert la porte de son appartement et, d'un geste dans le bas du dos, invite une femme perchée sur talons Louboutin rouges de dix centimètres au moins à entrer chez lui. Il ne m'adresse même pas un bonjour. Je pousse un soupir dédaigneux avant de reprendre ma descente.

Je pousse la porte de ma loge pour sortir le matériel nécessaire au nettoyage du hall. Ma mère m'a bien précisé de le faire tous les matins, sinon ce n'est pas assez accueillant et, vu le nombre de passages, trop vite sale. J'ai à peine entamé de frotter un coin que Miss Louboutin ressort, elle passe précautionneusement du côté non lavé, bon déjà, elle semble mieux élevée que son mec.

― Bonne journée, m'assène-t-elle.

Je retourne dans la loge pour pousser le son de la radio un peu plus fort. Mariah Carey et son fameux « All I want for Christmas » s'égosille dans le poste. Tant qu'à faire du ménage, autant que ce soit dans la bonne humeur. Au moins, ça me donne du cœur à l'ouvrage. Mon sol est tout propret, ça sent bon la fraîcheur des pins industrielle, ce qui me met en joie. Poppy tourne plus vite dans son bocal, il doit adorer les chansons de Noël, c'est sûr.

Je suis en train d'astiquer les carreaux du bureau vitré de la conciergerie en sifflotant lorsque Superman repasse derrière moi. Son sac poubelle laisse de grosses traces de saleté sur mon sol nickel. Le saligaud. La rage me monte :

― Dites ! Vous ne voyez pas que c'est propre, là ? Vous auriez au moins pu faire le tour !

― Aïe... je suis pressé.

― Pressé ou pas, y'a des bonnes manières à tenir !

Il continue sa route sans même s'excuser. Il s'arrête devant le sapin et a le culot de réarranger une guirlande. Il m'adresse un sourire en coin :

― Au fait, j'attends une visite. Pour Monsieur Hermann. C'est moi. Si la personne arrive, pouvez-vous la faire patienter ? Bonne journée !

Mais quel con ! Il se prend pour qui ? Je reprends ma serpillère pour repasser un coup de propre et effacer les gouttes malodorantes. En arrivant devant les escaliers, je pousse un cri de rage. Du jus de poubelle a coulé sur chaque marche ! Sachant qu'il habite au 3ème, j'en ai pour trois plombes à tout nettoyer !

Je peste encore trente minutes plus tard en redescendant. Devant les boites aux lettres, un journal dépasse. Le nom collé dessus m'apprend que c'est justement celle de M. Hermann, aka Clark Kent, aka Superdégueu. Par curiosité, je déchiffre l'étiquette. Paul Hermann. Tiens ? Prénom plutôt démodé. Je tire ensuite sur le journal : « Libération ». Pff, un gauchard qui habite dans un immeuble de luxe à Paris, ridicule !

Je retourne dans ma loge préparer les affaires demandées par ma mère pour son séjour hospitalier. Elle souhaite aussi des magazines que j'achèterais sur place. Je fourre quelques pulls et pantalons dans un sac de voyage et ses effets de toilettes manquants. Je me prépare mentalement à la visite. La connaissant, elle ne va pas me laisser partir sans une liste de recommandations longue comme le bras sur les habitants de l'immeuble.

― Souhaite-moi bonne chance, Poppy.

Le poisson lâche une bulle que je prends pour un encouragement.

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